Jean 4, 42

et ils disaient à la femme : « Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons : nous-mêmes, nous l’avons entendu, et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde. »

et ils disaient à la femme : « Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons : nous-mêmes, nous l’avons entendu, et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde. »
Origène
Après avoir rapporté les paroles de Jésus à ses disciples, l'Evangéliste continue son récit, en racontant la conversion des habitants de cette ville qui vinrent trouver Jésus, et crurent en lui par le témoignage de cette femme.

On pourrait demander avec assez de raison comment le Sauveur a pu rester deux jours avec les Samaritains, qui l'en avaient prié, lui qui avait défendu à ses disciples d'entrer dans les villes des Samaritains. (Mt 10) Et il est évident que les disciples y entrèrent avec lui. Nous répondons que marcher dans la voie des nations, c'est se laisser gagner par les croyances des nations, et en faire la règle de sa conduite, et qu'entrer dans les villes des Samaritains, c'est adhérer à la fausse doctrine de ceux qui admettent la loi, les prophètes, les évangiles et les écrits des Apôtres ; mais lorsqu'ils abandonnent leur doctrine personnelle pour venir trouver Jésus, il est alors permis de demeurer avec eux.

Si nous nous rappelons ce qui précède, nous n'aurons point de peine à comprendre qu'après avoir trouvé la parole de vérité, ces Samaritains abandonnent toute autre doctrine, et sortent de la ville de leurs anciennes croyances pour embrasser la foi qui conduit au salut. Aussi est-ce avec intention, je pense, que l'Evangéliste ne dit pas : Les Samaritains le prièrent d'entrer dans la Samarie ou dans leur ville, mais : « Ils le prièrent de demeurer dans leur pays. » Jésus demeure toujours avec ceux qui l'en prient, et surtout lorsqu'ils sortent de leur ville et viennent le trouver.

Ils n'étaient pas encore dignes de voir son troisième jour, car ils ne désiraient point voir de choses extraordinaires, comme les disciples qui se trouvèrent avec Jésus aux noces de Cana, en Galilée, trois jours après que Jésus les eut appelés à sa suite. (Jn 2) Plusieurs d'entre eux durent le commencement de leur foi à la parole de cette femme qui leur' attestait que Jésus lui avait dit tout ce qu'elle avait fait, mais le progrès de cette foi et le nombre beaucoup plus considérable de ceux qui crurent ensuite furent l'œuvre des enseignements du Sauveur lui-même ; car la connaissance du Verbe ou Fils de Dieu, qui est due à un témoignage extérieur, n'est jamais aussi parfaite que celle qu'il répand avec toutes ses clartés dans l'âme de celui qu'il daigne instruire lui-même.

Il est impossible que l'effet produit sur l'intelligence, par ce que l'on voit soi-même, ne sont pas supérieur à l'impression produite par le témoignage d'un témoin oculaire, et il vaut beaucoup mieux avoir l'espérance que la foi pour guide, c'est pour cela que les habitants de cette ville croient non-seulement sur un témoignage humain, mais sur le témoignage de la vérité elle-même.
Saint Jean Chrysostome
Tout se fait ici avec autant de facilité qu'au temps de la moisson, les gerbes sont promptement recueillies, et en un instant l'aire de la grange en est remplie : « Or, beaucoup de samaritains de cette ville entrent en lui, » etc. Ils voyaient bien que ce n'était point par un sentiment naturel que cette femme était pleine d'admiration pour celui qui lui avait reproché ses désordres et qu'elle avait reconnu en lui les caractères d'une grandeur et d'une supériorité incontestables.

Ce fut donc sur le seul témoignage de cette femme, et sans avoir vu aucun miracle, qu'ils sortirent de la ville, et prièrent Jésus de rester au milieu d'eux. Les Juifs, au contraire, témoins de tant de miracles, non-seulement ne cherchèrent point à le retenir au milieu d'eux, mais mirent tout en œuvre pour le chasser de leur pays. Rien de plus mauvais, en effet, que l'envie et la jalousie, rien de plus pernicieux que la vaine gloire qui corrompt et détruit tous les biens qu'elle touche. Les Samaritains voulaient le retenir toujours auprès d'eux, mais il ne se rendit pas à leurs désirs, il demeura seulement deux jours avec eux : « Et il y demeura deux jours. »

Les Juifs, malgré tous les miracles dont ils furent témoins, demeurèrent dans leur incrédulité, tandis que les Samaritains, sans avoir vu aucun miracle, et après avoir entendu seulement Jésus, manifestèrent en lui une foi vraiment extraordinaire : « Et un plus grand nombre crurent en lui pour avoir entendu ses discours. » Pourquoi donc les Evangélistes ne nous ont-ils pas rapporté ces discours ? Pour vous apprendre qu'ils ont passé sous silence bien des choses importantes ; ils vous font toutefois comprendre la puissance de ces discours, puisqu'ils ont persuadé tous les habitants de cette ville. Là, au contraire, où les auditeurs ne se laissent point persuader, les Evangélistes sont comme obligés de reproduire les discours du Sauveur, pour montrer que ce défaut de persuasion ne doit pas être imputé à l'insuffisance de la parole, mais aux mauvaises dispositions dès auditeurs. Or, les Samaritains, devenus les disciples de Jésus-Christ, ne veulent plus de cette femme pour les instruire : « Et ils disaient à la femme : Maintenant ce n'est plus sur ce que vous avez dit que nous croyons ; car nous-mêmes nous l'avons entendu, et nous croyons qu'il est vraiment le Sauveur du monde. » Voyez comme ils comprennent aussitôt qu'il était venu délivrer l'univers, et que voulant opérer le salut de tous les hommes, il ne devait pas renfermer son action dans la Judée, mais répandre partout la semence de sa parole. En le proclamant le Sauveur du monde, ils prouvent encore que le monde était perdu, et plongé dans un abîme de maux. Les prophètes et les anges étaient venus aussi en qualité de sauveurs, mais le seul vrai Sauveur est celui qui donne le salut, non-seulement pour le temps, mais pour l'éternité. Voyez encore comme malgré la question de cette femme qui semble renfermer quelque doute : « Ne serait-il point le Christ ? » ils ne disent point : Nous soupçonnons, mais : « Nous savons. » Ils vont plus loin, et reconnaissent qu'il est vraiment le Sauveur du monde, c'est-à-dire qu'il n'est pas un sauveur ordinaire comme l'ont été tant d'autres. Ils s'expriment de la sorte pour l'avoir entendu seulement parler, que n'auraient-ils pas dit à la rue des miracles si nombreux et si extraordinaires qu'il opérait ?
Saint Augustin
Il demeure deux jours avec eux, c'est-à-dire qu'il leur donne les deux préceptes de la charité.

Les Samaritains connurent donc Jésus-Christ, d'abord par ce qu'ils entendirent raconter de lui, et ensuite par ce qu'ils virent de leurs yeux. Il tient encore aujourd'hui la même conduite à l'égard de ceux qui sont en dehors de l'Eglise et ne sont pas encore chrétiens. Ce sont les amis de Jésus-Christ, déjà chrétiens eux-mêmes, qui commencent à le faire connaître, et c'est sur le témoignage de cette femme, c'est-à-dire, de l'Eglise, qu'ils viennent le trouver. Ils croient donc d'abord par l'intermédiaire de cette femme, mais sur le témoignage même du Sauveur, un bien plus grand nombre croit et d'une foi plus parfaite qu'il est vraiment le Sauveur du monde.
Saint Thomas d'Aquin
656. Plus haut , le Seigneur a prédit aux Apôtres le fruit que produirait chez les Samaritains la prédica tion de la femme. C’est de ce fruit que parle mainte nant l’Evangéliste, en le montrant d’abord provenant de la prédication de la femme , puis accru par le Christ .

Le fruit produit chez les Samaritains par la prédication de la femme se manifeste de trois manières.

657. On le voit d’abord dans la foi avec laquelle ils crurent au Christ. C’est pour cela que l’Evangéliste dit : DE CETTE VILLE, où était allée la femme, BEAUCOUP d’hommes SAMARITAINS CRURENT EN LUI, et cela A CAUSE DE LA PAROLE DE LA FEMME, à qui le Christ avait demandé de l’eau et QUI RENDAIT CE TEMOIGNAGE : le Christ lui avait dit tout ce qu’elle avait fait. Ce témoignage était suffisant pour amener à croire au Christ. En effet, les paroles que le Christ lui avait dites ayant abouti à dévoiler ses fautes, elle ne les aurait pas rapportées si elle-même n’avait pas été assez secouée pour croire. Voilà pourquoi, dès qu’ils eurent entendu ses paroles, ils CRURENT; par là est manifesté que la foi vient de ce qu’on entend

658. En second lieu, le fruit de la prédication de la femme se manifeste dans la venue des Samaritains au Christ; car de la foi naît le désir de la réalité à laquelle on croit. C’est pourquoi, après avoir cru, ils viennent au Christ, pour qu’Il les mène à la perfection. C’est ce qui est exprimé ici : QUAND DONC LES SAMARITAINS VINRENT A LUI... — Approchez-vous de Lui et vous serez illuminés . — Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je referai vos forces .

659. Le fruit de la prédication de la femme se manifeste enfin dans leur désir; car à celui qui croit, il n’est pas nécessaire seulement de venir au Christ, mais encore de L’avoir avec lui; c’est pourquoi l’Evangéliste dit : ILS LE PRIERENT DE DEMEURER LA, ET IL Y DEMEURA DEUX JOURS.

Or c’est par la charité que le Seigneur demeure avec nous : Si quelqu’un m’aime, dit Jésus, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera; et Il ajoute et nous ferons chez lui notre demeure . Et s’Il demeure DEUX JOURS chezles Samaritains, c’est parce que la charité comporte deux préceptes, l’amour de Dieu et celui du prochain, auxquels toute la Loi est suspendue, ainsi que les prophètes Quant au troisième jour, c’est le jour de la gloire : Après deux jours Il nous fera revivre; le troisième jour Il nous relèvera, et nous vivrons en sa présenceEt le Christ ne demeura pas un troisième jour chez les Samaritains, parce que ceux-ci n’étaient pas encore capables devivre de la gloire.

660. L’Evangéliste montre ici que le fruit provenant de la prédication de la femme fut accru par la présence du Christ. On le voit de trois manières au grand nombre de ceux qui crurent ; à leur manière de croire ; à la vérité de leur foi .

661. Que ce fruit ait été accru par la présence du Christ, cela se voit en effet à la multitude des croyants ; car si, à cause de la femme, BEAUCOUP CRURENT EN LUI, C’EST EN BIEN PLUS GRAND NOMBRE QU’ILS CRURENT EN LUI A CAUSE DE SA PAROLE A LUI, c’est-à-dire à cause de la parole du Christ. Il nous est par là indiqué que si beaucoup ont cru grâce aux prophètes, un bien plus grand nombre s’est converti à la foi lors de la venue du Christ — Lève-toi, Seigneur, mon Dieu, selon le précepte que tu as établi, et l’assemblée des peuples t’environnera .

662. Que le fruit ait été accru par le Christ, cela se voit encore à la manière dont ils croient : CE N’EST PLUS A CAUSE DE TES DIRES QUE NOUS CROYONS.

Notons que trois choses sont nécessaires à la perfection de la foi; elles sont ici données selon un ordre : la foi doit d’abord être droite, ensuite prompte, enfin certaine.

La foi est droite quand on obéit à la vérité non pas à cause d’autre chose, mais pour elle-même. C’est cela qu’indique l’Evangéliste en rapportant que les Samaritains disaient à la femme : Maintenant, nous croyons à la vérité non A CAUSE DE TES DIRES, mais à cause de la vérité elle-même. Et ce qui nous amène à croire au Christ, c’est en premier lieu la raison naturelle — Depuis la création du monde, les vertus invisibles deDieu sont rendues visibles à l’intelligence par ses œuvres — ; puis le témoignage de la Loi et des prophètes — Maintenant, sans la Loi, a été manifestée la justice de Dieu, à laquelle rendent témoignage la Loi et les prophètes ; enfin la prédication des Apôtres et des autres — Comment croiront-ils à celui qu’ils n’ont pas entendu? et comment entendront-ils si personne ne prêche? Mais quand l’homme, conduit ainsi comme par la main, croit, il peut alors dire que ce n’est pour aucune de ces raisons qu’il croit : ni à cause de la raison naturelle, ni à cause des témoignages de la Loi, ni à cause de la prédication des autres, mais uniquement à cause de la vérité elle-même — Abraham crut à Dieu, et cela lui fut imputé à justice .

La foi est prompte si elle croit tout de suite. Telle était bien la foi de ces Samaritains, car il leur avait suffi d’entendre le Christ pour se tourner vers Dieu. C’est pourquoi ils disent : NOUS L’AVONS seulement ENTENDU, ET NOUS CROYONS, sans avoir vu ses miracles comme les Juifs les virent. Sans doute est-ce une marque de légèreté que de croire trop vite aux hommes — Qui croit trop vite est un cœur léger ; mais croire à Dieu tout de suite est très louable — Dès que son oreille m’a entendu, il m’a obéi .

La foi doit enfin être certaine, parce que celui qui doute dans la foi est incroyant : Si quelqu’un d’entre vous manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu (...) mais qu’il demande avec foi, sans hésiter en rien Et c’est parce que leur foi était certaine que les Samaritains di sent : ET NOUS SAVONS. Parfois, en effet, on dit "savoir" pour "croire", comme c’est le cas ici, parce que science et foi ont en commun la certitude. En effet, comme la science est certaine, la foi l’est aussi; elle l’est même bien davantage, car la certitude de la science repose sur la raison humaine, qui peut faillir, tandis que la certitude de la foi repose sur la lumière divine que rien ne peut contredire. Leurs certitudes diffèrent cependant dans le mode : la foi reçoit sa certitude d’une lumière divine infusée gratuitement, la science la reçoit de la lumière naturelle. En effet, de même qu’on possède la certitude de la science grâce aux premiers principes connus naturellement, ainsi on connaît les principes de la foi grâce à la lumière divinement infuse : C’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi; et cela ne vient pas de vous, car c’est un don de Dieu .

663. Que le fruit ait été accru par le Christ, cela se voit enfin à la vérité de la foi des Samaritains. En disant

C’EST LUI QUI EST VRAIMENT LE SAUVEUR DU MONDE, ils confessent que le Christ est l’unique Sauveur, le vrai, celui de tout l’univers.

Unique, certes, puisqu’ils Le distinguent des autres en disant : C’EST LUI, c’est-à-dire Lui seul, qui vient sauver — Vraiment tu es un Dieu caché, Dieu d’Israël Sauveur — Il n’est pas sous le ciel d’autre Nom donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés

Ils Le reconnaissent aussi comme le vrai Sauveur en disant : VRAIMENT. Puisque, selon Denys , le salut consiste dans la délivrance des maux et la conservation dans le bien, il y a un double salut : l’un qui est vrai, l’autre qui ne l’est pas. Le salut est vrai lorsque nous sommes délivrés des vrais maux et conservés dans les vrais biens. Or, s’il y eut dans l’Ancien Testament quelques hommes qui furent envoyés comme sauveurs, ils ne sauvaient pourtant pas vraiment; car ils délivraient de maux temporels et conservaient dans des biens temporels, qui ne sont ni de vrais maux, ni de vrais biens, parce qu’ils passent. Le Christ au contraire est VRAI MENT LE SAUVEUR parce qu’Il libère des vrais maux, c’est-à-dire des péchés — C’est Lui qui sauvera son peuple de ses péchés — et qu’Il nous conserve dans les vrais biens, qui sont les biens spirituels.

Enfin les Samaritains Le reconnaissent comme Sauveur de tout l’univers, parce qu’Il ne se limite pas à quelques-uns, mais qu’Il est le Sauveur DU MONDE entier Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par Lui .
Louis-Claude Fillion
Trait délicieux pour conclure le récit. Les Samaritains font ressortir eux-mêmes le caractère supérieur de leur foi (cf. v. 39 et 41). - A cause de ce que tu nous as dit. Plus haut, quand il avait été question du langage de Notre-Seigneur, nous lisions une expression plus noble équivalant à discours. - Nous l'avons entendu nous-mêmes. Auparavant leur connaissance était imparfaite; désormais ils savent de source certaine, infaillible. - Il est vraiment le Sauveur du monde. C'est là un titre magnifique qu'ils décernent à Jésus (on ne le rencontre qu'ici et 1 Joan. 4, 14). Ils ont compris par le ministère qu'il a bien voulu exercer auprès d'eux, peuple abhorré des Juifs, et ils décrivent à merveille par ces deux mots la catholicité de son œuvre : il est venu pour sauver le monde entier et pas seulement une nation privilégiée.