Jean 5, 9

Et aussitôt l’homme fut guéri. Il prit son brancard : il marchait ! Or, ce jour-là était un jour de sabbat.

Et aussitôt l’homme fut guéri. Il prit son brancard : il marchait ! Or, ce jour-là était un jour de sabbat.
Saint Thomas d'Aquin
699. Le Seigneur a parlé plus haut de la régénération spirituelle ; Il parle maintenant des bien faits qui sont accordés par Dieu à ceux qui ont été régénérés spirituellement ch. à . Or ceux qui sont engendrés selon la chair reçoivent trois choses de leurs parents selon la chair : la vie, la nourriture et l’enseignement (ou l’éducation); ceux qui ont été régénérés spi rituellement reçoivent également du Christ ces trois dons : la vie spirituelle, la nourriture spirituelle, l’enseignement spirituel.

Il est donc question ici de ces trois dons : celui de la vie spirituelle Ch. 5]; celui de la nourriture spirituelle [Ch. 6, n° 838]; celui de l’enseignement spirituel [Ch. 7 à 11].

Pour traiter du don de la vie spirituelle, l’Evangéliste rapporte d’abord un signe visible où se manifeste la puissance qu’a le Christ de donner la vie et de la restaurer — selon la coutume de cet Evangile, qui joint toujours à l’enseignement du Christ quelque action visible se rapportant au sujet de l’enseignement, afin qu’à partir des réalités visibles on connaisse les invisibles. Ensuite, il expose l’occasion qui permet au Christ de donner son enseignement , . Enfin, l’Evangéliste expose l’enseignement lui-même .

Pour rapporter le signe visible, il décrit d’abord le lieu où le miracle a été accompli , puis l’infirmité , enfin le rétablissement de la santé .

700. Le lieu du miracle est décrit de deux manières d’abord d’une manière générale , puis d’une manière précise .

Le lieu pris d’une façon générale est Jérusalem; c’est pourquoi l’Evangéliste dit APRES CELA, c’est-à-dire après le miracle accompli en Galilée, IL Y AVAIT UNE FETE DES JUIFS. Cette fête est la Pentecôte, selon Chrysostome , car plus haut (, ) l’Evangéliste fait mention de la fête de la Pâque, lorsque le Seigneur était allé à Jérusalem. De nouveau, donc, pour la fête de la Pentecôte suivante, JESUS MONTA A JERUSALEM; car, ainsi qu’on le lit dans l’Exode, il avait été prescrit par le Seigneur que tout individu mâle du peuple juif se présentât dans le Temple en trois occasions de l’annéela Pâque, la Pentecôte et la fête des Tentes.

En ces jours de fêtes, le Seigneur monta à Jérusalem pour deux raisons pour ne pas paraître aller contre la Loi, comme Il l’avait dit Lui-même : Je ne suis pas venu abolir la Loi, mais l’accomplir ; et pour attirer à Dieu par ses miracles et son enseignement la multitude du peuple qui venait pour la fête , selon ce que disent les psaumes : Au milieu de la multitude je Le louerai ; et J’ai annoncé ta justice dans une grande assemblée. Aussi le Christ dit-Il Lui-même : J’ai parlé ouvertement au monde; j’ai toujours enseigné dans la synagogue et dans le Temple, où tous les Juifs s’assemblent .

701. Le lieu précis du miracle fut la piscine probatique, qui est décrite sous quatre aspects : son nom , la disposition des lieux , ceux qui l’habitent et sa vertu particulière

702. Le nom de cette piscine est PISCINE PROBATIQUE, du grec probaton qui signifie "brebis". On l’appelle "probatique", c’est-à-dire "pour les troupeaux de brebis ou de bestiaux", parce que les prêtres y lavaient les cadavres des bêtes, surtout ceux des brebis, qui étaient le plus souvent offertes en sacrifice — d’où l’appellation hébraïque "Bethsaïde", c’est-à-dire "maison des brebis" . Cette piscine était en effet proche du Temple, et alimentée par les eaux de pluie.

703. Au sens mystique, selon Chrysostome , cette piscine préfigurait le baptême : voulant donner diverses préfigurations de la grâce baptismale, le Seigneur donna d’abord une eau purifiant les souillures du corps contractées au contact des choses considérées par la Loi comme impures; c’est de cette eau que parle le livre des Nombres . Ensuite, Il donna à cette piscine une vertu particulière, qui représente de manière plus expressive que l’autre eau la vertu du baptême, parce que non seulement elle guérissait des impuretés de la chair, mais encore elle délivrait des infirmités du corps. En effet, les préfigurations exprimaient d’autant mieux la vérité qu’elles en étaient plus proches.

La vertu de cette eau était donc le signe de la vertu du baptême; car de même que cette eau, du fait qu’elle lavait les corps, avait la vertu de guérir l’infirmité — non certes par sa propre nature, mais grâce à un ange —, ainsi l’eau du baptême a la vertu de guérir l’âme et de la laver des péchés. Il nous a aimés et nous a lavés de nos péchés . D’où l’on voit que la Passion du Christ a été préfigurée par les sacrifices de l’ancienne Loi Nous tous qui avons été baptisés dans le Christ Jésus, c’est en sa mort que nous avons été baptisés; car nous avons été ensevelis avec Lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous aussi, nous marchions dans une vie nouvelle .

Selon Augustin, d’autre part, l’eau renfermée dans cette piscine signifiait l’état du peuple juif Eaux abondantes, les peuples nombreux Car les nations n’avaient pas été enfermées dans les limites de la Loi divine, mais chaque peuple marchait selon la vanité de son cœur . Le peuple juif, au contraire, était enfermé sous le culte du Dieu unique Avant que la foi vînt, nous étions enfermés sous la garde de la Loi, en vue de la foi qui devait être révélée . C’est pourquoi ce peuple était représenté par l’eau renfermée dans la piscine; celle-ci est appelée "probatique" parce que les Juifs étaient d’une manière spéciale les brebis de Dieu : Nous sommes le peuple de son pâturage et les brebis de sa main

704. La piscine est décrite maintenant sous un autre aspect : celui de la disposition des lieux : elle avait CINQ PORTIQUES à son pourtour, afin que les nombreux prêtres puissent s’y tenir facilement sans se gêner, pour laver les cadavres des bêtes.

Au sens mystique, ces cinq portiques, selon Chrysostome, signifient les cinq plaies du Christ , dont il est dit plus loin : Mets ton doigt ici et vois mes mains; avance ta main et mets-la dans mon côté Selon Augustin, d’autre part, ce sont les cinq livres de Moïse .

705. La piscine est décrite ici du point de vue de ceux qui l’habitent : sous ses portiques gisait UNE MULTITUDE. Au sens littéral, il y a multitude du fait du rassemblement de tous les infirmes à cause de la vertu de l’eau : celle-ci ne guérissait pas toujours, ni de manière continue, ni plusieurs à la fois; il était donc inévitable qu’un grand nombre restât là en attente.

Au sens mystique, selon Augustin , cela signifie que la Loi ne pouvait pas guérir les péchés : Il est impossible que les péchés soient effacés par le sang de taureaux et de boucs . Elle les montrait seulement : La Loi donne seulement la connaissance du péché .

706. Sous ces portiques gisaient donc des malades aux infirmités diverses et incurables. Ces malades sont décrits de quatre manières. D’abord par leur position ils gisaient prostrés, c’est-à-dire collant par leurs péchés aux choses de la terre; celui qui gît colle en effet à la terre par tout lui-même. — Il en eut pitié, parce qu’ils étaient accablés et prostrés comme des brebis sans berger Les justes, eux, ne gisent pas, mais ils se tiennent dressés vers les réalités célestes. Eux, les pécheurs, se sont trouvés liés et sont tombés; alors que nous, les justes, nous nous sommes relevés et nous nous sommes dressés .

Ensuite par leur nombre, qui est grand : Les pervers se corrigent difficilement et le nombre des insensés est infini . Large est la porte, et spacieux le chemin qui mène à la perdition, et ils sont nombreux ceux qui s’y engagent .

Les infirmes sont enfin décrits par leurs dispositions ou leur état. L’Evangéliste indique ici quatre maux que l’homme encourt par le péché. D’abord, parce qu’il est assujetti aux passions coupables qui dominent sur lui, l’homme est affaibli comme par une maladie; l’Evangéliste parle donc de MALADES. C’est la raison pour la quelle Cicéron dit que les passions de l’âme, comme celles de la colère, de la concupiscence, etc., sont comme des maladies de l’âme. Aussi le psalmiste disait-il : Aie pitié de moi, Seigneur, parce que je suis malade .

Le second de ces maux est l’aveuglement de la raison dû à l’emprise des passions et à leur victoire dans l’homme consentant. C’est pourquoi l’Evangéliste parle d’AVEUGLES, c’est-à-dire d’hommes aveuglés par leurs péchés — Leur malice les a aveuglés. Le feu, celui de la colère et de la concupiscence, est tombé sur eux et ils n’ont pas vu le soleil.

Ensuite, l’homme malade et aveugle devient instable dans ses œuvres, et il est comme boiteux; c’est pourquoi l’Ecriture dit que ce que fait l’impie est instable , et le Philosophe, que les hommes mauvais sont remplis de remords . Aussi l’Evangéliste parle-t-il de BOITEUX — Jusques à quand clocherez-vous des deux côtés?

Enfin, l’homme qui est ainsi malade, aveugle dans son intelligence, boiteux dans ce qu’il réalise, devient DESSECHE dans sa capacité d’aimer, car en lui est des séchée toute cette moelle de la piété que David demandait dans le psaume : "Que de moelle et de graisse mon âme soit rassasiée" . C’est pourquoi l’Evangéliste parle de GENS AUX MEMBRES DESSECHES — Ma force s’est desséché comme un tesson .

Certains cependant sont à ce point affectés par la maladie du péché qu’ils n’attendent pas le bouillonnement de l’eau, mais se reposent dans leurs péchés : Alors qu’ils vivent dans une grande lutte à cause de l’ignorance, ils appellent paix des maux si nombreux et si grands . C’est d’eux encore qu’il est dit : Ils sont joyeux alors qu’ils ont fait le mal, et ils exultent dans les choses les plus mauvaises . La raison en est qu’ils n’ont pas horreur du péché, et ne pèchent pas par ignorance ou par faiblesse, mais par une malice résolue. Toutefois, ceux dont parle l’Evangéliste, ne péchant pas par malice, ne se reposaient pas dans leurs péchés, mais attendaient par leur désir le mouvement de l’eau; c’est pourquoi il dit qu’ils ATTENDAIENT LE MOUVEMENT DE L’EAU. — Pendant tous les jours où maintenant je combats, j’attends que mon changement survienne C’est ainsi que ceux de l’Ancien Testament attendaient le Christ Ton salut, Seigneur, je l’attendrai .

707. La piscine est décrite ici par la vertu qui lui est attachée grâce à un ange qui y descend, elle guérit de toute infirmité corporelle.

La vertu de cette piscine diffère de celle du baptême sous un aspect, et lui est semblable sous un autre. La similitude porte sur deux points. En premier lieu. de part et d’autre la vertu est cachée : la vertu de l’eau de cette piscine, en effet, ne venait pas de sa nature — autrement elle aurait toujours guéri — mais d’une vertu cachée, à savoir d’un ange : L’ANGE DU SEIGNEUR DESCENDAIT DE TEMPS EN TEMPS DANS LA PISCINE. De même, l’eau du baptême n’a pas la vertu de purifier les âmes du seul fait qu’elle est de l’eau, mais elle la tient de la vertu cachée de l’Esprit Saint : Personne, à moins de renaître de l’eau et de l’Esprit Saint, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu . En second lieu, ces deux eaux sont semblables par leur effet : car, comme l’eau du baptême, cette eau guérit LE PREMIER QUI ETAIT DESCENDU DANS LA PISCINE ETAIT GUERI – Si Dieu conféra à l’eau de cette piscine la vertu de guérir les corps, c’est pour que les hommes, en s’y lavant, se disposent, par le salut du corps, à chercher le salut spirituel.

Quant à la différence, elle porte sur trois points. Elle porte d’abord sur la source de la vertu qui guérissait : l’eau de la piscine donnait la guérison par la vertu d’un ange; tandis que celle du baptême la donne par la vertu incréée, non seulement de l’Esprit Saint, mais aussi de toute la Trinité. C’est pourquoi toute la Trinité fut présente quand le Seigneur fut baptisé : le Père dans la voix, le Fils dans la personne du Christ, l’Esprit Saint sous la forme d’une colombe . C’est aussi pour quoi, dans notre baptême, est invoquée la Trinité.

La différence porte en second lieu sur l’efficacité l’eau de la piscine n’a pas eu la vertu de guérir de façon continue, mais DE TEMPS EN TEMPS, c’est-à-dire à des moments déterminés; tandis que l’eau du baptême a d’une manière continue la vertu de purifier : En ce jour-là, il y aura une source ouverte à la maison de David et aux habitants de Jérusalem pour laver le pécheur et celle qui est souillée .

Enfin, la différence porte sur le nombre des personnes à guérir : quand l’eau de cette piscine était mise en mouvement, un seul était guéri; mais quand c’est l’eau du baptême, tous le sont. Cela n’est pas étonnant puis que la vertu de la première eau, étant créée, est limitée et a un effet limité, alors que dans la seconde la vertu est infinie, pour purifier, si elles existaient, une infinité d’âmes : Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés de toutes vos souillures, et de toutes vos idoles je vous purifierai .

708. Par l’ANGE il faut entendre, selon Augustin le Christ, d’après cette autre version d’Isaïe : On l’appellera l’ange du grand conseil . De même que cet ange DESCENDAIT DE TEMPS EN TEMPS DANS LA PISCINE, ainsi le Christ, Lui aussi, au temps fixé par le Père, descendit dans le monde : Son temps est près de venir et ses jours ne seront pas différés . Lorsque vint la plénitude des temps, Dieu envoya son Fils . De même, aussi, qu’on ne percevait pas l’ange, si ce n’est par le mouvement de l’eau, ainsi le Christ n’était pas connu selon sa divinité. Car s’ils L’avaient connu, jamais ils n’auraient crucifié le Seigneur de la gloire Isaïe dit en effet Vraiment, tu es un Dieu caché, Dieu d’Israël Sauveur Si on voyait l’eau agitée, mais non celui qui l’agitait, c’est que, voyant la faiblesse du Christ, on ne reconnaissait pas sa divinité. Et comme celui qui descendait dans la piscine était guéri, ainsi celui qui croit avec humilité à la Passion du Seigneur est guéri : ceux qui ont péché sont justifiés gratuitement par la grâce de Dieu, par la rédemption qui est dans le Christ Jésus que Dieu a établi victime de propitiation par la foi en son sang .

D’autre part, un seul était guéri, parce que personne ne peut être guéri si ce n’est dans l’unité de l’Eglise : Il y a un seul Seigneur, une’ seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous . Malheur donc à ceux qui haïssent l’unité et créent pour eux des partis parmi les hommes.

709. L’Evangéliste décrit maintenant l’infirmité qui va être guérie. Il commence par montrer la longue durée de cette infirmité ; il en donne ensuite la cause .

710. L’infirmité durait donc depuis longtemps; c’est une manière assez belle de nous faire comprendre que l’homme, qui ne pouvait être guéri par la piscine, devait cependant être guéri par le Christ; car ceux que la Loi ne pouvait guérir, le Christ les a guéris parfaitement Ce qui était impossible à la Loi, que la chair rendait impuissante, Dieu l’a fait : en envoyant son propre Fils dans une chair semblable à celle du péché et pour le péché, Il a condamné le péché dans la chair, afin que la justification de la Loi s’accomplît en nous qui ne marchons pas selon la chair, mais selon l’esprit . Renouvelle les signes et produis d’autres merveilles .

711. Le nombre TRENTE-HUIT s’accorde bien avec l’infirmité, car il convient davantage à la maladie qu’à la santé. Le nombre quarante en effet, selon Augustin , sert à désigner la perfection de la justice, qui consiste dans l’observation de la Loi. Celle-ci fut donnée en dix commandements, et devait être prêchée dans les quatre parties du monde, ou encore accomplie par les quatre Evangiles : La fin de la Loi, c’est le Christ . Puisque dix multipliés par quatre font quarante, la justice parfaite est donc bien indiquée par le nombre quarante. En soustrayant deux à quarante, on obtient trente-huit. Or le nombre deux représente les deux préceptes de la charité, par lesquels est accomplie toute justice parfaite. Voilà pourquoi cet homme était malade : il avait quarante ans moins deux, c’est-à-dire une justice imparfaite, puisqu’il est dit : A ces deux commandements toute la Loi est suspendue, ainsi que les prophètes .

712. L’Evangéliste donne ensuite la cause de la longue durée de l’infirmité. Pour cela, il rapporte d’abord l’interrogation du Seigneur , puis la réponse du malade .

713. Jésus LE VIT ETENDU non seulement avec les yeux du corps, mais aussi avec ceux de sa miséricorde, de la manière dont David demandait à être regardé : Regarde-moi, Seigneur, et aie pitié de moi . Et Il connut QU’IL ETAIT DEPUIS LONGTEMPS DEJA DANS CET ETAT d’infirmité, ce qui est contraire au cœur du Christ comme à celui de l’infirme, car une maladie trop longue accable le médecin Il LUI DIT : "VEUX-TU ETRE GUERI?", non par ignorance — il était en effet assez évident que le malade voulait être guéri —, mais pour réveiller son désir et pour qu’il montrât sa patience, lui qui, sans se lasser, avait attendu durant tant d’années d’être délivré de sa maladie, et afin que par là il fût reconnu plus digne d’être guéri . Agissez virilement et que votre cœur s’affermisse, vous tous qui espérez dans le Seigneur .

Si le Seigneur réveille le désir de l’infirme, c’est par ce qu’on garde plus fermement ce qu’on reçoit avec désir, et qu’on l’obtient plus facilement : Frappez, par le désir, et l’on vous ouvriras .

Il faut noter cependant que, de la part des aveugles, le Seigneur exige la foi : Croyez-vous que je puis se faire cela? , alors qu’à l’égard de cet infirme Il ne fait rien de tel. C’est parce que ceux-là avaient entendu parler des miracles de Jésus, alors que lui n’en avait pas encore entendu parler. Voilà pourquoi Jésus n’exige pas de lui la foi, si ce n’est après l’accomplissement du miracle .

714. Cette réponse de l’infirme indique deux choses qui étaient cause de la longue durée de son infirmité la pauvreté et la faiblesse. Parce qu’il était pauvre, il ne pouvait avoir personne pour le jeter dans la piscine; c’est pourquoi il dit : SEIGNEUR, JE N’AI PERSONNE... Peut-être, selon Chrysostome , pensait-il que le Christ lui serait utile pour le jeter dans l’eau.

D’autre part, parce qu’il était faible et ne pouvait se déplacer rapidement, il était devancé par un autre

PENDANT QUE MOI J’Y VAIS, UN AUTRE DESCEND AVANT MOI – Aussi pouvait-il dire avec Job : Voici que je ne trouve en moi aucun secours . Par là est signifié qu’aucun homme qui fût seulement homme ne pouvait sauver le genre humain, parce que tous ont péché et ont besoin de la grâce de Dieu , jusqu’à ce que vînt le Christ, Dieu et homme, par qui ils devaient être sauvés.

715. L’Evangéliste montre maintenant le rétablissement de la santé, ou l’accomplissement du miracle, en rapportant l’ordre du Seigneur , puis l’obéissance de l’homme .

716. Le Seigneur commande à la fois à la nature et à la volonté de l’homme; celles-ci sont en effet toutes deux soumises à son pouvoir. Il commande à la nature en disant LEVE-TOI – Cet ordre, en effet, n’est pas adressé à la volonté de l’infirme, car il n’était pas en son pouvoir de se lever, mais à la nature, que le Seigneur changea par son ordre en lui donnant la capacité de se lever .

A la volonté Il commanda deux choses PRENDS TON GRABAT et MARCHE. Au sens littéral, Il donna ces deux ordres pour montrer qu’une santé parfaite avait été rendue à cet homme. Dans tout miracle, en effet, le Seigneur donne à l’œuvre qu’Il fait la perfection conforme à l’excellence de sa nature — c’est ainsi que, de l’eau, Il fit un vin parfait —, car Les œuvres de Dieu sont parfaites .

Quant à l’homme, deux choses lui faisaient défaut d’une part ses propres forces, car il ne pouvait se tenir debout; c’est pourquoi le Seigneur le trouva ETENDU. D’autre part le secours d’autrui, ce qui lui faisait dire : JE N’AI PERSONNE POUR ME JETER DANS LA PISCINE. Afin donc de faire connaître la perfection de la santé rendue à l’homme, le Christ lui commande, à lui qui ne pouvait se tenir debout, de prendre son grabat; et à lui qui ne pouvait marcher, Il commande de marcher.

717. Ces trois ordres n’en sont pas moins ceux que le Seigneur donne dans la justification. D’abord, l’homme doit se lever en s’écartant du péché : Lève-toi, toi qui dors, et relève-toi d’entre les morts . Ensuite, le Seigneur lui ordonne PRENDS TON GRABAT, en satisfaisant pour les péchés commis. Le grabat sur lequel l’homme repose signifie en effet le péché. L’homme prend donc son grabat quand il porte le poids de la pénitence qui lui a été imposée pour son péché — La colère du Seigneur, je la porterai, puisque j’ai péché contre Lui Enfin le Seigneur lui ordonne de marcher en progressant dans le bien — Ils iront de vertu en vertu .

718. Selon Augustin , deux choses manquaient à ce malade : les deux préceptes de la charité. Aussi, à la volonté qui est rendue parfaite par la charité, le Seigneur donne-t-Il deux ordres : prendre le grabat et marcher. Le premier se rapporte à l’amour du prochain, parce que cet amour est premier dans l’ordre de la réalisation ; le second à l’amour de Dieu, qui est premier dans l’ordre de ce que nous devons faire.

Le premier ordre, "PRENDS TON GRABAT", revient donc à dire : lorsque tu es malade, ton prochain te soutient, il a compassion de toi et te soulage, comme fait le grabat pour l’infirme. Nous devons, nous qui sommes plus forts, porter les faiblesses de ceux qui n’ont pas cette force, et ne pas chercher ce qui nous plaît . Quand donc tu as été guéri, PRENDS TON GRABAT, c’est-à-dire soutiens et supporte ton prochain qui te portait quand tu étais faible : Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la loi du Christ

Quant au second ordre, "MARCHE", il sous-en tend : en t’approchant de Dieu. C’est pourquoi le psalmiste, après avoir dit : Ils iront de vertu en vertu, ajoute : Il sera vu, le Dieu des dieux, dans Sion . — Marchez tant que vous avez la lumière, de peur que les ténèbres ne vous saisissent .

719. L’Evangéliste rapporte ici à la fois l’obéissance de la nature et celle de la volonté. D’abord celle de la nature : AUSSITOT L’HOMME FUT GUERI – A cela rien d’étonnant, puisque c’est par le Verbe Lui-même que le ciel et la terre ont été faits : Lui-même a dit, et tout a été fait . Par la parole du Seigneur, les cieux ont été affermis . Ensuite, l’obéissance de la volonté : IL PRIT SON GRABAT, ET IL MARCHAIT. — Tout ce qu’a prescrit le Seigneur, nous le ferons, et nous serons obéissants .

720. Après avoir rapporté un miracle visible manifestant la puissance qu’a le Christ de restaurer la vie spirituelle, l’Evangéliste montre maintenant ce qui fut l’occasion de l’enseignement du Christ : la persécution provoquée contre Lui par les Juifs.

Cette persécution eut chez les Juifs envieux du Christ une double cause : son œuvre de miséricorde et son enseignement de la vérité . L’Evangéliste commence donc par montrer comment l’œuvre de miséricorde du Christ fut occasion de persécution. Pour cela il en indique la circonstance , puis il rapporte les accusations abusives portées d’abord contre l’infirme guéri et ensuite contre le Christ .

OR C’ETAIT LE SABBAT CE JOUR-LA.

721. L’occasion de la persécution suscitée contre le Christ fut le fait qu’Il avait guéri un jour de sabbat; c’est pourquoi l’Evangéliste souligne que C’ETAIT LE SABBAT CE JOUR-LA, où Jésus fit le miracle au cours duquel Il ordonna à l’infirme de prendre son grabat.

Pourquoi le Seigneur se mit-Il à l’œuvre le jour du sabbat? On donne à cela trois raisons. L’une est don née par Ambroise le Christ, dit-il, est venu pour restaurer l’œuvre de la création qui avait été défigurée, c’est-à-dire l’homme. Il devait donc commencer le jour où le Créateur avait parfaitement achevé son œuvre créatrice. Or ce jour fut celui du sabbat; c’est pourquoi, afin de montrer qu’Il venait restaurer toute la création, le Christ commença à partir du sabbat.

La seconde raison est que le jour du sabbat est célébré par les Juifs en mémoire de la première création. Or le Christ est venu pour réaliser comme une nouvelle créature : Dans le Christ Jésus la circoncision n’est rien, ni l’incirconcision, mais la créature nouvelle , et cette création nouvelle est une re-création par la grâce, qui se fait par l’Esprit Saint : Tu enverras ton esprit, et ils seront créés, et tu renouvelleras la face de la terre . Voulant donc montrer que la recréation se fait par Lui, le Christ travaille le jour du sabbat — C’est de sa propre volonté qu’il nous a engendrés par la parole de vérité, afin que nous soyons comme les prémisses de ses créatures .

La troisième raison est que le Christ voulait montrer qu’Il accomplirait ce que la Loi ne pouvait faire : Ce qui était impossible à la Loi, que la chair rendait impuissante, Dieu l’a fait : en envoyant son propre Fils dans une chair semblable à celle du péché et pour le péché, il a condamné le péché dans la chair, afin que la justification de la Loi s’accomplît en nous .

Or les Juifs ne faisaient aucun travail durant le sabbat, pour exprimer d’une manière symbolique que certaines choses qui étaient propres au sabbat devaient être accomplies, qui ne pouvaient pas être réalisées par la Loi. On le voit manifestement dans les quatre choses que fit la Sagesse de Dieu , l’égard du jour du sabbat : ce jour, Dieu le sanctifia, Il le bénit, Il y acheva ses œuvres et Il s’y reposa . Or la Loi ne pouvait rien faire de cela. Elle ne pouvait pas sanctifier, et c’est pour quoi le psalmiste disait Sauve-moi, Seigneur, car il n’y a plus de saint . Elle ne pouvait pas non plus bénir; bien au contraire, tous ceux qui s’appuient sur les œuvres de la Loi sont sous la malédiction . Elle ne pouvait pas non plus achever et parfaire, car la Loi n’a rien amené à la perfection , ni enfin accorder le parfait repos, car si Josué leur avait donné le repos, David n’au rait pas parlé d’un autre jour après celui-là

Mais ce que la Loi n’a pu faire, le Christ l’a fait : Il a sanctifié le peuple par sa Passion : Jésus Lui-même, pour sanctifier le peuple par son propre sang, a souffert hors de la porte Il l’a béni Lui-même en répandant la grâce : Béni soit le Dieu et Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui nous a bénis de toute bénédiction spirituelle, aux cieux, dans le Christ Il l’a mené à la perfection en lui enseignant la justice parfaite : Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait . Il l’a introduit dans le vrai repos : Nous entrerons dans le repos, nous qui avons cru , alors que le psaume disait : Comme je l’ai juré dans ma colère, ils n’entreront pas dans mon repos . Travailler le jour du sabbat revient donc à Celui-là même qui peut accomplir ce qui appartient au sabbat, et devant quoi la Loi demeurait impuissante.

722. L’Evangéliste expose maintenant l’accusation abusive portée contre celui qui a été guéri ; après quoi il rapportera la manière dont il se justifie

723. Par ces mots les Juifs accusent abusivement cet homme, non pas d’avoir été guéri le jour du sabbat, mais de porter son grabat ce jour-là. On peut trouver à cela plusieurs raisons.

La première est que les Juifs, ayant fréquemment accusé le Christ de guérir le jour du sabbat, avaient été confondus par Lui, du fait qu’eux-mêmes retiraient leurs bêtes du puits ce jour-là pour les sauver C’est pour quoi ils gardent le silence au sujet de la guérison, comme à l’égard d’une chose utile et nécessaire; mais ils accu sent l’homme de porter son lit, ce qui ne leur semblait pas nécessaire. C’est comme s’ils disaient : "Admettons que cette guérison n’avait pas à être différée; mais quelle nécessité y avait-il de porter ce grabat ou de donner l’ordre de le porter?"

Une autre raison est que le Seigneur avait dit, met tant ainsi fin à leurs objections, qu’ il est permis de f aire le bien le jour du sabbat C’est pourquoi ils accu sent celui qui a été guéri plutôt que l’auteur de la guérison, car être guéri, ce n’est pas faire le bien, mais en être l’objet.

Une troisième raison est que, s’il était universellement interdit aux Juifs, dans la Loi, de travailler le jour du sabbat, il leur était tout spécialement défendu de porter un fardeau ce jour-là : Ne portez point de fardeau le jour du sabbat . C’est pourquoi ils reprochèrent spécialement ce transport le jour du sabbat, comme étant contraire à la prescription du prophète.

Cependant ce commandement du prophète a une va leur mystique : en leur défendant de porter les fardeaux, il voulait les amener à se reposer le jour du sabbat du fardeau des péchés, dont le psalmiste dit : Comme un fardeau pesant, mes iniquités se sont appesanties sur moi . C’est pourquoi, comme le temps était venu de transformer les figures cachées, le Christ ordonne à l’homme de porter son grabat, c’est-à-dire de soutenir son prochain dans ses infirmités — Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la loi du Christ .

724. C’est ainsi que se justifie celui qui a été guéri. Il se justifie du reste avec sagacité : jamais, en effet, l’origine divine d’un enseignement n’est aussi bien confirmée que par la réalisation manifeste de miracles, qui ne peuvent être opérés sans une intervention divine — Et eux, étant partis, prêchèrent partout, le Seigneur œuvrant avec eux et confirmant leur parole par les signes qui l’accompagnaient . C’est pourquoi, à ceux qui accusaient l’auteur de sa guérison, cet homme objectait : "CELUI QUI M’A GUERI, C’EST LUI QUI M’A DIT : PRENDS TON GRABAT ET MARCHE"; comme s’il disait : "Vous, vous dites qu’il est interdit de porter un fardeau le jour du sabbat," et ce en vertu de l’autorité divine; mais à moi, cette même autorité m’a ordonné de prendre mon grabat; en effet, CELUI QUI M’A GUERI et qui, en me rendant la santé, m’a montré qu’il a une puissance divine, M’A DIT : PRENDS TON GRABAT ET MARCHE. Aussi, aux commandements de celui qui a une si grande puissance et qui m’a accordé un tel bien fait, je suis tenu à juste titre d’obéir. "Jamais je n’oublierai tes préceptes, dit le psalmiste, car par eux tu m’as fait vivre." .

725. Ne pouvant plus rien contre l’homme guéri, les Juifs s’efforcent d’accuser le Christ qui l’avait guéri l’homme en effet s’était déchargé sur Lui; et comme il n’avait pas indiqué avec précision qui Il était, ceux-ci l’interrogeaient avec malveillance pour le savoir. L’Evangéliste nous montre donc maintenant les Juifs recherchant le Christ Le trouvant et Le persécutant

726. En ce qui concerne la recherche du Christ, l’Evangéliste montre l’enquête faite par les Juifs , puis l’ignorance de l’homme guéri , enfin la cause de son ignorance .

Les Juifs L’INTERROGERENT DONC, non pas dans une bonne intention, pour progresser, mais par malveillance, pour persécuter Jésus et Le perdre — Vous me chercherez, et vous mourrez dans votre péché . Leurs paroles manifestent bien leur malveillance. En effet, alors que le Seigneur avait ordonné au malade de guérir et de prendre son grabat, ils passent sous silence ce qui est un signe révélateur et irrécusable de la puissance divine, et ne relèvent que ce qui leur semble contraire à la Loi, en disant : "QUI EST CET HOMME, QUI T’A DIT PRENDS TON GRABAT ET MARCHE?" — Changeant le bien en mal, il dresse des embûches, et il marquera d’une tache (c’est-à-dire il s’efforce de marquer d’une tache) les choses les plus pures .

727. MAIS CELUI QUI AVAIT ETE GUERI NE SA VAIT PAS QUI C’ETAIT. Cet homme rendu à la santé représente les croyants guéris par la grâce du Christ : C’est par la grâce que vous avez été sauvés . Ceux-là ignorent en réalité qui est le Christ, ils ne Le connaissent que par l’effet de son action en eux Tant que nous sommes dans ce corps, nous pérégrinons loin du Seigneur : car c’est par la foi que nous marchons, et non par une claire vision . Mais quand nous Le verrons tel qu’il est , alors nous saurons qui est le Christ.

728. La cause de l’ignorance de cet homme est indiquée par ces mots : JESUS EN EFFET S’ETAIT ELOIGNE DE LA FOULE ASSEMBLEE EN CE LIEU. A cela il y a une cause littérale et une cause mystique.

Une cause littérale, de deux manières : en premier lieu, Jésus voulait nous donner l’exemple de cacher nos bonnes œuvres et de ne pas rechercher par elles la faveur des hommes : Gardez-vous d’accomplir votre justice devant les hommes pour être vus d’eux Ensuite, Il voulait nous inviter à fuir et à éviter les regards des envieux dans toutes nos œuvres, de peur qu’à cause d’elles leur envie ne s’accroisse Ne résiste pas en face à l’insolent, de peur qu’il ne se tienne en embuscade devant tes lèvres .

Quant à la cause mystique, elle est double également. Le Christ voulait nous faire comprendre qu’on ne Le trouve pas facilement dans la foule des hommes et dans le tourbillon des soucis temporels, mais dans la retraite spirituelle — Je vais la conduire au désert, et là je parlerai à son cœur . En effet, les paroles des sages sont entendues dans le silence , comme le dit l’Ecclésiaste. Ensuite, le Christ voulait nous faire entendre qu’Il devait s’éloigner des Juifs pour aller vers les nations : Le Seigneur cache momentanément sa face à la maison de Jacob , c’est-à-dire qu’Il a retiré la connaissance de sa vérité à la maison de Jacob.

729. L’Evangéliste rapporte ici comment on retrouve le Christ. Il dit d’abord qu’on Le trouve , puis qu’ayant été trouvé, Il enseigne ; enfin, qu’après cet enseignement l’homme Le fait connaître .

730. A propos de la découverte du Christ, l'Evangéliste indique la manière dont l’homme Le trouve, et le lieu où il Le trouve.

La manière est admirable : on ne trouve pas le Christ si Lui-même ne nous trouve; c’est pourquoi il est dit APRES CELA, c’est-à-dire après ce qui a été dit, JESUS LE TROUVA. L’homme en effet, par ses propres forces, ne peut trouver le Christ si le Christ ne se présente à lui. C’est pourquoi le psalmiste disait : Seigneur, cherche ton serviteur et le livre de la Sagesse : La Sagesse prévient ceux qui la désirent ardemment, afin de se montrer à eux la première .

Quant au lieu où on Le trouve, il est vénérable, car c’est DANS LE TEMPLE — Le Seigneur est dans son Temple saint. Sa mère aussi le trouva au Temple, et cela parce qu’il fallait qu’Il fût aux affaires de son Père . Il nous est par là donné à entendre que l’homme guéri ne s’est pas converti à la vanité, mais au zèle de la religion; fréquentant le Temple, il y reconnaît le Christ En effet, si nous voulons parvenir à la connaissance du Créateur, il nous faut fuir le tumulte des affections mauvaises, nous éloigner des assemblées des méchants et fuir dans le temple de notre cœur, que Dieu daigne visiter et habiter .

731. Celui qui a été trouvé dans le Temple donne maintenant son enseignement : "VOILA QUE TU AS ETE GUERI; DESORMAIS NE PECHE PLUS." Il rap pelle d’abord le bienfait reçu , puis donne un sage conseil ; enfin Il montre un danger imminent .

732. Pour ce qui est du bienfait, il est admirable ce fut en effet le rétablissement immédiat de la santé. Aussi convient-il de toujours le garder dans sa mémoire : Je me souviendrai des miséricordes du Seigneur .

733. Quant au conseil — DESORMAIS NE PECHE PLUS —, il est utile. Mon fils, as-tu péché? Ne recommence plus, dit l’Ecclésiastique.

Mais pourquoi le Seigneur parle-t-Il des péchés à ce paralytique ainsi qu’à certains de ceux qu’Il a guéris, et pas aux autres? C’est afin de montrer que pour certains les maladies proviennent de péchés passés : Quiconque mange ce pain et boit indignement ce vin mange et boit son propre jugement, ne discernant pas le Corps du Seigneur. C’est pourquoi il y a parmi vous beaucoup d’infirmes et de débiles, et que beaucoup dorment . Par là également Il montre qu’Il est Dieu, en dévoilant les péchés et les secrets des cœurs : L’enfer et l’abîme sont devant le Seigneur; combien plus les cœurs des fils des hommes? C’est donc à ces derniers seulement qu’Il parle de leurs péchés, et non aux autres, qui ont été guéris aussi par Lui, car toutes les maladies ne surviennent pas à cause de péchés antérieurs, mais certaines proviennent d’une mauvaise disposition naturelle, d’autres sont envoyées comme des épreuves — ce qui fut le cas de Job. Ou bien le Christ ne fit mention de leurs péchés qu’à ceux qui étaient davantage préparés à la correction : Ne reprends pas le railleur, de peur qu’il ne te haïsse. Reprends le sage et il t’aimera . Ou encore, en donnant à certains le commandement de ne plus pécher, Il s’adressa à tous les autres.

734. Le danger imminent, enfin, était terrible. C’est pourquoi le Christ ajoute : DE PEUR QU’IL NE T’ARRIVE QUELQUE CHOSE DE PIRE. Cela peut s’entendre de deux manières, selon les deux événements qui ont précédé dans la vie de cet homme : il fut d’abord puni par une longue maladie, puis il obtint un grand bienfait. La parole du Christ peut donc se référer à l’un comme à l’autre fait.

Elle peut se référer au premier; car lorsque quel qu’un est puni pour un péché et que sa punition ne le fait pas se retirer du péché, il est juste qu’il soit puni plus sévèrement . Aussi le Christ dit-Il : DESORMAIS NE PECHE PLUS, car si tu pèches il t’arrivera QUELQUE CHOSE DE PIRE. — En vain j’ai frappé vos enfants : ils n’ont pas reçu la correction

Mais elle peut aussi se référer au second; car celui qui, après avoir reçu des bienfaits, retombe dans le péché, devient passible d’un châtiment plus lourd à cause de son ingratitude : Il eût mieux valu pour eux ne pas connaître la voie de la justice, que de l’avoir connue et de revenir ensuite en arrière, s’éloignant du saint commandement qui leur avait été donné En outre, après être retourné une fois au péché, l’homme pèche plus facilement : Le dernier état de cet homme devient pire que le premier . — Dès les temps anciens tu as brisé mon joug, tu as rompu mes liens et tu as dit : Je ne servirai pas .

735. Après cela, l’homme fait connaître Celui qui a été trouvé : L’HOMME S’EN ALLA ET ANNONÇA AUX JUIFS QUE C’ETAIT JESUS QUI L’AVAIT GUERI – Selon certains on peut comprendre, comme le dit Chrysostome , que c’est par malveillance qu’il L’aurait fait connaître; mais il ne paraît pas probable qu’après un si grand bienfait l’homme se soit montré si ingrat. IL ANNONÇA donc AUX JUIFS QUE C’ETAIT JESUS QUI L’AVAIT GUERI, afin de faire connaître la puissance qu’avait le Christ de guérir : Venez, écoutez, vous tous qui craignez Dieu, et je raconterai quelles grandes choses. Il a faites pour mon âme . Cela est manifeste, car les Juifs lui ont demandé qui lui avait ordonné de porter son grabat, et lui leur a annoncé QUE C’ETAIT JESUS QUI L’AVAIT GUERI –

736. Enfin, en disant : VOILA POURQUOI LES JUIFS PERSECUTAIENT JESUS : PARCE QU’IL FAISAIT CELA UN JOUR DE SABBAT, l’Evangéliste souligne que si les Juifs persécutent le Christ, c’est en raison d’une œuvre de miséricorde accomplie durant le sabbat : Des grands m’ont persécuté sans raison .

737. L’Evangéliste donne maintenant la seconde cause de la persécution : l’enseignement du Christ. Il expo se d’abord l’enseignement de la vérité , puis la persécution due à la perversité juive .

738. Le Seigneur donne l’enseignement de la vérité en se justifiant de la violation du sabbat Mais il faut noter que, de cette violation, tantôt Il s’est justifié Lui-même, tantôt Il a justifié ses disciples. Parce que ceux-ci n’étaient que des hommes, Il les a justifiés en les comparant à des hommes, c’est-à-dire en prenant l’exemple des prêtres qui travaillaient dans le Temple le jour du sabbat sans le violer , et aussi de David qui, fuyant devant Saül un jour de sabbat, au temps du prêtre Abiathar, prit dans le Temple les pains de proposition. Mais Lui-même, parce qu’Il était homme et Dieu, s’est justifié de la violation du sabbat tantôt en se comparant à des hommes — Lequel d’entre vous, si son âne ou son bœuf tombait dans un puits, ne l’en retirerait pas aussi tôt, même le jour du sabbat? —, tantôt, et spécialement en cet endroit, en se comparant à Dieu : MON PERE TRAVAILLE JUSQU’A MAINTENANT, ET MOI AUSSI JE TRAVAILLE — comme s’Il disait : Ne pensez pas que mon Père se soit reposé le jour du sabbat de manière telle que depuis Il ne travaille plus; mais de même que Lui, maintenant encore, travaille sans labeur, de même MOI AUSSI JE TRAVAILLE. Par là, Il écarte la fausse interprétation des Juifs qui, voulant imiter Dieu, ne faisaient rien le jour du sabbat, comme si Dieu en ce jour-là avait tout à fait cessé de travailler. Certes, Dieu s’est reposé le jour du sabbat en ce sens qu’Il a cessé de faire des créatures nouvelles; mais Il n’en continue pas moins à TRAVAILLER JUSQU’A MAINTENANT, en conservant les créatures dans l’être. Si donc Moïse a expressément employé le mot "repos" après avoir énuméré les œuvres de Dieu, en disant qu’Il se reposa de les avoir créées, c’est pour désigner le repos spirituel que Dieu, dans un signe mystérieux, avait promis de donner aux croyants, à l’exemple de son propre repos, après les bonnes œuvres qu’ils auraient faites. Aussi peut-on dire que le commandement concernant le sabbat fut donné comme l’ombre des choses à venir .

739. Remarquons que le Christ dit expressément : MON PERE TRAVAILLE JUSQU’A MAINTENANT, et non "Il a travaillé", pour montrer la continuité de l’œuvre divine. On pourrait en effet imaginer que Dieu est la cause du monde à la manière dont l’artisan est la cause d’une maison, seulement quant à son devenir. Ainsi, de même que la maison demeure même quand cesse le travail de l’artisan, le monde aussi pourrait subsister si l’influx divin venait à cesser. Mais, comme le dit Augustin , Dieu est cause du devenir de toutes les créatures de manière telle qu’Il est aussi cause de leur subsistance; car si sa puissance cessait un instant, en même temps cesserait leur détermination essentielle, et toute la nature s’écroulerait — de même que l’air n’est illuminé qu’aussi longtemps que la lumière du soleil y demeure. En voici la raison : les réalités qui ont une cause quant au devenir seulement, peuvent subsister quand la cause cesse; par contre, celles dont la cause n’est pas seulement cause de leur devenir, mais aussi de leur subsistance, ont besoin d’être conservées continuellement par cette cause.

740. En disant MON PERE TRAVAILLE JUSQU’A MAINTENANT, le Christ écarte aussi l’opinion de certains, qui prétendent que Dieu produit les réalités par l’intermédiaire de causes secondes, ce qui va à l’encontre de cette affirmation : Seigneur, toutes nos œuvres, c’est toi qui les as opérées pour nous . Ainsi donc, MON PERE, en fondant la nature au commencement, TRAVAILLE JUSQU’A MAINTENANT en la maintenant et en la conservant par la même opération, ET MOI AUSSI JE TRAVAILLE, car je suis le Verbe du Père par lequel Il opère toutes choses : Dieu dit : "Que la lumière soit", et la lumière fut . Ainsi, de même que c’est par son Verbe qu’Il a fondé au commencement les réalités, de même c’est par Lui qu’Il les conserve. Si donc Lui-même TRAVAILLE JUSQU’A MAINTENANT, MOI AUS SI JE TRAVAILLE, parce que je suis le Verbe du Père par qui toutes choses sont faites et conservées .

741. L’Evangéliste rapporte maintenant la persécution occasionnée par l’enseignement : à cause de cet enseignement, LES JUIFS CHERCHAIENT ENCORE PLUS, c’est-à-dire avec une plus grande impatience et un zèle plus agité, à LE TUER.

Deux crimes, en effet, étaient punis de mort dans la Loi : le crime de la violation du sabbat — c’est pour quoi celui qui ramassa du bois le jour du sabbat fut lapidé —, et celui du blasphème : Conduis hors du camp le blasphémateur (...), et que tout le peuple le lapide . Or les Juifs considéraient comme un blasphème le fait qu’un homme se dit être Dieu : Ce n’est pas pour une bonne œuvre que nous te lapidons, mais c’est pour un blasphème : parce que toi, alors que tu es homme, tu te fais Dieu . Et ils imputaient au Christ ces deux crimes : le premier, de violer le sabbat, l’autre, de se dire égal à Dieu.

C’est pourquoi l’Evangéliste dit : A CAUSE DE CELA LES JUIFS CHERCHAIENT ENCORE PLUS A LE TUER : PARCE QUE NON SEULEMENT IL VIOLAIT LE SABBAT, MAIS ENCORE IL DISAIT QUE DIEU ETAIT SON PERE. Cependant, comme d’autres justes appellent aussi Dieu leur Père — Tu m’appelleras "Père" — les Juifs ne se contentent pas de dire qu’IL DISAIT QUE DIEU ETAIT SON PERE, mais ils ajoutent ce qui relève du blasphème SE FAISANT L’EGAL DE DIEU, ce qu’ils déduisent de ses paroles MON PERE TRAVAILLE JUSQU’A MAINTENANT, ET MOI AUSSI JE TRAVAILLE. Là, en effet, Il appelle Dieu son Père d’une manière unique, pour donner à entendre que le Père est son Père par nature, tandis qu’Il n’est celui des autres que par adoption. C’est ce qu’Il fait aussi en disant plus loin Je monte vers mon Père par nature et votre Père par grâce .

En outre, Il dit qu’Il travaille comme Lui, réfutant par là l’accusation des Juifs concernant la violation du sabbat — ce qui ne serait pas une réponse convenable s’Il n’avait en travaillant une autorité égale à celle de Dieu. C’est pour cela que les Juifs disent qu’Il se fait L’EGAL DE DIEU .

742. Grand est l’aveuglement des Ariens disant que le Christ est inférieur à Dieu le Père, ils ne comprennent pas, dans ces paroles du Seigneur, ce que les Juifs, eux, comprennent . Mais les Ariens disent que le Christ ne s’est fait pas fait l’égal de Dieu, alors que les Juifs Le suspectent de cela.

Or, par ce qui est dit dans le texte même, il est manifeste qu’il en est autrement. L’Evangéliste dit en effet que les Juifs persécutaient le Christ parce qu’IL VIOLAIT LE SABBAT et parce qu’Il appelait Dieu SON PERE et se faisait L’EGAL DE DIEU. Ces deux choses que le Christ a faites, le jour du sabbat et appeler Dieu son Père, l’Evangéliste les rapporte et ajoute avec raison : SE FAISANT L’EGAL DE DIEU. Ou bien donc le Christ est un menteur, ou bien Il est égal à Dieu; mais s’Il est L’EGAL DE DIEU, alors le Christ est Dieu par nature.

743. Si l’Evangéliste dit SE FAISANT L’EGAL DE DIEU, ce n’est pas que le Christ se soit fait Lui-même égal à Dieu, puisqu’Il Lui était égal par la génération éternelle , mais il exprime la pensée des Juifs qui, ne croyant pas que le Christ était par nature le Fils de Dieu, comprirent d’après ses paroles qu’Il se disait Fils de Dieu, comme s’Il voulait se faire égal à Dieu, alors qu’eux ne croyaient pas qu’Il le fût : Toi, alors que tu es homme, tu te fais Dieu , c’est-à-dire "tu dis que tu es Dieu, mais nous comprenons que c’est toi-même qui te fais Dieu".
Louis-Claude Fillion
Et aussitôt (aussitôt est certainement authentique, quoique omis par les manuscrits א, D)... « Jésus avait parlé avec un accent auquel il n'était pas possible de résister », Farrar. La foi et l'obéissance du malade furent promptes et complètes, sa guérison aussi. - Il prit sa civière et marcha. Il y a dans cette répétition un écho manifeste du commandement de Jésus. « En rapportant un fait miraculeux, l’évangéliste répète les mêmes mots dont le Christ avait coutume de se servir quand il commandait à la maladie ou à l’infirmité, pour montrer qu’aucune parole du Christ n’était sans effet. Comme s’il disait : dit et fait », Maldonat. La différence des temps dans le texte grec mérite aussi notre attention : fut guéri est à l’aoriste, marcha à l'imparfait, parce que le premier de ces deux actes fut seulement l'affaire d'un instant, au lieu que le second eut une certaine durée. - Ce jour-là était un jour de sabbat... Note importante pour la suite du récit ; nous allons passer du miracle à ses conséquences immédiates, vv. 10-18.
Pape Saint Jean-Paul II
Le Concile Vatican I enseigne donc que la vérité atteinte par la voie de la réflexion philosophique et la vérité de la Révélation ne se confondent pas, et que l'une ne rend pas l'autre superflue: « Il existe deux ordres de connaissance, distincts non seulement par leur principe mais aussi par leur objet. Par leur principe, puisque dans l'un c'est par la raison naturelle et dans l'autre par la foi divine que nous connaissons. Par leur objet, parce que, outre les vérités que la raison naturelle peut atteindre, nous sont proposés à croire les mystères cachés en Dieu, qui ne peuvent être connus s'ils ne sont divinement révélés ». La foi, qui est fondée sur le témoignage de Dieu et bénéficie de l'aide surnaturelle de la grâce, est effectivement d'un ordre différent de celui de la connaissance philosophique. Celle-ci, en effet, s'appuie sur la perception des sens, sur l'expérience, et elle se développe à la lumière de la seule intelligence. La philosophie et les sciences évoluent dans l'ordre de la raison naturelle, tandis que la foi, éclairée et guidée par l'Esprit, reconnaît dans le message du salut la « plénitude de grâce et de vérité » (cf. Jn 1, 14) que Dieu a voulu révéler dans l'histoire et de manière définitive par son Fils Jésus Christ (cf. 1 Jn 5, 9; Jn 5, 31-32).