Jean 18, 6

Quand Jésus leur répondit : « C’est moi, je le suis », ils reculèrent, et ils tombèrent à terre.

Quand Jésus leur répondit : « C’est moi, je le suis », ils reculèrent, et ils tombèrent à terre.
Saint Thomas d'Aquin
2279. Ici l'Évangéliste montre la prompte volonté d'amour du Christ de supporter volontairement la trahison, d'abord en s'offrant volontairement, puis en arrêtant le disciple qui résistait [n° 2286].

a) Le Christ s'offre volontairement.

À propos du premier point, l'Évangéliste fait deux choses : il raconte d'abord que le Christ s'est montré pour manifester sa puissance, puis qu'il s'est montré pour manifester sa patience [n° 2283].

Le Christ s'est montré pour manifester sa puissance.

À propos du premier point, il dit d'abord que le Christ interroge, puis qu'il se manifeste lui-même [n° 2281], puis il dit l'effet de la manifestation [n° 2282].

2280. [À propos de l'interrogation du Christ,] il fait trois choses. D'abord, il met en valeur la science et la connaissance du Christ : ALORS JÉSUS, SACHANT TOUT CE QUI ALLAIT LUI ARRIVER, S'AVANÇA (...) - Jésus, sachant que son heure était venue (...) Cela, l'Évangéliste l'a intégré pour deux raisons : d'abord, pour qu'il ne semble pas que l'interrogation que le Christ allait leur adresser était faite par ignorance. Ensuite pour qu'il ne semble pas qu'il s'était offert à eux involontairement et par ignorance alors qu'ils venaient pour le tuer. Ces pourquoi, TOUT CE QUI ALLAIT LUI ARRIVER, il le savait. En second lieu, l'Évangéliste expose l'interrogation du Christ qui, alors qu'il savait tout cela, S'AVANÇA cependant ET LEUR DIT : « QUI CHERCHEZ-VOUS ? », mais non par ignorance, comme on l'a dit. En troisième lieu, il donne leur réponse : ILS LUI RÉPONDIRENT « JÉSUS LE NAZARÉEN », sous-entendu : nous le cherchons, non certes pour l'imiter, mais pour agir avec méchanceté et le tuer. C’est pourquoi il est dit plus haut : Vous me chercherez, et vous mourrez dans votre péché.

2281. L'Évangéliste expose ici la manifestation de lui-même par laquelle le Christ s'est présenté à eux pour être pris : « C'EST MOI », Jésus le Nazaréen, que vous cherchez. Et l'Évangéliste ajoute la présence de Judas, parce qu'il a dit plus haut que Judas l'avait quitté. On pourrait croire qu'il n'y aurait rien d'étonnant à ce que le Christ n'ait pas été reconnu par eux à son visage, à cause des ténèbres ; mais que quelqu'un ne soit pas reconnu à sa voix, et surtout par un homme qui lui est familier, cela ne peut pas être imputé aux ténèbres. En disant « C'EST MOI », le Christ montre donc qu'il n'a même pas été reconnu par Judas, familier de lui, qui se tenait avec eux ; cela manifeste plus que tout la puissance de la divinité du Christ. JUDAS, donc, SE TENAIT AVEC EUX, c'est-à-dire persévérait dans le mal, au point de le montrer par le signe d'un baiser.

2282. Ici est montré l'effet de la manifestation. Et comme le dit Grégoire, on lit parfois au sujet des saints qu'ils tombent à terre - Il tomba sur sa face et se prosterna devant Daniel. - Je tombai sur ma face. Des hommes iniques aussi, on dit qu'ils tombent - Tes hommes très beaux tomberont -, mais voici la différence : au sujet des hommes iniques il est dit qu'ils tombent à la renverse - Ils tombent à la renverse et sont pris au piège. - Il tomba de son siège à la renverse -, alors que des saints il est dit qu'ils tombent sur leur face. La raison en est indiquée dans le livre des Proverbes : Les sentiers des justes sont comme la brillante lumière dont l'éclat va croissant jusqu'au plein jour, et la voie des impies est ténébreuse, ils ne savent où ils vont s'écrouler. En effet, tout homme qui tombe en arrière tombe là où il ne voit pas. On dit donc des hommes iniques qu'ils tombent à la renverse parce qu'ils tombent dans des choses invisibles ; en effet, ils s'écroulent là où ils ne peuvent voir tout de suite ce qui alors les suit. Mais celui qui tombe devant lui, tombe là où il voit ; et c'est pourquoi on dit des saints qu'ils s'abaissent spontanément dans les choses visibles pour être debout dans les réalités invisibles, et qu'ils tombent sur leur face parce que, saisis de crainte en les voyant, ils s'humilient. Au sens mystique, le fait que [ceux qui venaient chercher le Christ] soient tombés à la renverse donne à entendre que le peuple des Juifs, qui était le peuple particulier [de Dieu], n'ayant pas écouté la voix du Christ dans sa prédication, est retourné en arrière, exclu du Royaume.

Le Christ s'est montré pour manifester sa patience.

DE NOUVEAU DONC IL LES INTERROGEA : « QUI CHERCHEZ-VOUS ? » ILS LUI DIRENT : « JÉSUS LE NAZARÉEN. » JÉSUS RÉPONDIT : « JE VOUS AI DIT QUE C'EST MOI – SI DONC VOUS ME CHERCHEZ, LAISSEZ ALLER CEUX-CI », POUR QUE SOIT ACCOMPLIE LA PAROLE QU'IL AVAIT DITE : « CEUX QUE TU M'AS DONNÉS, JE N'EN AI PERDU AUCUN. » (18, 7-9)

2283. On rapporte ici la seconde interrogation. D'abord l'interrogation réitérée, puis la manifestation du Christ, et enfin son oblation. S'il a interrogé de nouveau c'est, selon Chrysostome pour deux raisons. D'abord pour qu'en indiquant sa puissance - du fait que les ennemis qui venaient contre lui sont, en face de lui, tombés à terre à la renverse - ceux qui croient en lui découvrent que c'est de sa propre volonté qu'il a été pris - II a été offert parce que lui-même l’α voulu. En second lieu, aussi, pour donner aux Juifs, autant qu'il le pouvait, matière à conversion, après avoir vu un miracle de sa puissance - Qu'aurais-je dû faire de plus pour ma vigne, que je ne lui aie pas fait ? C'est pourquoi, puisqu'ils ne se convertirent pas dès cette manifestation de sa puissance, il s'omît à eux spontanément pour être pris. Et quand DE NOUVEAU IL LES INTERROGEA : « QUI CHERCHEZ-VOUS ? » et qu'ILS LUI DIRENT : « JÉSUS LE NAZARÉEN », lui-même se manifestant de nouveau RÉPONDIT : « JE VOUS AI DIT QUE C'EST MOI – » En cela, il est évident qu'ils étaient aveugles au point de ne pas pouvoir le reconnaître.

L'oblation que le Christ fait de lui-même est exposée quand il dit : SI DONC VOUS ME CHERCHEZ, c'est-à-dire : si vous cherchez à me prendre, faites ce dont vous avez l'intention, de telle sorte cependant que vous laissiez aller ceux-ci, à savoir mes disciples, parce que le moment n'est pas encore venu qu'ils soient enlevés du monde par la Passion - Je ne prie pas pour que tu les enlèves du monde. En quoi il est évident que lui-même a donné [à ceux qui le cherchaient] pouvoir de le prendre ; car de même qu'il a gardé ses disciples par sa puissance, il aurait pu encore bien plus se garder lui-même - Personne ne m'enlève mon âme, mais moi je la dépose de moi-même.

2284. L'Évangéliste montre que ce n'est pas parce qu'ils auraient été persuadés par le Christ que les gardes laissèrent les Apôtres s'en aller, mais en raison de son pouvoir : POUR QUE SOIT ACCOMPLIE LA PAROLE QU'IL AVAIT DITE, comme si les gardes avaient laissé les Apôtres s'en aller parce qu'ils ne pouvaient les retenir, puisque lui-même avait dit plus haut : CEUX QUE TU M'AS DONNÉS, JE N'EN AI PERDU AUCUN .

2285. Là on peut objecter que le Seigneur avait dit plus haut cela de la perdition de l'âme ; comment l'Évangéliste adapte-t-il cela à la perdition du corps ? À cela je réponds : il faut dire, selon Chrysostome, que le Seigneur a parlé plus haut de la perdition de l'âme et du corps. Et s'il a seulement parlé de la perdition de l'âme, il faut dire qu'ici l'Évangéliste la rapporte à la perdition du corps par une certaine extension. Ou bien, selon Augustin, il faut dire que ce qui est dit doit être compris aussi de la perdition de l'âme, parce que les Apôtres ne croyaient pas encore comme croient ceux qui ne périssent pas. Et c'est pourquoi, s'ils avaient alors quitté ce monde, ils auraient été de ceux qui périssent.
Louis-Claude Fillion
La scène qui suit eut lieu aussitôt après la réponse de N.-S. Jésus-Christ, et en fut le résultat direct. - Ils reculèrent. Ce fut leur premier mouvement : ils reculèrent épouvantés. - Et tombèrent par terre. Second mouvement. Comme le dit si bien S. Léon, Serm. 1 de Pass., « Cette troupe formée des hommes les plus féroces, il l’a étendue sur le sol comme si elle avait été frappée par la foudre. Ils s’écroulèrent ces brigands menaçants et terribles ». Divers exégètes modernes, protestants ou rationalistes, traitent cet incident comme s’il était du domaine purement naturel, et ils se complaisent à rapprocher la terreur des agents de Judas des marques d’effroi manifestées subitement aussi par les assassins de Marius, d’Antoine, par les Gaulois en face des sénateurs romains, etc. C’est une erreur, car nous sommes visiblement en face d’un grand miracle ; miracle que le Sauveur était en quelque sorte tenu d’accomplir, pour manifester sa puissance en même temps qu’il allait accepter l’humiliation. S’il n’y avait eu qu’un saisissement momentané de la peur, il n’est pas croyable qu’il eût atteint toute la bande, même les prétoriens romains pour lesquels Jésus était un inconnu. Les anciens commentateurs n’ont jamais hésité à reconnaître le prodige (voyez Langen, Die letzten Lebenstage Jesu, p. 220-221), et de nombreux auteurs hétérodoxes ne peuvent s’empêcher de l’admettre à leur tour, même Strauss et M. Reuss, tant il ressort visiblement du texte. Nous avons rencontré déjà, 2, 15-16 ; 7, 46, et surtout Luc 4, 30, des effets analogues, quoique moins étonnants, produits par la majesté et la puissance surhumaine de N.-S. Jésus-Christ.
Fulcran Vigouroux
Par terre. « Avant que l’Agneau de Dieu se livre aux loups, sa voix laisse deviner qu’il est aussi le lion de la tribu de Juda (voir Apocalypse, 5, 5). » (saint Augustin).