Jean 5, 20

Car le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu’il fait. Il lui montrera des œuvres plus grandes encore, si bien que vous serez dans l’étonnement.

Car le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu’il fait. Il lui montrera des œuvres plus grandes encore, si bien que vous serez dans l’étonnement.
Saint Hilaire de Poitiers
Nôtre-Seigneur dit que le Fils ne peut rien faire de lui-même, afin que cette égalité qu'il proclamait exister entre lui et son Père, ne pût détruire dans leur esprit la distinction d'avec le Père que lui donne sa naissance.

Au reproche qui lui est fait de violer le sabbat, Nôtre-Seigneur avait répondu : « Mon Père continue d'agir jusqu'à présent, et moi aussi j'agis sans cesse, » voulant leur faire comprendre qu'il s'appuyait sur l'autorité d'un si grand exemple, et tout à la fois que ce qu'il faisait était l'œuvre du Père, parce que le Père-agissait en lui lorsque lui-même agissait. A l'accusation que leur inspire leur jalousie, qu'il se faisait égal à Dieu, en l'appelant son Père, il répond en confirmant la vérité de sa naissance divine et l'excellence de sa nature : « Jésus donc leur dit : En vérité, en vérité, je vous le dis, le Fils ne peut rien faire de lui-même, mais seulement ce qu'il voit que le Père fait. »

Pour conserver l'ordre qui doit exister dans notre confession de foi au Père et au Fils, Nôtre-Seigneur nous expose le mystère de sa naissance qui lui communique la puissance d'agir, non par un accroissement successif des forces nécessaires pour chaque action en particulier, mais en faisant découler ce pouvoir de la connaissance. Et encore, cette connaissance n'est-elle point produite par la vue d'une œuvre matérielle, que le Fils ferait après l'avoir vu faire à son Père ; le Fils est né du Père, et c'est par la certitude qu'il a de posséder en lui la nature et la puissance du Père, qu'il atteste que le Fils ne fait que ce qu'il voit faire au Père. Car Dieu ne voit pas comme nous par les yeux du corps, mais sa vue est tout entière dans la vertu de sa nature.

Ou bien encore : Nôtre-Seigneur dit qu'il fait toutes choses et les mêmes choses pour exprimer la puissance de la nature divine. C'est la même nature dans le Père et le Fils puisqu'il n'appartient qu'à la même nature de pouvoir absolument les mêmes choses. Mais puisque le Fils fait pareillement les mêmes choses, cette ressemblance dans la manière de faire les oeuvres exclut l'identité de celui qui agit. Tels sont donc les enseignements de la vraie foi qui nous montrent dans un même passage l'identité de nature dans ces mots : « Les mêmes œuvres, » et la distinction du Fils par sa naissance dans cette expression : « Il les fait pareillement. »

Ce n'est donc point par ignorance, gardons-nous bien de le croire, que le Fils unique de Dieu a besoin de cette révélation, et cette expression ne doit réveiller dans notre esprit d'autre idée que la foi à la naissance du Fils, foi en vertu de laquelle nous croyons que le Fils est sorti de toute éternité du sein de Dieu toujours existant.

La parole divine est pleine ici de prudence et de circonspection, de peur que l'ambiguïté des termes ne donne l'idée de deux natures différentes. Voilà pourquoi elle nous dit que les œuvres du Père ont été révélées au Fils, et non pas qu'il a reçu pour les opérer une nature et une force particulières. Ainsi cette révélation du Père au Fils c’est la génération elle-même du Fils, à qui l'amour du Père communique par cette génération elle-même la connaissance des œuvres qu'il veut faire par lui.
Saint Jean Chrysostome
On peut encore donner une autre interprétation de tout ce passage : « Le Fils ne peut rien faire de lui-même, » en ce sens qu'il ne peut rien faire qui soit en opposition, en désaccord avec lePère. Et il ne dit point qu'il ne fait rien de contraire, mais qu'il ne peut rien faire, pour montrer l'égalité absolue du Père et du Fils. Ce n'est donc point la faiblesse du Fils mais sa puissance toute divine qui ressort de ces paroles. Ainsi lorsque nous disons : Il est impossible que Dieu commette le péché, nous n'accusons pas son impuissance, mais nous attestons sa puissance ineffable; ainsi lorsque le Fils dit : « Je ne puis rien faire de moi-même, » il nous déclare qu'il est impossible qu'il fasse quelque chose de contraire à son Père.

Les paroles qui suivent viennent confirmer cette interprétation : « Car tout ce que fait le Père, le Fils le fait pareillement. » C'est-à-dire si le Père fait toutes choses par lui-même, le Fils les fait également par lui-même, suivant la signification de cette parole : « Pareillement, de la même manière. » Vous voyez quelle doctrine relevée sous ces expressions si simples ; et il ne faut pas vous étonner de la simplicité, de l'humilité même du langage du Sauveur, car il s'exprime de la sorte par ménagement pour ses ennemis qui le poursuivaient à cause des hautes vérités qu'ils entendaient, et parce qu'ils le regardaient comme étant en opposition avec Dieu.
Saint Augustin
Il en est qui revendiquant le nom de chrétiens (les hérétiques ariens), tout en affirmant que le Fils de Dieu fait homme est inférieur à son Père, veulent appuyer leur sacrilège erreur sur ces paroles et nous tiennent ce langage : Vous voyez que lorsque le Seigneur Jésus s'aperçut que les Juifs étaient indignés de ce qu'il se faisait égal à son Père, il s'empresse de détruire dans leur esprit toute idée d'égalité parfaite ; car, ajoutent-ils, celui qui ne peut rien faire de lui-même, mais seulement ce qu'il voit que le Père fait, lui est nécessairement inférieur et ne peut être son égal. Or, si le Verbe était Dieu, il y a donc un Dieu suprême, un Dieu inférieur, et nous adorons deux Dieux, et non pas un seul Dieu.

Voici le vrai sens de ces paroles : Pourquoi vous scandaliser de ce que j'ai appelé Dieu mon Père, et de ce que je me déclare égal à Dieu ? Je suis son égal, mais tout en étant engendré par lui ; je suis son égal, mais de telle sorte que ce n'est pas lui qui vient de moi, mais moi qui viens de lui. Pour le Fils, être et pouvoir c'est une seule et même chose, et comme le Fils tire sa substance du Père, la puissance du Fils vient également du Père. Donc puisque le Fils ne vient pas de lui-même, il ne peut rien aussi de lui-même. Et c'est ainsi que le Fils ne peut rien faire de lui-même, mais seulement ce qu'il voit que le Père fait : voir pour le Fils, c'est la même chose qu'être engendré du Père, la vision pour lui n'est pas différente de la substance. Tout ce qu'il est, c'est du Père qu'il le tient.

Si nous croyons que ces paroles signifient que le Fils de Dieu en tant qu'il s'est revêtu d'une forme humaine est inférieur au Père, il nous faudra comme conséquence admettre que le Père a marché le premier sur les eaux, et qu'il a commencé aussi par faire toutes les actions que le Fils a faites dans sa vie mortelle, en prenant exemple sur sou Père ; mais qui serait assez insensé pour admettre une semblable opinion ?

Lorsque le Sauveur marchait sur la mer, c'était le Père qui agissait par le Fils, car lorsque le corps marchait dirigé par la divinité du Fils, le Père n'était pas absent, puisque le Fils dit expressément : « Le Père qui demeure en moi, fait lui-même les œuvres que je fais. » (Jn 14, 2) Or, comme ces paroles : « Le Fils ne peut rien faire de lui-même, » pouvaient donner lieu à une interprétation toute matérielle d'après laquelle on se représenterait deux ouvriers l'un maître et l'autre disciple, l’un prenant exactement modèle sur l’autre avant de construire un meuble quelconque, Nôtre-Seigneur ajoute : « Car tout ce que faille Père, le Fils le fait pareillement. » Il ne dit point : Toutes les choses que fait le Père, le Fils en fait de semblables, mais il fait absolument les mêmes choses : C'est le Père qui a fait le monde, le Fils qui a fait le monde, le Saint-Esprit qui a fait le monde. Si le Père, le Fils, le Saint-Esprit ne font qu'un seul Dieu, c'est donc le Père qui a fait le seul et même monde par le Fils dans le Saint-Esprit. Le Fils fait donc les mêmes choses que le Père. Nôtre-Seigneur ajoute : Il les fait pareillement pour prévenir une autre erreur qui pourrait s'élever dans l'esprit. Notre corps paraît faire les mêmes choses que notre âme, mais il ne les fait point pareillement, l'âme commande au corps, mais il y a une grande différence entre le corps et l'âme ; le corps est visible, l'âme est invisible. Le maître du corps fait une action, le serviteur fait la même action, mais c'est du maître que le serviteur a reçu le moyen de faire cette action ; tous deux l'ont faite, mais tous deux ne l'ont pas faite semblablement. Il n'en est pas ainsi du Père et du Fils, il fait les mêmes choses, et il les fait semblablement, c'est-à-dire qu'il nous faut comprendre que le Fils fait les mêmes choses que le Père, avec la même puissance, avec la même sagesse et par la même opération, et que par conséquent le Fils est égal au Père.

Ces paroles n'accusent donc pas un défaut de puissance dans le Fils, mais sont une attestation de la filiation divine qu'il a reçue du Père, et il est aussi glorieux au Tout-Puissant de ne pouvoir changer, qu'il lui est glorieux de ne pouvoir mourir. Le Fils pourrait faire ce qu'il n'aurait pas vu faire au Père, s'il pouvait faire ce que le Père ne fait point par le Fils ; c'est-à-dire s'il pouvait pécher, ce qui ne peut convenir à cette nature immuablement bonne que le Père a engendrée ; donc pour lui ne pouvoir pécher, ce n'est pas défaut de pouvoir, c'est an contraire un signe de puissance.

A l'égard du Fils, voir le Père c'est la même chose qu'être Fils. Le Père montre donc tout ce qu'il fait à son Fils, et c'est du Père qu'il reçoit la connaissance de toutes choses, voir et naître sont une même chose pour le Fils, et il tire la connaissance de toutes choses du même principe qui lui communique l'être, la naissance et l'existence éternelle.

Après avoir dit qu'il faisait les mêmes choses que fait le Père et qu'il les fait de la même manière, Nôtre-Seigneur ajoute : « Car le Père aime le Fils, et lui montre tout ce qu'il fait, » ce qui parait se rapporter à ce qu'il a dit plus haut : « Le Fils ne peut rien faire de lui-même, mais seulement ce qu'il voit que le Père fait, parce que le Père lui montre tout ce qu'il fait lui-même. » Mais la pensée de l'homme se trouble encore à ces paroles, et je l'entends dire : Le Père agit donc séparément, pour que le Fils puisse voir ce que fait le Père, de même qu'un ouvrier qui veut apprendre son art à son fils, lui en montre tous les secrets, afin qu'il puisse faire lui même tout ce qu'il voit faire à son père ? Ainsi le Fils n'agirait pas en même temps que le Père, puisqu'il doit voir d'abord ce que fait son Père? (Traité 19.) Si nous admettons comme une vérité certaine et incontestable que le Père fait tout par le Fils, nous devons admettre qu'il lui montre ce qu'il fait avant d'agir. (Traité 21) D'ailleurs où le Père montre-t-il à son Fils tout ce qu'il fait, si ce n'est dans son Fils par lequel il fait toutes choses ? Car si le Père donne un modèle au Fils en ce sens que les yeux du Fils sont fixés sur les mains du Père pour voir comment il agit, comment comprendre alors l'indivisible Trinité ? (Traité23.) Ce n'est donc point en agissant que le Père montre au Fils ce qu'il fait ; c'est en faisant cette démonstration qu'il agit par le Fils : le Fils voit ce que le Père lui montre avant d'agir, et c'est de la démonstration du Père et de la vue du Fils que résulte l'action que le Père fait par le Fils. Vous me direz : Je montre à mon fils ce que je veux faire, et il le fait, et c'est moi qui, pour ainsi parler, le fait par lui. La différence ici est énorme, car avant d'agir, vous montrez à votre Fils ce que vous vous voulez faire afin que se guidant sur cet exemple que vous lui donnez avant d'agir, il se conforme parfaitement au modèle que vous lui donnez, et que vous agissiez par lui. Mais pour cela, il vous faut adresser à votre fils des paroles différentes de ce que vous êtes, différentes de ce qu'il est lui-même. Dieu le Père se serait-il servi aussi d'une parole étrangère pour parler à son Fils ? Mais le Fils est le Verbe du Père ; se servirait-il du Verbe pour parler au Verbe ? Ou bien, comme le Fils est la parole par excellence du Père, faut-il admettre entre le Père et le Fils un échange de paroles d'un ordre inférieur ? Peut-on supposer qu'un son créé et passager est sorti de la bouche du Père pour aller frapper l'oreille du Fils ? Eloignez toute image corporelle, ne voyez ici que la simplicité, si vous-même vous êtes simple. Si vous ne pouvez comprendre ce que c'est que Dieu, comprenez du moins ce qu'il n'est pas : vous aurez beaucoup gagné, si vous n'avez pas sur Dieu des pensées contraires à sa nature divine. Considérez dans votre âme une image de la vérité que je veux vous expliquer. Dans votre âme je vois la mémoire et la pensée. Votre mémoire présente la ville de Carthage à votre pensée et montre à votre intelligence attentive ce qui existait dans Carthage avant que votre attention se tournât de ce côté. Voilà donc tout à la fois et la démonstration de la mémoire, et la vue de l'intelligence, et tout cela sans aucun échange de paroles, sans qu'on ait fait usage d'aucun signe extérieur ; et cependant tout ce que vous possédez dans votre mémoire, vous l'avez reçu du dehors. Le Père au contraire n'a point reçu du dehors ce qu'il montre au Fils, tout ici se fait à l'intérieur ; car aucune créature n'existerait au dehors, si elle n'avait reçu l'existence du Père par le Fils, et c'est en la montrant à son Fils que le Père l'a créée, parce qu'il l'a créée par son Fils au même moment qu'il la voyait. Le Père engendre donc la vision du Fils, de la même manière qu'il engendre le Fils, et c'est la démonstration du Père qui engendre la vision du Fils, ce n'est pas la vision qui engendre la démonstration. Si l'œil de notre âme plus épuré pouvait pénétrer plus avant dans ces profondeurs, nous découvririons peut-être que le Père n'est point différent de l'acte par lequel il montre à son Fils, de même que le Fils n'est point différent de l'acte par lequel il voit ce qui lui est montré.

Mais voici que celui que nous avons dit coéternel au Père, contemplant le Père, et le contemplant par l'acte même de sa génération, nous parle encore de succession de temps : « Et il lui montrera des œuvres plus grandes que celles-ci. » S'il les lui montrera, on bien s'il doit les lui montrer, il ne les a donc pas encore montrées, et il les montrera au Fils en même temps qu'à ceux qui l'écoutent : « Afin que vous les admiriez, » ajoute Notre-Seigneur. (Traité 19.) Il est assez difficile de comprendre comment le Père éternel peut révéler dans le temps de nouvelles choses à son Fils qui lui est coéternel, et qui connaît tout ce qui existe dans le Père. Quelles sont ces œuvres plus grandes ? la suite nous l'apprend : « Car comme le Père ressuscite les morts et leur donne la vie, ainsi le Fils donne la vie à qui il veut. » C'est une œuvre plus grande, en effet, de ressusciter les morts que de guérir les malades. (Traité 21.) Celui qui jusque-là avait parlé comme Dieu, commence ici à parler comme homme. (Traité 23.) Dieu montrera donc dans le temps à son Fils fait homme, des œuvres plus grandes, c'est-à-dire la résurrection des corps ; car les corps ressusciteront par suite de la divine économie de l'incarnation du Fils de Dieu dans le temps, tandis que les âmes ressusciteront par la vertu de la nature éternelle de Dieu. C'est par la participation à la nature de Dieu, que l'âme arrive au bonheur; ce n'est point en entrant en participation avec une âme sainte, qu'une âme faible peut obtenir la félicité. De même que l'âme (qui est inférieure à Dieu), communique la vie au corps qui lui est inférieur, il n'y a qu'un être supérieur à l'âme, c'est-à-dire, Dieu qui puisse lui communiquer la vie bienheureuse. Voilà pourquoi Nôtre-Seigneur a dit précédemment que le Père aime le Fils, et lui montre tout ce qu'il fait ; le Père montre au Fils comment les âmes ressuscitent, car c'est par le Père et le Fils qu'elles sont arrachées à la mort, et elles ne peuvent vivre qu'à la condition que Dieu soit leur vie. (Traité 21) On peut dire encore que ce n'est pas précisément au Fils que le Père doit faire cette révélation, voilà pourquoi le Sauveur ajoute : « Afin que vous les admiriez, » paroles qui sont l'explication de celles qui précèdent : « Et il vous montrera des œuvres plus grandes encore, a Mais pourquoi n'a-t-il pas dit : Il vous montrera, au lieu de : « II montrera au Fils ? » C'est parce que nous sommes les membres de son Fils, et il apprend pour ainsi dire de la même manière, qu'il souffre dans ses membres. Il nous a dit : « Lorsque vous donnez au plus petit d'entre les miens, c'est à moi que vous donnez ; » (Mt 25) de même, si nous lui demandons : Comment pouvez-vous apprendre, vous qui enseignez toutes choses ? il nous répondra : « Lorsque l'un des plus petits d'entre les miens apprend, c'est moi-même qui apprends. »
Saint Thomas d'Aquin
755. Après avoir montré la puissance du Fils en général , le Seigneur va la montrer maintenant de manière précise : en manifestant d’abord la puissance qu’Il a de donner la vie , puis en explicitant quelques paroles qui semblaient obscures . Concernant le premier point, le Seigneur montre d’abord que le Fils a la puissance de donner la vie , puis II enseigne la manière de recevoir de Lui la vie .

La puissance qu’a le Fils de donner la vie, le Seigneur la manifeste en la désignant d’abord d’une façon générale , puis de manière plus précise . Il s’explique ensuite et montre enfin l’effet qui provient de cette puissance .

756. Le Seigneur manifeste la puissance qu’Il a de donner la vie d’une façon générale en disant : IL LUI MONTRERA DES ŒUVRES PLUS GRANDES QUE CELLES-CI, comme s’Il disait Vous êtes étonnés et trou blés par la puissance du Fils dans la guérison de l’infirme, mais le Père LUI MONTRERA DES ŒUVRES encore PLUS GRANDES QUE CELLES-CI, dans la résurrection des morts, DE SORTE QUE VOUS SEREZ VOUS-MEMES DANS L’ETONNEMENT.

757. Cependant, ces paroles du Christ soulèvent une double difficulté. En premier lieu à propos du futur IL MONTRERA . En effet, ce qu’on a dit plus haut — que le Père MONTRE au Fils TOUT CE QU’IL FAIT — se rapporte à la génération éternelle. Comment dit-Il donc ici IL MONTRERA, puisque le Fils est coéternel au Père et que, dans l’éternité, il n’y a pas de futur? En second lieu à propos de ce qui suit : DE SORTE QUE VOUS SEREZ VOUS-MEMES DANS L’ETONNEMENT. En effet, si c’est pour que les Juifs soient étonnés que le Père doit montrer toutes choses au Fils, Il les Lui montrera alors en même temps qu’à eux — autrement, ne voyant pas, ils ne seraient pas dans l’étonnement —, alors que cependant le Fils aura vu toutes choses de toute éternité auprès du Père.

758. Il y a trois manières de résoudre cette double difficulté : la première, indiquée par Augustin , est que cette manifestation à venir concerne les disciples. C’est en effet une manière de parler habituelle au Christ de parfois s’attribuer, comme fait à Lui-même, ce qui est fait à ses membres — Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait . Il faut alors comprendre ceci : Vous, vous avez vu le Fils accomplir de grandes choses dans la guérison de l’infirme, et vous êtes dans l’étonnement; mais le Père LUI MONTRERA DES ŒUVRES encore PLUS GRANDES QUE CELLES-CI, dans ses membres, c’est-à-dire dans ses disciples : Celui qui croit en moi fera lui aussi les œuvres que je fais; et il en fera même de plus grandes . Le Christ ajoute donc : DE SORTE QUE VOUS SEREZ VOUS-MEMES DANS L’ETONNEMENT : car à cause des miracles des disciples les Juifs furent dans un tel étonnement qu’un très grand nombre d’entre eux se convertit à la foi, ainsi que le rapportent les Actes des Apôtres .

759. Une autre manière de résoudre la difficulté est, toujours selon Augustin , de comprendre que la manifestation se rapporte au Christ selon la nature qu’Il assume. Dans le Christ, en effet, il y a la nature divine et la nature humaine, et selon l’une et l’autre Il tient du Père sa puissance de donner la vie, mais de deux manières différentes; car selon la divinité, Il a la puissance de donner la vie aux âmes, mais selon la nature qu’Il assume Il donne la vie aux corps. C’est pour quoi Augustin dit que "le Verbe donne la vie aux âmes, mais le Verbe fait chair donne la vie aux corps" . En effet, la Résurrection du Christ et les mystères qu’Il a accomplis dans la chair sont causes de la résurrection future des corps — Dieu (...) nous a vivifiés dans le Christ (...) et nous a ressuscités avec Lui Si le Christ est ressuscité, les morts aussi ressusciteront —. Mais la première manière de donner la vie, Il la possède de toute éternité, et c’est ce qu’Il a manifesté lorsqu’Il a dit précédemment : Et Il Lui montre tout ce qu’Il fait Ces choses qu’Il Lui montre, Il les montre certes toutes à la chair, mais [successivement] dans le temps, et c’est à ce sujet qu’Il dit : ET IL LUI MONTRERA DES ŒUVRES PLUS GRANDES QUE CELLES-CI, c’est-à-dire que son pouvoir sera manifesté en ce qu’Il fera des œuvres plus grandes en ressuscitant des morts : certains dès maintenant, comme Lazare, la petite fille de Jaïre, le fils unique de la veuve , et tous enfin au jour du jugement.

760. La troisième manière de résoudre la difficulté est de comprendre que cette manifestation se rapporte au Christ selon la nature divine, suivant cette manière de dire, habituelle à l'Ecriture, qu’une chose s’accomplit lorsqu’elle est connue, comme c’est le cas pour cette h-parole : Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre En effet, bien que le Christ ait eu de toute éternité la plénitude de la puissance, parce que tout ce que fait le Père, le Fils aussi le fait pareillement , Il dit néanmoins que la puissance Lui a été donnée après la Résurrection, non qu’Il l’ait reçue seulement à ce moment-là, mais parce que, par la gloire de la Résurrection, elle s’est alors fait pleinement connaître. D’après cela, Il dit donc que la puissance Lui a été donnée en ce sens qu’Il l’exerce dans une œuvre, de telle sorte qu’Il dit : ET IL LUI MONTRERA DES ŒUVRES PLUS GRANDES, c’est-à-dire qu’Il manifestera, en l’exerçant, la puissance qui Lui a été donnée, et cela à vous qui serez dans l’étonnement, quand Celui qui vous semble n’être qu’un homme apparaîtra comme étant un homme revêtu de la puissance divine et Dieu Lui-même. Le terme "montrer" doit être pris ici comme un terme exprimant la vision, selon ce que nous avons expliqué plus haut .

761. Ensuite par ces paroles : CAR, COMME LE PERE RELEVE LES MORTS ET LES FAIT VIVRE, AINSI LE FILS FAIT VIVRE QUI IL VEUT, le Seigneur montre de manière plus précise la puissance qu’Il a de donner la vie, en faisant connaître ce que sont ces ŒUVRES PLUS GRANDES que le Père montrera au Fils.

Il faut savoir ici que la puissance divine, dans l’Ancien Testament, se révèle principalement dans le fait que Dieu est l’auteur de la vie : C’est le Seigneur qui fait mourir et qui fait vivre — C’est moi qui fais mourir et moi qui fais vivre . Et cette puissance, le Fils l’a comme le Père et c’est pourquoi Il dit : COMME LE PERE RELEVE LES MORTS ET LES FAIT VIVRE, AINSI LE FILS FAIT VIVRE QUI IL VEUT — comme pour dire : Voici quelles sont les œuvres plus grandes que le Père montrera au Fils : donner la vie aux morts. Il est clair que ce sont là des œuvres beaucoup plus grandes, car la résurrection d’un mort est plus que la guérison d’un malade Le Fils fait donc VIVRE QUI IL VEUT à la fois en donnant aux vivants la première vie et en ressuscitant les morts. Toutefois ne pensons pas que certains soient ressuscités par le Père, d’autres par le Fils : ceux-là mêmes que le Père ressuscite et fait vivre, le Fils les ressuscite et les fait vivre. Car, de même que le Père opère toutes choses par le Fils qui est sa puissance , de même aussi Il fait vivre toutes choses par le Fils qui est la vie — Moi je suis le chemin, la vérité et la vie . Cependant, Il ne ressuscite pas les morts ni ne leur donne la vie par le Fils comme par un instrument, car alors le Fils n’au rait pas été établi juge de l’exercice de sa puissance. Aussi, afin d’exclure cela, le Christ dit-Il : LE FILS FAIT VIVRE QUI IL VEUT, c’est-à-dire qu’il appartient au bon plaisir de sa puissance de faire vivre QUI IL VEUT. Car le Fils ne veut rien d’autre que ce que veut le Père en effet, comme Ils n’ont qu’une substance, ainsi n’ont Ils qu’une volonté, et c’est pourquoi le Christ peut dire Ne m’est-il pas permis de faire ce que je veux?

762. Le Seigneur explique ici ses paroles en manifestant sa puissance. Mais il faut noter qu’on a donné de ce verset et du suivant deux interprétations : l’une est d’Augustin, l’autre, d’Hilaire et de Chrysostome .

Voici celle d’Augustin. Le Seigneur avait dit plus haut que, COMME LE PERE RELEVE LES MORTS..., AINSI LE FILS... Mais de peur que l’on ne comprenne qu’il s’agit ici de la résurrection des morts par laquelle Il en a ressuscité certains à cette vie pour la manifestation d’un miracle, et non pour la vie éternelle, Il les amène à la considération plus élevée de l’autre résurrection, celle qui aura lieu lors du jugement à venir. C’est pourquoi Il fait spécialement mention du jugement en disant : LE PERE NE JUGE PERSONNE .

Dans le même sens, mais d’une autre manière, on peut, toujours d’après Augustin , rattacher ce verset au précédent, de sorte que celui-ci : COMME LE PERE RELEVE LES MORTS..., AINSI LE FILS... se réfère à la résurrection des âmes que le Fils accomplit en tant qu’Il est le Verbe, tandis que le suivant : LE PERE NE JUGE PERSONNE se réfère à la résurrection des corps qu’Il accomplit en tant qu’Il est le Verbe fait chair. En effet, la résurrection des âmes est réalisée par la substance du Père et du Fils, et c’est pourquoi Il nomme le Père et le Fils en disant : COMME LE PERE..., AINSI LE FILS...; tandis que la résurrection des corps s’opère grâce à l’économie de son humanité, qui n’est pas coéternelle au Père, et c’est pourquoi Il attribue le jugement au seul Fils .

763. Mais remarquez l’étonnant changement des expressions en effet, l’Evangile nous montre d’abord le Père agissant et le Fils se reposant, lorsqu’il est dit Le Fils ne peut rien faire de Lui-même si ce n’est ce qu’Il a vu faire au Père ; ici au contraire il nous montre le Fils agissant et le Père se reposant : LE PERE NE JUGE PERSONNE, MAIS IL A REMIS TOUT JUGEMENT AU FILS. Par là nous est donné à entendre que le Christ parle ici d’une manière et là d’une autre. Là Il parle de l’opération qui est commune au Père et au Fils, et c’est pourquoi Il dit que le Fils ne peut rien faire de Lui-même si ce n’est ce qu’Il a vu faire au Père; tandis qu’ici Il parle de l’opération par laquelle, en tant qu’homme, le Fils juge, et non le Père, et c’est pourquoi Il dit que le Père A REMIS TOUT JUGEMENT AU FILS. En effet, le Père n’apparaîtra pas lors du jugement, parce que, selon la justice, Dieu ne peut apparaître dans sa propre nature à tous ceux qui doivent être jugés : car, la vision de Dieu étant notre béatitude, si les méchants Le voyaient dans sa propre nature, ils seraient de ce fait bienheureux . Donc, le Fils seul apparaîtra, Lui qui seul a assumé notre nature. Il jugera seul, Lui qui seul apparaîtra à tous, et cependant par l’autorité du Père. C’est Lui qui a été établi par Dieu juge des vivants et des morts . — Dieu, donne au roi ton jugement, et ta justice au fils du roi .

764. En disant ensuite AFIN QUE TOUS HONORENT LE FILS COMME ILS HONORENT LE PERE. QUI N’HONORE PAS LE FILS N’HONORE PAS LE PERE QUI L’A ENVOYE, le Christ montre l’effet qui provient de la puissance du Fils. Pour cela Il dit d’abord quel fruit découle de cette puissance , puis Il exclut la contradiction .

765. Il dit donc : LE PERE A REMIS TOUT JUGEMENT AU FILS selon sa nature humaine, parce que dans son Incarnation le Fils s’est anéanti, prenant la condition d’esclave dans laquelle Il a été déshonoré par les hommes : Moi j’honore mon Père et vous, vous me déshonorez . Le jugement Lui a donc été remis dans la nature même qu’Il a assumée, AFIN QUE TOUS HONORENT LE FILS COMME ILS HONORENT LE PERE. En effet, ils verront alors le Fils de l’homme venir dans une nuée avec grande puissance et majesté . — Tous les anges (...) tombèrent sur la lace devant le trône et adorèrent Dieu en disant : Amen, bénédiction, gloire, sagesse, action de grâce, honneur, puissance et force à notre Dieu dans les siècles des siècles. Amen .

766. Quelqu’un pourrait peut-être dire : "Je veux honorer le Père et ne pas me soucier du Fils." Mais ce n’est pas possible, car celui QUI N’HONORE PAS LE FILS N’HONORE PAS LE PERE QUI L’A ENVOYE. En effet, autre chose est d’honorer Dieu parce qu’Il est Dieu, autre chose d’honorer le Père. Car on peut bien honorer Dieu en tant que Créateur, tout-puissant et immuable, sans honorer le Fils. Mais honorer Dieu comme Père, nul ne le peut sans honorer le Fils, car Il ne peut être appelé Père s’Il n’a pas de Fils. Mais si tu déshonores le Fils en diminuant sa puissance, tu déshonores aussi le Père : en effet, quand tu diminues la puissance du Fils, tu supprimes la puissance du Père .

767. Saint Augustin donne encore une autre interprétation, qui est la suivante . Un double honneur est dû au Christ : l’un Lui est dû en raison de sa divinité, à cause de laquelle on Lui doit un honneur égal à celui qui est dû au Père, et c’est pourquoi Il dit : AFIN QUE TOUS HONORENT LE FILS COMME ILS HONORENT LE PERE. Un autre Lui est dû en raison de son humanité, mais il n’est pas égal à celui qui est dû au Père; et c’est en parlant de cet honneur que le Christ dit QUI N’HONORE PAS LE FILS N’HONORE PAS LE PERE QUI L’A ENVOYE. Voilà pourquoi, dans la première partie du verset, Il dit expressément COMME, de même qu’Il dira : Qui vous rejette me rejette, et qui me rejette, rejette Celui qui m’a envoyé tandis qu’ici Il ne dit pas COMME, mais Il dit, purement et simplement, que le Fils doit être honoré.

768. Hilaire et Chrysostome donnent une explication plus proche de la lettre, qui apporte peu de changement. Le Seigneur a dit plus haut : LE FILS FAIT VIVRE QUI IL VEUT. Quiconque fait quelque chose en vertu du libre arbitre de sa volonté agit par son propre jugement. Or il a été dit plus haut que tout ce que le Père fait, le Fils aussi le fait pareillement Le Fils possède donc à l’égard de toutes choses le libre arbitre de la volonté, parce qu’Il procède suivant son propre jugement. C’est pourquoi Il fait aussitôt mention du jugement en disant : LE PERE NE JUGE PERSONNE, c’est-à-dire indépendamment du Fils. Et cette manière de parler, le Seigneur en a usé plus loin : Je ne le juge pas, moi, c’est-à-dire moi seul, mais la parole que j’ai dite, c’est elle qui le jugera au dernier jour . MAIS LE PERE A REMIS TOUT JUGEMENT AU FILS, de même qu’Il Lui a tout donné. En effet, comme Il Lui a donné la vie et L’a engendré vivant, ainsi Il Lui a donné tout jugement et L’a engendré juge : Comme j’entends, je juge . C’est-à-dire, comme je tiens l’être du Père, ainsi je tiens de Lui le jugement. La raison en est que le Fils n’est autre, comme on l’a dit plus haut, que le fruit conçu par la Sagesse du Père . Or chacun juge par ce que conçoit sa sagesse. C’est pourquoi, comme le Père fait toutes choses par le Fils, ainsi juge-t-Il toutes choses par Lui; et en voici le fruit : AFIN QUE TOUS HONORENT LE FILS COMME ILS HONORENT LE PERE, c’est-à-dire qu’ils Lui rendent un culte de latrie , comme au Père. Pour le reste, leurs explications ne diffèrent pas de celles d’Augustin.

769. Mais, selon Hilaire , il faut considérer l’admirable enchaînement des paroles afin de réfuter les erreurs concernant la génération éternelle. Deux hérésies, en effet, se sont élevées au sujet de la génération éternelle elle-même. L’une, celle d’Arius disait que le Fils est inférieur au Père, ce qui s’oppose à l’égalité et à l’unité; l’autre, celle de Sabellius , soutenait qu’il n’y a pas de distinction des Personnes en Dieu, ce qui s’oppose à l’origine. Et c’est pourquoi, partout où il fait mention de l’unité et de l’égalité des Personnes, l’Evangéliste affirme aussitôt la distinction de celles-ci selon l’origine, et inversement. Ainsi, parce qu’il indique l’origine des Personnes en disant : le Fils ne peut rien faire de Lui-même si ce n’est ce qu’Il a vu faire au Père, pour qu’on ne croie pas à une inégalité, il ajoute aussi tôt : Tout ce que Celui-ci fait, cela le Fils aussi le fait pareillement . Et inversement, lorsqu’il indique l’égalité des Personnes en disant : COMME LE PERE RELEVE LES MORTS ET LES FAIT VIVRE, AINSI LE FILS FAIT VIVRE QUI IL VEUT, afin qu’on ne doute pas de l’origine du Fils et de sa génération, il ajoute : LE PERE NE JUGE PERSONNE, MAIS IL A REMIS TOUT JUGEMENT AU FILS. De même, lorsqu’il exprime l’égalité des Personnes en disant : AFIN QUE TOUS HONORENT LE FILS COMME ILS HONORENT LE PERE, il parle aussitôt après de la mission dans laquelle l’origine est manifestée, en disant : QUI N’HONORE PAS LE FILS N’HONORE PAS LE PERE QUI L’A ENVOYE, sans se séparer de Lui. Entendez bien mission, et non pas séparation : Celui qui m’a envoyé est avec moi, et Il ne m’a pas laissé seul .

770. Plus haut, le Seigneur a montré qu’Il a la puissance de donner la vie ; ici, Il montre la manière dont on peut participer de Lui la vie. Il expose d’abord la manière dont, par Lui, on participe la vie , puis Il annonce à l’avance la réalisation de cette participation .

771. Au sujet de la participation de la vie, il faut avoir présent à l’esprit qu’il y a quatre degrés de vie. Le premier se trouve dans les végétaux qui se nourrissent, croissent, sont engendrés et engendrent; le second dans les animaux qui n’ont que la sensation; le troisième dans les animaux qui se meuvent et qui sont les animaux parfaits; le dernier, et c’est vraiment un autre degré de vie, se trouve dans ceux qui sont doués d’intelligence. Parmi tous ces degrés de vie, il est impossible que la vie première soit celle des végétaux, ou même celle qui se caractérise par la sensation ou par le mouvement; la vie première, en effet, doit être vie par elle-même, et non vie participée. Mais aucune vie ne peut être telle si ce n’est la seule vie intellectuelle : d’une part les trois autres sont communes à toutes les créatures corporelles même spirituelles, et d’autre part le corps qui vit n’est pas la vie elle-même, mais participe la vie. La vie intellectuelle est donc la vie première; c’est la vie de l’esprit qui est reçue immédiatement du premier principe de vie, et c’est pourquoi on l’appelle vie de sagesse. Ainsi l’Ecriture attribue la vie à la Sagesse : Celui qui m’aura trouvée trouvera la vie . C’est donc du Christ que nous participons la vie, Lui qui est la Sagesse de Dieu , dans la mesure où notre âme reçoit de Lui la sagesse.

Cette vie de l’intelligence atteint sa perfection dans la vraie connaissance de la Sagesse divine, qui est la vie éternelle La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu et Celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. Mais l’homme ne peut parvenir à aucune sagesse, si ce n’est par la foi : ainsi, personne n’atteint la sagesse dans les sciences s’il n’a d’abord cru aux dires d’un maître. Si donc nous voulons parvenir à cette vie de la Sagesse, il nous faut croire, par la foi, ce qui nous est révélé d’elle : Il faut que celui qui s’approche de Dieu croie qu’Il est, et qu’Il récompense ceux qui Le cherchent . Et, d’après une version du texte d’Isaïe : Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas .

772. Aussi est-ce très justement que le Seigneur montre ici que c’est par la foi que l’on parvient à la vie. Il le fait d’abord en affirmant le mérite de la foi , puis en montrant quelle est sa récompense .

773. Au sujet du mérite de la foi, Il montre d’abord ce qui conduit à la foi, puis ce sur quoi elle s’appuie. Ce qui conduit à la foi, c’est la parole de l’homme : La foi vient de ce qu’on entend, et on entend par une parole du Christ . Mais la foi ne s’appuie pas sur la parole de l’homme, elle s’appuie sur Dieu Lui-même — Abraham crut à Dieu, et cela lui fut imputé à justice . — Vous qui craignez le Seigneur, croyez en Lui . Ainsi nous sommes amenés par la parole de l’homme à croire, non à l’homme qui parle, mais à Dieu dont il dit les paroles — Ayant reçu la parole de Dieu que vous avez entendue de nous, vous l’avez reçue non comme la parole des hommes, mais (ainsi qu’elle l’est vraiment) comme la parole de Dieu . Le Seigneur montre donc d’abord ce qui conduit à la foi, en disant : CELUI QUI ECOUTE MA PAROLE, qui conduit à la foi; puis ce sur quoi elle s’appuie : ET CROIT A CELUI QUI M’A ENVOYE, c’est-à-dire non à moi, mais à Celui par la puissance de qui je parle.

Ces paroles peuvent convenir au Christ en tant qu’homme, puisque par sa parole humaine des hommes se convertirent à la foi. Elles Lui conviennent aussi en tant que Dieu, puisque le Christ est le Verbe de Dieu. En effet, puisque le Christ est le Verbe de Dieu, il est manifeste que ceux qui L’écoutaient écoutaient le Verbe de Dieu et par conséquent croyaient à Dieu. C’est bien ce qu’Il dit : CELUI QUI ECOUTE MA PAROLE, c’est-à-dire moi qui suis le Verbe de Dieu, ET CROIT A CELUI QUI M’A ENVOYE, c’est-à-dire au Père dont je suis le Verbe.

774. Le Christ indique ensuite quelle est la récompense de la foi, en disant que celui qui croit A LA VIE ETERNELLE. Et Il montre les trois biens que nous posséderons dans la gloire, mais Il les donne dans l’ordre inverse. En effet, nous obtiendrons d’abord la résurrection d’entre les morts, puis nous serons libérés du jugement à venir, et enfin nous entrerons dans la vie éternelle; car, après le jugement, les justes s’en iront à la vie éternelle . Ces trois biens, le Seigneur montre qu’ils sont la récompense de la foi, et Il nomme le troisième en premier lieu, comme étant le plus désiré.

775. C’est pourquoi Il dit : CELUI QUI CROIT, c’est-à-dire par la foi, A LA VIE ETERNELLE qui consiste dans la pleine vision de Dieu. Il est juste en effet que celui qui, à cause de Dieu, croit aux réalités qu’il ne voit pas, soit conduit à leur pleine vision — Cela a été écrit pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom .

776. Le Seigneur mentionne ensuite le second bien en disant : ET IL NE VIENT PAS EN JUGEMENT. Mais à cette parole semble s’opposer celle de l’Apôtre : Il faut que nous comparaissions tous devant le tribunal du Christ , jusqu’aux Apôtres eux-mêmes; il semble donc que celui qui croit viendra en jugement.

A cela il faut répondre qu’il y a un double jugement. L’un est de condamnation, et à celui-là ne viendront pas ceux qui croient en Dieu d’une foi formée . C’est de ce jugement que parle le psaume : N’entre pas en jugement avec ton serviteur, car en ta présence nul vivant ne sera justifié . — Celui qui croit en Lui le Fils de Dieu n’est pas jugé . Mais il y a aussi un jugement de discernement , pour lequel nous devons tous comparaître devant le tribunal du Christ, comme le dit l’Apôtre; et c’est de ce jugement qu’il est dit : Juge-moi, Seigneur, et discerne ma cause .

777. Le Seigneur mentionne enfin le troisième bien quand Il dit : MAIS IL EST PASSE DE LA MORT A LA VIE, ou IL PASSERA, selon une autre version. Ce qui peut s’expliquer de deux manières. D’abord en rapportant ces paroles à la résurrection de l’âme; le sens alors en est clair. Cela revient en effet à dire : non seulement par la foi on obtient la vie éternelle et on est libéré du jugement, mais on obtient aussi la rémission des péchés. C’est pourquoi Il dit : IL EST PASSE de l’incroyance à la foi, de l’injustice à la justice — Nous savons, nous, que nous sommes passés de la mort à la vie . Si maintenant on les rapporte à la résurrection des corps, ces paroles sont alors une explication de cette affirmation : IL A LA VIE ETERNELLE. On pourrait en effet, d’après cette affirmation, se figurer que celui qui croit en Dieu ne mourrait jamais, mais vivrait éternellement; ce qui ne peut être, car il faut que tous les hommes s’acquittent de la dette du premier péché — Quel est l’homme qui vivra et ne verra pas la mort? Il ne faut donc pas comprendre que celui qui croit A LA VIE ETERNELLE comme s’il ne devait jamais mourir, mais que de cette vie IL PASSERA par la mort A LA VIE éternelle, c’est-à-dire que, à travers la mort du corps, il sera renouvelé pour la vie éternelle. Ou bien IL PASSERA, quant à la cause; car lorsque l’homme croit, il a déjà le mérite de la résurrection glorieuse — Tes morts vivront, mes cadavres ressusciteront . Et, affranchis alors de la mort du vieil homme, nous recevrons la vie de l’homme nouveau, c’est-à-dire du Christ.

778. Parce que certains pourraient douter que l’on puisse passer de la mort à la vie, le Seigneur annonce la réalisation d’un tel passage en disant : Je dis qu’IL PASSERA DE LA MORT A LA VIE, et ceci se réalise déjà par avance. Et c’est ce qu’Il dit ici : AMEN, AMEN JE VOUS LE DIS, L’HEURE VIENT, non pas soumise à une nécessité fatale, mais déterminée à l’avance par Dieu — Voici venue la dernière heure Et pour que nous ne la croyions pas éloignée, Il ajoute ET C’EST MAINTENANT L’heure est venue de nous réveiller de notre sommeil —, c’est-à-dire C’EST MAINTENANT l’heure OU LES MORTS ENTENDRONT LA VOIX DU FILS DE DIEU, ET CEUX QUI L’AURONT ENTENDUE VIVRONT.

779. Ces paroles peuvent s’expliquer de deux manières. D’une première manière en les rapportant à la résurrection des corps. Elles signifient alors : il est vrai qu’au terme tous ressusciteront, mais il y a plus L’HEURE VIENT ET C’EST MAINTENANT, où certains que le Seigneur allait ressusciter, ENTENDRONT LA VOIX DU FILS DE DIEU. Ainsi Lazare l’entendit lorsqu’il lui fut dit : Viens dehors et qu’il revint à la vie; ainsi l’entendirent la fille du chef de la synagogue et le fils de la veuve C’est pourquoi Il dit expressément : ET C’EST MAINTENANT en ce sens que, par moi, les morts commencent à être rendus à la vie.

On peut comprendre d’une autre manière, selon Augustin en rapportant les paroles ET C’EST MAINTENANT à la résurrection de l’âme. Il y a en effet, comme nous l’avons dit plus haut, une double résurrection celle des corps, qui sera et qui n’est pas encore, mais qui aura lieu lors du jugement à venir; et celle des âmes qui passent de la mort de l’incroyance à la vie de la foi, et de l’injustice à la justice; et celle-là se réalise déjà MAINTENANT. Aussi dit-Il : L’HEURE VIENT, ET C’EST MAINTENANT, OU LES MORTS, c’est-à-dire ceux qui ne croient pas et les pécheurs, ENTENDRONT LA VOIX DU FILS DE DIEU, ET CEUX QUI L’AU RONT ENTENDUE VIVRONT selon la vraie foi.

780. Mais ces paroles impliquent deux choses étonnantes la première quand le Christ dit que les morts entendent, la seconde lorsqu’Il ajoute que par l’audition ils reviennent à la vie, comme si l’audition précédait la vie, alors que pourtant elle est un acte de la vie .

Mais si nous rapportons cela à la résurrection des corps, il est vrai que LES MORTS ENTENDRONT, c’est-à-dire obéiront A LA VOIX DU FILS DE DIEU La voix, en effet, exprime ce que l’on conçoit intérieurement. Or la nature tout entière obéit radicalement à ce que Dieu veut et conçoit — Il appelle les choses qui ne sont pas comme celles qui sont . Ainsi ce sont les arbres et les pierres, et non pas seulement les os des séchés et les cendres des morts, qui ENTENDRONT LA VOIX DU FILS DE DIEU, en ce sens que tous obéiront radicalement à son bon plaisir. Et cela ne convient pas au Christ en tant qu’Il est Fils de l’homme, mais en tant qu’Il est Fils de Dieu, parce que c’est au Verbe de Dieu que toutes choses obéissent. C’est pourquoi Il dit expressément : DU FILS DE DIEU — Quel est celui-ci, disaient-ils, pour que les vents et la mer lui obéissent ?

Même si on rapporte ces paroles à la résurrection des âmes, les difficultés s’expliquent en effet, la voix du Fils de Dieu, par laquelle Il meut le cœur des croyants, intérieurement par inspiration, ou extérieurement par sa propre prédication ou celle des autres, a le pouvoir de donner la vie — Les paroles que je vous ai dites son esprit et vie —, et ainsi sa voix donne la vie aux morts lorsqu’elle justifie les impies. Ainsi, par ce que la voie qui mène à la vie est l’audition, qu’elle soit celle de la nature qui, en obéissant, mène à la restauration de la nature, ou celle de la foi qui mène à la restauration de la vie et de la justice, Il dit : ET CEUX QUI L’AURONT ENTENDUE, par l’obéissance quant à la résurrection des corps, ou par la foi quant à la résurrection des âmes, VIVRONT dans leurs corps dans la vie éternelle, et dans la justice dans la vie de la grâce.

.
Louis-Claude Fillion
Car le Père… Motif de la communauté d'opérations qui vient d'être signalée : c'est le lien d'amour qui unit le Père et le Fils. - Aime le Fils. D'ordinaire, l'affection de Dieu le Père pour son Fils, ou celle du Fils pour le Père, est marquée en grec par le verbe ἀγαπᾶν (Cf. 3, 35 ; 10, 17 ; 14, 31 ; 15, 9 ; 17, 23, 24, 26), qui exprime ordinairement un sentiment plus relevé ; ici nous avons φιλεῖ, le verbe de la tendresse, de l'émotion. Le temps présent indique le caractère inaltérable, éternel de cette dilection. - On dit tout à ceux qu'on aime profondément : le Père, qui aime son Fils d'un amour unique, n'a pas de secrets pour lui : et (par suite de son affection) lui montre tout (avec emphase) ce qu'il fait. « Montre » est en corrélation avec « voit » du verset précédent. C'est encore une image familière, empruntée aux communications intimes qui ont lieu ici-bas entre les pères et leurs fils. - Mais, continue Jésus, l'avenir tient en réserve, sous ce rapport, des révélations supérieures à celles du passé, du présent : Il lui montrera des œuvres plus grandes. Le pronom lui, sur lequel repose la comparaison, désigne les grands miracles qu'avait opérés N.-S. Jésus-Christ, et spécialement le dernier, occasion de ce discours ; ou mieux encore, toutes les œuvres communes au Père et au Fils depuis la création jusqu'au moment où le Sauveur parlait ainsi. Bientôt nous saurons ce qu'il faut entendre par « œuvres plus grandes ». Ἒργα est un mot cher à S. Jean pour dénoter les détails de l'œuvre de la rédemption par le Christ. Cf. v. 16: 9, 4 ; 10, 25, 32, 37; 14, 11, 12 ; 15, 24. - Afin que vous soyez (emphase : même vous) dans l'admiration, θαυµάζητε. La conjonction ἵνα doit plus probablement se traduire ici par « de sorte que », car elle est synonyme de ωστε (Cf. Bæumlein, Griechische Schulgrammatik, § 590, note 2). Ιl n'est pas surprenant en soi que le Fils de Dieu fasse des prodiges ; mais ceux qu'il accomplira seront si éclatants, que ses ennemis eux-mêmes en seront émerveillés, ou plutôt stupéfaits, car tel est le sens de θαυμάζω dans ce passage (voyez Bretschneider, Lexic. man, s. v.).