Jean 4, 5
Il arrive donc à une ville de Samarie, appelée Sykar, près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph.
Il arrive donc à une ville de Samarie, appelée Sykar, près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph.
Ces mots introduisent l'occasion particulière, qui est
admirablement décrite avec les plus minutieuses circonstances de lieu (v. 5 et 6a), de personne (6b), de temps (6c). 1° Le lieu est déterminé de trois manières : on mentionne d'abord la ville près de laquelle se passe la
scène (5a), puis le champ situé à quelque distance de la ville (5b), enfin la fontaine dans l'intérieur du champ
(6a). Littéral. « dans une ville de la Samarie ». La préposition dans a ici, comme en d'autres endroits, le sens
de « auprès de ». Voyez Beelen, Grammat. Graecitalis N. T., p. 423. Jésus en effet n'entra que plus tard dans
la ville (v. 40. Cf. v. 8). - Nommée Sichar. (Les manuscrits grecs varient entre Συχάρ et Σιχάρ : la première
leçon paraît devoir être préférée). Ce nom, qu'on ne rencontre en aucun autre passage de la Bible, a de tous
temps divisé les commentateurs et les palestinologues. Désigne-t-il l'antique Sichem, ou une localité voisine?
Tel est le point litigieux. S. Jérôme tranchait déjà la difficulté en faveur de Sichem, le mot Sichar n'étant,
selon lui, qu'une faute de copiste : toutefois le motif allégué n'est pas valable. Les partisans de
l'identification, et ils ont toujours été très nombreux (citons parmi les plus récents Lücke, Hilgenfeld,
Olshausen, Furrer, Porter, V. Guérin, etc.), expliquent de deux manières le changement de Sichem en Sichar.
Suivant les uns, cette substitution aurait été faite à dessein et malicieusement par les Juifs, quelque temps
avant l'époque de Notre-Seigneur, en haine des Samaritains : Sichar serait donc un sobriquet populaire,
rattaché soit au mot mensonge, et à un texte d'Habacuc, 2, 18, comme l'a pensé Reland, soit au substantif
ivrogne, et à un passage d'Isaïe, 27, 1, d'après Lightfoot, etc. Comparez Béthel devenant Beth-aven par suite
d'une ironie semblable (Osée, 10, 5), Achan transformé en Achar (1 Par. 2, 7), et, chez les Latins ou chez les
Grecs, Vigilantius appelé Dormitantius, Ephiphanès nommé Epimanès, etc. Il est à remarquer néanmoins que
le Talmud, qui contient tant de bons mots, tant d'histoires contre les Samaritains, est complètement muet sur
ce point; que S. Etienne, dans son discours (Act. 7, 16), emploie la dénomination ordinaire de Sichem; enfin,
que l'évangéliste aurait difficilement adopté le sobriquet de préférence au véritable nom. D'autres auteurs ont
donc simplement supposé que le changement en question serait une « variation dialectique » opérée peu à
peu, et analogue à bar dérivé de ben (fils), à Béliar pour Bélial, à Nebucadrézar pour Nebucadnézar
(Nabuchodonosor), etc. - Les auteurs qui distinguent Sichem de Sichar (entre autres Hug, Meyer, Delitzch,
Caspari, Klofutar, etc.) appuient leur opinion sur des preuves auxquelles on ne saurait refuser l'épithète de
plausibles. Ils allèguent : 1. L'autorité de l'évangéliste, qui, non seulement appelle la ville « Sichar », mais
qui semble indiquer de plus qu'il avait en vue une localité obscure. Eût-il songé à désigner ainsi une cité
aussi antique et aussi connue que Sichem? 2. Le témoignage de plusieurs anciens écrivains, notamment
d'Eusèbe (Onomasticon, aux mots Sichar et Luza), du pèlerin de Bordeaux (Itinerar. Hierosol, édit. Wessel. P.
587), plus tard d'Arculf et de Phocas, qui distinguent très nettement Sichar de Sichem (ou de Naplouse,
comme on l'appelait aussi). Voyez Kitto, Cyclopaedia of the Bible, s.v. Sychar. 3. La topographie. Naplouse
(de Neapolis), bâtie sur l'emplacement de l'ancienne Sichem, est à une demi-heure environ du puits de Jacob;
au contraire, à dix ou douze minutes et au nord du même puits, se trouve le village d'Askar, dont le nom a
certainement une grande analogie avec Συχάρ : aussi, des géographes contemporains d'une grande autorité
n'hésitent-ils pas à identifier les deux localités. Nous admettons aussi cette seconde opinion, sans vouloir
cependant affirmer sa parfaite certitude ; elle nous a semblé du moins plus probable. On pourra lire encore,
V. Guérin, Samarie, t. 1, p. 371 et suiv., 379-381; K. von Raumer, Palaestina, t. 3, p. 342 et s. ; F. Liévin de
Hamme, Guide-Indicateur des sanctuaires et lieux historiques de la Terre-Sainte, 2ème édit., t. 2, p. 30-32. Le
mot ville ne désigne pas nécessairement une ville considérable. Cf. 11, 54; Matth., 2, 23. - Que Jacob avait
donné à son fils. Ce don spécial, fait par Jacob au plus aimé de ses douze fils, n'est pas mentionné
directement ailleurs; mais il est en parfaite harmonie avec plusieurs notes consignées dans les premiers livres
de l'Ancien Testament. Genèse, 33, 18-20, nous lisons : « Venant de Paddane-Aram, Jacob arriva sain et sauf
à la ville de Sichem, au pays de Canaan, et il campa en face de la ville. Pour cent pièces d’argent, il acheta
aux fils de Hamor, père de Sichem, la parcelle de champ où il avait dressé sa tente. Là, il érigea un autel qu’il
appela El, Dieu d’Israël ». Et un peu plus loin, Gen. 48, 21-22 : « Alors Israël dit à Joseph : « Voici que je
vais mourir, mais Dieu sera avec vous, il vous fera retourner au pays de vos pères. Et moi, je te donne une
colline de plus qu’à tes frères : Sichem, que j’ai conquise des mains des Amorites par mon arc et mon épée ».
Enfin, au livre de Josué, 24, 32 : « Quant aux ossements de Joseph, que les fils d’Israël avaient emportés
d’Égypte, on les ensevelit à Sichem, dans la parcelle du champ que Jacob avait acheté pour cent pièces
d’argent aux fils de Hamor, père de Sichem. Ils devinrent un héritage pour les fils de Joseph. Comp. Jos. 16,
où l'on voit en effet que le pays de Sichem devint la part des Ephraïmites, descendants de Joseph, quand la
Terre promise fut divisée entre les tribus israélites. On conçoit que Jacob ait voulu attribuer au plus cher de
ses fils le lieu qui avait été en quelque sorte le premier sanctuaire de la théocratie : car c'est à Sichem
qu'Abraham avait érigé pour la première fois un autel au Dieu de la promesse et de la révélation. Cf. Gen. 12,
6-7. Rien de plus fertile, du reste, que ce district magnifique. Voyez l'explication du verset 35. Les voyageurs
décrivent tous en poètes le « val du campement » (Ouadi el Moknah), comme l'appellent aujourd'hui les
Arabes, c'est-à-dire, la riante vallée qu'enserrent d'une façon jalouse à l'E. une série de collines, au N. le mont
Ebal, à l'O. le Garizim. La nudité presque entière des montagnes ne fait que mieux ressortir la verdure
éclatante de la plaine, entretenue par des sources nombreuses, abondantes et intarissables. « On avance à
l'ombre du feuillage, le long d'eaux vives, charmé par les mélodies d'une multitude d'oiseaux », Van de
Velde, Reise durch Syrien, t. 1, p. 291. C'est « comme une scène d'enchantement féerique; nous n'avons rien vu de comparable dans toute la Palestine ». Robinson, Palaestina, t. 3, p. 315. Cf Smith, Dictionary of the
Bible, au mot Shechem ; Stanley, Sinaï and Palestine, p. 233-235 de la 2è édit. ; Geikie, The Life and Words
of Christ, t. 1, p. 516-520 de la 9è édit. - Entre le village d'Askar et la fontaine de Jacob se trouve le tombeau
de Joseph, humble monument à demi ruiné, mais objet d'une grande vénération dans le pays. On en trouvera
une belle représentation dans Ebers und Guthe, Palaestina, t. 1, p. 250.