Jean 20, 19

Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! »

Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! »
Saint Thomas d'Aquin
Concernant le premier point l'Évangéliste rapporte trois choses : premièrement l'apparition du Seigneur, deuxièmement la remise du ministère [n° 2535], troisièmement la communication du don spirituel [n° 2538].

L'apparition du Seigneur.

Jean expose d'abord les circonstances de l'apparition, puis le contenu de l'apparition [n° 2530] et enfin ses conséquences [n° 2534].

L'apparition du Seigneur aux disciples est décrite à partir de quatre circonstances. D'abord à partir de la précision de l'heure ; ensuite à partir de la désignation du jour [n° 2525] ; puis à partir de la condition du lieu [n° 2526] ; enfin à partir de la disposition des disciples [n° 2529].

2524. Cette apparition eut donc lieu à l'heure du soir. Selon le sens littéral, il y a à cela deux raisons. La première, c'est que Jésus voulut apparaître à tous ensemble, et c'est pourquoi il a attendu jusqu'au soir afin que ceux qui étaient dispersés durant le jour fussent réunis le soir, car la nuit ils étaient ensemble.

La deuxième raison est que le Seigneur leur apparut pour les réconforter. Il a donc choisi l'heure où, étant davantage engourdis, ils avaient plus besoin de réconfort : l'heure du soir - Secours dans les tribulations qui nous ont assaillis à l'excès.

II y a également une raison mystique : à la fin du monde, le Seigneur apparaîtra aux fidèles quand se fera entendre au milieu de la nuit ce cri : « Voici l'époux qui vient », qui vient leur donner en retour leur récompense - Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : appelle les ouvriers et donne-leur leur salaire.

2525. Le jour de l'apparition fut le jour même de la Résurrection : CE JOUR-LÀ, LE PREMIER DE LA SEMAINE, à savoir le dimanche, dont il a été fait mention plus haut dans ce chapitre : Or, le premier jour de la semaine. Nous avons déjà vu pourquoi il est appelé LE PREMIER DE LA SEMAINE [n° 2471].

En rassemblant les données des évangiles, on peut voir que le Seigneur est apparu cinq fois ce jour-là : deux fois aux femmes, à savoir une fois à Madeleine seule, et une autre fois avec les autres femmes qui s'en retournaient, et alors elles s'approchèrent et lui saisirent les pieds. Il est apparu une troisième fois aux deux disciples qui se rendaient à Emmaüs ce même jour. Il est apparu une quatrième fois à Simon-Pierre, mais où, quand et comment, cela n'est pas exprimé ; on dit seulement qu'il lui est apparu - Le Seigneur est vraiment ressuscité et il est apparu à Simon. En cinquième lieu il est apparu à tous les Apôtres réunis le soir, comme on le voit ici. Voilà pourquoi nous chantons : Voici le jour que fit le Seigneur : exultons et réjouissons-nous en lui.

Par là il nous est donné à entendre qu'au jour de la résurrection « commune », il apparaîtra de manière manifeste à tous : femmes, pécheurs, pèlerins, apôtres et hommes apostoliques, car tout œil le verra, même ceux qui l'ont transpercé .

2526. La condition du lieu est décrite par la fermeture des portes, qui indique leurs doutes et leurs craintes, car LES PORTES ÉTAIENT CLOSES, au sens littéral en raison de l'heure tardive parce que c'était la nuit, ET PAR PEUR DES JUIFS. Mais en ce qui concerne le Christ, quelle était la cause de la fermeture ? C'était pour qu'il leur manifestât la force de sa puissance en entrant chez eux les portes étant closes.

2527. Il faut savoir à ce sujet que, selon certains , entrer les portes étant closes est une propriété du corps glorieuxils disent que par une certaine condition qui lui est inhérente, il peut, en tant qu'il est glorieux, se trouver en même temps qu'un autre corps dans le même lieu, et que cela s'est fait et peut se faire sans miracle.

Mais cela ne peut pas être. En effet, il appartient par nature au corps humain non glorifié de ne pas pouvoir être dans le même lieu en même temps qu'un autre corps. Mais si on dit que le corps glorifié possède en lui comme propriété inhérente de pouvoir être dans le même lieu en même temps qu'un autre corps, il faut donc que soit exclue de lui cette propriété qui l'empêche actuellement d'exister en même temps qu'un autre corps. Mais cette propriété ne peut en aucune manière être séparée ou détruite du corps, puisqu'elle n'est pas une corporéité mathématique, comme disent certains, mais les dimensions mêmes du corps quantifié auxquelles la position (situs) appartient en propre. C'est pourquoi le Philosophe argumente contre ceux qui affirment l'existence d'idées et d'êtres mathématiques. Même en supposant que tout l'espace sur la terre fût vide, un corps sensible ne pourrait pas se trouver simultanément avec eux, à cause de ses dimensions quantitatives. Aucune propriété du corps glorieux ne peut retirer au corps ses dimensions [de quantité], la nature du corps demeurant. Il faut donc dire que le Christ a fait cela de manière miraculeuse par la puissance de sa divinité, et si quelque chose de semblable devait arriver à des saints, cela arriverait par miracle, et ce serait un nouveau miracle. Cela, Augustin et Grégoire le disent expressément. Augustin dit en effet : « Tu demandes comment il a pu entrer par les portes fermées ? Si tu comprends la manière, ce n'est plus un miracle. Là où la raison défaille, là la foi édifie » ; et il ajoute : « Celui-là a pu entrer sans que les portes soient ouvertes, lui à la naissance de qui la virginité de sa mère est restée inviolée. » Donc, comme sa naissance d'une mère vierge fut miraculeuse en vertu de sa divinité, ainsi cette entrée fut miraculeuse.

2528. Au sens mystique, il nous est par là donné à entendre que le Christ nous apparaît quand les portes, c'est-à-dire les sens extérieurs, sont fermés dans la prière - Toi donc, quand tu pries, entre dans ta chambre - et à la fin du monde, quand les vierges qui seront prêtes entreront pour les noces et que la porte sera ensuite fermée, comme on le voit en Matthieu.

2529. La disposition des disciples nous est donnée pour que nous l'imitions, car ils SE TROUVAIENT RASSEMBLÉS, ce qui n'est certes pas vide de mystère. En effet, le Christ vient vers ceux qui sont rassemblés et le Saint-Esprit descend sur ceux qui sont rassemblés, car le Christ et le Saint-Esprit ne sont présents qu'à ceux qui sont rassemblés dans la charité - Lorsque deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là au milieu d'eux.

2530. L'apparition du Christ est ici rapportée en trois points : la présence du Christ donnée aux disciples, la salutation qu'il leur fit [n° 2532], et la manifestation certaine qu'il leur accorda [n° 2533].

2531. Le Christ leur manifesta sa présence sans laisser le moindre doute. Il vint en personne, lui-même, le même, comme il le leur avait promis plus haut : Je m'en vais et je reviens vers vous. Mais IL SE TINT AU MILIEU pour que tous le reconnaissent avec certitude. C'est pourquoi on peut blâmer les Juifs qui ne l'ont pas reconnu -Au milieu de vous se tient quelqu'un que vous ne connaissez pas. IL SE TINT AU MILIEU D'EUX pour montrer la conformité de nature humaine qu'il a avec eux - Une couronne de frères est autour de lui, comme une plantation de cèdres sur la montagne du Liban. De même, IL SE TINT AU MILIEU par condescendance, car il a vécu avec eux comme l'un d'entre eux - Ils t'ont établi chef ? Ne t'exalte pas, sois parmi eux comme l'un d'entre eux. - Je suis au milieu de vous comme celui qui sert. En outre, ce fut pour indiquer que nous devons être dans le milieu de la vertu- Voici la voie : marchez-y sans vous en écarter à droite ou à gauche. Celui qui tombe dans l'excès s'écarte à droite ; celui qui pèche par défaut s'écarte à gauche.

2532. Il leur adressa des paroles de salutation en disant : « PAIX À VOUS ». Or celle-ci leur fut nécessaire, car leur paix était troublée de multiples manières. D'abord à l'égard de Dieu, contre lequel ils avaient péché, certains en niant, d'autres en fuyant - Vous tous vous allez tomber cette nuit à cause de moi, car il est écrit : Je frapperai le pasteur et les brebis du troupeau seront dispersées. Face à cela, le Christ leur offrit la paix de la réconciliation avec Dieu - Nous sommes réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils -, ce qu'il fit par sa Passion.

Ensuite, leur paix était troublée quant à eux-mêmes, car ils étaient tristes et remplis de doutes dans leur foi. Et cette paix-là aussi, il la leur offrit [déjà] réalisée - Grande paix pour ceux qui aiment ta loi.

Enfin à l'égard de l'extérieur, car ils souffraient des persécutions de la part des Juifs ; face à cela il leur dit : « PAIX À VOUS », à savoir face aux persécutions des Juifs - Je vous donne la paix, je vous laisse ma paix.

2533. Il se manifesta à eux de manière certaine par ses mains et son côté, car c'est en eux qu'ont demeuré de manière spéciale les signes de sa Passion - Voyez mes mains et mes pieds, c'est bien moi. Et c'est ainsi qu'il se montrera dans la gloire : Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole , et encore : Je me manifesterai à lui.

LES DISCIPLES SE RÉJOUIRENT DONC À LA VUE DU SEIGNEUR. (20, 20)
Louis-Claude Fillion
Le soir... Les circonstances de temps et de lieu sont notées d'une façon très précise. La nuit était sans doute assez avancée, puisque les disciples d'Emmaüs avaient eu le temps de rentrer à Jérusalem. Cf. Luc. 24, 35-36 et le commentaire. - De ce jour. Avec emphase : en ce grand jour, qui a été justement appelé depuis « solennité des solennités ». - Le premier de la semaine. Comme au v. 1 (la Vulgate emploie ici le pluriel, un peu servilement). Les critiques d'après lesquels S. Jean supputerait les heures de minuit à minuit, selon le système romain, croient ce passage très favorable à leur thèse : le soleil étant couché depuis longtemps, disent-ils, pour les Juifs c'était déjà « le deuxième jour après le sabbat », tandis que le narrateur continue d'écrire « le premier ». Mais la conclusion n'est pas rigoureuse. Le dimanche finissant à peine, même relativement à des lecteurs juifs il y aurait eu occasion prochaine d'erreur à mentionner le lundi. Les jours orientaux sont d'ailleurs beaucoup plus élastiques que les nôtres, car ils ne commencent pas à heures fixes. - Et les portes. Le grec aussi a le pluriel, bien qu'il soit question d'une seule porte : on retrouve cet usage chez les classiques, et il provient de ce qu'une même porte avait plusieurs battants. - Étaient fermées. Ce détail est mentionné à deux reprises (Cf. v. 26), pour relever le caractère surnaturel de l'apparition. De plus, il nous apprend que le corps du Christ ressuscité n'était plus soumis aux conditions ordinaires du monde matériel. Cf. 1 Cor. 15, 42-44. - Du lieu où les disciples étaient assemblés. C'était probablement au cénacle. Cf. Act. 1, 13. « Disciples » désigne d'abord les apôtres, à part S. Thomas (v. 24) ; puis, d'après S. Luc, 24, 33, un certain nombre d'autres disciples. Il est naturel que les amis de Jésus se soient réunis au soir de ce grand jour, pour s'entretenir des faits extraordinaires qui s'y étaient passés, et aussi, pour discuter un plan de conduite. Le participe assemblés, omis par l'Itala, le syr., les manuscrits א, A, B, D, I, Λ, etc., pourrait bien n'être pas authentique. - Par crainte des Juifs. Les hiérarques, après s'être acharnés contre le Maître, n'allaient-ils pas tomber sur les disciples afin d'étouffer promptement la religion naissante ? On pouvait d'autant plus le redouter maintenant que le bruit de la résurrection de Jésus commençait à se répandre. Voilà pourquoi les portes étaient fermées : on voulait parer à une surprise. - Jésus vint. Quelques anciens auteurs discutent bien inutilement sur la manière dont Notre-Seigneur pénétra dans la salle. Le texte ne dit rien qui puisse faire supposer une ouverture miraculeuse des portes, « la créature qui cède au Créateur » (S. Jérôme) mention en eût été faite, si elle avait eu lieu. Cf. Act. 12, 10. - Et se tint au milieu d’eux. Circonstance dramatique. Jésus apparaît tout à coup et se tient debout au milieu de l'assemblée, aimable et majestueux tout ensemble. Cf. 19, 13 ; 21, 4 : Tous purent donc constater de près la réalité du corps de Jésus, et se convaincre que l'apparition n'avait rien de fantastique. - La paix soit avec vous. C'était la salutation ordinaire chez les Juifs (שלום לכם, Schalôm lâkem). Voyez l’Évangile selon S. Luc, p 41. Mais quelle force n'avait-elle pas sur les lèvres du Christ ressuscité, et adressée à ses plus intimes amis ! Elle convenait à merveille pour calmer leurs craintes de diverse nature, qui provenaient soit des Juifs, soit de l'apparition inattendue de leur Maître (Cf. Luc. 24, 38), et pour les consoler de leurs douleurs si récentes et si vives.
Fulcran Vigouroux
La même puissance qui faisait passer le corps entier de Jésus-Christ dans toute sa dimension à travers les portes fermées, rend le même corps réellement présent dans le sacrement de l’Eucharistie, quoique ces deux choses surpassent notre intelligence.
Catéchisme de l'Église catholique
Devant ces témoignages il est impossible d’interpréter la Résurrection du Christ en-dehors de l’ordre physique, et de ne pas la reconnaître comme un fait historique. Il résulte des faits que la foi des disciples a été soumise à l’épreuve radicale de la passion et de la mort en croix de leur maître annoncée par celui-ci à l’avance (cf. Lc 22, 31-32). La secousse provoquée par la passion fut si grande que les disciples (tout au moins certains d’entre eux) ne crurent pas aussitôt à la nouvelle de la résurrection. Loin de nous montrer une communauté saisie par une exaltation mystique, les Évangiles nous présentent les disciples abattus ( "le visage sombre " : Lc 24, 17) et effrayés (cf. Jn 20, 19). C’est pourquoi ils n’ont pas cru les saintes femmes de retour du tombeau et " leurs propos leur ont semblé du radotage " (Lc 24, 11 ; cf. Mc 16, 11. 13). Quand Jésus se manifeste aux onze au soir de Pâques, " il leur reproche leur incrédulité et leur obstination à ne pas ajouter foi à ceux qui l’avaient vu ressuscité " (Mc 16, 14).