Jean 18, 11

Jésus dit à Pierre : « Remets ton épée au fourreau. La coupe que m’a donnée le Père, vais-je refuser de la boire ? »

Jésus dit à Pierre : « Remets ton épée au fourreau. La coupe que m’a donnée le Père, vais-je refuser de la boire ? »
Saint Jean Chrysostome
Mais comment encore celui à qui le Sauveur avait défendu de donner un soufflet, se rend-il homicide? Jésus lui avait défendu toute vengeance personnelle, mais ici ce n'est point lui, mais son maître qu'il cherche à venger, d'ailleurs les Apôtres n'étaient pas encore parfaits, mais nous verrons plus tard Pierre se laisser frapper sans faire aucune résistance. Ce n'est pas sans raison que l'Évangéliste remarque qu'il coupa l'oreille droite de ce serviteur; il fait ainsi ressortir l'impétuosité de l'Apôtre, qui s'attaque tout d'abord à la tête de cet homme.

Jésus fait ici un second miracle, et il nous apprend ainsi à faire du bien à ceux qui nous font du mal, en même temps qu'il donne un nouveau témoignage de sa puissance. L'Évangéliste donne le nom de cet homme, pour permettre à ceux qui liraient son récit, de vérifier si ce fait était vrai. Il ajoute qu'il était le serviteur du grand-prêtre, pour faire ressortir l'excessive bonté du Sauveur, qui guérit cet homme, et un homme qui venait se saisir de lui, et qui devait bientôt lui donner un soufflet.

Ce n'est point seulement en le menaçant que Jésus réprime le zèle de Pierre (comme saint Matthieu le rapporte); mais il lui donne un autre motif plus propre à le consoler: «Ne boirai-je donc point le calice que mon Père m'a donné ?» Nouvelle preuve que ce qui arrivait ne devait pas être attribué à la puissance de ses ennemis, mais à sa permission, et que loin d'être opposé à son Père, il lui obéissait jusqu'à la mort.
Saint Augustin
L'évangéliste saint Jean est le seul qui nous ait conservé le nom de cet homme: «Et cet homme s'appelait Malchus»; comme saint Luc est le seul qui rapporte que le Seigneur toucha son oreille et la guérit.

Le Sauveur désapprouva l'action de son disciple, et lui détendit d'aller plus loin: «Jésus dit à Pierre: Remets ton épée dans le fourreau». Il voulait ainsi lui enseigner la patience, et en même temps que ce fait fût écrit pour notre instruction.

Pierre, plein de confiance dans ce que le Sauveur venait de dire, et dans le prodige qu'il avait opéré, se met en défense contre ceux qui étaient venus pour se saisir de Jésus: «Alors Simon-Pierre qui avait une épée, la tira», etc. Mais comment celui à qui Jésus avait commande de n'avoir ni bourse ni deux vêtements, peut-il avoir un glaive? Je crois qu'il s'était depuis longtemps muni de ce glaive dans la prévision des dangers qu'il redoutait.

Malchus veut dire qui doit régner; que signifie donc l'oreille coupée pour la défense du Seigneur, et que le Seigneur guérit lui-même? Elle est la figure du sens de l'ouïe qui est renouvelé après que tout ce qui appartenait au vieil homme a été retranché, afin qu'il serve Dieu dans la nouveauté de l'esprit et non dans la vieillesse de la lettre. ( Rm 7, 6). Or, qui peut douter que celui qui a reçu cette grâce de Jésus-Christ, doive un jour régner avec Jésus-Christ? C'est un serviteur qui est l'objet de ce miracle, et il est la figure de l'ancienne loi qui n'engendrait que des esclaves, mais lorsqu'il a été guéri, il devient la ligure de la liberté spirituelle. ( Ga 4, 24-26).

Il déclare que son Père lui a donné à boire le calice de sa passion dans le sens de ces paroles de l'Apôtre: «Il n'a pas épargné son propre Fils», ( Rm 8) mais il l'a livré pour nous tous, cependant celui qui doit boire ce calice en est lui-même l'auteur, suivant ces paroles du même Apôtre: «Jésus-Christ nous a aimés, et s'est livré lui-même peur nous». ( Ep 5)
Saint Théophylacte d'Ohrid
Ou bien ce glaive était celui qui avait servi pour découper l'agneau, et que Pierre avait conservé après la cène.

L'oreille droite coupée au serviteur du prince des prêtres, est le symbole de la surdité des Juifs, surdité qui régnait surtout dans les princes des prêtres, et la guérison de cette oreille, signifie que l'intelligence sera rendue aux Juifs dans les derniers temps, lors de l'avènement d'Elie.

Il se sert de la comparaison du calice pour montrer combien la mort qu'il allait souffrir pour le salut des hommes, lui souriait comme l'objet de ses plus vifs désirs.
Saint Thomas d'Aquin
2286. Après avoir montré la promptitude du Christ à supporter la trahison en s'offrant lui-même volontairement à ceux qui le livraient, l'Évangéliste montre ici qu'il est prompt à la même chose en interdisant la résistance du disciple. D'abord est exposée la manifestation du zèle du disciple qui résiste, puis le fait que Jésus l'ait empêché [n° 2291].

À propos du premier point, il note d'abord le zèle du disciple à frapper le serviteur, puis celui de l'Évangéliste quand il nomme le serviteur [n° 2290].

2287. Il s'exprime donc ainsi : les gardes s'emparèrent de Jésus, mais Simon-Pierre, plus ardent que tous les autres disciples, AYANT UN GLAIVE, LE TIRA ET FRAPPA LE SERVITEUR DU GRAND PRÊTRE qui était parmi les gardes, ET IL LUI TRANCHA L'OREILLE DROITE ; ce n'était pas son intention principale, puisqu'il avait l'intention de le tuer, mais le coup qu'il dirigeait vers la tête fut dévié vers l'oreille. Il dirigeait en effet le coup vers la tête pour montrer avec plus d'évidence qu'il faisait cela par zèle pour son Seigneur - Je suis zélé d'un zèle jaloux pour le Seigneur Dieu des armées.

2288. Mais ici surgit une double question : puisque le Seigneur avait commandé à ses disciples de n'avoir même pas deux tuniques, comment Pierre avait-il aussi un glaive ? Je réponds : il faut dire que ce précepte, le Christ le leur donna quand il les envoya pour prêcher, et il devait durer jusqu'au temps de la Passion. C'est pourquoi le Christ le révoqua dans la Passion : Quand je vous ai envoyés sans bourse ni besace, avez-vous jamais manqué de quelque chose ? - Mais maintenant, que celui qui a une bourse la prenne, de même celui qui a une besace, et que celui qui n'en a pas vende sa tunique pour acheter un glaive. À cause de cette autorisation (concessio), il semble que Pierre ait compris qu'il lui était permis de porter un glaive. Mais d'où a-t-il pu avoir si vite un glaive, puisque le Seigneur avait prononcé peu de temps auparavant les paroles qu'on a dites ? Il faut répondre, selon Chrysostome , que Pierre, ayant depuis longtemps entendu que les Juifs devraient livrer le Christ aux princes des prêtres pour le crucifier, avait pris peur et s'était préparé un glaive. Ou bien il faut dire, selon la Glose interlinéaire, que par « glaive » il faut entendre ici le couteau qu'il avait peut-être à table pour manger l'agneau et qu'il avait, en se levant de table, pris avec lui.

2289. En second lieu, on se demande pourquoi, alors que le Seigneur leur avait dit de ne pas résister au mal, Pierre a frappé le serviteur du grand prêtre. À cela il faut répondre que le Seigneur leur a défendu de résister à quelqu'un pour se défendre eux-mêmes, mais non pas pour défendre les maîtres. Ou bien qu'ils n'étaient pas encore confirmés par une force venant sur eux d'en haut - Demeurez dans la ville jusqu'à ce que vous soyez revêtus d'une force d'en haut. C'est pourquoi ils n'étaient pas encore parfaits au point de ne pas du tout résister au mal.

2290. On donne ici le nom du serviteur. Il est spécialement signalé par Jean parce que, comme il est dit plus loin, lui-même était connu du grand prêtre, et c'est pourquoi il connaissait aussi ses serviteurs. Aussi, sachant son nom, il ne l'a pas tu parce qu'il en avait la certitude. Mais Luc ajoute que le Seigneur lui guérit l'oreille, et cela convient au mystère, car par ce serviteur est signifié le peuple des Juifs, qui était opprimé par les princes des prêtres - Malheur aux pasteurs d'Israël qui se paissaient eux-mêmes. (...) Ce qui était gras, vous l'égorgiez (...) Pierre, le Prince des Apôtres, a donc amputé l'oreille de ce serviteur, oreille avec laquelle le peuple des Juifs entendait mal, c'est-à-dire d'une façon charnelle (carnaliter), les paroles de la Loi ; mais le Seigneur leur a restitué une nouvelle ouïe - Dès que son oreille m'a entendu, il m'a obéi. Et en ce sens le serviteur du grand prêtre est à juste titre appelé Malchus, c'est-à-dire roi, parce que le Christ a fait de nous des rois dans une nouveauté de vie - II a fait de nous pour notre Dieu un royaume et des prêtres, et nous régnerons sur la terre.

2291. Ici on expose le fait que Jésus ait retenu Pierre dans son zèle ; d'abord le fait qu'il l'ait retenu, puis la raison de son geste [n° 2293].

2292. L'Évangéliste dit donc que Pierre sortit son glaive pour frapper le serviteur, mais que le Seigneur lui dit : « REMETS LE GLAIVE AU FOURREAU », comme pour lui dire qu'il n'y avait pas à se défendre mais à pâtir, et que l'usage du glaive matériel ne lui était pas permis - Ô, épée du Seigneur, jusques à quand ne te reposeras-tu pas ? Rentre en ton fourreau (...) Au sens mystique, cela signifie que le glaive de la parole du Seigneur devait être remis au fourreau, c'est-à-dire à la foi des Gentils.

2293. La raison pour laquelle le Christ empêche le geste de Pierre est donnée quand il dit : « LA COUPE QUE LE PÈRE M'A DONNÉE, TU NE VEUX PAS QUE JE LA BOIVE ? » En effet, on ne doit pas résister à ce qui est disposé par la Providence divine - Qui lui a résisté et a eu la paix ? Mais la Passion est appelée coupe parce qu'elle est douce en raison de la charité de celui qui la subit, mais amère en raison de sa nature, de même qu'un remède qui guérit est doux à cause de l'espérance de la santé, mais amer à cause de sa saveur - Je prendrai la coupe du salut et j'invoquerai le nom du Seigneur.

Cette coupe, c'est donc le Père qui la lui a donnée, parce qu'il a subi la Passion de son plein gré, par sa propre volonté et celle du Père - Tu n'aurais sur moi aucun pouvoir s'il ne t'avait été donné d'en haut.

II – COMMENT LE CHRIST EST PRÉSENTÉ PAR LES GARDES AUX CHEFS DU PEUPLE

2294. Ici est exposé comment le Seigneur, ayant été pris par les gardes, est présenté aux princes du peuple ; d'abord comment il est conduit à l'un d'eux, à savoir Anne, puis à l'autre, à savoir Caïphe [n° 2322].

A. COMMENT LE CHRIST EST CONDUIT A ANNE

À propos du premier point, l'Évangéliste dit d'abord comment il est présenté à Anne, puis comment il est examiné par lui [n° 2311].
Louis-Claude Fillion
Le Sauveur ne veut pas permettre que sa cause soit défendue par la violence. Cf. Matth. 26, 52 et ss. - Ne boirai-je pas le calice… S. Jean seul a conservé cette admirable parole, qui est un écho de l’agonie du jardin. Cf. Marc 14, 36 et parall. Mais alors Jésus éprouvait une vive répugnance à boire la coupe d’amertume ; en ce moment il est prêt à la vider. - Que mon Père m’a donné : Le calice de la passion était déjà entre les mains de Jésus. - Les deux négations dans le texte grec font ressortir l’impossibilité absolue de l’hypothèse. La volonté du Christ doit être en parfaite conformité avec celle du Père. Cf. 4, 34.