Jean 6, 13

Ils les rassemblèrent, et ils remplirent douze paniers avec les morceaux des cinq pains d’orge, restés en surplus pour ceux qui prenaient cette nourriture.

Ils les rassemblèrent, et ils remplirent douze paniers avec les morceaux des cinq pains d’orge, restés en surplus pour ceux qui prenaient cette nourriture.
Saint Thomas d'Aquin
838. Une fois exposé l’enseignement sur la vie spirituelle par laquelle le Christ vivifie ceux qui ont été régénérés, l’Evangéliste traite maintenant de la nourriture par laquelle le Christ soutient ceux qu’il a vivifiés; il regarde d’abord la production miraculeuse par le Christ d’une nourriture corporelle, puis il traite de la nourriture spirituelle .

Du miracle visible il considère d’abord l’accomplissement, puis l’effet [n° 866].

A. L’ACCOMPLISSEMENT DU MIRACLE

Quant à l’accomplissement du miracle , il en considère d’abord les circonstances : la multitude que le Christ a nourrie avec largesse, le lieu puis le temps où cela se passe . A propos de la multitude, il détermine d’abord le lieu où elle le suit puis la foule elle-même et enfin la cause pour laquelle elle le suit .

839. C’est l’endroit où la foule suivit le Seigneur que l'Evangéliste suggère ici. Il situe donc cet épisode après les paroles mystiques que le Seigneur avait prononcées sur sa puissance.

La mer de Galilée est souvent nommée dans l’Écriture, et de multiples manières En effet, puisqu’elle n’est pas salée, mais qu’elle est formée d’une accumulation des eaux du cours du Jourdain, Luc l’appelle lac mais parce que, selon une particularité de la langue hébraïque, le vocable "mer" désigne toute accumulation d’eau, d’après ce passage : Dieu (...) appela mers l’accumulation des eaux elle est appelée mer.

Le nom "lac de Génésareth" lui vient de la nature du lieu. En effet, elle est très agitée du fait de l’emprise des vents qui naissent de l’évaporation de ses propres eaux, d’où cette dénomination de Génésareth, qui en grec signifie "qui engendre le vent". Elle est appelée mer de Galilée parce qu’elle se trouve dans cette province, et aussi lac de Tibériade, du nom de la ville située sur l’un des bords de cette mer, à l’opposé de la ville de Capharnaüm. Cette ville était autrefois appelée Zénéreth, mais après sa rénovation par le tétrarque Hérode elle fut baptisée Tibériade , en l’honneur de l’empereur Tibère.

840. Au sens littéral, la raison pour laquelle Jésus partit par la mer, selon Chrysostome , est que le Christ se serait soustrait à la fureur et à l’agitation que les Juifs avaient conçues contre lui à cause de ce qu’il avait dit auparavant sur lui-même.

D’où, selon le même auteur , de même que les javelots lorsqu’ils se heurtent à quelque chose de dur blessent durement, mais lorsque rien ne leur fait obstacle, perdent leur force aussitôt envoyés et retombent, de même, si nous nous opposons à ceux qui ne respectent rien en leur résistant vivement, leur fureur ne fait alors qu’augmenter, mais si nous leur cédons, nous apaisons sans peine leur folie.

Pour cette raison le Christ, en prenant le large, a apaisé la fureur des Juifs née des paroles précédentes, nous don nant ainsi un exemple à suivre — Ne tiens pas tête à l’effronté

841. Au sens mystique, la mer désigne le siècle présent et son agitation — Voici la grande mer aux vastes bras . C’est cette mer que le Seigneur a passée lorsqu’il a affronté, en naissant, la mer de notre mortalité et de notre souffrance. Il l’a foulée aux pieds en mourant; puis, la passant en se relevant, il est parvenu à la gloire de la Résurrection. De ce passage il est dit plus loin : Jésus, sachant que son heure était venue de passer de ce monde à son Père... .

Dans son passage pris en ce sens, des foules nombreuses rassemblées de chacun des deux peuples l’ont suivi en croyant en lui et en l’imitant — Ton cœur sera dans l’admiration et se dilatera quand se sera tournée vers toi la multitude de la mer et que la force des nations sera venue à toi . Lève-toi, Seigneur, selon l’ordre que tu as donné, et l’assemblée des peuples t'environnera .

842. L’Évangéliste souligne ensuite l’importance de la foule qui suivait Jésus, parce qu’UNE GRANDE MULTITUDE LE SUIVAIT

843. Telle est la cause pour laquelle ils le suivaient : l’accomplissement des miracles.

A ce propos, il faut savoir que certains — les mieux disposés — le suivaient à cause de son enseignement. Tandis que d’autres, moins parfaits, le suivaient à cause de leur admiration pour les signes visibles; ceux-ci étaient d’esprit plus grossier Ainsi donc, les langues servent de signe non pour ceux qui croient, mais pour les non-croyants; la prophétie, elle, n'est pas pour les non-croyants, mais pour ceux qui croient C’est encore à cause de leur dévotion et de leur foi que d’autres le suivaient, ceux-là mêmes qu’il avait guéris par leur corps : en effet, le Seigneur les avait guéris dans leur corps afin que jusque dans leur âme, ils soient parfaitement guéris — Les œuvres de Dieu sont parfaites . Ceci est corroboré par ce qu’il dit explicitement au paralytique : "Désormais, ne pèche plus" et "Mon fils, tes péchés te sont remis" paroles qui concernent plus la santé de l’âme que celle du corps.

844. Remarquons que, bien que l’Évangéliste n’ait fait jusque-là mention que de trois miracles, celui des noces, celui du fils du fonctionnaire royal et celui du paralytique, il parle ici sans préciser des SIGNES QU’IL FAISAIT, pour que nous comprenions que le Christ a fait beaucoup d’autres signes, comme il est dit plus loin dont il ne fait pas mention dans ce livre. En rédigeant son Evangile, en effet, il se proposait d’abord de nous introduire dans l’enseignement du Christ.

845. L’Évangéliste indique ensuite le lieu du miracle : une montagne. Il dit pour cette raison que jésus la GRAVIT DISCRETEMENT c’est-à-dire y monta en secret. La montagne est certes un lieu assez propice à la réparation des for ces; elle symbolise en effet la perfection de la justice — Ta justice est comme les montagnes de Dieu Parce que les nourritures terrestres ne rassasient pas — au contraire quiconque boit de cette eau aura encore soif — alors que les nourritures spirituelles rassasient, le Seigneur monte sur les hauteurs avec ses disciples pour montrer que les nourritures spirituelles rassasient et donnent la perfection de la justice. C’est de cette montagne qu’il est dit : La montagne de Dieu est une montagne fertile C’est pourquoi le Christ, siégeant entouré de ses disciples, y dispensait son enseignement. C’est lui en effet qui enseigne la science à l’homme .

846. Maintenant l’Évangéliste indique la période, qui elle-même convient au rétablissement des forces. Pâque signifie en effet passage — C’est la Pâque, c’est-à-dire le passage du Seigneur Il nous fait comprendre par là que tout homme qui désire être restauré par le pain de la parole divine et par le corps et le sang du Seigneur doit passer des vices aux vertus — Notre Pâque, le Christ, a été immolée, célébrons-la dans un repas avec des azymes de pureté et de vérité et la Sagesse divine dit elle-même : Passez à moi, vous tous qui me désirez

Cette Pâque est la seconde dont l’Évangéliste fait mention; pour celle-ci, le Seigneur ne monta pas à Jérusalem, contrairement au précepte de la Loi La raison en est que le Christ était Dieu et homme : en tant qu’homme, il était certes soumis à la Loi, mais en tant que Dieu, il était au-dessus. Afin donc de se montrer homme, il observait parfois la Loi, et, comme Dieu, il s’en affranchissait. Du même coup, il faisait comprendre que sous peu les observances légales cesseraient progressivement .

847. L’Évangéliste traite ensuite de la réalisation du miracle. C’est en premier lieu la nécessité d’opérer le miracle qu’il expose; puis il poursuit en rapportant la réalisation elle-même .

La nécessité que le miracle se produise vient de l’interrogation du Seigneur et de la réponse des disciples .

A propos de l’interrogation, l’Evangéliste relate l’occasion saisie par le Christ d’interroger les disciples , puis l’interrogation elle-même , et il dévoile en der nier lieu l’intention du Christ interrogeant .

848. C’est la vision de la multitude venant au Christ qui suscita l’interrogation. Pour cette raison, l’Evangéliste dit : Jésus, étant dans la montagne avec ses disciples, c’est-à-dire avec les plus avancés, AYANT LEVE LES YEUX ET VU...

En cela, deux traits concernant le Seigneur sont à relever.

D’abord, la perfection pleine de gravité du Christ, qui ne promène pas ses regards de tous côtés, mais est assis en compagnie de ses disciples, avec réserve et attention; c’est le contraire de ce qui est dit dans les Proverbes : Génération dont les yeux sont altiers et les paupières hautaines et selon l’Ecclésiastique, à son regard, on connaît l’homme

Ensuite, pour que nous apprenions que le Christ n’était pas assis oisif avec ses disciples, mais qu’il était tout occupé à les enseigner et que, attirant leurs cœurs à lui, il regardait ceux qu’il enseignait — Et lui, levant les yeux sur ses disciples —, il est dit ici : AYANT LEVE LES YEUX, c’est-à-dire les détournant de ses disciples, il vit la multitude.

Au sens mystique, les yeux du Seigneur sont les dons spirituels que, dans sa miséricorde, il accorde à ses élus lors qu’il lève les yeux vers eux, c’est-à-dire lorsqu’il leur accorde un regard de bienveillance

849. L’interrogation porte sur la réfection de la multitude. Le Seigneur suppose un fait et cherche autre chose. Il suppose quelque indigence parce qu’il n’avait pas de quoi donner la nourriture à une telle multitude. Il cherche alors comment la trouver lorsqu’il dit : OUACHETERONS-NOUS DES PAINS POUR QUE CEUX-CI MANGENT?

Il faut remarquer ici que tout docteur a le devoir de faire paître spirituellement la foule qui vient à lui. Et puisqu’aucun homme ne possède de son propre fonds de quoi la faire paître, ainsi il doit acquérir auprès d’un autre par le labeur de l’étude et l’assiduité à la prière. Vous qui n’avez pas d’argent, dit le Seigneur en Isaïe, venez. Et il continue : Pourquoi dépensez-vous votre argent, c’est-à-dire votre éloquence, non pas pour des pains c’est-à-dire la Sagesse véritable qui restaure — Sagesse dont l’Ecclésiastique dit : Il l’a nourri du pain de la vie et de l’intelligence —, non pas pour des pains donc, et pourquoi dilapidez-vous votre travail pour ce qui ne rassasie pas en apprenant ce qui ne rassasie pas mais vide plutôt?

850. L'Evangéliste dévoile par là l’intention de celui qui interroge; et, supprimant une incertitude, il en fait apparaître une autre.

Il était en effet possible de penser que le Seigneur avait interrogé Philippe par ignorance; cependant l’Evangéliste exclut cela en disant CAR LUI SAVAIT CE QU’IL DEVAIT FAIRE. Mais puisque tenter semble être aussi le fait d’un ignorant — c’est en effet provoquer ce dont on tirera expérience — il apparaît que l’Evangéliste conduit à une autre incertitude lorsqu’il dit : POUR LE TENTER

Mais il faut préciser que c’est de diverses manières qu’une personne en tente une autre, au sens de la connaître par expérience. L’homme tente d’une certaine manière, pour apprendre; le diable d’une autre, pour tromper — Votre adversaire le diable, comme un lion rugissant, rôde, cher chant qui dévorer Mais Dieu — et le Christ — ne tente ni pour apprendre, parce qu’il est celui qui scrute les cœurs et les reins ni pour tromper — Dieu (...) ne tente personne ; s’il tente, c’est pour donner aux autres une connaissance d’expérience sur celui qui est tenté. C’est ainsi que Dieu a tenté Abraham : Dieu tenta Abraham ; et plus loin : Je sais maintenant que tu crains le Seigneur c’est-à-dire j’ai fait connaître que tu crains le Seigneur. C’est ainsi qu’à cet endroit il a tenté Philippe afin de dévoiler sa réponse aux autres, les conduisant par là à une connaissance plus certaine de l’événement à venir.

851. L’Évangéliste poursuit avec la réponse des disciples, d’abord celle de Philippe, puis celle d’André .

852. A propos de la réponse de Philippe, il faut savoir que Philippe était, par rapport aux autres, plus lent et moins subtil, et que de ce fait il interrogeait le Seigneur plus souvent que les autres — Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit Mais dans l’interrogation de ces deux disciples prise au sens littéral, André était mieux disposé que Philippe, qui semble n’avoir aucune ouverture ou disposition à l’accomplissement du miracle. C’est pour cela qu’il envisage cette manière dont tous les hommes auraient pu en nourrir d’autres, c’est-à-dire par l’argent, lorsqu’il dit : DEUX CENTS DENIERS DE PAIN NE LEUR SUFFIRAIENT PAS; or nous ne les possédons pas, et à cause de cela nous ne pourrons pas leur donner à manger. Cela nous dévoile la pauvreté du Christ : il n’avait même pas deux cents deniers.

853. André, par contre, semble envisager la réalisation du miracle. Peut-être en effet avait-il en mémoire le signe qu’Elisée avait accompli avec des pains d’orge, lorsqu’avec vingt pains il nourrit cent hommes, comme on le lit au livre des Rois Et c’est pour cela qu’il dit : IL YA ICI UNFETIT GARÇON QUI A CINQ PAINS D’ORGE ET DEUX POIS SONS. Cependant, il présumait que le Christ n’allait pas accomplir un plus grand miracle qu’Elisée. Il estimait en effet qu’à partir d’un nombre moindre sortirait miraculeusement un nombre moindre, et à partir d’un plus grand nombre, un nombre plus grand (bien qu’à celui qui n’a pas besoin de la matière, celle-ci lui étant soumise, il soit aussi facile de nourrir les foules à partir d’un nombre plus grand ou plus petit; et c’est pour cela qu’André ajoute : MAIS QU’EST-CE QUE CELA POURTANT DE MONDE? comme s’il disait : même s’ils sont multipliés comme Elisée les multiplia, ce n’est pas suffisant

854. Au sens mystique, refaire les forces spirituelles renvoie à la sagesse. Et la vraie sagesse est celle qu’a enseignée le Christ, qui est lui-même la vraie Sagesse — Le Christ est Puissance de Dieu et Sagesse de Dieu Mais, avant celui du Christ, deux enseignements avaient cours : l’un humain, celui des philosophes; et l’autre, celui de la Loi écrite.

C’est du premier que Philippe fait mention et c’est pourquoi il parle d’acheter du pain : DEUX CENTS DENIERS DE PAIN NE LEUR SUFFIRAIENT PAS. Effectivement, la sagesse humaine s’obtient par acquisition. Le nombre cent dénote la perfection. Pour cette raison, les DEUX CENTS dévoilent la double perfection nécessaire à cette sagesse; en effet, on en atteint la perfection d’une double manière : par l’expérience et parla contemplation. Il dit donc : DEUX CENTS DENIERS DE PAIN NE LEUR SUFFIRAIENT PAS, parce que rien de ce que l’intelligence humaine peut atteindre de la vérité par expérience ou raisonnement ne suffit à épuiser sa faim de sagesse — Que le sage ne tire pas gloire de sa sagesse, que le fort ne se glorifie pas dans sa force, que le riche ne se glorifie pas dans ses richesses; mais que celui qui se glorifie se glorifie en ceci, de connaître et de savoir que c’est moi qui suis le Seigneur En effet, il n’est aucun philosophe dont la sagesse fut telle que par elle les hommes aient pu être tirés de l’erreur; au contraire, nombreux sont ceux que les philosophes entraînent à errer.

André, lui, fait mention du second enseignement, et pour cette raison, il ne voulait pas que l’on achetât d’autres pains, mais que la foule fût restaurée avec ceux que l’on possédait, c’est-à-dire avec ceux que contenait la Loi : par là, il était mieux disposé que Philippe et c’est pourquoi il dit : IL Y A ICI UN PETIT GARÇON QUI A CINQ PAINS D'ORGE. Cet enfant peut désigner Moïse à cause de l’imperfection du statut de la Loi — La Loi n’a conduit personne à la perfection ou le peuple des Juifs qui était asservi aux éléments du monde Cet enfant possède donc CINQ pains, c’est-à-dire l’enseignement de la Loi : soit parce qu’elle a été renfermée dans les cinq livres de Moïse — La Loi a été donnée par Moïse soit parce qu’elle a été donnée à des hommes tout entiers pris par les réalités sensibles, dont on fait l’expérience au moyen des cinq sens Ce sont des pains D’ORGE, parce que la Loi avait été donnée de telle sorte qu’en elle l’aliment vital était caché dans les réalités sensibles des sacrements de l’Ancienne Alliance le grain d’orge est en effet caché par une balle extrêmement dure; ou encore parce que le peuple des Juifs n’avait pas encore été détaché du désir charnel, mais que celui-ci, comme une balle, lui col lait au cœur. En effet, dans l’Ancien Testament, les Juifs avaient fait l’expérience de la dureté de la Loi à cause des observances liturgiques — joug (...) que ni nos pères ni nous n’avons pu porter — ; et les Juifs, étant eux-mêmes livrés aux choses corporelles, ne saisissaient pas le sens spirituel de la Loi — Jusqu'à ce jour, lorsqu'ils lisent Moïse, un voile est posé sur leur cœur

Par les DEUX POISSONS qui donnaient bon goût au pain, on entend l’enseignement des Psaumes et des Prophètes, pour dire ainsi que l’ancienne Loi ne comportait pas seulement cinq pains, c’est-à-dire les livres de Moïse, mais aussi deux poissons, c’est-à-dire les Prophètes et les Psaumes d’où la division tripartite des écrits de l’Ancien Testament — Ce qui est écrit de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes . Ou bien les DEUX POISSONS, selon Augustin signifient deux autorités, celle du roi et celle du prêtre, par les quels ce peuple était gouverné; ils préfiguraient le Christ qui fut le roi et le prêtre véritable. MAIS QU’EST-CE QUE CELA POUR TANT DE MONDE? Ce triple enseignement (celui des Psaumes, des Prophètes et de la Loi), en effet, n’a pas pu conduire le genre humain à la connaissance parfaite de la vérité : même si, de fait, Dieu fut connu en Judée les nations cependant le méconnaissaient.

855. A partir du verset , l’Évangéliste traite de l’accomplissement du miracle : la disposition des hommes , la réfection de leurs forces , puis le recueil des fragments .

L’Évangéliste nous rapporte l’ordre donné pour que les foules s’installent , l’opportunité de cette disposition et le nombre de ceux qui étaient concernés .

856. L’ordre donné par le Seigneur aux disciples était que la foule se dispose à manger. C’est pourquoi Jésus dit : FAITES S’ALLONGER CES HOMMES, c’est-à-dire s’asseoir pour manger. Car, comme nous l’avons dit plus haut , les gens, dans l’Antiquité, prenaient leurs repas allongés sur des lits. Aussi l’habitude se répandit de dire que s’allongent ceux qui s’asseyent pour manger. Ce terme, au sens mystique, exprime le repos nécessaire à la perfection de la sagesse — Celui qui donne peu à l’action acquerra la sagesse Cette disposition se fait par l’intermédiaire des disciples, car c’est par eux qu’il nous a été fait part de la connaissance de la vérité — Que les montagnes reçoivent la paix pour le peuple .

857. La convenance de la disposition est fondée sur le lieu. OR IL Y AVAIT BEAUCOUP D‘HERBE EN CE LIEU, ce qui, au sens littéral, est agréable pour les convives allongés sur le sol.

Au sens mystique, l’herbe signifie la chair — toute chair est comme l’herbe elle peut en ce sens se rapporter à deux choses. Elle s’applique en effet à l’enseignement de l’Ancien Testament qui était donné à l’homme cherchant son repos dans la chair et à un peuple sage selon la chair — Si vous le voulez et si vous m’écoutez, vous mangerez les biens de la terre Elle s’applique aussi à celui qui embrasse la vraie sagesse à laquelle on ne peut parvenir à moins d’avoir foulé aux pieds les choses de la chair — Ne vous conformez pas à ce siècle

858. Le nombre de ceux qui étaient là était considérable : LES HOMMES S’ALLONGERENT DONC AU NOMBRE D’ENVIRON CINQ MILLE. L’Évangéliste prend uniquement les hommes en compte, conformément à la coutume légale, selon laquelle Moïse fit recenser le peuple en comptant tous les enfants d’Israël qui avaient vingt ans et au-dessus à l’exclusion des femmes. L’Evangéliste ne compte que les hommes parce qu’ils sont seuls capables d’être enseignés parfaitement — C'est une sagesse que nous prêchons parmi les parfaits — C'est pour les parfaits qu’est la nourriture solide .

859. Il traite maintenant du repas qui refait les forces, en commençant par dévoiler ce qui anime Jésus lorsqu’il donne le repas , puis en disant quelle est la matière du repas et en montrant qu’il rassasie parfaitement ibid..

Ce qui anime jésus lorsqu’il donne ce repas, c’est d’une part l’humilité , d’autre part l’action de grâces .

860. L’humilité parce que ce sont des pains reçus qu’il distribua. Certes le Christ, au moment de faire le miracle, pouvait nourrir les foules avec des pains créés à partir de rien. Mais c’est à dessein que, pour refaire les forces des fou les, il multiplia des pains déjà existants. D’abord pour mettre en évidence que les réalités sensibles ne doivent pas leur existence au diable comme le disent les Manichéens dans leur égarement; car si c’était vrai, le Seigneur n’aurait pas fait servir les réalités sensibles à l’œuvre de la louange divine, d’autant que le Fils de Dieu est venu dans ce monde pour détruire les œuvres du diable Ensuite, il agit ainsi pour mon trer qu’il est faux de dire, comme ils le font, que l’enseignement, de l’Ancien Testament n’est pas de Dieu mais du diable . C’est donc pour montrer que l’enseignement du Nouveau Testament n’est pas autre que celui qui était préfiguré et contenu dans l’enseignement de l’Ancien Testament, qu’il a multiplié des pains déjà existants, indiquant par là qu’il est lui-même celui qui a mené la Loi à sa perfection et l’a accomplie — Je ne suis pas venu abolir mais accomplir

861. L’âme du Christ est aussi dans l’action de grâces : il rendit GRACES pour montrer qu’il tient d’un autre, c’est-à-dire du Père, tout ce qu’il a; en cela il nous donne l’exemple, pour que nous fassions de même. Son action de grâces a cependant ici un caractère particulier : il nous montre que nous devons, en commençant un repas, rendre grâces à Dieu : Rien n’est à proscrire de ce qu’on prend avec action de grâces — Les pauvres mangeront et seront rassasiés, et ils loueront le Seigneur Il nous montre également que sa prière d’action de grâces ne le concernait pas : elle était pour la foule, et il devait la persuader qu’il était venu de Dieu. Et si, au moment où il accomplit un miracle devant la multitude, il prie, c’est pour montrer que, loin de s’opposer à Dieu, il agit selon sa volonté . Il est dit en Marc que le Christ fit distribuer le pain aux foules par les Apôtres Mais ici on dit qu’il les a distribués lui-même parce qu’il est évident qu’il faisait lui-même ce qu’il faisait faire par d’autres. A la lumière du mystère, l’un et l’autre sont vrais, parce que si lui seul refait les forces intérieurement, les autres les refont extérieurement et comme des serviteurs.

862. La matière du repas fut les pains et les poissons, dont on a suffisamment parlé plus haut .

Quant au rassasiement procuré par le repas, il fut par fait : AUTANT QU’ILS EN VOULAIENT En effet, seul le Christ rassasie l’âme indigente et comble de biens l’âme affamée Les autres, selon la mesure de la grâce qu’ils possèdent, font des miracles. Mais le Christ, agissant selon sa puissance absolue, faisait toutes choses avec une extrême surabondance; c’est pourquoi il est dit qu’ILS FURENT RASSASIES .

863. Les disciples recueillent les morceaux : l’Évangéliste rapporte d’abord l’ordre du Seigneur , puis son exécution par les disciples .

864. Si le Seigneur demande que l’on recueille les morceaux, ce n’est pas par ostentation, mais pour montrer que l’événement n’était pas irréel, puisque les restes recueillis ont été conservés un certain temps et ont profité à d’autres.

Il voulut aussi par là graver plus profondément l’événement miraculeux dans le cœur des disciples à qui il donna l’ordre d’emporter les morceaux, parce qu’il ne voulait rien négliger pour former ceux qui devaient enseigner le monde

865. Et les disciples se sont exécutés fidèlement. En effet, ILS LES RECUEILLIRENT DONC, ET REMPLIRENT DOUZE COUFFINS DE MORCEAUX DES CINQ PAINS D’ORGE ET DES DEUX POISSONS QUI RESTÈRENT EN SURPL US À CEUX QUI AVAlENT MANGÉ.

Notons que le nombre des morceaux restés en surabondance n’était ni indéterminé ni laissé au hasard; mais il relevait d’une détermination, parce que ce n’est pas plus ou moins mais exactement comme il le voulait, que le Seigneur a produit cette surabondance. En voici le signe : le couffin de chaque Apôtre était plein (un couffin est un récipient utilisé pour les travaux de la campagne Les douze couffins signifient donc les douze Apôtres et leurs imitateurs qui, même s’ils sont comptés pour rien dans l’immédiat, n’en sont pas moins intimement comblés par les richesses des sacrements spirituels . On dit qu’ils sont douze parce qu’ils devaient proclamer la foi en la Sainte Trinité aux quatre parties du monde.
Louis-Claude Fillion
Dociles à l’ordre du Maître, les apôtres se mirent à l’œuvre, et ils remplirent (expression propre à S. Jean dans ce passage) douze corbeilles ; c’est-à-dire que chacun remplit sa corbeille de voyage. A propos de la corbeille (cophinus), voyez l’Evang. selon S. Matthieu, et notre Atlas archéologique de la Bible, Lyon 1883, planche 13, fig. 2. - Avec les morceaux qui étaient restés des cinq pains d’orge « Et aussi des poissons », comme ajoute S. Marc.