Jean 4, 20
Eh bien ! Nos pères ont adoré sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. »
Eh bien ! Nos pères ont adoré sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. »
Dans cette réflexion de la Samaritaine, de Wette ne voit qu'une « ruse féminine »,
destinée à détourner la conversation d'un sujet désagréable, et plusieurs exégètes contemporains partagent
son sentiment. Mais c'est là sûrement une idée arbitraire, surajoutée au texte. Non, l'interlocutrice du Sauveur
est sérieuse et de bonne foi en tenant ce langage : elle n'essaie pas de faire une diversion habile ; mais
comprenant, comme elle l'a dit, que Jésus est un prophète, elle utilise sa présence pour acquérir une
connaissance certaine sur un point capital, très discuté entre les Juifs et les Samaritains. Tout porte à croire,
en outre, qu'elle se proposait un but pratique, celui d'honorer Dieu à l'endroit voulu par lui, afin de mieux
obtenir ainsi le pardon de ses fautes. Par « nos Pères », les uns entendent les grands patriarches Abraham et
Jacob (Euthymius, Schegg, Trench, etc.); les autres, plus probablement, ceux des Samaritains qui avaient
construit le temple de Garizim. - Les mots sur cette montagne furent accompagnés d'un geste qui désignait la
montagne située immédiatement au-dessus du puits de Jacob. Voyez Baedeker, Palaestina und Syrien, p. 343
de la 1ère édit. Elle surplombe la plaine d'environ 865 mètres. Son sommet présente de magnifiques ruines,
dans lesquelles MM. V. Guérin et de Saulcy (Voyage en Syrie et autour de la mer Morte, p. 407 et ss.; voyage
en Terre Sainte, t. 2, p. 247 et ss.) n'hésitent pas à voir les restes du temple samaritain détruit par Jean
Hyrcan, l'année 129 avant J.-C., environ 200 ans après sa construction. Sur l'admirable vue dont on y jouit,
voyez les Guides Joanne, Murray et Baedeker. - Ont adoré. Est pris dans un sens absolu, Cf. 12, 30, etc.,
pour désigner l'ensemble du culte divin. De nos jours encore le Garizim est étroitement associé à la religion
des 150 personnes environ qui forment les débris de la race samaritaine : elles l'appellent la sainte montagne,
se tournent de son côté pour prier, lui rattachent toutes sortes de traditions légendaires (par exemple : le
paradis terrestre, la création d'Adam, l'autel de Noé après le déluge, le sacrifice d'Abraham, etc.), vont enfin
immoler et manger l'agneau pascal sur sa cime (voyez Porter, Palestine and Syria, p. 330-332 ; Robinson,
Palaestina, t. 3, p. 319 et ss.). Les Samaritains ont de tout temps appuyé leur vénération spéciale pour le
Garizim sur Deut. 27, 4-8 : « Quand vous aurez passé le Jourdain, vous dresserez ces pierres sur le mont
Ébal, comme je vous le commande aujourd’hui, et tu les enduiras de chaux. Là, tu bâtiras un autel au
Seigneur ton Dieu, un autel de pierres que tu n’auras pas travaillées avec le fer. C’est avec des pierres brutes
que tu bâtiras l’autel du Seigneur ton Dieu ; sur cet autel, tu offriras des holocaustes au Seigneur ton Dieu.
Tu offriras aussi des sacrifices de paix, et là, tu mangeras, tu te réjouiras en présence du Seigneur ton Dieu.
Puis, tu écriras sur les pierres toutes les paroles de cette Loi, bien lisiblement. ». Ils ont prétendu que les Juifs
ont altéré le texte primitif, et qu'on doit lire « Garizim » au lieu de « Hebal ». - Et vous, vous dites. Vous,
Juifs. Cf. v. 9. - Que Jérusalem (et pas ailleurs) est le lieu… Le Talmud contient, sur cette rivalité, plus d'un
curieux passage. Voyez les recueils de Lightfoot, de Wetstein et de Wünsche ; Reland, Palaestina, p. 503.
« Rabbi Yochanan, lisons-nous dans Bereschith Rabba, § 32, allant à Jérusalem pour prier, passa auprès (du
Garizim). Un Samaritain, le voyant, lui demanda : Où vas-tu? Je vais, répondit-il, Jérusalem pour prier. Le
Samaritain riposta : Ne serait-il pas mieux pour toi de prier sur cette sainte montagne que dans cette maison
maudite (le temple de Jérusalem) ? » - Notez la délicatesse du langage de la Samaritaine. Aucune question
directe n'est formulée (v. g. : Qui a tort? Où est le lieu véritable?) ; le problème est simplement signalé sous
ses deux faces : on laisse à Jésus toute liberté pour le résoudre.
Voir Deutéronome, 12, 5. ― Sur cette montagne, le mont Garizim, où les Samaritains avaient élevé un temple schismatique, près de Sichem, avec l’autorisation du roi perse Darius Nothus. Jean Hyrcan détruisit ce temple, mais du temps de Notre Seigneur, les Samaritains avaient encore un autel sur cette montagne.