Jean 17, 5
Et maintenant, glorifie-moi auprès de toi, Père, de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde existe.
Et maintenant, glorifie-moi auprès de toi, Père, de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde existe.
Car il s'est incarné pour rendre la vie éternelle à tout ce qui était faible, esclave de la chair et de la mort.
Ou bien, Dieu a donné ce pouvoir au Fils par sa naissance où il lui a communiqué sa divine essence. Il ne faut point regarder cette communication dans le Père comme un signe de faiblesse, puisqu'il conserve le pouvoir qu'il donne, et que le Fils ne laisse pas d'être Dieu lui-même, tout en recevant le pouvoir de donner la vie éternelle.
Il ne dit pas: Le jour ou le temps est venu, mais: «L'heure est venue». L'heure est une partie du jour, et quelle est cette heure? celle où il devait être couvert de crachats, flagellé, crucifié, mais celle aussi où le Père devait glorifier le Fils. La mort vint interrompre le cours de ses oeuvres, et tous les cléments du monde ressentirent l'effet de cette mort, la terre trembla sous le poids du Seigneur suspendu à la croix, et elle attesta qu'elle ne pouvait contenir dans son sein celui qui allait mourir. Le centurion s'écrie bien haut: «Il était vraiment le Fils de Dieu». La prédiction se trouve ainsi justifiée. Le Sauveur avait dit: «Glorifiez votre Fils», et il affirme ainsi qu'il était vraiment son Fils, non-seulement de nom, mais en réalité, en ajoutant le pronom: «Vôtre», car nous sommes aussi en grand nombre les Fils de Dieu, mais nous ne le sommes pas de la même manière que lui. Il est proprement le Fils de Dieu par origine et non par adoption, en vérité, et non-seulement par dénomination, par sa naissance, et non par création. Aussi après qu'il eut été glorifié, la vérité fut solennellement proclamée, le centurion confessa qu'il était le vrai Fils de Dieu, de manière à ce que personne, parmi les fidèles, ne pût hésiter à reconnaître ce que les bourreaux eux-mêmes n'avaient pu nier.
Mais peut-être regardera-t-on commeune marque de faiblesse dans le Fils qu'il ait besoin d'être glorifié par un plus puissant que lui. Et qui, en effet, se refuserait à reconnaître dans le Père une puissance plus grande, sur le témoignage du Sauveur lui-même, qui déclare que son Père est plus grand que lui? Prenons donc garde qu'un sentiment d'irréflexion nous fasse voir dans la gloire du Père un affaiblissement de la gloire du Fils, car Noire-Seigneur ajoute aussitôt: «Afin que votre Fils vous glorifie». Il n'y a donc ici aucun signe de faiblesse dans le Fils, puisqu'il doit rendre lui-même la gloire qu'il demande; donc cette prière qu'il fait pour que son Père lui donne une gloire qu'il doit lui rendre à son tour, est une preuve qu'ils ont tous deux une même puissance et une même divinité.
Mais en quoi consiste la vie éternelle? le Sauveur va nous l'apprendre: «Or, la vie éternelle consiste à vous connaître, vous le seul Dieu véritable, et celui que vous avez envoyé Jésus-Christ». La vie, c'est de connaître le vrai Dieu, mais cela seul ne suffit pas. Quelle est la connaissance essentiellement liée à celle-là? «Et celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ».
Les Ariens prétendent que le Père seul est le seul vrai Dieu, le seul juste, le seul sage, et ils excluent le Fils de toute communion à ces divines perfections. Les choses qui sont propres à un seul, disent-ils, ne peuvent être communiquées à un autre, si donc ces attributs se trouvent dans le Père seul, la conséquence est que le Fils n'est point véritablement Dieu, et que c'est à tort qu'on lui en donne le nom.
Chacun sait, à n'en pouvoir douter, que la vérité d'une chose se révèle par sa nature et par sa vertu, ainsi le véritable froment est celui qui réduit en farine, cuit sous la forme de pain, et pris en nourriture présente la nature au pain et en produit les effets; je demande donc ce qui manque au Fils pour qu'il soit vrai Dieu, puisqu'il a tout à la fois la nature et la vertu de Dieu? Il a donné des preuves de la puissance de sa nature, lorsqu'il a créé les choses qui n'existaient pas et les a appelées à l'existence suivant sa volonté.
Dira-t-on que par ces paroles: «Vous qui êtes le seul vrai Dieu», le Sauveur se met en dehors de toute communion, de toute identité avec la nature divine? Oui, san s doute, ou pourrait dire qu'il se met en dehors, si après ces paroles: «Vous qui êtes le seul vrai Dieu», il n'ajoutait: «Et celui que vous avez envoyé Jésus-Christ».En effet, la foi de l'Eglise a confessé que Jésus-Christ était vrai Dieu, par la même raison qu'elle reconnaissait que le Père était le seul vrai Dieu, car la naissance divine du Fils unique ne lui a rien fait perdre de la nature divine.
Cette glorification n'ajoute rien à la perfection de la divinité, mais elle est un certain honneur qui résulte de la connaissance de ceux qui l'ignoraient auparavant.
Il ajoute ensuite pour nous faire comprendre le mérite de l'obéissance et tout le mystère de sa divine incarnation: «Et maintenant, mon Père, glorifiez-moi en vous-même».
Ou bien il demandait que la nature qui en lui appartenait au temps, reçût la gloire qui est au-dessus du temps, et que la chair soumise à la corruption fût transformée dans la vertu de Dieu et l'incorruptibilité de l'esprit.
Notre-Seigneur venait de dire à ses disciples: «Vous aurez des tribulations dans le monde». A cet avertissement il fait succéder la prière, pour nous apprendre à tout quitter pour recourir à Dieu seul au milieu de nos tribulations: «Ayant dit ces choses, Jésus leva les yeux au ciel», etc.
Il lève les yeux au ciel pour nous apprendre jusqu'où nos prières doivent monter, et que nous devons les faire en levant au ciel, non-seulement les yeux au corps, mais ceux de l'esprit.
Notre-Seigneur dit: «Vous lui avez donné la puissance sur toute chair», pour montrer que sa prédication devait s'étendre, non-seulement aux Juifs, mais à tout l'univers. Mais comment entendre ces paroles: «Sur toute chair», car tous les hommes n'ont pas embrassé la foi? c'est-à-dire, que le Fils de Dieu a fait tout ce qui dépendait de lui pour déterminer les hommes à croire; si un grand nombre n'ont point écoute sa parole, la faute n'en est pas à celui qui leur parlait, mais à ceux qui ont refusé de recevoir sa parole.
C'est avec raison qu'il dit: «Je vous ai glorifié sur la terre», car il avait été glorifié dans les cieux en recevant la gloire qui est propre à sa nature, et les adorations des anges; il ne parle donc pas ici de la gloire essentielle à la nature du Père, mais de la gloire qui résulte des hommages que lui rendent les hommes. C'est pour cela qu'il ajoute: «J'ai consommé l'oeuvre que vous m'avez donnée à faire».
Ou bien encore il dit: «J'ai consommé l'oeuvre que vous m'avez donnée», c'est-à-dire, j'ai fait de mon côté tout ce qui me concernait; on peut dire aussi que tout est consommé, quand la plus grande partie est faite, car la racine de tous les biens avait été plantée et les fruits ne devaient pas tarder à suivre, et il était d'ailleurs essentiellement uni à tout ce qui devait arriver dans la suite.
Notre-Seigneur aurait pu en tant qu'homme, s'il l'avait fallu, prier sans proférer aucune parole; mais en se montrant l'humble suppliant de son Père, il a voulu nous apprendre qu'il n'a pas oublié qu'il était notre maître. Aussi ses disciples trouvent-ils un sujet d'édification, non-seulement dans ses enseignements, mais dans la prière qu'il adresse pour eux à son Père. Et ce fruit précieux est à la fois pour ceux qui entendirent cette prière, et pour nous qui devons un jour la lire dans le saint Évangile. Il commence sa prière en ces termes: «Mon Père, l'heure est venue», et il nous montre ainsi que loin d'être nécessairement soumis au temps, il était le suprême ordonnateur du temps où devaient s'accomplir les actions dont il était l'auteur immédiat ou qui ne se faisaient que par sa permission. N'allons pas croire que cette heure soit venue comme amenée par le destin, c'est Dieu lui-même qui l'avait fixée dans ses décrets, car loin de nous la pensée que les astres aient pu contraindre à mourir le Créateur des astres.
Mais si sa passion a été pour lui un principe de gloire, combien plus sa résurrection? Ce qui éclate, en effet, dans sa passion, c'est son humilité bien plutôt que sa gloire. Il faut donc entendre ces paroles: «Mon Père, l'heure est venue, glorifiez votre Fils»; dans ce sens: L'heure est venue de répandre la semence de l'humilité, ne différez pas les fruits de gloire qu'elle doit produire.
Mais on peut demander avec raison comment le Fils a glorifié le Père, puisque la gloire éternelle du Père n'a pu subir d'amoindrissement qui serait la suite de son union avec la nature humaine, ni d'accroissement dans sa perfection toute divine. Sans doute la gloire du Père n'a pu éprouver on elle-même aucune altération, aucun accroissement, mais elle était comme amoindrie aux yeux des hommes, lorsque Dieu n'était connu que dans la Judée. C'est donc lorsque l'Évangile de Jésus-Christ eut fait connaître le Père aux nation s, que le Fils a véritablement glorifié le Père. Il lui dit donc: «Glorifiez votre Fils, afin que votre Fils vous glorifie», c'est-à-dire: Ressuscitez-moi, afin que je vous fasse connaître à tout l'univers. Il explique ensuite plus clairement encore comment le Fils glorifie le Père, en ajoutant: «Puisque vous lui avez donné puissance sur toute chair, afin qu'il donne la vie éternelle à tous ceux que vous lui avez donnés». Cette expression, «toute chair», signifie tous les hommes, c'est-à-dire, que la partie est prise pour le tout. Cette puissance sur toute chair a été donnée par le Père à Jésus-Christ en tant qu'homme.
Il leur dit donc: «Puisque vous lui avez donné puissance sur toute chair; que votre Fils vous glorifie», C'est-à-dire, qu'il vous fasse connaître à toute chair que vous lui avez donnée, car vous ne la lui avez donnée, que pour qu'il lui donne lui-même la vie éternelle.
Voyons doue si ces paroles du Sauveur: «Afin qu'ils vous connaissent, vous qui êtes le seul vrai Dieu», signifient que le Père seul est le vrai Dieu, et si au contraire nous nedevons pas en conclure que les trois personnes, le Père, le Fils, et le Saint-Esprit soient Dieu. Mais c'est en vertu du témoignage du Sauveur lui-même, que nous disons que le Père est le seul vrai Dieu, que le Fils est le seul vrai Dieu, que l'Esprit saint est le seul vrai Dieu, et que le Père, le Fils, et le Saint-Esprit, c'est-à-dire, toute la Trinité ne font pas trois Dieux, mais un seul vrai Dieu.
On peut encore disposer la phrase, de cette manière: Afin qu'ils reconnaissent pour le seul vrai Dieu vous et celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ; et dans cette proposition se trouve compris l'Esprit saint, parce qu'il est l'Esprit du Père et du Fils, et l'amour consubstantiel de ces deux personnes divines. Le Fils vous glorifie donc en vous faisant connaître à tous ceux que vous lui avez donnés. Or, si la connaissance de Dieu est la vie éternelle, plus nous avançons dans la connaissance de Dieu, plus aussi nous avançons vers la vie éternelle. La mort n'a plus d'accès dans la vie éternelle, et la connaissance de Dieu sera parfaite, lorsque l'empire de la mort sera complètement détruit. Alors Dieu sera souverainement glorifié, parce que sa gloire sera à son comble. Les anciens ont défini la gloire, la renommée d'un homme, accompagnée d'estime et de louange. Or, si la gloire, d'un homme peut résulter de sa renommée seule, quelle sera donc la gloire de Dieu, lorsqu'il sera vu tel qu'il est? C'est pour cela que le Psalmiste a écrit: «Bienheureux ceux qui habitent dans votre maison, ils vous loueront dans les siècles des siècles». La gloire et la louange de Dieu, et par conséquent sa glorification, n'auront plus de fin, parce que la connaissance de Dieu sera pleine et parfaite.
C'est alors que nous contemplerons dans la vie éternelle la vérité de ce que Dieu disait à Moïse: «Je suis celui qui suis» ( Ex 3).
Lorsque notre foi deviendra la vérité au sein de la vie elle-même, alors notre mortalité fera place à l'éternité.
Mais dès cette vie Dieu est glorifié, lorsque la prédication le fait connaître aux hommes par la foi, et c'est pour cela que le Sauveur dit: «Je vous ai glorifié sur la terre».
Il ne dit pas: L'oeuvre que vous m'avez commandée, mais: «Que vous m'avez donnée», paroles qui sont un éclatant témoignage en faveur du la grâce; car que possède la nature humaine, même dans le Fils unique, qu'elle n'ait reçu? Mais comment a-t-il consommé l'oeuvre que Dieu lui a donnée à faire, puisqu'il lui restait encore la douloureuse épreuve de sa passion? Il regarde donc comme consommé ce dont il sait avec certitude que la consommation est proche.
Il avait dit précédemment: «Mon Père, l'heure est venue, glorifiez votre Fils, afin que votre Fils vous glorifie», c'est-à-dire, que d'après l'ordre indiqué par cesparoles, le Père devait glorifier le Fils, afin que le Fils pût glorifier ensuite le Père. Ici au contraire il dit: «Je vous ai glorifie, et maintenant glorifiez-moi», c'est-à-dire, qu'il semble demander d'être glorifié comme récompense de ce qu'il a le premier glorifié son Père. Pour expliquer cette différence, il faut admettre que dans la première proposition, Notre-Seigneur s'est servi du Verbe qui exprimait le temps dans lequel les choses devaient avoir lieu, et que dans la seconde proposition, il s'est servi du passé pour expri mer une chose future, comme s'il avait dit: Je vous glorifierai sur la terre, en consommant l'oeuvre que vous m'avez donnée à faire, et maintenant glorifiez-moi vous-même, mon Père. Ces deux propositions ont donc le même sens et ne diffèrent que parce que la seconde renferme le mode de glorification que le Fils demande à son Père: «Glorifiez-moi en vous-même de la gloire que j'ai eue en vous avant que le monde fût». L'ordre naturel de cette phrase est celui-ci: Que j'ai eue en vous avant que le monde existât. Il en est qui ont prétendu que ces paroles signifiaient que la nature humaine dont le Verbe s'est revêtu dans l'incarnation, devait être transformée dans la nature du Verbe, et que l'homme devait être changé on Dieu. Bien plus, si nous examinons de plus près leur sentiment, ils vont jusqu'à dire que l'homme est anéanti en Dieu, car personne n'oserait dire que ce changement double en aucune façon, ou augmente le Verbe de Dieu. Nous disons, nous, que celui qui nie que le Fils de Dieu ait été prédestiné, nie par-là même qu'il soit le Fils de l'homme, Jésus donc voyant arriver le temps de la glorification à laquelle il était prédestiné, demande que cette prédestination reçoive son accomplissement: «Et maintenant glorifiez-moi», etc. C'est-à-dire, il est temps que je jouisse en vous en vivant à votre droite, de cette gloire que j'ai eue en vous en vertu de votre prédestination éternelle.
Il faut entendre ici les choses qu'il leur dit pendant la cène, les unes lorsqu'il était encore à table, jusqu'à ces paroles: «Levez-vous, sortons d'ici»; les autres lorsqu'il fut sorti, jusqu'à la fin de la prière, dont voici le commencement: «Jésus leva les yeux au ciel, et dit: Mon Père», etc.
Et maintenant (solennel) : maintenant que
mon rôle terrestre a pris fin, rôle de souffrance et d’humiliation. - Glorifiez-moi, vous. Les pronoms sont
encore emphatiquement rapprochés, mais le second est le plus accentué : « A ton tour, en échange. » Et la
douce appellation Père, vient insister avec vigueur. - Les mots auprès de vous-même sont opposés à « sur la
terre » du v. 4 : ils rappellent le majestueux prologue, 1, 1 - De la gloire que j’ai eue. Dans le grec, à
l’imparfait, « que j’avais », ce qui marque mieux la continuité perpétuelle de cette glorieuse possession. -
Avant que le monde fût. C’est-à-dire, de toute éternité ; voyez la note de 1, 1. - Auprès de vous : au sein du
père, avant l’Incarnation. Deux opinions se sont formées parmi les exégètes catholiques touchant cette
requête de N. -S Jésus-Christ. D’après les uns, c’est sa gloire même, de laquelle il avait été séparé par
l’Incarnation (Phil. 2, 6), que le Sauveur redemanderait ici. Suivant les autres, le privilège réclamé par Jésus
ne concernait que sa nature humaine. « Illustre, exalte, glorifie cette mienne humanité de la gloire qui est
digne du Fils de Dieu que je suis. Et fais en sorte que cette gloire que, en tant que Dieu, j’ai avec toi de toute
éternité, se communique et s’étende à ma chair », Tolet. Cf. S. Jean Chrysost. Nous préférons ce second
sentiment. Ce ne sont toutefois que des nuances. Pour la réalisation de cette prière de l’Homme-Dieu,
comparez Phil. 2, 9 ; I Tim. 3, 16 ; Hebr. 1, 8 et 13 ; 1 Petr. 2, 22.