Jean 18, 36
Jésus déclara : « Ma royauté n’est pas de ce monde ; si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici. »
Jésus déclara : « Ma royauté n’est pas de ce monde ; si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici. »
Laissant de côté la première question du gouverneur (qu’as-tu
fait ?), Jésus revient sur celle qui concernait sa royauté personnelle, v. 35. Il avoue qu’il est roi, non
toutefois dans le sens ordinaire et politique de ce nom (v. 36), mais au moral (v. 37). La réponse est
concise, pleine de vigueur. La phrase entière est rythmée, cadencée, vraiment royale. - Mon royaume. Dans
le texte grec : le royaume qui est mien, par opposition aux autres royautés purement terrestres. De même
au verset suivant. - N’est pas de ce monde. La préposition « de » dénote l’origine, la source. Le royaume
de Jésus ne tire donc pas son origine de ce monde profane, quoiqu’il ait ici-bas son théâtre. Et le Sauveur
donne de cela une preuve irréfragable, qui consiste en un fait d’expérience, rendu visible et palpable par la
situation même où il se trouvait alors personnellement. - Si mon royaume était de ce monde. Dans ce cas,
en effet, il aurait eu comme les autres rois ses légions, ses généraux, ses ministres fidèles, et ceux -ci
auraient certainement fait des efforts sérieux pour le délivrer, car « Le monde conserve ses royaumes par
les luttes armées », Bengel. - Mes serviteurs auraient combattu… Dans le texte grec le verbe indique, non
un simple combat, mais des efforts violents et réitérés pour arriver à un but. - Pour que je ne fusse pas
livré aux Juifs. Jésus ne prononce ce nom de Juifs que quatre fois, et toujours dans l’Évangile selon S.
Jean. - Mais mon royaume n’est pas d’ici. Répétition de la pensée initiale, avec la transition mais et la
variante « d’ici ». Voyez un beau commentaire de ce verset dans S. Augustin, Traité 115 sur Jean, 2.
Je l’assure ; sens de la particule (nunc autem regnum meum non est hinc), traduite généralement par maintenant, et qui est ici, comme en bien d’autres passages analogues, purement enclitique. Certains l’ont rendue par maintenant, pour le moment… (Comparer à Jean, 19, 21). Jésus-Christ était vraiment roi ; mais il n’avait pas reçu son pouvoir des hommes : « C’est pourquoi, remarque saint Augustin, il ne dit pas ici : Mon royaume n’est pas en ce monde, mais n’est pas de ce monde ; » idée que rend parfaitement saint Chrysostome quand il dit : « Il s’exprime ainsi, parce qu’il ne tient pas de royaume, comme le tiennent ici-bas les rois de la terre, et qu’il a reçu d’en haut sa principauté qui n’est pas humaine, mais qui est bien plus grande et plus illustre. » Voir Luc, note 17.21. Le royaume de Dieu est au dedans de vous…
Ainsi, l’unique Peuple de Dieu est présent à tous les peuples de la terre, empruntant à tous les peuples ses propres citoyens, citoyens d’un Royaume dont le caractère n’est pas de nature terrestre mais céleste. Tous les fidèles, en effet, dispersés à travers le monde, sont, dans l’Esprit Saint, en communion avec les autres, et, de la sorte « celui qui réside à Rome sait que ceux des Indes sont pour lui un membre ». Mais comme le Royaume du Christ n’est pas de ce monde (cf. Jn 18, 36), l’Église, Peuple de Dieu par qui ce Royaume prend corps, ne retire rien aux richesses temporelles de quelque peuple que ce soit, au contraire, elle sert et assume toutes les capacités, les ressources et les formes de vie des peuples en ce qu’elles ont de bon ; en les assumant, elle les purifie, elle les renforce, elle les élève. Elle se souvient en effet qu’il lui faut faire office de rassembleur avec ce Roi à qui les nations ont été données en héritage (cf. Ps 2, 8) et dans la cité duquel on apporte dons et présents (cf. Ps 71, 10 ; Is 60, 4-7 ; Ap 21, 24). Ce caractère d’universalité qui brille sur le Peuple de Dieu est un don du Seigneur lui-même, grâce auquel l’Église catholique, efficacement et perpétuellement, tend à récapituler l’humanité entière avec tout ce qu’elle comporte de bien sous le Christ chef, dans l’unité de son Esprit.
On parle beaucoup aujourd'hui du Royaume, mais pas toujours en accord avec la pensée de l'Eglise. Il existe, en effet, des conceptions du salut et de la mission que l'on peut appeler «anthropocentriques», au sens réducteur du terme, dans la mesure où elles sont centrées sur les besoins terrestres de l'homme. Suivant cette manière de voir, le Royaume tend à devenir une réalité exclusivement humaine et sécularisée où ce qui compte, ce sont les programmes et les luttes pour la libération sociale et économique, politique et aussi culturelle, mais avec un horizon fermé à la transcendance. Sans nier qu'il y ait des valeurs à promouvoir également à ce niveau, cette conception reste toutefois dans les limites d'un royaume de l'homme privé de ses dimensions authentiques et profondes, et elle se traduit facilement par l'une des idéologies de progrès purement terrestre. Le Royaume de Dieu, au contraire, «n'est pas de ce monde..., il n'est pas d'ici » (cf. Jn 18, 36).