Jean 4, 44

– Lui-même avait témoigné qu’un prophète n’est pas considéré dans son propre pays.

– Lui-même avait témoigné qu’un prophète n’est pas considéré dans son propre pays.
Louis-Claude Fillion
Lui-même. Il ressort de cette particule et aussi de tout l'agencement de la pensée (comp. les versets 43 et 45), que l'historien veut indiquer ici le motif spécial qui conduisait alors Jésus dans la province de Galilée. Ce motif est immédiatement condensé dans un proverbe placé sur les lèvres du Sauveur lui-même : un prophète n'est pas honoré dans son pays. Mais y a-t-il vraiment là un lien logique? De ce qu'un prophète n'est pas honoré dans son propre pays, ne s'en suivait-il pas, au contraire, que Jésus aurait dû tourner le dos à la Galilée? La difficulté est réelle, et on a essayé de la résoudre en bien des manières. 1° L'évangéliste désignerait la Judée par les mots « dans sa patrie » (Origène, Patrizi, Klofutar, Ebrard, Plummer, Westcott, Keil, etc.), et dès lors on comprendrait sans peine que, mal reçu dans cette province, Notre-Seigneur eût cherché un refuge auprès des Galiléens. Mais, quoique Jésus fût né à Bethléem, c'est toujours la Galilée qui nous est présentée comme sa patrie dans l’Évangile. Cf. 1, 45-46; 7. 41-42; Matth. 13, 54; Marc. 6, 1; Luc. 4, 16, 23. Et puis, malgré la haine naissante des prêtres et des pharisiens, n'avait-il pas été, au fond, assez bien reçu en Judée? Cf. 2, 23; 3, 22; 4, 1. 2° S. Cyrille d'Alexandrie, le Dr Klee, le P. Corluy, etc., sous-entendent, en tête du verset : « et passant par Nazareth, il alla au-delà ». 3° S. Jean Chrysostome, Euthymius, etc., supposent une ellipse analogue, mais qui se rapporterait à Capharnaüm, nommée par S. Matthieu (9, 1), la cité de Jésus. Ces deux opinions ont le tort de restreindre le sens du substantif « patrie », qui désigne une province d'après le contexte, et pas seulement une bourgade. 4° Selon d'autres (Gfroerer, Meyer, etc.), le sens serait que Jésus ne vint en Galilée que lentement et en hésitant, parce qu'il n'ignorait pas qu'il y serait mal vu. Mais la narration dit à peu près le contraire de cela. 5° Luthardt a trouvé une explication ingénieuse, mais forcée. Jésus, dit-il, après avoir été si parfaitement accueilli en Samarie, passa en Galilée précisément pour y vivre oublié, tranquille; il comptait sur la réalisation du proverbe cité. Les synoptiques, qui nous montrent Notre-Seigneur déployant une grande activité dès son retour en Galilée, réfutent cette hypothèse. 6° Nous aurions ici une explication anticipée du fait signalé plus bas (v. 45) : « les Galiléens l'accueillirent, parce qu'ils avaient vu tout ce qu'il avait fait à Jérusalem ». Pour ces miracles opérés à Jérusalem, les Galiléens n'eussent témoigné aucun honneur à Jésus, conformément à l'adage populaire (Lücke, de Wette, Tholuck, Bisping, etc.). Ou, avec une nuance (Watkins), le Sauveur voulait expliquer ainsi pourquoi il n'ouvrait son ministère en Galilée qu'après avoir partiellement évangélisé la Judée et la Samarie. Il savait qu'aucun prophète n'est honoré de ses compatriotes : il apportait donc du dehors une réputation toute faite. Nous nous rangeons de préférence à cette dernière interprétation. Quant au proverbe même, voyez l’Évangile selon S. Matthieu, p. 286, et l'Evang. selon S. Marc, p. 90. L'allusion de S. Jean aux récits des synoptiques est évidente; mais il abrège et il généralise, et c'est pour cela que la pensée présente moins de clarté.