Jean 2, 11

Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C’était à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui.

Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C’était à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui.
Saint Maxime de Turin
Le Fils de Dieu est donc allé aux noces pour sanctifier par sa présence bénie le mariage qu'il avait institué par une décision souveraine. Il est allé à des noces célébrées selon l'ancienne coutume, en vue de se choisir dans la société des païens une épouse qui resterait toujours vierge. Lui qui n'est pas né d'un mariage humain est allé aux noces. Il y est allé non point pour prendre part à un joyeux banquet, mais pour se révéler par un exploit vraiment admirable. Il est allé aux noces non pour boire des coupes de vin, mais pour en donner. Car, dès que les invités manquèrent de vin, la bienheureuse Marie lui dit: Ils n'ont pas de vin. Jésus apparemment contrarié lui répondit: Femme, que me veux-tu (Jn 2,3-4)?

De telles paroles sont, sans aucun doute, le signe d'un mécontentement. Elles s'expliquent pourtant, à mon avis, par le fait que la mère lui avait signalé d'une manière inattendue qu'on manquait d'une boisson matérielle, alors qu'il était venu offrir aux peuples de la terre entière le calice nouveau de l'éternel salut. En répondant: Mon heure n'est pas encore venue (Jn 2,4), il prophétisait certainement l'heure très glorieuse de sa passion, ou bien le vin de notre rédemption qui procurerait la vie à tous. Car Marie demandait une faveur temporelle, tandis que le Christ préparait une joie éternelle.

Le Seigneur très bon n'a toutefois pas hésité à accorder cette grâce moindre, alors que de grandes grâces étaient attendues. La bienheureuse Marie, parce qu'elle était véritablement la mère du Seigneur, voyait par la pensée ce qui allait arriver et connaissait d'avance la volonté du Seigneur. Aussi prit-elle bien soin d'avertir les serviteurs par ces mots: Faites tout ce qu'il vous dira (Jn 2,5). Sa sainte mère savait assurément que la parole de reproche tombée de la bouche de son fils, le Seigneur, ne cachait pas le ressentiment d'un homme en colère, mais contenait une mystérieuse compassion.

Alors, pour rassurer sa mère déconcertée par cette réprimande, le Seigneur révéla aussitôt son pouvoir souverain. Il dit aux serviteurs qui attendaient: Remplissez d'eau les cuves (Jn 2,7). Les serviteurs, dociles, s'empressèrent d'obéir. Et voici que d'une manière soudaine et merveilleuse, ces eaux commencèrent à recevoir de la force, à prendre de la couleur, à répandre une bonne odeur, à acquérir du goût, et en même temps à changer entièrement de nature. Et cette transformation des eaux en une autre substance a manifesté la présence de la puissance créatrice. Personne, en vérité, hormis celui qui a créé l'eau de rien, ne peut la transformer en une substance destinée à d'autres usages.

Il n'y a aucun doute, mes bien-aimés, que celui-là même qui a changé l'eau en vin, lui a donné aussi, à l'origine, la consistance de la neige et la dureté de la glace. Il l'a changée en sang pour les Égyptiens. Pour étancher la soif des Hébreux, il lui a ordonné de couler d'un dur rocher, dont il a fait jaillir, comme du sein d'une mère, une source nouvelle qui a fait vivre une multitude innombrable de peuples.

Tel fut, dit l'Écriture, le commencement des signes que Jésus accomplit. C'était à Cana en Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui (Jn 2,11). La foi des disciples ne s'appliquait pas du tout à ce qui s'accomplissait sous leurs yeux, mais à ce que les yeux du corps ne peuvent voir. Ils ont cru, non que Jésus Christ était le fils d'une vierge, car ils le savaient, mais qu'il était aussi le Fils unique du Très-Haut, ce dont le miracle leur fournissait la preuve.

Voilà pourquoi, mes frères, nous devons croire, nous aussi, de tout notre coeur, que celui-là même que nous appelons le fils de l'homme, est également le Fils de Dieu. Puisqu'il était présent aux noces en tant qu'homme, et qu'il a changé l'eau en vin en tant que Dieu, croyons que non seulement il partage notre nature, mais aussi qu'il est par nature égal au Père, afin que notre Seigneur, dans sa bonté, veuille nous donner à boire, en raison de cette foi, le vin très pur de sa grâce.
Saint Thomas d'Aquin
335. Plus haut l’Evangéliste a montré de différentes manières la dignité du Verbe incarné et l’évidence de sa manifestation. Ici, il commence à préciser les effets et les œuvres qui manifestèrent au monde la divinité du Verbe incarné. Il rapporte d’abord ce que le Christ a fait en ce monde, en y vivant, pour manifester sa divinité ch. au ch. ; puis il expose comment Il l’a manifestée en mourant ch. au ch. .

En ce qui concerne les effets et les œuvres accomplis par le Christ pendant sa vie, Jean montre la divinité du Christ premièrement dans le pouvoir souverain qu’Il a exercé sur la nature , et ensuite par les effets de sa grâce ch. au eh. .

En changeant la nature, le Christ nous révéla son pouvoir souverain sur elle, et de ce changement Il fit un signe pour confirmer ses disciples dans la foi l’objet de la présente leçon et pour amener les foules à croire , -.

Le changement de la nature destiné à affermir la foi de ses disciples fut accompli au cours des noces où Jésus changea l’eau en vin; Jean y parle d’abord des noces , puis de ceux qui y étaient présents ; enfin il décrit le miracle même que Jésus y accomplit .

336. L’Evangéliste commence ici une description des noces. D’abord quant au temps : LE TROISIEME JOUR, IL Y EUT DES NOCES, c’est-à-dire le troisième jour après les événements qu’il vient de raconter au sujet de la vocation des disciples de Jean. En effet le Christ, après avoir été manifesté par le témoignage de Jean-Baptiste, voulut aussi se manifester Lui-même. Puis quant au lieu : A CANA DE GALILEE, la Galilée étant une province, et Cana un bourg de cette province.

337. Concernant le sens littéral, il faut savoir qu’il y a deux opinions sur la durée de la prédication du Christ. Certains disent que depuis le baptême du Christ jusqu’à sa passion, deux ans et demi s’écoulèrent; et, d’après eux, ce qu’on lit ici au sujet des noces se passa l’année même de son baptême. Mais ils ont contre eux la sentence et l’usage de l’Eglise, puisqu’en la fête de l'Epiphanie on commémore trois événements admirables : celui de l’adoration des Mages qui eut lieu l’année même de la naissance du Seigneur, le baptême qui eut lieu ce même jour, mais trente ans plus tard, et les noces célébrées en ce même jour, un an après.

Il s’ensuit qu’une année au moins s’écoula entre le baptême et les noces. Les Evangiles ne nous rapportent des actions du Seigneur durant cette année que son jeûne dans le désert et la tentation par le diable , ainsi que ce que Jean rapporte ici du témoignage du Baptiste et de la conversion des disciples A partir de ces noces, Jésus commença à prêcher en public et à accomplir des miracles jusqu’à la passion; et ainsi sa prédication publique dura deux ans et demi.

338. Au sens mystique, les noces signifient l’union du Christ et de l’Eglise — C’est là un grand mystère, je l’entends du Christ et de l’Eglise . A la vérité, ces épousailles eurent leur commencement dans le sein de la Vierge , lorsque Dieu le Père unit la nature humaine à son Fils dans l’unité de la personne, en sorte que le lit nuptial de cette union — Dans le soleil, il dressa sa tente — fut ce sein virginal. De ces noces il est dit : Le Royaume des cieux ressemble à un roi qui fit les noces de son fils , ce qui se réalisa à l’heure où Dieu le Père a uni à son Verbe la nature humaine dans le sein virginal. Ce mariage fut rendu public lorsque l’Eglise s’est unie au Verbe par la foi — Je t’épouserai dans la foi dit le Seigneur .

De ces noces, l’Ecriture dit : Elles sont venues les noces de l’Agneau, et son épouse s’y est préparée . Et ces épousailles seront consommées lorsque l’épouse, c’est-à-dire l’Eglise, sera introduite dans le lit nuptial de l’Epoux, dans la gloire céleste : Heureux ceux qui ont été appelés au repas des noces de l’Agneau .

Le fait que ces noces eurent lieu le troisième jour n’est pas sans signification. Le premier jour est en effet le temps de la loi naturelle, le second celui de la Loi écrite; quant au troisième, c’est le temps de la grâce où le Seigneur né dans la chair célébra ses noces — Après deux jours, Il nous rendra la vie; le troisième jour Il nous relèvera et nous vivrons en sa présence

Le lieu convient au mystère de ces noces : en effet Cana a en hébreu le sens de "ferveur, zèle" et Galilée le sens de "passage" . Ces noces se célèbrent donc dans la ferveur d’un passage; c’est pour nous avertir que les plus dignes de l’union au Christ sont ceux qui, brûlant du zèle d’une appartenance filiale et sans réserve, passent de l’état de péché à la grâce — Venez à moi, vous tous qui me désirez, et de mes fruits rassasiez-vous — et de la mort à la vie, c’est-à-dire de l’état de mortalité et de misère à celui d’immortalité et de gloire — Voici que je fais toutes choses nouvelles .

339. L’Evangéliste décrit ensuite les personnes invitées à ces noces, c’est-à-dire la Mère de Jésus , Jésus Lui-même et ses disciples .

340. Jean commence en effet par dire : ET LA MERE DE JESUS Y ETAIT. Il la mentionne la première, pour montrer que Jésus était encore inconnu et qu’Il n’avait pas été invité aux noces comme une personne insigne mais uniquement en raison de certaines relations amicales, comme une personne de connaissance, mais une parmi d’autres. Comme on avait invité la Mère, on invita aussi le Fils.

341. Le Christ voulut prendre part aux noces, d’abord pour nous donner un exemple d’humilité : car II n’avait pas égard à sa propre dignité. Au contraire, comme le dit Chrysostome , Celui qui n’a pas dédaigné de prendre la condition de serviteur, ne dédaigna pas de venir aux noces de ses serviteurs.

C’est pourquoi Augustin dit : "Que l’homme rougisse d’être orgueilleux, puisque Dieu s’est fait humble". Parmi tous les autres actes d’humilité que le Fils de la Vierge a accomplis, Il vint aux noces, Lui qui, auprès de son Père, institua les noces dans le paradis. Au sujet de cet exemple il est dit : Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur Ensuite, le Christ voulut empêcher l’erreur de ceux qui condamnent les noces puisque, comme le dit Bède, "si dans une union sans tache et des noces célébrées avec la chasteté requise il y avait péché, le Seigneur n’aurait voulu s’y rendre en aucune manière". Aussi, par le fait même qu’Il s’y est rendu, Il donne à entendre qu’on doit réprouver l’erreur perfide de ceux qui dénigrent le mariage — La femme qui se marie ne pèche pas .

342. Au sujet des disciples, Jean dit : AINSI QUE SES DISCIPLES. Ceux-ci furent également invités.

343. Au sens mystique, il faut comprendre qu’aux noces spirituelles la Mère de Jésus, la Vierge bienheureuse, est présente en qualité de conseillère des noces, car c’est par son intercession que nous sommes unis au Christ par la grâce — En moi est toute espérance de vie et de force . Le Christ, Lui, y est présent en tant que véritable Epoux de l’âme, comme le dit Jean-Baptiste : Celui qui a l’épouse est l’époux . Quant aux disciples, ils sont là en qualité de compagnons des noces, pour unir l'Eglise au Christ, comme le dit l’un d’entre eux : Je vous ai fiancés à un époux unique, comme une vierge pure à présenter au Christ .

344. Et parce que dans ces noces considérées dans leur fait historique, une part du miracle revient à la Mère du Christ, une autre part au Christ et une autre part encore aux disciples, l'Evangéliste montre ici ce qui revient à la Mère du Christ, au Christ et aux disciples. A la Mère revient le soin de solliciter le miracle , au Christ de l’accomplir , aux disciples de l’attester .

La Mère du Christ a, dans le miracle, le rôle de médiatrice; c’est pourquoi elle accomplit deux choses : elle adresse en premier lieu une demande pressante à son Fils, puis elle donne des instructions aux serviteurs .

L’Evangéliste rapporte la demande de la mère, puis la réponse du Fils .

345. Dans la demande pressante de la Mère, remarquons d’abord sa bonté et sa miséricorde. Il appartient en effet à la miséricorde de regarder comme sienne l’indigence d’autrui : on appelle miséricordieux celui dont le cœur s’afflige du malheur d’autrui — Qui est faible, que je ne sois faible? Qui vient à tomber, qu’un feu ne me brûle? Paul. Aussi, parce qu’elle était remplie de miséricorde, la bienheureuse Vierge voulut-elle subvenir à l’indigence des autres, ce que l’Evangéliste exprime ainsi : LE VIN VENANT A MANQUER, LA MERE DE JESUS LUI DIT : "ILS N’ONT PLUS DE VIN."

Considérons ensuite son amour respectueux à l’égard du Christ. Dans l’amour respectueux que nous avons envers Dieu, il nous faut simplement Lui présenter notre indigence, suivant ce verset : Seigneur, tout mon désir est devant toi . De quelle manière Dieu nous viendra en aide, il ne nous appartient pas de chercher à le savoir, car, comme le dit l’Apôtre, nous ne savons pas ce qu’il convient de demander dans nos prières . C’est pourquoi la Mère de Jésus présenta uniquement au Christ l’indigence des autres en disant : ILS N’ONT PLUS DE VIN.

Notons enfin la sollicitude et le zèle aimant de la Vierge : car elle n’attendit pas pour intervenir que la nécessité fût extrême, mais elle le fit LE VIN VENANT A MANQUER, c’est-à-dire comme il commençait à manquer imitant Dieu dont il est dit : Le Seigneur vient au secours du pauvre dans ses nécessités et au temps de l’affliction

346. Chrysostome se pose cette question : pour quoi la Vierge n’a-t-elle pas incité le Christ à accomplir des miracles avant ce moment? En effet elle avait été instruite par l’Ange de sa puissance, et les nombreuses choses qu’elle avait vu s’accomplir à son sujet lui en donnèrent la confirmation, car elle gardait toutes ces choses et les méditait dans son cœur . La raison en est que Jésus s’était comporté jusque-là comme un homme au milieu des autres : aussi, parce qu’elle n’avait pas jugé le moment opportun, la Vierge avait-elle différé. Mais à présent, après le témoignage de Jean, après la conversion des disciples, elle invite avec confiance le Christ à opérer des miracles, représentant en cela la synagogue, qui est la mère du Christ les Juifs ont l’habitude, en effet, de demander des miracles, comme le dit Paul : Les Juifs demandent des signes .

347. La Mère de Jésus Lui dit donc : ILS N’ONT PLUS DE VIN. Ici, nous devons savoir qu’avant l’Incarnation du Christ, trois sortes de vin manquaient : le vin de la justice, celui de la sagesse et celui de la charité ou de la grâce. Le vin en effet est âpre, et c’est à ce titre que la justice est appelée vin. Le bon Samaritain versa du vin et de l’huile sur les plaies du blessé c’est-à-dire la sévérité de la justice mêlée à la douceur de la miséricorde — Seigneur, tu nous as fait boire un vin de larmes . Le vin, d’autre part, réjouit le cœur de l’homme . C’est en cela que la sagesse est vin, car sa méditation apporte la joie la plus vive — Sa société ne cause aucune amertume, ni son commerce aucun ennui, mais le contentement et la joie . De même le vin enivre — Amis, buvez, enivrez-vous, mes bien-aimés; pour cette raison, on dit de la charité qu’elle est un vin — J’ai bu mon vin avec mon lait . Et la charité est encore dite "Vin" en raison de l'ardeur de la ferveur que celui-ci apporte – Le vin ait s'épanouir les vierges .

Certes le vin de la justice manquait dans l’Ancienne Loi, sous laquelle la justice était imparfaite : mais le Christ l’a rendue parfaite, Lui qui a dit : Si votre justice ne surpasse pas celle des Scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux Le vin de la sagesse manquait aussi car elle était cachée et figurative : puisque, comme le dit l’Apôtre au sujet des Juifs : Tout leur arrivait en figure . Mais le Christ l’a rendue manifeste, car Il les enseignait en homme qui a autorité . Enfin le vin de la charité faisait aussi défaut, car les Juifs avaient reçu un esprit de servitude qui les laissait dans la crainte; mais le Christ changea l’eau de la crainte en vin de la charité, puisqu’Il nous donna un esprit d’adoption filiale qui nous fait crier : Abba, Père et que la charité de Dieu a été répandue dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné .

348. L’Evangéliste rapporte ici la réponse du Christ à Marie. On a pris occasion de cette réponse pour tomber dans trois hérésies.

349. Les Manichéens disent que le Christ n’a pas eu un corps véritable mais imaginaire. Valentin , lui, affirme que le Christ avait assumé un corps céleste, en prétendant que, corporellement, Il ne devait rien à la Vierge. Il tire argument, pour son erreur, de la réponse de Jésus à Marie : FEMME, QU’Y A-T-IL ENTRE TOI ET MOI? comme si le Christ disait : Je n’ai rien reçu de toi.

Mais les Manichéens et Valentin ont contre eux l’autorité de l’Ecriture sainte. L’Apôtre dit en effet : Dieu envoya son Fils, né d’une femme or il ne pouvait dire né d’une femme que si le Christ avait reçu d’elle quelque chose.

Augustin , de son côté, réfute leurs arguments en disant : Comment savez-vous que le Seigneur a dit : FEMME, QU’Y A-T-IL ENTRE TOI ET MOI? Vous répondez que c’est l’Evangéliste qui nous le rapporte. Or ce même Evangéliste dit aussi de la Vierge qu’elle était la MERE DE JESUS. Si donc vous vous fiez à Jean lorsqu’il rapporte que Jésus a dit à sa Mère : FEMME, QU’Y A-T-IL ENTRE TOI ET MOI?, croyez-le encore lorsqu’il vous dit : ET LA MERE DE JESUS Y ETAIT.

350. Ebion , lui, prétend que le Christ a été conçu d’une semence virile; quant à Elvidius, il affirme que la Vierge ne demeura pas vierge après l’enfantement; tous deux fondent leur erreur sur le mot "femme" employé par Jésus, qui leur paraît impliquer la corruption.

Or cela est inexact, puisque le mot "femme" est parfois employé dans la Sainte Ecriture pour désigner uniquement le sexe féminin par exemple dans ce texte Lorsque vint la plénitude des temps, Dieu envoya son Fils, né d’une femme On le voit encore manifestement d’après ces paroles adressées à Dieu par Adam au sujet d’Eve : La femme que tu m’as donnée pour compagne m’a donné du fruit de l’arbre et j’en ai mangé car il est évident que, se trouvant encore au paradis, où Adam ne l’avait pas connue, Eve était restée vierge jus qu’alors. C’est pourquoi ici l’appellation de "femme" n’implique pas la corruption, mais désigne le sexe féminin.

351. Les Priscillianistes eux aussi ont pris occasion de ces paroles du Christ : MON HEURE N’EST PAS ENCORE VENUE, pour tomber dans l’erreur. Ils affirment que tout arrive selon le destin : les actions des hommes, même celles du Christ, sont soumises à des heures déterminées; c’est pour cette raison que Jésus aurait dit : MON HEURE N’EST PAS ENCORE VENUE. Mais cela n’est vrai pour personne; en effet, puisque l’homme est capable d’un choix libre et que ce choix libre dépend de sa raison et de sa volonté, facultés immatérielles, il est évident que l’homme, dans son choix, n’est soumis à aucun élément corporel, mais qu’il en est plutôt le maître; car les réalités immatérielles sont plus nobles que les matérielles; et voilà pourquoi Ptolémée déclare que le sage est maître des astres.

De plus, cette fausse théorie convient d’autant moins au Christ qu’Il est le Créateur des astres; aussi, lors qu’Il dit MON HEURE N’EST PAS ENCORE VENUE, ces paroles doivent-elles s’entendre de l’heure de sa passion, heure déterminée non par la nécessité du destin, mais par la divine Providence.

A ces hérétiques, on peut encore opposer ces paroles de l’Ecclésiastique : Pourquoi un jour l’emporte-t-il sur un autre? C’est répond-il la science du Seigneur qui a établi entre eux des distinctions ; autrement dit : n’est pas le hasard qui les distingue l’un de l’autre, mais la divine Providence.

352. Ces opinions étant donc réfutées, cherchons la raison de cette réponse du Seigneur : FEMME, QU’Y A-T-IL ENTRE TOI ET MOI?

Il y a en Jésus deux natures, dit Augustin , la divine et l’humaine, et bien que le même Christ soit dans les deux natures, pourtant ce qui Lui convient selon la nature humaine est distinct de ce qui Lui convient selon la nature divine. Ainsi, faire des miracles Lui appartient selon la nature divine qu’Il a reçue du Père; mais souffrir Lui revient selon la nature humaine qu’Il a reçue de sa Mère. C’est pourquoi, à sa Mère qui Lui réclame un miracle, Il répond : FEMME, QU’Y A-T-IL ENTRE TOI ET MOI?, comme s’il disait : ce qui en moi fait des miracles, je ne l’ai pas reçu de toi; mais ce que je souffre, c’est-à-dire ce qui me rend capable de souffrir, la nature humaine, je l’ai reçue de toi; c’est pourquoi je te reconnaîtrai lorsque cette faiblesse sera suspendue à la croix. Aussi le Seigneur ajoute-t-Il : MON HEURE N’EST PAS ENCORE VENUE, c’est-à-dire : quand arrivera l’heure de ma passion, alors je te reconnaîtrai pour ma Mère. Et c’est pour cela que, suspendu à la croix, Jésus confia sa Mère à son disciple.

353. Chrysostome explique autrement ce passage : il pense que la bienheureuse Vierge, brûlant de zèle pour l’honneur de son Fils, voulut qu’aussitôt, sans attendre le moment opportun, le Christ fît des miracles; et que le Christ, évidemment plus sage que sa Mère, la reprit. En effet, Il ne voulut pas opérer le miracle avant qu’on ne connût le manque de vin, car ce miracle eût alors été moins éclatant et moins digne de créance. Il dit donc : FEMME, QU’Y A-T-IL ENTRE TOI ET MOI? autrement dit : pourquoi m’importuner? MON HEURE N’EST PAS ENCORE VENUE, c’est-à-dire : je ne suis pas encore connu de ceux qui sont ici et ils ne se sont pas aperçus du manque de vin; laisse-les d’abord s’en rendre compte afin que, ayant connu la nécessité, ils apprécient davantage le bienfait qu’ils recevront : Il y a en effet pour toute chose un temps et un jugement .

354. Mais ainsi rebutée, la Mère de Jésus ne doute pourtant pas de la miséricorde de son Fils; c’est pour quoi elle avertit les serviteurs en disant : FAITES TOUT CE QU’IL VOUS DIRA. Ces paroles, à la vérité, renferment la perfection de toute justice, puisque la justice parfaite, c’est d’obéir en toutes choses au Christ — Moïse vint apporter au peuple toutes les paroles du Seigneur et toutes les lois; et le peuple tout entier d’une seule voix répondit : Toutes les paroles qu’a dites le Seigneur, nous les accomplirons . La parole de Marie : TOUT CE QU’IL VOUS DIRA, FAITES-LE, ne peut s’adresser qu’à Dieu seul, car l’homme peut par fois se tromper; et c’est pourquoi, dans ce qui s’oppose à Dieu, nous ne sommes pas tenus d’obéir aux hommes — Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes . Mais à Dieu qui ne se trompe pas, ni ne peut être trompé, nous devons obéir en tout.

355. L’Evangéliste rapporte ensuite l’accomplissement du miracle par le Christ; il décrit d’abord les vases dans lesquels fut effectué le miracle; il indique ensuite la matière du miracle ; enfin, il nous fait connaître comment ce miracle fut manifesté et confirmé .

356. Les vases dans lesquels fut accompli le miracle sont au nombre de six. Les Juifs, en effet, comme le dit Marc , observaient de nombreuses ablutions corporelles et purifiaient de même les coupes et les vases : aussi, habitant la Palestine où l’eau est rare, ils avaient des vases pour conserver l’eau parfaitement pure afin de pouvoir souvent faire leurs ablutions et purifier leurs vases. C’est pourquoi l'Evangéliste dit : IL Y AVAIT LA SIX URNES DE PIERRE, récipients servant à conserver l’eau (en latin hydriae, du grec hydros, qui signifie "eau"), DESTINEES AUX PURIFICATIONS DES JUIFS, c’est-à-dire à l’usage de la purification, ET CONTENANT CHACUNE DEUX OU TROIS MESURES (en latin metretas, qui vient du mot grec metros, lequel signifie "mesure."

Comme le dit Chrysostome l’Evangéliste rapporte ce qu’étaient ces urnes pour écarter tout doute sur la réalité du miracle; d’une part leur propreté empêche de soupçonner que l’eau avait pris le goût du vin à cause de la lie du vin qu’elles auraient contenu auparavant : en effet ces vases DESTINES AUX PURIFICATIONS devaient être parfaitement propres; d’autre part leur nombre montre à l’évidence qu’une si grande quantité d’eau ne pouvait être changée en vin que par l’effet de la puissance divine.

357. Au sens mystique, les SIX URNES signifient les six époques de l’Ancien Testament durant lesquelles avaient été préparés et proposés en exemple de vie, comme le dit la Glose, les cœurs des hommes réceptifs aux Ecritures. Le terme même de MESURES, d’après Augustin , se rapporte à la Trinité des personnes. Et Jean dit DEUX OU TROIS, parce que la Sainte Ecriture nomme clairement tantôt trois Personnes, comme le fait Matthieu rapportant ces paroles du Christ : De toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, tantôt deux seulement, le Père et le Fils, avec lesquels est sous-entendue la Personne du Saint Esprit , qui est le lien des deux autres; c’est ainsi qu’il sera dit plus loin : Si quelqu’un garde ma parole, mon Père l’aimera et nous viendrons en lui et nous ferons chez lui notre demeure . On peut dire aussi : DEUX mesures, en raison des deux conditions des hommes, Juifs et Gentils, à partir desquelles fut construite l’Eglise; ou TROIS, à cause des fils de Noé par qui fut propagé le genre humain après le déluge.

358. Il s’agit ici de la matière du miracle. On peut à ce propos se demander pourquoi le Christ n’a pas opéré ce miracle à partir de rien, mais à partir d’une matière déjà existante. Nous répondrons en donnant trois raisons.

La première est de Chrysostome et se rapporte au sens littéral : il est certes plus grand et plus admirable de faire quelque chose de rien, que de le faire à partir d’une matière préexistante; mais ce n’est pas aussi manifeste et croyable pour la plupart des hommes. C’est donc pour rendre son action plus digne de foi que Jésus fit le vin à partir de l’eau, s’adaptant ainsi à la capacité des hommes.

La deuxième raison, c’est l’intention de réfuter des doctrines perverses. Il s’est trouvé en effet des hommes, comme Marcion et les Manichéens , pour dire que le Créateur du monde était un autre que Dieu et que cet autre, c’est-à-dire le diable, avait fait toutes les choses visibles. C’est ce qui explique également pourquoi le Seigneur a fait de nombreux miracles à partir des substances créées et visibles, afin de montrer qu’elles étaient bonnes et créées par Dieu.

Il y a une autre raison, qui est mystique : Jésus n’a pas voulu faire le vin à partir de rien, mais à partir de l’eau, pour montrer qu’Il ne voulait pas établir une doctrine entièrement nouvelle ni réprouver l’ancienne, mais l’accomplir — Je ne suis pas venu abolir la Loi et les Prophètes, mais accomplir. Ce que l’Ancienne Loi figurait et promettait, le Christ le manifesta et le révéla — Il leur ouvrit l’esprit à l’intelligence des Ecritures .

De plus, Jésus voulut que les urnes fussent remplies par les serviteurs, afin de les avoir comme témoins de ce qui s’accomplissait; d’où ce qui est dit plus loin : LES SERVITEURS LE SAVAIENT BIEN, EUX QUI AVAIENT PUISE L’EAU. "PUISEZ MAINTENANT, ET PORTEZ-EN A L’INTENDANT DU FESTIN".

359. Jean montre ici comment le miracle fut rendu public. Car au moment même où les urnes furent pleines ILS LES REMPLIRENT JUSQU’AU BORD, l’eau fut changée en vin, et c’est pourquoi le Seigneur, aussitôt, rend public le miracle.

Jean rapporte en premier lieu l’ordre du Christ choisissant celui qui doit constater le miracle; puis la sentence de l’intendant, lorsqu’il eut goûté l’eau changée en vin .

360. Jésus dit donc aux serviteurs : PUISEZ MAIN TENANT, c’est-à-dire du vin dans les urnes, ET PORTEZ-EN A L’INTENDANT DU FESTIN (en latin archi triclinus). A ce sujet, il faut savoir qu’on appelle triclinium un lieu où se trouvent trois rangs de tables, le mot triclinium désignant lui-même une rangée de trois lits (du grec clinè, qui signifie "lit"). Les anciens, en effet, avaient coutume de prendre leurs repas étendus sur des lits, comme le raconte Maxime Valère. C’est pourquoi l’Ecriture parle de ceux qui s’étendent ou sont couchés pour manger. On appelle donc architriclinus le premier des convives qui préside le repas. Ou encore, d’après Chrysostome , ce titre désignait l’ordonnateur et l’in tendant du festin. Parce que ce dernier, très occupé, n’avait encore goûté à rien, le Seigneur voulut qu’il jugeât lui-même ce qui avait été fait et non les convives, en sorte que nul ne puisse contester le miracle en disant qu’ils étaient ivres et que leur goût altéré par la nourriture ne leur permettait plus de discerner l’eau du vin. Augustin, lui, pense que l’architriclinus était le principal parmi ceux qui s’étendent pour le repas, comme on l’a dit plus haut, et que Jésus voulut recueillir de celui qui présidait le jugement sur ce qui avait été fait, pour que le jugement fût mieux accueilli.

361. Au sens mystique, les serviteurs qui puisent l’eau sont les prédicateurs — Vous puiserez les eaux avec joie aux sources du Sauveur . Or l’intendant du festin représente celui qui est expert dans la Loi, comme Nicodème, Gamaliel ou Paul; lorsque la parole évangélique, qui était cachée sous la lettre de la Loi, est confiée à de tels hommes, c’est comme le vin fait avec l’eau et versé à l’intendant du festin : l’ayant goûté, celui-ci approuve la foi au Christ.

362. L’Evangéliste rapporte ici le jugement de l’expert. Celui-ci s’enquiert d’abord de la vérité du fait, puis il rend sa sentence.

Il faut ici, selon Chrysostome , remarquer que, dans les miracles du Christ, tout fut absolument parfait : Il rendit une parfaite santé à la belle-mère de Pierre qui aussitôt levée les servait, comme le disent Marc et Matthieu . De même, Il rendit si parfaitement le para lytique à la santé que, se relevant sur le champ, il prit son grabat et rentra chez lui . Cela apparaît aussi dans ce miracle, puisque Jésus ne fit pas de l’eau un vin quel conque, mais le meilleur qui pût être. C’est pourquoi l’intendant du festin dit : TOUT LE MONDE SERT D’ABORD LE BON VIN, ET QUAND LES GENS SONT ENIVRES, LE MOINS BON.

363. Tout cela convient au mystère. Car, au sens mystique, on dit de quelqu’un qu’il sert d’abord le bon vin lorsque, ayant l’intention de tromper les autres, il ne leur expose pas d’emblée l’erreur où il a l’intention de les faire tomber, mais ce qui peut les séduire; car une fois enivrés et séduits, ils consentent à son intention, et c’est alors qu’il manifeste sa perfidie. C’est de ce vin que la Sainte Ecriture dit : Il entre agréablement, mais à la fin il mordra comme un serpent et il répandra son venin comme un basilic .

On dit encore de quelqu’un qu’il sert d’abord le bon vin lorsque, dans les débuts de sa conversion, ayant inauguré une vie de sainteté et toute spirituelle, il retombe finalement dans une vie charnelle — Etes-vous tellement insensés qu’après avoir commencé par l’Esprit, vous acheviez maintenant par la chair ?

Le Christ, Lui, ne sert pas d’abord le bon vin; au commencement Il propose des réalités amères et dures — car resserrée est la voie qui mène à la vie Mais plus l’homme progresse dans la foi et la doctrine du Christ, plus il acquiert de douceur et y goûte une grande suavité — Je vous conduirai dans les sentiers de la droiture et lorsque vous y serez entrés, vos pas ne seront pas à l’étroit . De même, tous ceux qui veulent vivre avec piété dans le Christ souffrent en ce monde amertumes et tribulations. Le Christ l’a annoncé : En vérité, en vérité je vous le dis : vous pleurerez et vous lamenterez. Mais dans le monde futur, les jouissances et les joies seront leur partage; c’est pourquoi le Seigneur ajoute : Mais votre tristesse se changera en joie. J’estime dit Paul que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire qui doit se révéler en nous .

364. Le témoignage des disciples sur ce miracle permet de reconnaître la fausseté de l’histoire de L’enfance du Sauveur, où l’on cite beaucoup de miracles accomplis par le Christ encore enfant. Si c’était vrai, l’Evangéliste n’aurait sûrement pas dit : TEL FUT LE PREMIER DES SIGNES DE JESUS. Nous avons donné plus haut la. raison pour laquelle Il n’opéra aucun miracle durant son enfance : de peur que les hommes ne les considèrent comme imaginaires; c’est pourquoi Jésus fit à Cana de Galilée ce miracle de l’eau changée en vin, qui est LE PREMIER DES SIGNES qu’Il fit par la suite. Ainsi IL MANIFESTA SA GLOIRE, c’est-à-dire sa puissance qui Le glorifie — Le Seigneur des puissances, c’est Lui, le roi de gloire .

365. ET SES DISCIPLES CRURENT EN LUI – Mais comment crurent-ils? Car ils étaient déjà disciples et avaient cru auparavant. Il faut répondre qu’on nomme parfois une chose non selon ce qu’elle est maintenant, mais selon ce qu’elle sera. Ainsi on dit : l’Apôtre Paul est né à Tarse en Cilicie, non qu’il y soit né Apôtre, mais parce que c’est là que naquit le futur Apôtre. De même on dit ici : ET SES DISCIPLES CRURENT EN LUI, c’est-à-dire ceux qui seraient plus tard ses disciples. Ou encore, il faut dire qu’ils avaient d’abord cru en Lui comme à un homme de bien, prêchant une doctrine juste et droite, mais qu’ils croient désormais en Lui comme Dieu.
Louis-Claude Fillion
L’évangéliste rompt brusquement le fil du récit. L’essentiel a été dit, car la biographie de Jésus n’a pas été révélée pour satisfaire notre curiosité, mais pour nous aider à croire en lui. Or, ce but fut admirablement atteint par le miracle de Cana, ainsi que l’ajoute l’écrivain sacré par mode de conclusion. - Jésus fit là le premier de ses miracles. Avec plus de force encore dans le grec. Précieux renseignement, qu’il faut prendre à la suite des Pères d’une manière absolue, de sorte que nous avons ici, d’après le mot énergique de Tertullien, le « jour de naissance des qualités distinctives du Seigneur », la « première manifestation de sa puissance » (De bapt. 9). Aussi citait-on dans l’antiquité ce texte aux âmes crédules, pour leur démontrer la fausseté des étranges prodiges attribués à l’enfant Jésus par les évangiles apocryphes. Cf. S. Epiph. Haer. 51, 20 ; S. Jean Chrys. Hom. 16, 20 et 22 in Joan. ; Thilo, Col. Apocryph. p.84 et s. Euthymius, h. l. C’est donc à tort qu’on a parfois rattaché “premier” à Cana en Galilée, comme si l’évangéliste avait voulu opposer ce premier prodige à celui que Notre-Seigneur accomplit un peu plus tard à Cana, 4, 46 et ss. - Et il manifesta sa gloire : sa gloire incréée, la gloire qu’il possédait en tant que Verbe divin. Cf. 1, 14. Ce céleste éclat était habituellement caché par le voile humain dont s’était entouré le Fils de Dieu ; mais ses miracles le faisaient de temps en temps resplendir, car les prodiges de Jésus « sont des emblèmes de ce qu’il est et de ce qu’il vient faire » : aussi S. Jean aime-t-il à les appeler des « signes ». A la fin de son évangile, 21, 1, 14, avant d’entreprendre et en terminant la narration du dernier miracle du Sauveur, il emploiera de même le verbe grec ἐφανέρωσε auquel on doit, du reste, le rapprochement établi par la liturgie entre le miracle de Cana et la fête de l’Épiphanie. Voyez Dom Guéranger, l’Année liturgique : le Temps de Noël, t. 2. - Et ses disciples crurent en lui. Tel fut le résultat produit. Les disciples croyaient déjà, leur nom l’indique à lui seul et le chapitre 1er nous l’a prouvé ; mais leur foi ne pouvait manquer d’être confirmée, de s’agrandir à la vue d’un tel prodige. Nous lirons, vv. 17 et 22, des réflexions analogues qui dénotent le témoin oculaire. - Les Pères et les docteurs ont souvent donné de belles explications allégoriques de ce prodige. Selon S. Cyrille d’Alexandrie, 2, 1, la fiancée symbolise l’humanité, le Christ est l’époux, le « vin qui manque » représente la loi juive, le vin miraculeusement produit n’est autre que l’évangile de Jésus, l’ « architriclinus » figure les apôtres et les ouvriers évangéliques. Voyez encore S. August. Tract. 11 in Joan, 3 et ss. ; Cornel. a Lap. ; Bossuet, Sermon pour le 2e dimanche après l’Épiphanie, 1er point ; S. Bernard, édit. des Bénédictins, p. 814 ; Eusèbe, Demonstr. Evang., 9, 8, etc. Nous avons également à signaler : 1° au point de vue poétique, l’intéressante reproduction de Sedulius, 2° au point de vue artistique, mainte sculpture naïve des premiers siècles (Cf. F. X. Kraus, Realencyklopaedie der Christ. Alterthümer, t. 2, p. 92, et Rohault de Fleury, l’Évangile, études iconographiques et archéologiq., t. 1, p. 118 et ss.), maint vitrail du moyen-âge (notamment à S. Nizier de Troyes, où l’on voit Jésus « estant aux nopces de Cana et muant l’eau en vin au grand estonnement d’architriclin »), de riches tableaux modernes (Bassan, et surtout Paul Véronèse, au Louvre ; mais où sont la piété et l’histoire dans cet immense chef-d’œuvre ?). Voyez Grimouard de S. Laurent, Guide de l’Art chrétien, t. 4, p. 206 et s.
Fulcran Vigouroux
Cela signifie que Jésus ne fit pas de miracles dans sa jeunesse (saint Chrysostome).
Concile œcuménique
Pendant la vie publique de Jésus, sa mère apparaît expressément, et dès le début, quand aux noces de Cana en Galilée, touchée de pitié, elle provoque par son intercession le premier signe de Jésus le Messie (cf. Jn 2, 1-11) . Au cours de la prédication de Jésus, elle accueillit les paroles par lesquelles le Fils, mettant le Royaume au-delà des considérations et des liens de la chair et du sang, proclamait bienheureux ceux qui écoutent et observent la Parole de Dieu (cf. Mc 3, 35 par. et Lc 11, 27-28), comme elle le faisait fidèlement elle-même (cf. Lc 2, 19.51). Ainsi la bienheureuse Vierge avança dans son pèlerinage de foi, gardant fidèlement l’union avec son Fils jusqu’à la croix où, non sans un dessein divin, elle était debout (cf. Jn 19, 25), souffrant cruellement avec son Fils unique, associée d’un cœur maternel à son sacrifice, donnant à l’immolation de la victime, née de sa chair, le consentement de son amour, pour être enfin, par le même Christ Jésus mourant sur la croix, donnée comme sa Mère au disciple par ces mots : « Femme, voici ton Fils » (cf. Jn 19, 26-27).
Catéchisme de l'Église catholique
Les miracles de la multiplication des pains, lorsque le Seigneur dit la bénédiction, rompit et distribua les pains par ses disciples pour nourrir la multitude, préfigurent la surabondance de cet unique pain de son Eucharistie (cf. Mt 14, 13-21 ; 15, 32-39). Le signe de l’eau changé en vin à Cana (cf. Jn 2, 11) annonce déjà l’Heure de la glorification de Jésus. Il manifeste l’accomplissement du repas des noces dans le Royaume du Père, où les fidèles boiront le vin nouveau (cf. Mc 14, 25) devenu le Sang du Christ.
Pape Saint Jean-Paul II
De ce point de vue, le texte de l'Evangile de Jean qui nous présente Marie aux noces de Cana est particulièrement éloquent. Marie y paraît comme la Mère de Jésus au commencement de sa vie publique: «Il y eut des noces à Cana de Galilée, et la mère de Jésus y était. Jésus aussi fut invité à ces noces, ainsi que ses disciples» (Jn 2, 1-2). On pourrait déduire du texte que Jésus et ses disciples furent invités avec Marie, en quelque sorte à cause de la présence de cette dernière à la fête: le Fils semble invité à cause de la Mère. On sait la suite des événements découlant de cette invitation, le «commencement des signes» accomplis par Jésus -l'eau changée en vin-, ce qui fait dire à l'évangéliste: Jésus «manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui» (Jn 2, 11).
Pape Francois
La plénitude où Jésus porte la foi a un autre aspect déterminant. Dans la foi, le Christ n’est pas seulement celui en qui nous croyons — la manifestation la plus grande de l’amour de Dieu — ,mais aussi celui auquel nous nous unissons pour pouvoir croire. La foi non seulement regarde vers Jésus, mais regarde du point de vue de Jésus, avec ses yeux : elle est une participation à sa façon de voir. Dans de nombreux domaines de la vie, nous faisons confiance à d’autres personnes qui ont des meilleures connaissances que nous. Nous avons confiance dans l’architecte qui construit notre maison, dans le pharmacien qui nous présente le médicament pour la guérison, dans l’avocat qui nous défend au tribunal. Nous avons également besoin de quelqu’un qui soit digne de confiance et expert dans les choses de Dieu. Jésus, son Fils, se présente comme celui qui nous explique Dieu (cf. Jn 1, 18). La vie du Christ, sa façon de connaître le Père, de vivre totalement en relation avec lui, ouvre un nouvel espace à l’expérience humaine et nous pouvons y entrer. Saint Jean a exprimé l’importance de la relation personnelle avec Jésus pour notre foi à travers divers usages du verbe croire. Avec le « croire que » ce que Jésus nous dit est vrai (cf. Jn 14, 10 ; 20, 31), Jean utilise aussi les locutions « croire à » Jésus et « croire en » Jésus. « Nous croyons à » Jésus, quand nous acceptons sa Parole, son témoignage, parce qu’il est véridique (cf. Jn 6, 30). « Nous croyons en » Jésus, quand nous l’accueillons personnellement dans notre vie et nous nous en remettons à lui, adhérant à lui dans l’amour et le suivant au long du chemin (cf. Jn 2, 11 ; 6, 47 ; 12, 44).