Jean 20, 27

Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. »

Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. »
Saint Thomas d'Aquin
2555. On voit ici que le disciple qui doutait est affermi et de nouveau appelé ; il apparaît, par ce signe de la miséricorde divine, que le Seigneur vient aussitôt au secours de ses élus dans le malheur, bien que tous tombent. Les élus, en effet, tombent parfois, comme aussi les réprouvés, mais de manière différente, car les réprouvés se brisent ; mais aux élus le Seigneur tend aussitôt la main afin qu'ils se relèvent - Lorsque tombe le juste il ne se brisera pas car le Seigneur lui tient la main . - Si je disais : « Mon pied est ébranlé », ta miséricorde, Seigneur, me soutenait. Et donc le Seigneur tend aussitôt la main à Thomas qui a trébuché, si bien que, alors que celui-ci disait : Si je ne vois pas, je ne croirai pas, il le rappelle en disant : Mets ton doigt là.

Trois choses sont rapportées à ce propos : la présentation des cicatrices, la confession de Thomas [n° 2562] et le reproche au sujet de sa lenteur à croire [n° 2563].

2556. Il faut d'abord, ici, noter que Thomas a posé des conditions pour croire, à savoir voir et palper les cicatrices, comme il a été dit ; et si cela lui advenait, il promettait de croire. C'est pourquoi, comme il disait cela, le Seigneur, se tenant là par la présence de sa divinité, le rappelle à lui en tenant compte de ses conditions. Le Seigneur effectue la condition, puis demande l'accomplissement de la promesse de Thomas [n° 2561].

2557. La condition en effet était de pouvoir palper les cicatrices. Mais ici surgit un doute : parce qu'aucun défaut ne peut se trouver dans les corps glorieux et que les cicatrices sont des défauts, comment donc y eut-il des cicatrices dans le corps du Christ ?

Augustin répond en disant : « Le Seigneur pouvait, s'il le voulait, faire disparaître toute marque de cicatrice du corps ressuscité et glorifié, mais il savait pourquoi il laissait les cicatrices dans son corps. D'abord pour les montrer à Thomas qui ne croirait pas s'il ne les touchait et voyait, ensuite pour blâmer les infidèles et les pécheurs lors du jugement ; non pas pour leur dire comme à Thomas : Parce que tu m'as vu tu as cru, mais pour les confondre en disant : Voici l'homme que vous avez crucifié ; vous voyez les blessures que vous lui avez infligées, vous reconnaissez le côté que vous avez transpercé, puisque c'est par vous et pour vous qu'il a été ouvert et que cependant vous n'avez pas voulu entrer. »

2558. À la suite de cela on se demande aussi si les traces des blessures demeurent dans les corps des martyrs. Mais Augustin répond également à cela dans La Cité de Dieu, en disant qu'elles demeureront non pour la laideur mais pour une beauté sans mesure : « Car il y aura en elles non de la laideur, mais de la dignité ; et une beauté, non la beauté du corps bien qu'elle soit dans un corps, mais la beauté de la vertu, rayonnera en elles. Si des membres ont été amputés ou arrachés aux martyrs, il ne s'ensuivra cependant pas qu'ils en seront privés à la résurrection des morts, eux à qui a été dit : Aucun cheveu de votre tête ne périra. Mais des cicatrices seront visibles aux endroits où les membres, pour être détachés, ont été frappés ou coupés ; ces membres eux-mêmes ne se trouveront pourtant pas perdus, mais restitués. »

2559. Mais, selon Grégoire, puisqu'il n'est pas possible de palper ce qui est incorruptible, comment le Seigneur a-t-il présenté son corps incorruptible pour qu'on puisse le palper ? - Le Christ ressuscité des morts ne meurt plus. C'est pourquoi, troublé par cette raison, l'hérétique Eutychès a dit que le corps du Christ et les corps de tous les hommes ressuscites ne seront pas palpables, mais subtils et spirituels à la manière du vent et des esprits.

Mais cela va contre ce que dit le Seigneur : Touchez-moi et voyez qu'un esprit n'a ni chair ni os ; et le Seigneur a donc manifesté qu'il était incorruptible et palpable pour montrer qu'après la Résurrection son corps était de même nature, qu'il avait été corruptible et qu'il avait revêtu l'incorruptibilité, et qu'il était d'une gloire autre, car ce qui avait été laid et ignominieux ressuscita dans la gloire, avec une subtilité due à l'effet d'une puissance spirituelle.

2560. Mais il ajoute : VOIS MES MAINS qui furent suspendues sur la croix ET METS-LA [ta main] DANS MON CÔTÉ, transpercé par la lance, et reconnais que je suis celui-là même qui fut suspendu à la croix. Au sens mystique, par le doigt est signifié le discernement, et par la main, notre œuvre. Le Seigneur nous exhorte donc à mettre dans son côté et le doigt et la main, afin que tout ce que nous pouvons avoir comme discernement et comme œuvre, nous le dépensions au service du Christ - Pour moi, que jamais je ne me glorifie si ce n'est dans la Croix de notre Seigneur Jésus Christ.

2561. Et il lui demande de tenir sa promesse en disant : ET NE SOIS PAS INCRÉDULE MAIS CROYANT - Sois fidèle jusqu'à la mort.

2562. Il apparaît ici que Thomas devint aussitôt un bon théologien en confessant la vraie foi, car il a confessé l'humanité du Christ en disant « MON SEIGNEUR ». C'est ainsi en effet qu'ils l'appelaient avant la Passion - Vous m'appelez Seigneur et Maître. Et il a aussi confessé sa divinité en disant : « MON DIEU ». Auparavant, en effet, ils ne l'appelaient pas Dieu, si ce n'est quand Pierre a dit : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. - Celui-ci est le vrai Dieu et la vie éternelle. - Tu es mon Dieu et je te confesse.

2563. Mais le Seigneur reproche à Thomas sa lenteur en disant : PARCE QUE TU M'AS VU, THOMAS, TU AS CRU. Il lui reproche d'abord sa lenteur, puis il met en lumière la promptitude des autres à croire [n° 2566].

2564. Il lui dit donc : PARCE QUE TU M'AS VU. Il y a ici un doute car, puisque la foi est la substance des réalités qu'on espère, l'argument de ce qui n'est pas évident, comme le dit l'épître aux Hébreux, comment le Seigneur peut-il dire : PARCE QUE TU M'AS VU, TU AS CRU ? Mais il faut dire qu'il a vu une chose et en a cru une autre . Il a vu l'homme et les cicatrices et, à partir de là, il a cru à la divinité du Christ ressuscité.

2565. Il y a un autre doute, car à Thomas qui avait demandé : Si je ne vois pas et ne touche pas, le Seigneur a accordé ces deux choses, le toucher et la vision. Il aurait donc dû dire : parce que tu m'as vu et touché, tu as cru.

Je réponds en disant que, selon Augustin, nous nous servons de la vision pour désigner n'importe quel sens. Nous disons en effet : « Vois » comme c'est chaud, comme cela retentit, « vois » le goût de ceci, « vois » comme cela fait ma1. Jésus dit donc : METS TON DOIGT LÀ ET VOIS, non pas que la vision se trouve dans le doigt, mais pour dire : Touche et expérimente ; de même PARCE QUE TU M'AS VU, c'est-à-dire parce que tu as eu une expérience de moi aussi par le toucher.

Ou bien disons qu'en voyant les blessures et les cicatrices, Thomas a été confondu en lui-même et, avant de mettre le doigt, il crut et dit : « MON SEIGNEUR ET MON DIEU. » Cependant, Grégoire dit qu'il a touché et que, en voyant, il a confessé.

2566. En disant ensuite HEUREUX CEUX QUI N'ONT PAS VU ET QUI ONT CRU, le Christ met en lumière la promptitude avec laquelle les autres ont cru ; et cela nous concerne spécialement, car il utilise le passé à la place du futur à cause de la certitude. Contrairement à cela il y a ce verset de saint Luc : Bienheureux les yeux qui voient ce que vous voyez. Donc ceux qui ont vu sont davantage bienheureux que ceux qui n'ont pas vu. Là je réponds qu'il y a deux béatitudes. La première béatitude regarde une réalité qui consiste en un don divin qui, plus il est donné, plus il rend bienheureux ; de ce point de vue, bienheureux sont les yeux qui voient, car c'est un don de la grâce. L'autre béatitude, celle de l'espérance, réside dans le mérite ; de cet autre point de vue, celui-là est d'autant plus heureux qu'il peut mériter davantage. En effet, celui qui croit et ne voit pas mérite davantage que celui qui voit et croit.
Louis-Claude Fillion
Ensuite : Après avoir salué tous les disciples présents, N. S. Jésus-Christ s'adresse en particulier à l'apôtre incrédule, et il lui offre spontanément de réaliser toutes les conditions qu'il avait affirmées nécessaires pour croire à la résurrection. - Introduis ton doigt ici... Le Sauveur emploie presque identiquement les paroles de S. Thomas, montrant ainsi qu'il connaît, par sa science divine, tout ce qui s'est passé ; c'était le meilleur moyen de l'amener à résipiscence et de le convaincre. Tout ce passage est rythmé : deux phrases à deux membres chacune, et une autre proposition pour conclure : - Ne sois pas incrédule... D'après le grec : Ne deviens pas... En effet, le doute de S. Thomas n'était pas allé jusqu'à une incrédulité proprement dite ; toutefois l'apôtre, s'il n'eût cédé cette fois, serait vraiment devenu infidèle. - Mais croyant. En se rendant à l'évidence des faits. S. Grégoire le Grand, Hom. in Evang. 26, a ici une touchante remarque : « L’infidélité de Thomas est plus profitable à notre foi que la fidélité des disciples croyants, parce que, comme celui-là est ramené à la foi en palpant les plaies du Sauveur, notre esprit est solidifié dans la foi en mettant de côté tout doute ».