Jean 18, 9
Ainsi s’accomplissait la parole qu’il avait dite : « Je n’ai perdu aucun de ceux que tu m’as donnés ».
Ainsi s’accomplissait la parole qu’il avait dite : « Je n’ai perdu aucun de ceux que tu m’as donnés ».
Mais comment purent-ils entraîner celle cohorte dans leurs desseins? Parce qu'ils avaient affaire à des soldats prêts à tout faire pour de l'argent.
Bien souvent ils avaient envoyé des gens pour se saisir de Jésus, sans qu'ils aient pu s'emparer de sa personne, preuve évidente qu'il se livrait volontairement entre leurs mains. Aussi l'Évangéliste ajoute: Mais Jésus sachant tout ce qui devait lui arriver, s'avança et leur demanda: «Qui cherchez-vous ?» etc.
C'est-à-dire, si c'est moi que vous cherchez, vous n'avez rien à démêler avec eux; je me livre moi-même entre vos mains, et c'est ainsi que jusqu'à la dernière heure, il donne à ses disciples des témoignages persévérants de son amour pour eux.
Il est au milieu d'eux, et il frappe leurs yeux de cécité, et l'Évangéliste nous fait bien voir que ce ne sont pas les ténèbres de la nuit qui les empêchèrent de reconnaître Jésus on prenant soin de nous dire qu'ils avaient avec eux des torches et des lanternes. Au défaut même de lumières, ils auraient dû le reconnaître à sa voix, et si cette troupe ne connaissait pas Jésus, comment Judas qui avait continuellement été avec lui pouvait-il ne pas le reconnaître? Aussi l'Évangéliste fait-il remarquer que Judas qui le trahissait, était aussi avec eux. Or, Jésus voulait opérer ce prodige pour leur montrer que sans sa permission, non-seulement ils ne pouvaient pas se saisir de sa personne, mais qu'ils ne pouvaient infime le voir quoiqu'il fût présent au milieu d'eux. Lors donc qu'il leur eut dit: C'est moi, ils furent renversés et tombèrent par terre.
Le Sauveur ne veut pas cependant qu'on puisse penser que c'est lui qui a comme amené les Juifs à le mettre à mort, en se livrant de lui-même à ses ennemis, et il fait tout ce qui était nécessaire pour les détourner de leur criminel dessein. Mais comme ils persévèrent opiniâtrement et qu'ils sont tout à fait sans excuse, il se remet lui-même entre leurs mains: «Il leur demanda encore une fois: Qui cherchez-vous? Ils lui dirent: Jésus de Nazareth».
Aussi l'Évangéliste voulant nous montrer que ce n'était point là un acte de leur volonté, mais un effet de la puissance de celui qu'ils venaient d'arrêter, ajoute: «Afin que fût accomplie la parole qu'il avait dite: Je n'ai perdu aucun de ceux que vous m'avez donnés». Notre-Seigneur n'avait pas eu en vue dans ces paroles la mort du corps, mais la mort éternelle; l'Évangéliste les applique à la mort même corporelle.
Il commande à ses ennemis, et ses ennemis exécutent ses ordres, et ils laissent aller en liberté ceux qu'il leur défend de faire périr.
Est-ce que les Apôtres devaient être pour toujours à l'abri de la mort? Pourquoi donc les perdrait-il, s'ils mouraient alors? C'est qu'ils ne croyaient pas encore, en lui comme il faut croire pour ne point périr.
Cette cohorte était composée non de Juifs, mais de soldats romains. Les ennemis de Jésus l'avaient demandée au gouverneur comme pour s'emparer juridiquement du coupable, au nom de l'autorité légitime, et afin que personne ne cherchât à le délivrer de leurs mains, quoiqu'il y eût d'ailleurs une foule si nombreuse, et si bien armée, qu'elle fut capable d'effrayer et au besoin de repousser celui qui oserait prendre la défense du Sauveur.
Où est maintenant cette cohorte de soldats? où est ce déploiement terrible d'armes menaçantes? Une seule parole, sans qu'il fût besoin d'aucune autre arme, a suffi pour frapper, pour repousser, pour jeter à terre cette troupe nombreuse dont la haine était si ardente et l'appareil armé si effrayant. C'est que Dieu était caché dans ce corps mortel, et le jour éternel était tellement voilé par la nature humaine, que les ténèbres qui voulaient le mettre à mort étaient obligées de le chercher avec des torches et des lanternes. Que fera-t-il donc au jour où il viendra juger le monde, lui qui opère de si grands prodiges au moment où il va lui-même être jugé. Maintenant Jésus-Christ, par son Évangile, fait retentir en tous lieux cette parole: «C'est moi», et cependant les Juifs attendent l'Antéchrist, et se retournent ainsi en arrière pour tomber à la renverse, parce qu'ils sacrifient les biens du ciel aux désirs des choses de la terre.
Ils avaient déjà entendu cette réponse: «C'est moi», et ils ne s'étaient pas emparé de la personne du Sauveur, parce que telle était la volonté de celui qui peut tout ce qu'il veut. Cependant s'il ne leur avait jamais permis de se saisir de lui, cette troupe n'aurait pas rempli la mission qui lui avait été donnée, et lui-même n'aurait pas accompli le dessein qui l'avait fait descendre sur la terre. Maintenant qu'il a donné des preuves suffisantes de sa puissance à ceux qui voulaient s'emparer de lui, mais inutilement, qu'ils se saisissent de sa personne ils ne feront, sans le savoir, qu'obéir à l'ordre de sa volonté: «Si donc c'est moi que vous cherchez, leur dit-il, laissez aller ceux-ci».
Mais pourquoi les élus tombent-ils la face contre terre, tandis que les réprouvés tombent à la renverse? C'est que tout homme qui tombe à la renverse, tombe en aveugle, tandis que celui qui tombe le visage contre terre, voit l'endroit où il tombe? Comme les méchants tombent dans un milieu qui est pour eux invisible, on dit qu'ils tombent en arrière, parce qu'ils ne peuvent voir ce qui les suit dans ce milieu où ils sont tombés. Les justes au contraire qui s'humilient d'eux-mêmes au milieu de ces choses visibles pour mériter de s'élever jusqu'aux invisibles, tombent la face contre terre, parce que pénétrés de componction et. de crainte, ils voient leur propre humiliation.
La Glose
Après nous avoir expliqué comment Judas put savoir le lieu où Jésus-Christ se trouvait, l'Évangéliste raconte comment il s'y rendit: «Judas ayant donc pris une cohorte, et des gens des pontifes et des pharisien», etc.
Il leur fait cette question, non pour connaître leurs desseins, puisqu'il savait parfaitement ce qui devait lui arriver, mais pour leur montrer que tout présent qu'il était à leurs yeux, ils ne pouvaient ni le voir ni le distinguer: «Ils lui répondirent: Jésus de Nazareth, Jésus leur dit; c'est moi».
Ils portent avec eux des torches et des lanternes afin que Jésus-Christ ne pût leur échapper à la faveur des ténèbres.
S. Jean, comme S. Matthieu, se complaît à faire la
philosophie de l’histoire du Sauveur. - La parole qu’il avait dite. Voyez 17, 12 ; c’était la seconde partie de
la prière sacerdotale. - De ceux que vous m’avez donnés, je n’en ai perdu aucun. Plus haut, Notre-Seigneur
avait dit : « aucun d'eux ne s'est perdu » ; la citation n’est donc pas tout à fait littérale. En outre, il
s’agissait alors avant tout d’une ruine spirituelle et morale, tandis que S. Jean parle directement ici d’une
préservation matérielle et physique. Mais ceci était compris dans cela ; car les apôtres auraient été
incapables actuellement de supporter la persécution et le danger, sans courir un grand risque de perdre la
foi.