Jean 5, 2

Or, à Jérusalem, près de la porte des Brebis, il existe une piscine qu’on appelle en hébreu Bethzatha. Elle a cinq colonnades,

Or, à Jérusalem, près de la porte des Brebis, il existe une piscine qu’on appelle en hébreu Bethzatha. Elle a cinq colonnades,
Louis-Claude Fillion
Après la circonstance du temps, nous trouvons celle des lieux. De l'emploi du temps présent, ἔστιν, on a parfois tenté de conclure que le quatrième évangile aurait été écrit avant la ruine de Jérusalem; mais l'argument n'est pas décisif. La piscine pouvait fort bien n'avoir pas été détruite par les Romains (le réservoir n'avait certainement pas disparu, et S. Jérôme, à la suite d'Eusèbe, parle des murs comme existant encore de son temps). Surtout le narrateur, à la façon de beaucoup d'autres anciens historiens, a pu simplement décrire le local tel qu'il existait au moment du fait raconté. - La piscine des brebis. Les meilleures autorités grecques ont ici une variante d'une certaine importance : ἐπὶ τῇ προβατιϰῇ, (littéral. : « super probatica », comme traduit Ammonius) ϰολυμβήθρα ; de sorte que l'adjectif est complètement isolé du substantif suivant, n'étant pas au même cas que lui. Après προβατιϰῇ on sous-entend πύλῃ, porte, mot omis par ellipse, ou par suite d'une abréviation populaire dont on rencontre des exemples analogues chez les classiques, et l'on traduit : Il existe à Jérusalem, auprès de la porte probatique, une piscine... Telle est certainement la véritable interprétation, quoique plusieurs manuscrits lisent : ἐπὶ τῇ προβατιϰῇ ϰολυμβήθρα, auprès de la piscine probatique ; ou, comme la Vulgate : προβατιϰῇ ϰολυμβήθρα, une piscine probatique. Cette porte de l'antique Jérusalem nous est bien connue par l'Ancien Testament, où elle est trois fois mentionnée (Neh. 3, 1, 32; 2, 39 : שער הצאן). Son nom lui venait des troupeaux de moutons qu'on introduisait fréquemment par elle dans la ville, et surtout dans le temple pour les sacrifices. La porte des Brebis était en effet située au N.-E. de Jérusalem, non loin de la porte actuelle de S. Etienne (voyez R. Riess, Atlas de la Bible, Pl. 6; Zimmermann und Socin, Plan des heutigen Jerusalem mit Umgebung), par conséquent tout auprès du sanctuaire juif. C'est encore par là que les Bédouins amènent aux habitants de Jérusalem les moutons engraissés dans les steppes du district oriental. Cf. Riehm, Handwœrterbuch des bibl. Altertums, p. 688. L'expression προβατική n'apparaît qu'en cet endroit du N. T.; « ovilla » en serait une traduction plus claire. - Piscine (ϰολυμβήθρα, « où l'on se baigne »)... On ne saurait déterminer d'une manière tout à fait nette l'emplacement de cette piscine célèbre : tout porte à croire néanmoins qu'elle occupait, comme l'affirme une tradition assez ancienne, le site actuel du « Birket Israel » (réservoir d'Israël), appelé aussi « Birket es Seraïn ». Elle était donc à l'intérieur de la ville, au N. E. du temple (voyez les cartes indiquées plus haut). Le Birket Israel a environ vingt mètres de profondeur; sa longueur est de 130 mètres, sa largeur de 40. On y accumule chaque jour des décombres, et il est presque toujours à sec (voyez sa représentation dans V. Guérin, La Terre Sainte, 1882, t. 1, p. 79). Dès l'année 1102 Saewulf l'identifiait à la piscine de Béthesda ; de même, un peu plus tard (1187), l'auteur de la Citez de Jherusalem; puis tous les voyageurs subséquents. Et c'est en réalité la situation la plus convenable. Cependant, on a fait de nos jours trois autres essais d'interprétation. D'après M. Warren, c'est à l'ouest de la mosquée d'Omar qu'il faudrait chercher la piscine de Béthesda. Le « bain du salut », ou Hammam-esch-Schifâ, comme on l'appelle dans le langage populaire à cause de ses vertus curatives, satisferait seul une condition signalée dès le quatrième siècle par Eusébe (Onomasticon, λίμναι δίδυμοι ) et par l'auteur de l' « Itinerarium Burdigalense », car il est « double » ; c'est-à-dire qu'il se compose de deux réservoirs contigus, dont l'un mesure 165 pieds de long sur 53 de large, tandis que l'autre est long de 127 pieds et large de 25 environ. Voyez Riehm, Handwœrterbuch des bibl. Altertums, p. 178-179, et Bædeker, Palæstina und Syrien, p.191. Antérieurement déjà, le Dr Robinson avait attaché son nom à une autre hypothèse. Pour lui, notre piscine eût été représentée par la fontaine dite de la Vierge, qu'on trouve au sud du Temple, dans la vallée du Cédron et en face du village de Siloé. Voyez dans son savant ouvrage, Palæstina und die südlich angrenzenden Lænder, t. 2, p.148 et ss., l'histoire des recherches intéressantes qu'il fit à cette occasion. Un phénomène avait vivement attiré son attention dans ce petit bassin (longueur 15 pieds, largeur de 5 à 6 pieds), savoir la manière intermittente dont les eaux s'y déversent; c'est ainsi qu'il les vit, dans l'intervalle de cinq minutes, monter tout à coup de deux pieds, en bouillonnant, ce qui arriverait plusieurs fois par jour, lui dit-on. En effet, d'autres voyageurs ont été témoins de cette ébullition, attribuée par les habitants du village voisin, aux mouvements d'un dragon caché dans les canaux souterrains. De plus, quelques anciens écrivains racontent la même chose de la piscine de Siloé, avec laquelle la fontaine de la Vierge est en communication par un conduit intérieur. « C'est une fontaine au pied du mont Sion ; ses eaux ne coulent pas régulièrement, mais à certains jours et heures ; et elles sortent avec un grand bruit des creux et des fissures de la roche très dure », écrivait S. Jérôme. C'est de ces divers faits, envisagés comme des prémisses indubitables, que Robinson a déduit son système comme conclusion. Mais ce système (et pareillement celui de M. Warren) a le grand tort de placer Béthesda trop loin de la porte des Brebis, et cela suffit pour le réfuter. Enfin d'autres confondent les piscines de Béthesda et de Siloé, suivant l'ancien exemple de Prudence, Apotheosis, 680 et ss. ; l'évangéliste lui-même renverse cette opinion en distinguant nettement les piscines l'une de l'autre. Cf. 9, 7. Voyez encore, sur cette question de topographie, Sepp, Jerusalem und das heilige Land, 1864, t. 1, p. 270 et ss. ; Krafft, Die Topographie Jerusalem's, 1846, p. 175 et ss., etc. - Qui s'appelle : ἡ έπιλεγομένη (le manuscrit Sinaït. a seul τὸ λεγόμενον) : « surnommée », d'où il suit qu'elle avait eu à l'origine et qu'elle avait peut-être encore alors un autre nom. - En hébreu (έβραΐστι ; quatre autres fois dans le quatrième évangile : 19, 13, 17, 20; 20, 16; deux dans l'Apocalypse : 9, 11; 16, 16). L'hébreu parlé à cette époque n'était plus la langue de Moïse, de David et d'Isaïe ; mais un idiôme chargé d'aramaïsmes : le syro-chaldéen, comme on le nomme souvent. - Au lieu de Bethsaida, la plupart des manuscrits grecs portent Béthesda (βηθεσδά), qui est la leçon probable; Eusèbe écrit βηζαθά . On n'est pas d'accord sur l'étymologie et, partant, sur le sens de ce nom. On l'a fait dériver tantôt de Beth-aschâda ( כית-אםטיו ), « lieu de l'effusion » ; tantôt de Beth-estâv (ביתאסטיו), οϊκος στοης , « maison du portique » ; tantôt de Beth-zêtha (ביתזיתא), « maison des oliviers » (à cause de la colline située en face) ; tantôt, plus communément et à bien plus juste titre, de Beth-chesdah (בית־חסזא), « maison de merci », soit que cette dénomination fît allusion à la miséricorde divine qui se manifestait miraculeusement à Béthesda (vv. 3 et s.), soit qu'elle caractérisât simplement l'œuvre bienfaisante de celui qui avait érigé les portiques dans l'intérêt des pauvres malades. Nulle part ailleurs il n'est question de la piscine de Béthesda dans les écrits juifs, sacrés ou profanes. - Qui a cinq portiques : c'est-à-dire cinq galeries couvertes, et disposées, suivant les uns, en pentagone, suivant d'autres, en croix avec un portique au centre sur la piscine, ou de toute autre manière. La partie extérieure était sans doute complètement murée pour mieux abriter les infirmes.
Fulcran Vigouroux
Une piscine probatique. On croit qu’elle était ainsi appelée parce qu’on y lavait les animaux (probata) que l’on devait offrir en sacrifice dans le temple de Salomon. Elle est située au nord-ouest de la porte d’entrée de l’église actuelle de Sainte-Anne, non loin de la porte Saint-Etienne, dans la partie nord-est de Jérusalem. Cette piscine porte aujourd’hui le nom de Birket Israil. Elle était probablement alimentée par les eaux amenées au temple au moyen d’un aqueduc des environs de Bethléem.