Jean 5, 24
Amen, amen, je vous le dis : qui écoute ma parole et croit en Celui qui m’a envoyé, obtient la vie éternelle et il échappe au jugement, car déjà il passe de la mort à la vie.
Amen, amen, je vous le dis : qui écoute ma parole et croit en Celui qui m’a envoyé, obtient la vie éternelle et il échappe au jugement, car déjà il passe de la mort à la vie.
Le Sauveur ne dit pas : « Celui qui écoute ma parole et qui croit en moi; » ce que les Juifs auraient regardé comme l'expression d'un orgueil qui veut s'élever outre mesure. En disant au contraire : « Celui qui croit à celui qui m'a envoyé ; » il faisait plus facilement accepter sa doctrine. Deux considérations venaient à l'appui, il enseignait que c'était au Père qu'il fallait croire, et il promettait toute sorte de biens comme récompense de la foi qu'il demandait : « Il ne vient pas en jugement. »
La vie éternelle consiste à écouter et à croire, mais encore plus à comprendre. La foi est le degré qu'il faut franchir pour arriver à l'intelligence qui est le fruit de la foi. Remarquez que le Sauveur ne dit pas : Celui qui croit en moi, mais : « Celui qui croit à celui qui m'a envoyé. » Pourquoi donc, Seigneur, entend-il votre parole, et croit-il à un autre que vous ? Que voulez-vous dire ? si ce n'est : la parole de celui qui m'a envoyé est en moi ? « Il entend ma parole, » c'est-à-dire, c'est moi qu'il entend : « Il croit à celui qui m'a envoyé, » c'est-à-dire, qu'en croyant en lui, il croit à sa parole, et en croyant à sa parole, c'est en moi qu'il croit, parce que je suis la parole, le Verbe du Père.
Nous voyons les hommes dans leur amour passionné pour cette vie périssable et mortelle, se donner mille efforts pour combattre la crainte de la mort, et faire tout ce qu'ils peuvent, non pour se soustraire à la mort, mais pour en retarder l'heure fatale. Mais si vous prenez tant de soins, si vous vous donnez tant de peine pour prolonger votre vie de quelques jours, que ne devez-vous pas faire pour la rendre éternelle ? Et si l'on donne le nom de prudents, ceux qui tentent l'impossible pour retarder leur mort, et vivre quelques jours de plus, combien sont insensés ceux qui vivent de manière à perdre la vie éternelle.
Mais que signifient ces paroles ? Y aura-t-il donc un homme plus vertueux que saint Paul, qui nous déclare : « Qu'il nous faut tous comparaître devant le tribunal de Jésus-Christ. » (Rm 14 ; 2 Co 5) Nous répondons que le jugement emporte quelquefois l'idée de punition, tandis que dans d'autres circonstances, il signifie un simple examen ou un jugement de séparation. Nous devrons tous comparaître devant le tribunal de Jésus-Christ, pour subir ce jugement de séparation et d'examen. Mais ici Nôtre-Seigneur veut parler du jugement qui emporte condamnation, et ces paroles : « Il ne vient point en jugement, » signifient : « Il n'encourt pas une sentence de condamnation, » mais ajoute le Sauveur : « Il a passé de la mort à la vie ; » ce passage n'est pas encore entièrement effectué, mais dès maintenant il a passé de la mort de l'infidélité à la vie de la foi, de la mort de l'iniquité à la vie de la justice. Ou bien encore, Nôtre-Seigneur veut vous désabuser de la pensée que la foi vous préserverait de la mort du corps, et bien vous convaincre que vous paierez cette dette de la mort que vous a fait contracter le péché d'Adam, qui nous représentait tout aux yeux de Dieu ; personne ne peut échapper à cette sentence qu'il entendit porter contre lui : « Vous mourrez de mort. » Mais après avoir payé on mourant cette dette du vieil homme, vous reprendrez la vie de l'homme nouveau, et vous passerez de la mort à la vie. (Traité 19.) Et à quelle vie ? à la vie éternelle, car les morts qui ressusciteront à la fin du monde ressusciteront pour la vie éternelle. (Traité 22.) Quant à cette vie, elle ne mérite point le nom de vie, parce qu'il n'y a de véritable vie que la vie éternelle.
La Glose
Nôtre-Seigneur avait dit précédemment : « Le Fils donne la vie à qui il veut ; » il lui restait à faire connaître comment le Fils nous conduit à la vie : » En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole, » etc.
La formule « qui l'a envoyé » nous a en quelque sorte transportés du ciel en terre, car elle ouvrait la
période de l'Incarnation. Aussi passons-nous maintenant (vv. 24-29) aux rapports directs du Fils avec
l'humanité. Nous le voyons à l'œuvre : il vivifie, il juge. Lui-même il nous apprend de quelle façon et envers
qui il exerce ce double pouvoir. Les notions exprimées se particularisent ainsi de plus en plus. Après
l'universelle communauté d'énergie et d'opérations attribuée au Père et au Fils (vv. 19 et 20), nous avons vu
(vv. 21-23), mais d'une manière abstraite, deux points spéciaux de leur activité commune. Chacun de ces
points spéciaux est maintenant repris en sous-œuvre, et étudié à part en deux phases distinctes de l'histoire
des hommes : 1° la résurrection mystique et le jugement spirituel de l'humanité dans l'ère présente (vv. 24-
27) ; 2° la résurrection et le jugement extérieurs, généraux à la fin des temps(vv. 28 et 29). C'est ainsi, dit très
bien un exégète contemporain, que « ces intuitions sublimes, présentées d'abord sous la forme la plus
synthétique et la plus sommaire, se décomposent successivement en leurs éléments principaux, et finissent
par apparaître sous la forme précise de faits concrets et distinctement analysés » (Godet, t. 2, ρ.416). Nous
insistons sur cette marche des pensées, pour la rendre plus nette, plus intéressante et plus utile au lecteur. -
En vérité, en vérité, je vous le dis. Jésus met sous la sauvegarde de la divine infaillibilité (voyez la note du v.
19) une promesse magnifique, qu'il réalisera pour quiconque voudra remplir deux conditions très simples. -
Celui qui écoute ma parole. C'est la première condition : écouter la parole, l'enseignement du Fils ; et, bien
évidemment, s'y soumettre, y obéir d'une manière prompte et complète. - Deuxième condition : et qui croit
en celui qui m'a envoyé ; c'est-à-dire, de l'effet remonter à la cause, de la parole du Fils remonter au Père qui
la sanctionne ; en d'autres termes, croire à la mission de N.-S. Jésus-Christ. - Quiconque réalisera cette
double condition, pratiquer et croire (la morale et le dogme !), celui-là a la vie éternelle :« il a », il la possède
déjà dans son principe, en attendant la bienheureuse consommation du ciel. Sur cette vie éternelle, voyez 3,
15, 16, 36. - Et ne vient pas en jugement (encore le présent, έρχεται). Comme en plusieurs autres endroits,
Jésus appuie sur l'idée, en la réitérant en termes négatifs. De ses deux attributs divins, vivifier et juger, il
n'en exercera qu'un seul à l'égard de ses amis, puisque ce sont deux attributs contraires. - Mais il est passé :
Quelle insistance étonnante mais consolante aussi ! Nous avons maintenant le temps parfait : µεταβέβηκεν,
« transiit » ; la promesse est d'un effet si sûr qu'on peut la regarder comme étant déjà réalisée, « certitude
assurée d'une chose future », Ρatrizi. - Il est passé de la mort à la vie. De la mort spirituelle à une vie de
même nature. Cf. 1 Joan. 3, 14. La mort physique qui interviendra plus tard, ne changera rien à ces relations,
si ce n'est pour ce qui concerne les formes extérieures, et par conséquent secondaires, de l'existence.
Dans ce sacrement, le pécheur, en se remettant au jugement miséricordieux de Dieu, anticipe d’une certaine façon le jugement auquel il sera soumis à la fin de cette vie terrestre. Car c’est maintenant, dans cette vie-ci, que nous est offert le choix entre la vie et la mort, et ce n’est que par le chemin de la conversion que nous pouvons entrer dans le Royaume d’où exclut le péché grave (cf. 1 Co 5, 11 ; Ga 5, 19-21 ; Ap 22, 15). En se convertissant au Christ par la pénitence et la foi, le pécheur passe de la mort à la vie " et il n’est pas soumis au jugement " (Jn 5, 24).
Mais il y a plus : Jésus lie la foi en la résurrection à sa propre personne : " Je suis la Résurrection et la vie " (Jn 11, 25). C’est Jésus lui-même qui ressuscitera au dernier jour ceux qui auront cru en lui (cf. Jn 5, 24-25 ; 6, 40) et qui auront mangé son corps et bu son sang (cf. Jn 6, 54). Il en donne dès maintenant un signe et un gage en rendant la vie à certains morts (cf. Mc 5, 21-42 ; Lc 7, 11-17 ; Jn 11), annonçant par là sa propre Résurrection qui sera cependant d’un autre ordre. De cet événement unique Il parle comme du " signe de Jonas " (Mt 12, 40), du signe du Temple (cf. Jn 2, 19-22) : il annonce sa Résurrection le troisième jour après sa mise à mort (cf. Mc 10, 34).