Jean 5, 47

Mais si vous ne croyez pas ses écrits, comment croirez-vous mes paroles ? »

Mais si vous ne croyez pas ses écrits, comment croirez-vous mes paroles ? »
Saint Jean Chrysostome
S'ils avaient donné une sérieuse attention aux paroles du Sauveur, ils devaient lui demander et apprendre de lui ce que Moïse avait écrit sur le Christ, mais ils gardent le silence ; telle est en effet la malice du cœur humain, que malgré tout ce que l’on peut dire ou faire, il conserve le venin dont il est infecté.

L'intention du Sauveur, en rappelant aux Juifs les témoignages de Jean-Baptiste, de Dieu et de ses œuvres, était de les attirer à lui, mais plusieurs d'entre eux pouvaient y voir le désir d'une gloire toute humaine ; il repousse donc cet injurieux soupçon par cette déclaration : « Je n'accepte point la gloire qui vient des hommes, » c'est-à-dire, je n'en ai pas besoin, et ma nature n'est pas réduite à la nécessité de rechercher cette gloire ; le soleil ne reçoit aucun nouvel éclat de la lumière d'une lampe, à bien plus forte raison, n'ai-je nul besoin de la gloire humaine.

C'est-à-dire, en parlant de la sorte, j'ai voulu vous convaincre que ce n'est point pour l'amour de Dieu que vous me persécutez, puisqu'il me rend lui-même témoignage par mes œuvres et par les Ecritures. Vous me repoussez dans la pensée que j'étais opposé à Dieu ; si donc vous aimiez véritablement Dieu, vous deviez donc venir à moi, mais vous n'avez pas cet amour en vous. Et il leur prouve non-seulement par leur conduite présente, mais par ce qu'ils feraient, si quelqu'un venait leur parler en son propre nom : « Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne me recevez pas, si un autre vient en son propre nom, vous le recevrez. » Il déclare qu'il est venu au nom de son Père, pour leur ôter tout prétexte de lui refuser leurs hommages.

Nôtre-Seigneur leur donne ici une preuve incontestable de leur peu de religion en leur tenant équivalemment ce langage : Si c'est par amour pour Dieu que vous me persécutez, à plus forte raison, devriez-vous persécuter l'Antéchrist, car il ne vous dira point qu'il est envoyé par le Père, ou qu'il vient pour faire sa volonté, mais il usurpera au contraire les prérogatives qui ne lui appartiennent pas, et se donnera comme le Dieu qui est au-dessus de tout. Il est donc évident que les Juifs persécutaient Jésus-Christ par un sentiment d'envie contre lui et de haine contre Dieu. Le Sauveur leur fait connaître ensuite la cause de leur incrédulité : Comment pouvez-vous croire, vous qui recevez la gloire l'un de l'autre, et ne cherchez point la gloire qui vient de Dieu seul ? Il leur fait voir une fois de plus que ce ne sont pas les intérêts de Dieu, mais les intérêts de leur passion qu'ils cherchaient à défendre.

Car je ne suis point venu pour condamner, mais pour sauver. « Votre accusateur sera Moïse, en qui vous mettez votre espoir. » Il leur a dit plus haut, en parlant des Ecritures : « Vous pensez trouver eu elles la vie éternelle, » de même il leur dit ici : « Moïse, dans lequel vous espérez, » cherchant à les convaincre par leurs propres croyances. Mais ils pouvaient encore lui faire cette objection. Comment Moise pourra-t-il nous accuser ? Qu'y a-t-il de commun entre Moïse et vous, qui transgressez la loi du sabbat ? Jésus répond à cette objection : « Si vous croyez Moïse, peut-être me croiriez-vous aussi, car il a écrit de moi. » La preuve de ce que j'avance se trouve dans ce qui précède, puisqu'en effet les oeuvres que j'ai faites, le témoignage de Jean-Baptiste et celui de mon Père prouvent jusqu'à l'évidence que je suis envoyé de Dieu, il est également certain que Moïse sera votre accusateur, car il a dit : S'il s'élève parmi vous un homme qui opère des prodiges, conduise les hommes vers Dieu, et fasse des prédictions que les événements justifient, vous devrez lui obéir. Or, Jésus-Christ a fait toutes ces choses, et ils n'ont pas cru en lui. 
Saint Augustin
On peut même dire que tout ce que Moïse a écrit, les figures, les événements, les discours ont Jésus-Christ pour objet, ou se rapportent entièrement à Jésus-Christ, aussi bien lorsque Moïse prophétise le règne de sa grâce et de sa gloire.

Mais écoutons ce que dit Jean lui-même : « Vous avez oui-dire que l'Antéchrist doit venir, et maintenant il y a beaucoup d'antéchrists. » (1 Jn 2, 18.) Or, qui vous fait trembler dans l'Antéchrist ? c'est qu'il doit chercher à faire honorer son nom et à couvrir de mépris le nom de Dieu. Et que fait donc autre chose celui qui ose dire : « C'est moi qui justifie, » et ceux qui disent : « Si nous ne sommes bons et vertueux, vous êtes perdus sans ressources ? » Ainsi la vie de mon âme dépendra de vous, et mon salut sera attaché à vos mérites ? Ai-je donc oublié à ce point le fondement que Dieu lui-même a posé ? Est-ce que la pierre n'était pas le Christ ?
Saint Bède le Vénérable
Or, le moyen, le plus efficace pour nous garantir de ce vice, c'est de rentrer dans notre conscience, de considérer que nous ne sommes que poussière, et si nous découvrons quelque bien en nous, de l'attribuer, non point à nous, mais à Dieu seul. Le Sauveur nous apprend en même temps à toujours être tels que nous voulons paraître aux yeux des autres. Ils pouvaient enfin lui faire cotte question : c'est donc vous qui nous accuserez près de votre Père ? Jésus les prévient et leur dit : « Ne pensez pas que ce soit moi qui doive vous accuser devant mon Père, » etc.
Alcuin d'York
On peut conclure de là que ceux qui lisent les commandements qui interdisent le vol et les autres crimes, sans prendre soin de les mettre en pratique, ne pourront accomplir à plus forte raison les préceptes évangéliques qui sont beaucoup plus parfaits et plus sublimes.

Nôtre-Seigneur emploie ici le mot « peut-être, » pour se conformer à notre manière de parler et non pas qu'il y ait en Dieu le moindre doute. Or, Moïse a prédit la venue du Christ, lorsqu'il a dit Dieu vous suscitera du milieu de vos frères un prophète semblable à moi, vous l'écouterez. » (Dt 18) 

Ou bien encore, ces paroles : « Je n'accepte point la gloire qui vient des hommes, » veulent dire : Je ne recherche pas les louanges des hommes, je ne suis pas venu pour recevoir des hommes des honneurs terrestres, mais pour leur faire part d'honneurs tout spirituels. Si donc je parle de la sorte, ce n'est point pour rechercher la gloire, mais par compassion pour votre égarement, et pour vous ramener dans la voie de la vérité. C'est pour cela qu'il leur dit : « Mais j'ai reconnu que vous n'aviez point en vous l'amour de Dieu. »

Je suis venu au nom de mon Père, c'est-à-dire, je suis venu pour que le nom de mon Père soit glorifié par moi, parce que je renvoie tout à mon Père. Ils n'avaient donc pas en eux l'amour de Dieu, parce qu'ils ne voulaient pas recevoir celui qui venait faire la volonté de son Père. L'Antéchrist, au contraire, viendra non pas au nom du Père, mais en son propre nom, non point pour procurer la gloire du Père, mais pour chercher la sienne propre. Les Juifs n'ont point voulu recevoir Jésus-Christ ; comme juste châtiment de leur infidélité ils recevront l'Antéchrist, et croiront au mensonge pour avoir refusé de croire à la vérité.

C'est donc un grand vice que la vanité, et le désir de la gloire humaine qui veut faire estimer en elle des qualités qu'elle n'a pas et qu'elle ne cherche pas à avoir. Ils ne peuvent donc croire, parce qu'ils sont avides de gloire humaine, mais quel est ce désir de la gloire humaine, si ce n'est l'enflure d'une âme orgueilleuse ? C'est donc comme si Jésus-Christ disait : « Ils ne peuvent croire, parce que leur âme superbe désire les louanges et veut s'élever au-dessus de tous les autres. »
Saint Théophylacte d'Ohrid
C'est-à-dire, Moïse a écrit, et vous avez ses livres entre les mains, et si vous veniez à oublier ce qu'ils contiennent, vous pourriez facilement en rappeler le souvenir, mais vous ne croyez point aux écrits de Moïse, comment donc pourrez-vous croire à mes simples paroles ?
Saint Thomas d'Aquin
825. Après avoir confirmé l’éminence de sa puissance par les témoignages des hommes, de Dieu et des Ecritures , le Seigneur reproche maintenant aux Juifs leur lenteur à croire.

Les Juifs Le persécutaient pour deux motifs parce qu’Il avait rompu le sabbat, en quoi Il semblait s’opposer à la Loi, et parce qu’Il se disait Fils de Dieu, en quoi Il semblait s’opposer à Dieu. Ainsi les Juifs paraissaient poursuivre le Christ en raison de leur respect religieux pour Dieu et du zèle qu’ils avaient pour la Loi de Moïse. Aussi le Seigneur veut-Il montrer que ce n’est pas pour ces raisons qu’ils Le persécutaient, mais pour des raisons contraires. Il montre donc que ce qui est la cause de leur incrédulité, c’est d’abord leur manque de respect religieux à l’égard de Dieu , puis leur manque de respect pour Moïse .

Avant de montrer que c’est leur manque de respect religieux pour Dieu qui est cause de leur incrédulité , le Christ commence par souligner l’irréligion des Juifs , puis Il la manifeste par un signe .

Pour montrer l’irréligion des Juifs, Il commence par refuser l’intention que ceux-ci Lui ont prêtée et que les paroles qu’Il venait de dire pouvaient laisser entendre ; puis Il dit qu’elle est sa véritable intention .

826. Parce que le Seigneur venait de rappeler tant de témoignages en sa faveur — ceux de Jean, de Dieu, de ses propres œuvres et des Ecritures —, les Juifs pouvaient penser qu’Il avait fait cela comme s’Il cherchait une gloire humaine. Cela Il le refuse en disant : JE NE REÇOIS PAS DE GLOIRE VENANT DES HOMMES, c’est-à-dire Je ne cherche pas de louange humaine, car je ne suis pas venu pour donner l’exemple de la recherche d’une telle gloire — Dieu en est témoin, nous n’avons pas cherché la gloire qui vient des hommes . Ou bien : JE NE CHERCHE PAS DE GLOIRE VENANT DES HOMMES, c’est-à-dire, je n’ai pas besoin de la gloire humaine, moi qui de toute éternité ai la gloire auprès du Père Glorifie-moi, Père auprès de toi, de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde fût En effet, je ne suis pas venu pour être glorifié par les hommes, mais plutôt pour les glorifier, puisque c’est de moi que procède toute gloire J’aurai par elle la Sagesse la gloire dans les assemblées . Lorsqu’on dit que Dieu est honoré et glorifié par les hommes — Glorifiez le Seigneur autant que vous le pourrez : Il sera encore au-dessus —, ce n’est pas que par là le Seigneur devienne plus glorieux, mais que sa gloire est manifestée en nous.

827. Ce n’est donc pas pour chercher une gloire humaine que le Seigneur a apporté ces témoignages mais pour une autre raison : J’AI RECONNU, dit-Il, c’est-à-dire j’ai fait connaître, QUE VOUS N’AVEZ PAS EN VOUS L’AMOUR DE DIEU que vous feignez d’avoir. Aussi n’est-ce pas pour l’amour de Dieu que vous me persécutez. Si Dieu ou l’Ecriture ne me rendait pas témoignage, alors ce serait pour Dieu que vous me persécuteriez. Mais Dieu Lui-même témoigne pour moi, et par les œuvres que je fais, et par les Ecritures, et par Lui-même, comme on l’a dit . C’est pourquoi, si vous aimiez Dieu, ce au nom de quoi vous me rejetez devrait vous faire venir à moi . Vous n’aimez donc pas Dieu. J’AI RECONNU QUE VOUS N’AVEZ PAS EN VOUS L’AMOUR DE DIEU peut encore vouloir dire : Je n’ai pas fait appel à ces témoignages comme si j’avais besoin d’être glorifié par vous, mais je sais que vous n’aimez pas Dieu et je souffre de ce que vous errez, et je veux vous ramener à la voie de la vérité Si je n’avais pas fait parmi eux des œuvres que nul autre n’a faites, ils n’auraient pas de péché; mais maintenant ils ont vu et ils ont haï et moi et mon Père — L’orgueil de ceux qui te haïssent monte toujours

828. Il faut cependant savoir que Dieu ne peut être haï par personne, ni en Lui-même, ni dans tous ses effets, puisque tout bien qui existe dans les réalités vient de Dieu, et qu’il est impossible que l’on haïsse tout bien, sans aimer au moins être et vivre. Cependant, un homme peut haïr un effet de Dieu en tant qu’il s’oppose à son appétit, comme la peine ou quelque chose de ce genre. C’est en ce sens qu’on dit avoir Dieu en haine.

829. Le Seigneur donne maintenant un signe manifestant que les Juifs n’ont pas en eux l’amour de Dieu d’abord un signe concernant le présent , puis un autre concernant l’avenir .

830. Pour le signe concernant le présent, Il se réfère à sa venue : MOI, JE SUIS VENU AU NOM DE MON PERE — ce qui revient à dire : Que vous n’aimiez pas Dieu, cela est manifeste; car si quelqu’un aime son Seigneur, il va de soi qu’il honore et reçoit celui qui vient de sa part, et qu’il cherche à l’honorer. Or MOI, JE SUIS VENU AU NOM DE MON PERE, en manifestant son nom au monde — Père, j’ai manifesté ton nom aux hommes que tu m’as donnés du milieu du monde — et vous, VOUS NE ME RECEVEZ PAS : donc vous ne L’aimez pas.

On dit que le Fils manifeste son Père aux hommes, car, bien que le Père fût connu en tant que Dieu — Dieu est connu en Juda —, toutefois, en tant qu’Il est Père communiquant à un Fils sa propre nature , Il n’était pas connu avant la venue du Christ; c’est pourquoi Salomon interrogeait : Quel est son nom et quel est le nom de son fils, si tu le sais? .

831. Pour le signe concernant l’avenir, le Christ se réfère à la venue de l'Antéchrist. Les Juifs, en effet, au raient pu objecter : Bien que tu viennes au nom de Dieu nous ne t’avons cependant pas reçu, et cela parce que nous ne voulons recevoir personne d’autre que Dieu le Père Lui-même. Mais le Seigneur prévient une telle objection en montrant qu’il ne peut en être ainsi puis que, dit-Il, vous en recevrez un autre qui ne viendra pas au nom du Père, mais en son nom propre. Qui plus est, il viendra contre Lui : QU’UN AUTRE, c’est-à-dire l’Antichrist, VIENNE, non pas au nom du Père, mais EN SON NOM PROPRE, car il ne cherchera pas la gloire du Père, mais la sienne , et ce qu’il fera, il ne l’attribuera pas au Père, mais à lui-même. Ainsi l’Apôtre annonce la venue de l’adversaire, celui qui se dressera contre tout ce qui est appelé Dieu ou est objet de culte CELUI-LA, dit le Christ, VOUS LE RECEVREZ. Aussi l’Apôtre ajoute-t-il : C’est pourquoi Dieu leur enverra une puissance d’erreur qui les fera croire au mensonge , et cela parce qu’ils n’ont pas reçu l’enseignement de la vérité grâce auquel ils auraient été sauvés. Aussi la Glose dit-elle : "Parce que les Juifs n’ont pas voulu recevoir le Christ, il convient que, pour châtiment de ce péché, ils reçoivent l'Antéchrist, en sorte que ceux qui n’ont pas voulu croire à la vérité croient au mensonge" Mais, selon Augustin , cela peut s’entendre des hérétiques et des faux docteurs qui tirent leur enseignement de leur propre cœur et non de la bouche de Dieu, qui louent leur propre nom et méprisent le nom de Dieu, et dont il est dit : Comme vous avez entendu que l’Antéchrist vient, ainsi maintenant, beaucoup d’antéchrists sont apparus Il est donc manifeste le Christ que la persécution dont vous me poursuivez ne procède pas de l’amour de Dieu. Elle procédait de la haine et de la malignité des Juifs à son égard ; et c’est cela qui était la cause de leur incrédulité.

832. C’est pourquoi Il conclut : COMMENT POUVEZ-VOUS CROIRE, VOUS QUI TIREZ VOTRE GLOIRE LES UNS DES AUTRES, c’est-à-dire une gloire tout humaine, ET QUI NE CHERCHEZ PAS LA GLOIRE QUI VIENT DE DIEU SEUL, celle qui est la vraie gloire? Si les Juifs ne pouvaient pas croire au Christ, c’est que, leur esprit orgueilleux étant avide de gloire et de louange, ils se considéraient comme plus élevés que les autres en gloire, et tenaient pour un déshonneur de croire en le Christ, qui paraissait pauvre et méprisable. Mais celui-là peut croire en Lui, qui, ayant un cœur humble , cherche la gloire de Dieu seul et désire Lui plaire. C’est pourquoi il est dit plus loin : Cependant, même parmi les notables, beaucoup crurent en Lui; mais à cause des Pharisiens ils ne l’avouaient pas, de peur d’être chassés de la synagogue, et cela parce qu’ils préféraient la gloire des hommes à la gloire de Dieu Ceci montre bien que la vaine gloire est très dangereuse, ce qui fait dire à Cicéron : "L’homme doit se garder de la gloire qui prive l’âme de la liberté, sur laquelle les hommes magnanimes doivent faire porter tout leur effort"

Et c’est pourquoi la Glose dit : "C’est un grand vice que la vantardise et l’ambition de la louange humaine, qui veulent qu’on pense d’elles ce que d’elles-mêmes elles n’ont pas"

833. Le Seigneur montre maintenant que les Juifs n’ont pas de zèle pour Moïse. Pour cela Il montre d’abord, en écartant une opinion et en affirmant la vérité , comment Moïse leur était contraire, puis Il en donne la raison .

834. Ces paroles ont un triple sens. Le premier, c’est que le Fils de Dieu n’est pas venu dans le monde pour condamner le monde, mais pour le sauver; voilà pourquoi Il dit : NE PENSEZ PAS que je sois venu pour condamner : je suis venu pour délivrer : Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par Lui. Aussi le sang du Christ ne crie-t-il pas l’accusation, mais la rémission — Vous vous êtes approchés (...) du médiateur de la nouvelle alliance, Jésus, et d’un sang d’aspersion plus éloquent que celui d’Abel , qui criait en accusant. Qui accusera les élus de Dieu? C’est Dieu qui justifie. Quel est celui qui condamnera? Le Christ Jésus, qui est mort, bien plus qui est aussi ressuscité d’entre les morts, qui est à la droite de Dieu et qui même intercède pour nous?

On peut comprendre les paroles du Christ d’une autre manière : NE PENSEZ PAS QUE C’EST MOI QUI VOUS ACCUSERAI AUPRES DU PERE, parce que je ne serai pas accusateur, mais juge. Le Père, en effet, a remis tout jugement au Fils .

Enfin, cette phrase peut s’entendre ainsi : NE PENSEZ PAS QUE C’EST MOI, c’est-à-dire moi seulement, QUI VOUS ACCUSERAI AUPRES DU PERE de ce que vous me faites; mais Moïse aussi vous accusera de ne pas le croire dans ce qu’il a dit de moi.

835. C’est pourquoi le Christ ajoute CELUI QUI VOUS ACCUSE, C’EST MOÏSE, EN QUI VOUS ESPEREZ, car vous croyez être sauvés par ses préceptes. Et Moïse les accuse doublement. Il les accuse matériellement, car du fait qu’ils ont transgressé ses commandements, ils doivent être accusés — Tous ceux qui ont péché sous la Loi seront jugés par la Loi . Moïse les accuse aussi en ce sens que lui-même et les autres saints exerceront un pouvoir dans le jugement : ils auront dans leurs mains des glaives à deux tranchants pour tirer vengeance des nations, pour châtier les peuples, afin d’exercer sur eux le jugement prescrit .

836. Le Seigneur donne ici la raison pour laquelle Moïse leur était contraire : C’EST DE MOI QU’IL A ECRIT, en disant notamment : Le Seigneur ton Dieu suscitera de ta nation et d’entre tes frères un prophète comme moi c’est lui que tu écouteras , et en rapportant tous les sacrifices qui étaient des figures du Christ. Et si le Seigneur dit PEUT-ETRE, ce n’est pas qu’il y ait en Dieu le moindre doute, mais pour attirer l’attention sur la volonté libre de l’homme .

837. Après avoir donné la raison pour laquelle Moïse était contraire aux Juifs, le Seigneur en donne main tenant un signe, pris a fortiori et négativement, dans une double comparaison. D’abord une comparaison de personne à personne : en effet, bien que le Christ, absolument parlant, fût plus grand que Moïse, celui-ci cependant, aux yeux des Juifs, était plus grand; aussi le Seigneur dit-Il si vous ne croyez pas Moïse, vous ne croirez pas non plus à moi. Ensuite, Il compare leurs manières de transmettre : Moïse donna les commandements dans des écrits, qui peuvent être plus longuement médités et ne tombent pas facilement dans l’oubli, si bien qu’ils obligent davantage à croire. Mais le Christ, Lui, enseigna par la parole, et c’est pourquoi Il dit : SI VOUS NE CROYEZ PAS A SES ECRITS dont vous avez chez vous les livres, COMMENT CROIREZ-VOUS A MES PAROLES?
Louis-Claude Fillion
Conclusion douloureuse : si l'on croyait à Moïse, on croirait au Christ ; on n'accepte pas les oracles de Moïse, comment acceptera-t-on la parole de Jésus ? L'idée est concentrée dans une double antithèse : écrits, paroles ; ses, mes. Des écrits qui demeurent de simples paroles ; et principalement : Moïse dont l'autorité était reconnue depuis des siècles, Jésus qui avait récemment commencé à se manifester. - Remarquez le « point d'interrogation alarmant et solennel » (Zeller), la « question désespérée » (H. Meyer) qui clôt ce discours. Les Juifs ne répondent pas ; mais quelle réponse eussent-ils pu faire ? Peut-être, d'ailleurs, « après ces paroles foudroyantes, Jésus s'éloigna-t-il du temple, laissant là les Pharisiens. Il leur fallut donc quelque temps pour sortir de leur stupéfaction. Aucun d'eux ne songea plus à l'homme qui avait été guéri le jour du sabbat ; ils avaient maintenant autre chose à méditer et à accomplir », Schegg-Haneberg, Evangelium nach Johannes, t. 1, p.329. - Voici, sur ce grand et beau discours, des appréciations en sens divers, émanées de deux coryphées du rationalisme contemporain ; l'une concerne le fond, l'autre la forme. Strauss, Vie de Jésus, trad. de E. Littré, t. 1, 2e part. p. 675 : « Il ne se trouve dans la teneur... rien qui fasse difficulté, rien que Jésus n'eût pu dire lui-même, puisque l'évangéliste rapporte dans le meilleur enchaînement… des choses que, d'après les synoptiques aussi, Jésus s'est attribuées ». L'aveu a certes son prix. Quelle légèreté, au contraire, dans les lignes suivantes de M. Renan ! « Le thème (le fond) peut n'être pas sans quelque (!!) authenticité ; mais, dans l'exécution la fantaisie de l'artiste se donne pleine carrière. On sent le procédé factice, la rhétorique, l'apprêt. » (Vie de Jésus, p. 78). Nos lecteurs ont-ils remarqué rien de semblable dans ces lignes sublimes ? La vérité se défend suffisamment elle-même, en face d'attaques si futiles, pour ne pas dire si dénuées de sens ?