Jean 18, 14
Caïphe était celui qui avait donné aux Juifs ce conseil : « Il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple. »
Caïphe était celui qui avait donné aux Juifs ce conseil : « Il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple. »
Ils triomphent de joie du haut fait qu'ils viennent d'accomplir, et promènent Jésus comme un trophée de leur victoire.
Mais de peur que l'idée de chaînes et de liens ne jetât le trouble dans notre esprit, l'Évangéliste rappelle une prophétie d'après laquelle la mort de Jésus devint le salut du monde: «Or, Caïphe était celui qui avait donné ce conseil aux Juifs: Il est avantageux qu'un seul homme meure pour tout le peuple». La force de la vérité est si grande, que ses ennemis eux-mêmes sont obligés de lui rendre hommage.
Ils se saisirent de celui dont ils ne s'étaient point approchés, et ils ne comprirent pas cette invitation du prophète: «Approchez-vous de lui, et vous serez éclairés» ( Ps 33 ) S'ils s'étaient approchés de lui dans ces dispositions, ils se seraient emparé de lui, non pour le mettre à mort, mais pour le recevoir dans leurs coeurs. En s'emparant de la sorte de sa personne sacrée, ils s'éloignent, beaucoup plus encore de lui, et ils enchaînèrent celui à qui ils auraient bien plutôt demandé de briser leurs propres chaînes; et peut-être s'en trouvait-il parmi eux qui lui dirent plus tard, comme à leur libérateur: «Vous avez rompu mes liens» ( Ps 115,6 ) Après que les ennemis du Sauveur se furent rendus maîtres de sa personne par la trahison de Judas, l'Évangéliste, pour montrer que ce traître n'avait pas agi dans un but louable et utile, mais dans une intention criminelle et condamnable, ajoute: «Et ils l'emmenèrent d'abord chez Anne», etc.
L'Évangéliste donne la raison de cette manière d'agir: «Parce qu'il était beau-père deCaïphe, qui était grand-prêtre cette année-là». Saint Matthieu, qui voulait abréger son récit, se contente de dire qu'ils amenèrent Jésus chez Caïphe, car il ne fut conduit chez Anne d'abord, que parce qu'il était le beau-père de Caïphe, et nous pouvons conclure de là que c'est Caïphe qui voulut qu'il en fût ainsi.
Il voulait, ce semble, faire condamner Jésus par un de ses collègues, pontife comme lui, afin de diminuer le crime dont il allait se rendre coupable. Peut-être aussi la maison d'Anne était située de manière à ce qu'on ne pût passer devant sans entrer, ou bien encore, cela se fit par suite d'un conseil tout divin qui voulait associer dans un même crime ceux qui l'étaient déjà par les liens du sang. Ce que dit ici l'Évangéliste, que Caïphe était grand-prêtre cette année-là, paraît contraire à la loi d'après laquelle il ne devait y avoir qu'un seul grand-prêtre, qui, après sa mort, avait son fils pour successeur, mais il faut se rappeler que le souverain pontificat était alors déshonoré par l'ambition des prétendants.
En effet, Josèphe r apporte que Caïphe avait racheté cette année de pontificat. Il n'y a donc rien d'étonnant qu'un grand-prêtre inique ait été l'auteur d'un jugement inique, car souvent celui qui parvient au sacerdoce par avarice, le conserve par des moyens injustes.
Après avoir épuisé tous les moyens propres à détourner les Juifs de tout criminel dessein, sans avoir pu y parvenir, Notre-Seigneur leur permit de s'emparer de lui et de l'emmener: «Alors la cohorte, le tribun et les satellites des Juifs se saisirent de Jésus», etc.
À propos du premier point, il montre d'abord comment il est conduit à la maison d'Anne, puis comment les disciples le suivent [n° 2299].
Là, on montre d'abord ce qui a été fait à l'égard de Jésus, puis on précise qui est le pontife auquel il est conduit [n° 2297].
2295. En ce qui concerne le Christ, trois choses ont été accomplies. D'abord on s'empare de lui ; c'est pourquoi il est dit : LA COHORTE, c'est-à-dire [la cohorte] des soldats, et leur TRIBUN, ET LES GARDES DES JUIFS, S'EMPARÈRENT (comprehenderunt) DE JÉSUS, lui qu'on ne peut saisir - Tu es grand dans ton conseil, et incompréhensible dans ta pensée. Peut-être avaient-ils en tête cette parole du psaume : Dieu l’α abandonné ; poursuivez-le et saisissez-le, puisqu'il n'est personne qui délivre. - Le souffle (spiritus) de notre bouche, l'Oint du Seigneur, a été pris dans nos péchés, c'est-à-dire à cause de nos péchés, pour nous libérer. - Voici ce que dit le Seigneur : Même la proie du fort lui sera enlevée. En second lieu, il est ligoté, et c'est pourquoi il dit : LE LIGOTÈRENT, lui qui est venu libérer ceux qui étaient liés et rompre leurs liens - Tu as rompu mes liens. En troisième lieu, il est amené : ET ILS L'AMENÈRENT D'ABORD À ANNE, pour le perdre, lui qui est venu conduire tous [les hommes] sur le chemin du salut - Tu m'as conduit, parce que tu es devenu mon espérance.
2296. On peut donner deux raisons pour lesquelles il est d'abord conduit à Anne. L'une est la charge de Caïphe, le grand prêtre de cette année-là, en ce sens qu'il envoya Jésus à Anne pour être plus excusable si lui-même, par la suite, condamnait quelqu'un qui avait déjà été condamné par Anne. L'autre raison est la proximité de la maison d'Anne : celle-ci, située sur la route, était plus proche. Et craignant que, s'il s'élevait un tumulte dans le peuple, Jésus fût arraché de leurs mains, ils le mirent là à l'écart.
2297. Ici on présente d'abord le pontife par son affinité avec Caïphe, parce qu'IL ÉTAIT son BEAU-PÈRE ; puis on présente Caïphe lui-même, QUI ÉTAIT LE GRAND PRÊTRE DE CETTE ANNÉE-LÀ. Il faut savoir, en effet, que selon la Loi le grand prêtre remplissait sa fonction à vie ; un fils lui succédait après sa mort. Mais par la suite, l'envie et l'ambition des princes croissant, non seulement le fils ne succédait pas au père, mais même le pontife ne remplissait pas sa fonction plus d'une année ; de plus c'est l'argent qui procurait cette fonction, comme Josèphe le rapporte. C'est pourquoi il n'est pas étonnant que, dans l'année de ce pontificat si mal acquis, Caïphe ait accompli une chose si abominable.
2298. Il est aussi décrit d'après son conseil ; c'est pourquoi l'Évangéliste a dit que C'ÉTAIT CAÏPHE QUI AVAIT DONNÉ AUX JUIFS CE CONSEIL, rapporté plus haut« MIEUX VAUT QU'UN SEUL HOMME MEURE POUR LE PEUPLE. » Cela, l'Évangéliste l'a rappelé pour enlever le scandale du cœur des fidèles, en montrant aussi par les prophéties des adversaires que ce n'est pas en raison d'une infirmité ou d'une impuissance de sa part que Jésus a été pris et qu'il est mort, mais pour le salut du peuple, c'est-à-dire pour que la nation tout entière ne périsse pas. En effet, le témoignage de l'adversaire est plus efficace ; et la vérité est d'une nature telle que même l'adversaire ne peut la taire.
2299. Ici est exposé comment les disciples se sont associés au Christ ; on montre d'abord comment Pierre suivait le Christ avec un autre disciple, puis comment il entra à l'endroit où était le Christ [n° 2303], et enfin comment il le renia [n° 2307].
2300. Il dit donc que SIMON-PIERRE SUIVAIT JÉSUS, parce qu'il lui était profondément attaché, mais qu'il le suivait de loin en raison de sa peur, AINSI QU'UN AUTRE DISCIPLE, c'est-à-dire Jean, qui cache son nom à cause de son humilité. Mais par là il est donné à entendre que le reste des disciples s'était enfui en abandonnant Jésus, comme il est dit en Matthieu.
2301. Au sens mystique, on entend par ces deux disciples deux vies qui suivent le Christ : la vie active, qui est signifiée par Pierre, et la vie contemplative, signifiée par Jean. Certes la vie active suit le Christ en obéissant - Mes brebis écoutent ma voix-, mais la vie contemplative le suit en connaissant et en contemplant - Nous te connaîtrons et nous te suivrons.
2302. Ces deux disciples suivaient parce qu'ils aimaient le Christ plus que tous les autres - c'est pourquoi ils vinrent au tombeau les premiers - et parce qu'une plus grande force d'amour les unissait l'un à l'autre ; c'est pourquoi, dans l'Évangile, ils sont souvent mentionnés ensemble. Et dans les Actes des Apôtres il est dit que [les Apôtres qui étaient à Jérusalem] envoyèrent [en Samarie] Pierre et Jean et [déjà, avant,] que Pierre et Jean montèrent au Temple.
2303. Ici on montre l'ordre selon lequel Pierre entra : d'abord comment Jean le précéda, puis comment il fit entrer Pierre [n° 2306].
2304. L'ordre fut tel parce que Jean entra en premier avec Jésus. La raison de cela était qu'il ÉTAIT CONNU DU GRAND PRÊTRE. Et PIERRE SE TENAIT AU-DEHORS, À LA PORTE de la cour. Bien que Jean fût pêcheur et ait été appelé jeune par le Christ, il était cependant connu du grand prêtre, soit parce que le père de Jean en était le serviteur, soit parce qu'il était quelqu'un de sa parenté. Jean n'a pas noté cela par vantardise, mais par humilité, pour que le fait qu'il entra d'abord avec Jésus dans la cour du grand prêtre, et non pas Pierre, ne fût pas davantage attribué à sa vertu et à sa supériorité qu'au fait qu'il était connu. C'est pourquoi il dit : CE DISCIPLE, à savoir Jean, était connu du grand prêtre. Et c'est pourquoi IL ENTRA AVEC JÉSUS DANS LA COUR DU GRAND PRÊTRE, où le Christ avait été conduit. PIERRE, lui, SE TENAIT AU-DEHORS, annonçant en quelque sorte son reniement à venir - Ceux qui me voyaient s'enfuirent au-dehors loin de moi.
2305. Au sens mystique, Jean entre avec Jésus parce que la vie contemplative lui est familière - Entrant dans ma maison, je me reposerai avec elle . Mais Pierre se tient au-dehors parce que la vie active s'occupe des choses extérieures - Marie, se tenant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Mais Marthe se démenait dans les multiples soins du service.
2306. Ici on montre comment Pierre fut introduit sur l'intervention de Jean, parce que L'AUTRE DISCIPLE, c'est-à-dire Jean, ÉTAIT CONNU DU GRAND PRÊTRE. Il parla à la portière pour qu'elle l'introduise, et elle fit entrer Pierre. Par là, au sens mystique, il est donné à entendre que c'est par la vie contemplative que la vie active est introduite auprès du Christ. En effet, de même que la raison inférieure est dirigée par la raison supérieure, de même, la vie active par la vie contemplative - Envoie ta lumière et ta vérité : elles me conduiront et m'amèneront à ta sainte montagne, jusqu’en ta demeure.
2307. On expose ici le reniement de Pierre ; d'abord le motif du reniement, puis le reniement lui-même [n° 2309], enfin la confirmation du reniement [n° 2310].
2308. L'occasion et le motif du reniement furent l'interrogation de la servante adressée à Pierre. LA SERVANTE QUI GARDAIT LA PORTE DIT DONC À PIERRE : « N'ES-TU PAS, TOI AUSSI, DES DISCIPLES DE CET HOMME ? » Elle dit : TOI AUSSI, parce qu'elle savait que Jean était un disciple du Christ, mais parce qu'il était familier [du grand prêtre] elle ne lui dit rien. La faiblesse de Pierre apparaît à ce moment-là, parce que c'est une occasion dérisoire qui l'amena à renier, dérisoire en raison de deux choses. D'abord à cause de la personne qui l'interrogeait, car il ne s'agissait ni d'un soldat armé, ni d'un pontife digne d'admiration, mais d'une femme, et d'une servante chargée de la porte . Ensuite à cause de la forme de l'interrogation, parce qu'elle n'a pas dit : « N'es-tu pas des disciples de ce traître ? » En cela, il semble qu'elle lui ait parlé plutôt par compassion. C'est pourquoi on saisit aussi par là que par la parole du Seigneur, les deux ont été affermis, et par le souffle de sa bouche, toute leur puissance, parce que celui qui renia le Christ à la voix d'une servante va, par la suite, prêcher et confesser le nom du Christ devant les chefs des prêtres.
2309. L'Évangéliste expose ici le reniement de Pierre. Et là nous devons remarquer, selon Augustin, que le Christ peut être renié non seulement par quelqu'un qui affirme que Jésus n'est pas le Christ, mais aussi par celui qui nie être chrétien. En effet, Pierre n'a rien renié d'autre que le fait d'être chrétien. Et le Seigneur a permis que Pierre renie parce qu'il a voulu que celui qui devait être placé à la tête de l'Église ait plus de compassion pour les faibles et ceux qui pèchent, ayant expérimenté en lui-même l'infirmité du péché. L'épître aux Hébreux dit : Nous n'avons pas un grand prêtre qui ne pourrait compatir à nos infirmités puisqu'il a été éprouvé en toutes choses hormis le péchécela est vrai du Christ, mais on peut aussi le dire de Pierre, même avec le péché. Certains cependant, appropriant à tort cette grâce à Pierre, disent qu'il n'a pas renié par crainte mais par amour, voulant être toujours avec le Christ et le suivre sans cesse ; il savait en effet que s'il avouait être des disciples du Christ, il aurait été séparé du Christ et expulsé. Mais cela n'est pas en accord avec les paroles du Seigneur, parce que ce n'est pas pour cela qu'il renia mais parce qu'il n'a pas voulu perdre son âme pour le Christ. Plus haut en effet, quand il avait dit : Je perdrais mon âme pour toi, Jésus avait répondu : Tu perdrais ton âme pour moi ? Amen, amen, je te le dis, le coq ne chantera pas que tu ne m'aies renié trois fois.
2310. La confirmation du reniement est exposée ici : Pierre se tenait là avec eux comme pour faire paraître davantage qu'il n'était pas disciple du Christ. En effet, Pierre, pour ne pas sembler faire partie des disciples, se plaça parmi les serviteurs et les gardes qui se tenaient auprès des braises parce qu'il faisait froid, comme il arrive parfois à l'équinoxe d'hiver en mars. En cela, Pierre n'a pas bien considéré ce qui est dit dans le psaume : Tu seras saint avec le saint. Le temps lui-même aussi était en accord avec la condition de son esprit, en lequel la charité s'était refroidie - La chanté de beaucoup se refroidira.
Là, on montre d'abord ce qui a été fait à l'égard de Jésus, puis on précise qui est le pontife auquel il est conduit [n° 2297].
2295. En ce qui concerne le Christ, trois choses ont été accomplies. D'abord on s'empare de lui ; c'est pourquoi il est dit : LA COHORTE, c'est-à-dire [la cohorte] des soldats, et leur TRIBUN, ET LES GARDES DES JUIFS, S'EMPARÈRENT (comprehenderunt) DE JÉSUS, lui qu'on ne peut saisir - Tu es grand dans ton conseil, et incompréhensible dans ta pensée. Peut-être avaient-ils en tête cette parole du psaume : Dieu l’α abandonné ; poursuivez-le et saisissez-le, puisqu'il n'est personne qui délivre. - Le souffle (spiritus) de notre bouche, l'Oint du Seigneur, a été pris dans nos péchés, c'est-à-dire à cause de nos péchés, pour nous libérer. - Voici ce que dit le Seigneur : Même la proie du fort lui sera enlevée. En second lieu, il est ligoté, et c'est pourquoi il dit : LE LIGOTÈRENT, lui qui est venu libérer ceux qui étaient liés et rompre leurs liens - Tu as rompu mes liens. En troisième lieu, il est amené : ET ILS L'AMENÈRENT D'ABORD À ANNE, pour le perdre, lui qui est venu conduire tous [les hommes] sur le chemin du salut - Tu m'as conduit, parce que tu es devenu mon espérance.
2296. On peut donner deux raisons pour lesquelles il est d'abord conduit à Anne. L'une est la charge de Caïphe, le grand prêtre de cette année-là, en ce sens qu'il envoya Jésus à Anne pour être plus excusable si lui-même, par la suite, condamnait quelqu'un qui avait déjà été condamné par Anne. L'autre raison est la proximité de la maison d'Anne : celle-ci, située sur la route, était plus proche. Et craignant que, s'il s'élevait un tumulte dans le peuple, Jésus fût arraché de leurs mains, ils le mirent là à l'écart.
2297. Ici on présente d'abord le pontife par son affinité avec Caïphe, parce qu'IL ÉTAIT son BEAU-PÈRE ; puis on présente Caïphe lui-même, QUI ÉTAIT LE GRAND PRÊTRE DE CETTE ANNÉE-LÀ. Il faut savoir, en effet, que selon la Loi le grand prêtre remplissait sa fonction à vie ; un fils lui succédait après sa mort. Mais par la suite, l'envie et l'ambition des princes croissant, non seulement le fils ne succédait pas au père, mais même le pontife ne remplissait pas sa fonction plus d'une année ; de plus c'est l'argent qui procurait cette fonction, comme Josèphe le rapporte. C'est pourquoi il n'est pas étonnant que, dans l'année de ce pontificat si mal acquis, Caïphe ait accompli une chose si abominable.
2298. Il est aussi décrit d'après son conseil ; c'est pourquoi l'Évangéliste a dit que C'ÉTAIT CAÏPHE QUI AVAIT DONNÉ AUX JUIFS CE CONSEIL, rapporté plus haut« MIEUX VAUT QU'UN SEUL HOMME MEURE POUR LE PEUPLE. » Cela, l'Évangéliste l'a rappelé pour enlever le scandale du cœur des fidèles, en montrant aussi par les prophéties des adversaires que ce n'est pas en raison d'une infirmité ou d'une impuissance de sa part que Jésus a été pris et qu'il est mort, mais pour le salut du peuple, c'est-à-dire pour que la nation tout entière ne périsse pas. En effet, le témoignage de l'adversaire est plus efficace ; et la vérité est d'une nature telle que même l'adversaire ne peut la taire.
2299. Ici est exposé comment les disciples se sont associés au Christ ; on montre d'abord comment Pierre suivait le Christ avec un autre disciple, puis comment il entra à l'endroit où était le Christ [n° 2303], et enfin comment il le renia [n° 2307].
2300. Il dit donc que SIMON-PIERRE SUIVAIT JÉSUS, parce qu'il lui était profondément attaché, mais qu'il le suivait de loin en raison de sa peur, AINSI QU'UN AUTRE DISCIPLE, c'est-à-dire Jean, qui cache son nom à cause de son humilité. Mais par là il est donné à entendre que le reste des disciples s'était enfui en abandonnant Jésus, comme il est dit en Matthieu.
2301. Au sens mystique, on entend par ces deux disciples deux vies qui suivent le Christ : la vie active, qui est signifiée par Pierre, et la vie contemplative, signifiée par Jean. Certes la vie active suit le Christ en obéissant - Mes brebis écoutent ma voix-, mais la vie contemplative le suit en connaissant et en contemplant - Nous te connaîtrons et nous te suivrons.
2302. Ces deux disciples suivaient parce qu'ils aimaient le Christ plus que tous les autres - c'est pourquoi ils vinrent au tombeau les premiers - et parce qu'une plus grande force d'amour les unissait l'un à l'autre ; c'est pourquoi, dans l'Évangile, ils sont souvent mentionnés ensemble. Et dans les Actes des Apôtres il est dit que [les Apôtres qui étaient à Jérusalem] envoyèrent [en Samarie] Pierre et Jean et [déjà, avant,] que Pierre et Jean montèrent au Temple.
2303. Ici on montre l'ordre selon lequel Pierre entra : d'abord comment Jean le précéda, puis comment il fit entrer Pierre [n° 2306].
2304. L'ordre fut tel parce que Jean entra en premier avec Jésus. La raison de cela était qu'il ÉTAIT CONNU DU GRAND PRÊTRE. Et PIERRE SE TENAIT AU-DEHORS, À LA PORTE de la cour. Bien que Jean fût pêcheur et ait été appelé jeune par le Christ, il était cependant connu du grand prêtre, soit parce que le père de Jean en était le serviteur, soit parce qu'il était quelqu'un de sa parenté. Jean n'a pas noté cela par vantardise, mais par humilité, pour que le fait qu'il entra d'abord avec Jésus dans la cour du grand prêtre, et non pas Pierre, ne fût pas davantage attribué à sa vertu et à sa supériorité qu'au fait qu'il était connu. C'est pourquoi il dit : CE DISCIPLE, à savoir Jean, était connu du grand prêtre. Et c'est pourquoi IL ENTRA AVEC JÉSUS DANS LA COUR DU GRAND PRÊTRE, où le Christ avait été conduit. PIERRE, lui, SE TENAIT AU-DEHORS, annonçant en quelque sorte son reniement à venir - Ceux qui me voyaient s'enfuirent au-dehors loin de moi.
2305. Au sens mystique, Jean entre avec Jésus parce que la vie contemplative lui est familière - Entrant dans ma maison, je me reposerai avec elle . Mais Pierre se tient au-dehors parce que la vie active s'occupe des choses extérieures - Marie, se tenant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Mais Marthe se démenait dans les multiples soins du service.
2306. Ici on montre comment Pierre fut introduit sur l'intervention de Jean, parce que L'AUTRE DISCIPLE, c'est-à-dire Jean, ÉTAIT CONNU DU GRAND PRÊTRE. Il parla à la portière pour qu'elle l'introduise, et elle fit entrer Pierre. Par là, au sens mystique, il est donné à entendre que c'est par la vie contemplative que la vie active est introduite auprès du Christ. En effet, de même que la raison inférieure est dirigée par la raison supérieure, de même, la vie active par la vie contemplative - Envoie ta lumière et ta vérité : elles me conduiront et m'amèneront à ta sainte montagne, jusqu’en ta demeure.
2307. On expose ici le reniement de Pierre ; d'abord le motif du reniement, puis le reniement lui-même [n° 2309], enfin la confirmation du reniement [n° 2310].
2308. L'occasion et le motif du reniement furent l'interrogation de la servante adressée à Pierre. LA SERVANTE QUI GARDAIT LA PORTE DIT DONC À PIERRE : « N'ES-TU PAS, TOI AUSSI, DES DISCIPLES DE CET HOMME ? » Elle dit : TOI AUSSI, parce qu'elle savait que Jean était un disciple du Christ, mais parce qu'il était familier [du grand prêtre] elle ne lui dit rien. La faiblesse de Pierre apparaît à ce moment-là, parce que c'est une occasion dérisoire qui l'amena à renier, dérisoire en raison de deux choses. D'abord à cause de la personne qui l'interrogeait, car il ne s'agissait ni d'un soldat armé, ni d'un pontife digne d'admiration, mais d'une femme, et d'une servante chargée de la porte . Ensuite à cause de la forme de l'interrogation, parce qu'elle n'a pas dit : « N'es-tu pas des disciples de ce traître ? » En cela, il semble qu'elle lui ait parlé plutôt par compassion. C'est pourquoi on saisit aussi par là que par la parole du Seigneur, les deux ont été affermis, et par le souffle de sa bouche, toute leur puissance, parce que celui qui renia le Christ à la voix d'une servante va, par la suite, prêcher et confesser le nom du Christ devant les chefs des prêtres.
2309. L'Évangéliste expose ici le reniement de Pierre. Et là nous devons remarquer, selon Augustin, que le Christ peut être renié non seulement par quelqu'un qui affirme que Jésus n'est pas le Christ, mais aussi par celui qui nie être chrétien. En effet, Pierre n'a rien renié d'autre que le fait d'être chrétien. Et le Seigneur a permis que Pierre renie parce qu'il a voulu que celui qui devait être placé à la tête de l'Église ait plus de compassion pour les faibles et ceux qui pèchent, ayant expérimenté en lui-même l'infirmité du péché. L'épître aux Hébreux dit : Nous n'avons pas un grand prêtre qui ne pourrait compatir à nos infirmités puisqu'il a été éprouvé en toutes choses hormis le péchécela est vrai du Christ, mais on peut aussi le dire de Pierre, même avec le péché. Certains cependant, appropriant à tort cette grâce à Pierre, disent qu'il n'a pas renié par crainte mais par amour, voulant être toujours avec le Christ et le suivre sans cesse ; il savait en effet que s'il avouait être des disciples du Christ, il aurait été séparé du Christ et expulsé. Mais cela n'est pas en accord avec les paroles du Seigneur, parce que ce n'est pas pour cela qu'il renia mais parce qu'il n'a pas voulu perdre son âme pour le Christ. Plus haut en effet, quand il avait dit : Je perdrais mon âme pour toi, Jésus avait répondu : Tu perdrais ton âme pour moi ? Amen, amen, je te le dis, le coq ne chantera pas que tu ne m'aies renié trois fois.
2310. La confirmation du reniement est exposée ici : Pierre se tenait là avec eux comme pour faire paraître davantage qu'il n'était pas disciple du Christ. En effet, Pierre, pour ne pas sembler faire partie des disciples, se plaça parmi les serviteurs et les gardes qui se tenaient auprès des braises parce qu'il faisait froid, comme il arrive parfois à l'équinoxe d'hiver en mars. En cela, Pierre n'a pas bien considéré ce qui est dit dans le psaume : Tu seras saint avec le saint. Le temps lui-même aussi était en accord avec la condition de son esprit, en lequel la charité s'était refroidie - La chanté de beaucoup se refroidira.
Caïphe était celui… Note rétrospective qui nous ramène à
11, 50. - Qui avait donné ce conseil... Conseil tout ensemble cynique et prophétique, qui allait recevoir
bientôt sa réalisation : voilà pourquoi S. Jean le mentionne de nouveau en cet endroit. Le narrateur se
proposait peut-être, en même temps, d’insinuer la façon inique dont allait être dirigée une cause judiciaire
qui avait un tel président. - Il vaut mieux qu’un seul homme meure… Pendant l’audience préliminaire et
simplement officieuse qui avait lieu chez Anne, le Sanhédrin, averti en toute hâte, se rassemblait chez
Caïphe pour procéder officiellement. Mais jusqu’où s’étend, dans ce chapitre, le récit de l’audience
préliminaire, et où commence l’interrogatoire de Jésus devant le Sanhédrin ? C’est là une de ces questions
difficiles qui laisseront à tout jamais les exégètes dans la perplexité, sans qu’il soit possible de les trancher
avec certitude d’une manière plutôt que de l’autre. Au premier regard, et si nous n’avions pas les
narrations parallèles des synoptiques, il ne semblerait pas douteux que S. Jean raconte, jusqu’à la fin du v.
23, la comparution de Notre-Seigneur devant Anne, puisqu’il ajoute au v. 24 : « Anne l’envoya lié à
Caïphe, le grand prêtre ». Et beaucoup de commentateurs anciens et modernes adoptent en effet ce
sentiment. Toutefois, en étudiant plus attentivement le texte, et en le rapprochant des trois récits antérieurs,
d’autres interprètes non moins nombreux et non moins savants (tels que S. Cyrille, Maldonat, Tolet,
Jansénius, Noël Alexandre, Grotius, Lücke, de Wette, Tholuck, A. Maier, Langen, Bäumlein, Edersheim,
Geikie, etc.) n’ont pas cru pouvoir prolonger l’audience chez Anne au-delà du verset 14 : elle serait,
suivant eux, simplement indiquée (v.13) et motivée (v.14), mais sans aucun détail. Leurs principaux
arguments, qui nous ont toujours paru concluants, se ramènent à ces trois points : 1° Si les versets 15-23 se
rapportent à Anne comme les deux précédents, il faudra dire que S. Jean est demeuré tout à fait muet sur la
séance principale et officielle du procès religieux de Notre-Seigneur ; or cela nous parait inadmissible. 2°
Le titre de grand-prêtre, qui désigne Caïphe au v.13, ne peut de même désigner que lui seul dans ce
passage entier (vv. 13-23) ; par conséquent, c’est de Caïphe qu’il est question aux versets 15-19, et c’est
Caïphe qui dirige l’interrogatoire des vv. 19-23. Toute autre conclusion ferait violence au texte. 3° La
triple scène du reniement de S. Pierre se passa en entier chez Caïphe d’après les synoptiques ; la façon
dont S. Jean raconte de son côté l’infidélité du prince des apôtres montre que les deux premières négations
(vv. 15-18) eurent lieu dans un même local que la troisième (vv. 25-27), et il place formellement cette
dernière dans la cour du palais de Caïphe : c’est donc pareillement chez Caïphe qu’il place l’interrogatoire
des vv. 19-23. Assurément, le verset 24 nous est objecté par les partisans de l’opinion contraire ; on tâche
de résoudre la difficulté réelle qu’il renferme, en admettant un oubli momentané du narrateur. Celui -ci,
arrivé à la fin de son récit, se souvenant qu’il n’avait pas mentionné le changement de lieux, l’aurait noté
après coup, mais malheureusement de manière à créer une certaine obscurité sur la marche réelle des faits.
Ainsi donc, nous croyons que notre évangéliste s’est borné à noter, sans aucun détail, la comparution de
Jésus devant Anne, parce qu’elle fut entièrement privée, rapide, sans aucun caractère officiel, et qu’elle
n’amena rien de décisif.