Jean 6, 25
L’ayant trouvé sur l’autre rive, ils lui dirent : « Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? »
L’ayant trouvé sur l’autre rive, ils lui dirent : « Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? »
866. Après le signe visible — le don d’une nourriture corporelle —, l’Evangéliste rapporte les trois effets que ce signe a opérés sur les foules. Celles-ci confessent leur foi et tentent ensuite de manifester au Christ l’admiration qu’il a suscitée en elles ; après qu’il a fui, elles se mettent avec empressement à sa recherche .
867. A propos de la confession de foi, il faut savoir que c’est comme de la bouche même des Juifs qu’il est dit dans le psaume : Nous n’avons plus vu de signes : il n'a plus de prophètes Il était habituel, autrefois, que les prophètes fassent de nombreux signes; pour cette raison, les signes venant à manquer, il semblait que la prophétie devînt lettre morte; mais lorsqu’ils voient les signes, ils confessent que la prophétie leur est rendue. Voilà pourquoi déjà, à la seule vue du miracle, ils en étaient venus à tenir le Seigneur pour un prophète. Donc, il est dit : CES HOMMES qui avaient été rassasiés avec cinq pains, A YANT VU LE MIRACLE QUE JESUS AVAIT FAIT, DISAIENT : "CELUI-CI EST VRAIMENT LE PROPHETE."
Cependant ils n’étaient pas encore parvenus à une foi parfaite, parce qu’ils tenaient pour un simple prophète celui qui, bien plus, est Seigneur des prophètes. Ils ne sont cependant pas complètement dans l’erreur, puisque le Seigneur lui-même se donne aussi le titre de prophète
868. Sachons que le prophète est appelé voyant Celui qu’on appelle aujourd’hui prophète s'appelait autrefois voyant . Or la vision se rapporte à la capacité de connaître; et le Christ possédait trois degrés de connaissance. Il possédait une connaissance sensible, et avait par là une certaine ressemblance avec les prophètes en ce sens que, dans l’imagination du Christ, pouvaient naître certaines formes sensibles qui représentaient des événements futurs ou cachés, ceci principalement à cause de la capacité de pâtir qui lui convenait selon son statut de pèlerin Il possédait en outre la connaissance intellectuelle et, en celle-ci, il ne ressemblait pas aux prophètes, mais il est même au-dessus des anges parce qu’il avait une connaissance plus pénétrante que toute créature Enfin, il possédait la connaissance divine : par celle-ci il a été source de l’inspiration des prophètes et des anges, puisque toute connaissance a pour cause une participation au Verbe divin.
Nous voyons cependant les Juifs reconnaître dans le Christ l’excellence du prophète CELUI-CI EST VRAIMENT LE PROPHETE. Même si, en effet, il y a eu de nombreux prophètes chez les Juifs, un cependant était attendu, supérieur à tous les autres, d’après cette parole : Le Seigneur ton Dieu te suscitera du milieu d’entre tes frères un prophète et c’est bien de lui qu’ils parlaient; c’est pour cette raison qu’ils disent explicitement : QUI DOIT VENIR DANS LE MONDE.
869. On rapporte ici le deuxième effet du signe sur les foules, lorsqu’elles entreprennent de manifester au Christ leur admiration et que cependant le Christ s’y soustrait. Ainsi, après la tentative de la foule, est rapportée la fuite du Christ .
870. L’Évangéliste mentionne la tentative des foules par ces mots : POUR L’ENLEVER ET LE FAIRE ROI – En effet, est enlevé celui qui est pris contre sa volonté et sans motifs véritables. Il était vrai que Dieu le Père, de toute éternité, avait tout disposé en vue de la manifestation du règne du Christ, mais cette manifestation n’était pas encore opportune. Le Christ était venu, certes, mais pas pour régner comme il le fera lorsque s’accomplira notre demande : que ton règne vienne ; alors le Christ régnera aussi selon qu’il a été fait homme. Et à cause de cela, un autre moment a été disposé pour cette manifestation, c’est-à-dire lorsque la gloire de ses saints aura été dévoilée après le jugement qu’il aura lui-même rendu. Au sujet de cette manifestation, les disciples demandaient : Seigneur, est-ce le temps où tu vas rétablir la royauté en Israël .
Les foules donc, croyant qu’il était venu pour régner, voulaient le faire roi. La raison en est que, la plupart du temps, les hommes veulent pour maître quelqu’un qui soit capable de leur assurer les biens temporels. C’est pourquoi, le Christ les ayant nourris, ils voulaient le faire roi — Tu as un manteau : sois notre roi Ainsi s’éclaire ce que dit Chrysostome : "Vois la force de la gourmandise. Il n’est plus pour eux aucun souci de la transgression du sabbat, ils ne font plus preuve de zèle pour Dieu, mais toutes ces choses se sont évanouies, parce qu’ils se sont rempli le ventre. Mais aussi, le Prophète était enfin parmi eux et ils voulaient le faire roi"
871. L’Évangéliste en vient à la fuite du Christ. En disant DE NOUVEAU, il laisse entendre que le Seigneur, voyant les foules, était descendu de la montagne et qu’il les avait nourries en un lieu moins élevé : sien effet il n’était pas descendu de la montagne, on ne dirait pas qu’il y fuit de nouveau
Mais puisqu’il est vraiment roi, pourquoi fuit-il? Il y a à cela trois raisons. L’une parce qu’il aurait dérogé à son rang s’il avait reçu sa royauté de l’homme, lui qui était roi de telle sorte que tous les rois le sont par participation à sa royauté — par moi règnent les rois La seconde raison est qu’il aurait porté préjudice à son enseignement s’il avait reçu gloire et soutien des hommes. Par ses actes et son enseignement, il était tout relatif à la puissance divine et non à la faveur humaine — Je ne reçois pas de gloire venant des hommes Il y a une troisième raison, et puisse-t-elle nous apprendre à mépriser l’estime du monde — Car je vous ai donné l’exemple, afin que, comme je vous ai fait, vous fassiez aussi vous-mêmes — Ne recherche pas le pouvoir auprès des hommes Ainsi donc, il a rejeté la gloire du monde pour se soumettre de lui-même au châtiment, d’après ce passage de l’épître aux Hébreux : Au lieu de la joie qui lui était proposée, il endura la croix, ayant méprisé son infamie
872. Nous voyons cependant en Matthieu un récit con traire : Il monta sur la montagne prier seul Mais d’après Augustin les deux passages ne sont pas contraires, parce que s’il y a cause de fuite, alors il y a nécessairement motif de prière. Le Seigneur nous enseigne ainsi que l’imminence de ce qui cause la fuite est un puissant appel à prier.
Au sens mystique, il gravit la montagne lorsque les foules, restaurées, eurent été préparées à s’attacher à lui, parce qu’il monta au ciel une fois que les peuples eurent été pré parés à se soumettre à la vérité de la foi : L'assemblée des peuples t’environnera; au-dessus d’elle, regagne la hauteur , c’est-à-dire lorsqu’elle t’environnera, regagne la hauteur.
Mais l’Evangéliste a dit S’ENFUIT, autrement dit, s’échappa, pour souligner que son élévation ne nous est pas compréhensible : en effet, ce que nous ne comprenons pas, nous disons que cela nous échappe.
873. Il s’agit ici du troisième effet du signe : la recherche empressée du Seigneur, de la part des disciples, mais aussi des foules .
Au sujet des disciples, l’Évangéliste souligne avec quelle insistance ils cherchent le Christ ; ensuite il y revient plus longuement , après avoir seulement mentionné la descente des disciples vers la mer et la traversée .
874. A propos de la recherche des disciples, il faut savoir que le Christ gravit la montagne à l’insu de ses disciples. Ils attendirent pour cette raison jusqu’au soir, pensant qu’il allait les rejoindre. Le soir tombé, ils n’y tiennent plus et se mettent à sa recherche, tant l’amour les possédait. Et c’est pourquoi l’Evangéliste dit : DES QUE LE SOIR FUT VENU, SES DISCIPLES DESCENDIRENT A LA MER en le cherchant.
Au sens mystique, le SOIR désigne la Passion du Seigneur ou son Ascension : aussi longtemps que Jésus fut pré sent à ses disciples avec son corps, aucun trouble ne les arrêtait, aucune amertume ne les tourmentait : Les fils de l’époux peuvent-ils s’attrister tant que l’époux est avec eux? Mais le Christ s’étant séparé d’eux, ils descendent vers la mer, c’est-à-dire vers les troubles du siècles : Voici la grande mer...
875. Mais, à cause de l’amour dont ils étaient enflammés, ils ne pouvaient supporter plus longtemps que man que la présence du Seigneur; c’est pourquoi ils en viennent à traverser la mer : ET QUAND ILS FURENT MONTES DANS LA BARQUE, ILS VINRENT DE L’AUTRE COTE DE LA MER . OR LES TÉNÈBRES S’ÉTAIENT DÉJÀ FAITES ET JÉSUS N’ÉTAIT PAS VENU À EUX. CEPENDANT, AU SOUFFLE D’UN GRAND VENT, LA MER S’ENFLAIT.
876. L’Évangéliste explicite ici ce qu’il avait sommairement noté : le trajet jusqu’à lamer, puis la traversée .
877. Ce n’est pas sans raison que les ténèbres sont mentionnées, mais pour manifester par là la ferveur de leur amour. En effet, ni le soir ni la nuit n’ont arrêté les disciples .
Au sens mystique, les ténèbres désignent le manque de charité. La charité est en effet la lumière, d’après ce passage : Celui qui aime son frère demeure dans la lumière Les ténèbres sont donc en nous tant que Jésus, la lumière véritable, n’est pas parvenu jusqu’à nous, comme il est dit plus haut lui dont la présence chasse toutes les ténèbres .
Si le Christ s’est soustrait aussi longtemps à ses Apôtres, c’est d’abord pour qu’ils éprouvent ce qu’était son absence, ce dont ils ont fait l’expérience en mer, lors de la tempête — Pour en avoir fait l’expérience, vois combien il est mauvais et amer d’abandonner le Seigneur —, mais aussi pour qu’ils le recherchent avec encore plus de diligence — Où est parti ton bien-aimé, ô la plus belle des femmes, (...) et nous le chercherons avec toi
878. De la traversée, l’Évangéliste dit : CEPENDANT, AU SOUFFLE D'UN GRAND VENT, LA MER S'ENFLAIT. Il note d’abord la tempête de mer , puis l’apparition du Christ et le moment de son apparition , et enfin l’effet de l’apparition .
879. Sur la mer, la tempête était provoquée par le souffle du vent qui s’était levé, et c’est pourquoi il dit :
CEPENDANT, AU SOUFFLE D'UN GRAND VENT, LA MER S'ENFLAIT, au large. Parce vent on désigne la tentation et la persécution par lesquelles passera l’Eglise à cause du man que de charité. En effet, comme le dit Augustin, là où la charité se refroidit, les vagues grandissent et la barque est secouée. Et cependant, ni ces vents, ni la tempête, ni les vagues, ni les ténèbres, ne réussissent à l’empêcher d’avancer ni à la disloquer et finalement à la submerger : Celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé. — Les vents ont soufflé et se sont déchaînés contre cette maison et elle n’a pas été renversée
880. L’apparition du Christ n’eut pas lieu dès le début de la tempête, mais après un certain temps; c’est pour cela que l'Evangéliste dit : APRES DONC QU’ILS EURENT RAME VINGT-CINQ OU TRENTE STADES, ILS VOIENT JESUS. Et cela pour nous faire comprendre que le Seigneur permet que nous soyons tourmentés pour un temps afin d’éprouver notre force. Au terme cependant, lorsque l’épreuve est sur le point de nous écraser, il ne nous abandonne pas, il se fait proche de nous : Dieu est fidèle, qui ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces, mais qui ménagera, avec la tentation, la voie par laquelle vous pourrez la supporter .
D’après Augustin, les vingt-cinq stades qu’ils franchissent en ramant sont les cinq livres de Moïse. En effet, un tel nombre est un carré, obtenu par la multiplication du nombre cinq par lui-même : cinq fois cinq en effet font vingt-cinq. Or le nombre multiplié conserve la signification de sa racine : pour cette raison, de même que l’on désigne par cinq l’ancienne Loi, de même aussi par vingt-cinq. Par trente, on désigne la perfection du Nouveau Testament qui manquait à la Loi. En effet, si ces mêmes cinq sont multipliés par six, qui est un nombre parfait, apparaît le nombre trente
A ceux qui parcourent en ramant les vingt-cinq ou trente stades, c’est-à-dire qui accomplissent la Loi ou la perfection évangélique, à ceux-là Jésus vient, foulant aux pieds toutes les agitations du monde et toutes les prétentions du siècle — C’est toi qui domines la puissance de la mer, et le mouvement de ses flots, c’est toi qui l’apaises Ils voient alors le Christ approcher de la barque, c’est-à-dire qu’ils voient approcher le secours divin — Le Seigneur est proche de tous ceux qui l’invoquent
Il apparaît donc que, à ceux qui le recherchent avec droiture, le Christ accorde sa présence. Or les Apôtres le désiraient avec une extrême ferveur; ce que prouvent l’obscurité du moment, la tempête de la mer et l’éloignement du port, obstacles malgré lesquels ils s’efforçaient de le rejoindre. Et c’est pourquoi le Christ se rendit présent à eux.
881. L’Évangéliste expose ici l’effet de l’apparition; d’abord l’effet intérieur , puis l’effet extérieur.
882. L’effet intérieur fut la crainte. Et c’est pourquoi on rapporte en premier lieu la crainte des disciples conçue à l’apparition soudaine du Christ : ET ILS CRAIGNIRENT, d’une crainte bonne qui est causée par l’humilité — Ne conçois pas d’orgueilleux desseins, mais crains ou d’une crainte mauvaise parce que, selon le récit de Matthieu, les disciples, le voyant marcher sur la mer, furent troublés et se disaient : "c’est un fantôme" et sous l’effet de la crainte, ils poussaient des cris — Ils ont tremblé de crainte là où il n'y avait pas à craindre Cette crainte se rencontre principalement chez les gens soumis à la chair, parce qu’ils redoutent les réalités spirituelles.
En second lieu, l’Evangéliste nous dit l’aide apportée par le Christ face à un double péril : le péril de la foi dans l’intelligence, et quant à cela il dit : C'EST MOI, comme chassant toute incertitude — Voyez mes mains et mes pieds, c’est bien moi" et le péril de la crainte dans la volonté; quant à celui-ci, il dit : NE CRAIGNEZ PAS — A la face des peuples, sois sans crainte — Le Seigneur est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je crainte?
En troisième lieu est rapportée l’arrivée des disciples à hauteur du Christ : ILS VOULURENT LE PRENDRE DANS LA BARQUE, ce qui signifie que lorsque la crainte servile est chassée de nos cœurs, alors nous recevons le Christ en l’aimant et en le contemplant : Voici que je me tiens à la porte et je frappe; si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui
883. L’effet extérieur concerna la barque qui, une fois la tempête apaisée, toucha aussitôt terre, alors que, d’après la distance parcourue, elle en était encore très éloignée. Le Christ ne leur a pas assuré une navigation fictive, mais tranquille. Et voulant accomplir un plus grand miracle, il ne monta pas dans la barque.
Ainsi donc, trois miracles se rejoignent ici : la marche sur la mer, l’arrêt soudain de la tempête, l’acheminement de la barque au port encore éloigné. Pour que nous apprenions que les croyants en qui le Christ demeure répriment l’agitation du monde, foulent aux pieds le flot des tribulations et accomplissent rapidement leur traversée vers la terre des vivants d’après le psaume : Ton esprit de bonté me conduira dans une terre sans embûches
884. Mais ici, trois questions se posent. L’une concerne la lettre, à propos de laquelle jean affirme manifestement le contraire de Matthieu : en effet, Matthieu dit que les disciples gagnèrent la mer sur l’ordre du Seigneur or ici, ils y descendent en le cherchant. Une autre question se pose : Matthieu dit au même endroit que c’est en passant par la mer que les disciples parviennent en terre de Génésareth . Or ici, il est dit qu’ils arrivèrent à Capharnaüm. Troisième question : Matthieu dit que le Christ monta dans la barque, et jean qu’il n’y monta pas.
Chrysostome affirme, se débarrassant du même coup des trois questions, que ce miracle ne fut pas le même que celui rapporté par Matthieu. En effet, comme il le dit lui-même, le Christ accomplit fréquemment des miracles tels que marcher sur les eaux, non pas devant les foules, mais devant ses seuls disciples pour éviter que les foules croient qu’il n’avait pas un vrai corps.
Mais d’après Augustin il est dit, et c’est plus juste, que ce fut le même miracle, rapporté ici par Jean, là par Matthieu. Et c’est pourquoi, répondant à la première question, il dit qu’il importe peu que Matthieu dise que ceux-ci étaient descendus à la mer sur l’ordre du Christ. Il a pu se faire en effet que le Seigneur le leur ait ordonné et qu’eux soient descendus, croyant que le Christ allait naviguer avec eux. Voilà pourquoi ils l’attendirent jusqu’à la nuit; et parce que le Christ ne venait pas, alors ils franchirent la mer.
A la seconde question, il y a deux réponses. La première tient au fait que Capharnaüm et Génésareth sont sur la même rive et voisines. Et les disciples, peut-être, parvinrent par la mer aux confins des deux; C’est pour cela que Matthieu nomme l’une, Jean l’autre. On peut aussi dire que Matthieu ne précise pas qu’ils vinrent tout de suite à Génésareth; c’est pourquoi, peut-être, ils vinrent d’abord à Capharnaüm, puis de là à Génésareth .
LA RECHERCHE DES FOULES
885. Après avoir rapporté la manière dont les disciples cherchèrent le Christ, l’Evangéliste considère maintenant les foules qui le cherchaient.
Il expose d’abord ce qui les a poussées à le chercher et l’occasion qu’elles ont saisie pour mettre ce dessein à exécution . Vient enfin le récit de la recherche elle-même .
886. Ce qui a poussé les foules à chercher le Christ, c’est le miracle qu’il vient d’accomplir : franchir la mer sans embarcation. Le miracle leur apparaît du fait que depuis le crépuscule il n’était pas sur le rivage, proche du lieu où il avait accompli le miracle des pains; la seule barque qui avait été sur ce rivage était passée avec les disciples sur l’autre bord, sans le Christ. C’est pourquoi, lorsqu’au matin ils ne trouvèrent pas le Christ sur le bord où ils étaient la veille, mais constatèrent qu’il était déjà de l’autre côté sans avoir eu aucune embarcation pour traverser, ils se doutèrent qu’il avait accompli la traversée en marchant sur la mer. C’est ce qu’exprime l’Evangéliste en disant : LE JOUR SUIVANT celui du miracle des pains, LA FOULE QUI SE TENAIT DE L’AUTRE CÔTE DE LA MER où il avait accompli le miracle OBSERVA QU’IL N’Y AVAIT EU LA QU’UNE SEULE BARQUE, parce que la veille il n’y en avait pas eu d’autres que celle-là, et vit QUE JESUS N’ETAIT PAS MONTE AVEC SES DISCIPLES DANS CETTE BARQUE .
Cette unique barque signifie l’Eglise qui est une par l’unité de la foi et des sacrements : Une seule foi, un seul baptême Quant au fait que Jésus n’est pas avec ses disciples, il signifie la séparation physique que l’Ascension réalise entre le Christ et ses disciples : Le Seigneur, après leur avoir parlé, fut emporté au ciel .
887. L’occasion de la recherche est donnée par l’arrivée d’autres barques, d’un autre endroit de la mer, avec lesquelles ils pouvaient la traverser pour chercher le Christ; et c’est pourquoi l’Evangéliste dit : D’AUTRES BARQUES SURVINRENT, d’un autre endroit, c’est-à-dire DE TIBERIADE, PRES DU LIEU OÙ ILS AVAIENT MANGÉ LE PAIN.
Ces autres barques qui surviennent signifient les groupes d’hérétiques et ceux qui cherchent leurs intérêts et non pas ceux du Christ : Vous me cherchez (...) parce que vous avez mangé des pains S’il y a d’autres barques, c’est qu’elles sont séparées de l’Eglise, du point de vue soit de la foi pour les hérétiques, soit de la charité pour les hommes charnels; de l’extérieur cependant, ils semblent en être proches dans la mesure où ils font état d’une foi simulée et ont une apparence de sainteté : Ceux qui ont l’apparence de la piété, mais qui en rejettent la source... — Il n'est pas étonnant que les serviteurs de Satan prennent l’apparence de serviteurs de justice
888. La recherche fut empressée. L’Évangéliste rap porte d’abord comment la foule se met à la recherche du Christ , puis comment, l’ayant trouvé, elle l’interroge .
889. Il dit donc d’abord que QUAND LA FOULE EUT VU QUE JESUS N’ETAIT PAS LA, NI SES DISCIPLES NON PLUS, ILS MONTERENT DANS LES BARQUES qui étaient arrivées de Tibériade, le CHERCHANT, ce qui est louable : Cherchez le Seigneur tant qu’il se laisse trouver Cherchez le Seigneur et votre âme vivra .
890. Mais l’ayant trouvé, ils l’interrogent : les Juifs, AYANT TROUVE le Christ DE L’AUTRE COTE DE LA MER, LUI DIRENT : "RABBI, QUAND ES-TU VENU ICI?"
On peut comprendre cette question de deux manières : ou bien ils cherchent seulement à savoir quand il est arrivé, et alors, selon Chrysostome il faut blâmer les rustres qui, après un si grand miracle, ne cherchent pas à savoir comment s’est accomplie la traversée — c’est-à-dire de quelle manière il l’a accomplie sans embarcation —, mais seulement à quel moment elle s’est accomplie.
Ou bien on peut dire que leur interrogation ne porte pas seulement sur le temps, mais aussi sur les autres circonstances de la traversée miraculeuse.
891. Mais remarquons que, plus haut, après qu’il eut refait leurs forces, ils voulaient le faire roi, alors que maintenant qu’il est présent et qu’ils le tiennent, ils ne veulent plus le faire roi. En voici la raison : ils voulaient le faire roi sous l’effet de la joie causée par le repas. Or les passions de cette sorte sont fugitives, et c’est pour cela que tout ce qui est fondé sur elles est passager; ce qui, au contraire, est fondé sur l’intelligence, est plus stable : L'homme de Dieu, semblable au soleil, demeure dans sa sagesse, mais l’insensé est changeant comme la lune — L’impie fait une œuvre instable .
LA REVELATION DE LA NOURRITURE SPIRITUELLE
892. Après cela, on voit le Seigneur traiter de la nourriture spirituelle, dont il met la vérité en lumière, pour écarter ensuite les opinions qui viennent la contredire.
867. A propos de la confession de foi, il faut savoir que c’est comme de la bouche même des Juifs qu’il est dit dans le psaume : Nous n’avons plus vu de signes : il n'a plus de prophètes Il était habituel, autrefois, que les prophètes fassent de nombreux signes; pour cette raison, les signes venant à manquer, il semblait que la prophétie devînt lettre morte; mais lorsqu’ils voient les signes, ils confessent que la prophétie leur est rendue. Voilà pourquoi déjà, à la seule vue du miracle, ils en étaient venus à tenir le Seigneur pour un prophète. Donc, il est dit : CES HOMMES qui avaient été rassasiés avec cinq pains, A YANT VU LE MIRACLE QUE JESUS AVAIT FAIT, DISAIENT : "CELUI-CI EST VRAIMENT LE PROPHETE."
Cependant ils n’étaient pas encore parvenus à une foi parfaite, parce qu’ils tenaient pour un simple prophète celui qui, bien plus, est Seigneur des prophètes. Ils ne sont cependant pas complètement dans l’erreur, puisque le Seigneur lui-même se donne aussi le titre de prophète
868. Sachons que le prophète est appelé voyant Celui qu’on appelle aujourd’hui prophète s'appelait autrefois voyant . Or la vision se rapporte à la capacité de connaître; et le Christ possédait trois degrés de connaissance. Il possédait une connaissance sensible, et avait par là une certaine ressemblance avec les prophètes en ce sens que, dans l’imagination du Christ, pouvaient naître certaines formes sensibles qui représentaient des événements futurs ou cachés, ceci principalement à cause de la capacité de pâtir qui lui convenait selon son statut de pèlerin Il possédait en outre la connaissance intellectuelle et, en celle-ci, il ne ressemblait pas aux prophètes, mais il est même au-dessus des anges parce qu’il avait une connaissance plus pénétrante que toute créature Enfin, il possédait la connaissance divine : par celle-ci il a été source de l’inspiration des prophètes et des anges, puisque toute connaissance a pour cause une participation au Verbe divin.
Nous voyons cependant les Juifs reconnaître dans le Christ l’excellence du prophète CELUI-CI EST VRAIMENT LE PROPHETE. Même si, en effet, il y a eu de nombreux prophètes chez les Juifs, un cependant était attendu, supérieur à tous les autres, d’après cette parole : Le Seigneur ton Dieu te suscitera du milieu d’entre tes frères un prophète et c’est bien de lui qu’ils parlaient; c’est pour cette raison qu’ils disent explicitement : QUI DOIT VENIR DANS LE MONDE.
869. On rapporte ici le deuxième effet du signe sur les foules, lorsqu’elles entreprennent de manifester au Christ leur admiration et que cependant le Christ s’y soustrait. Ainsi, après la tentative de la foule, est rapportée la fuite du Christ .
870. L’Évangéliste mentionne la tentative des foules par ces mots : POUR L’ENLEVER ET LE FAIRE ROI – En effet, est enlevé celui qui est pris contre sa volonté et sans motifs véritables. Il était vrai que Dieu le Père, de toute éternité, avait tout disposé en vue de la manifestation du règne du Christ, mais cette manifestation n’était pas encore opportune. Le Christ était venu, certes, mais pas pour régner comme il le fera lorsque s’accomplira notre demande : que ton règne vienne ; alors le Christ régnera aussi selon qu’il a été fait homme. Et à cause de cela, un autre moment a été disposé pour cette manifestation, c’est-à-dire lorsque la gloire de ses saints aura été dévoilée après le jugement qu’il aura lui-même rendu. Au sujet de cette manifestation, les disciples demandaient : Seigneur, est-ce le temps où tu vas rétablir la royauté en Israël .
Les foules donc, croyant qu’il était venu pour régner, voulaient le faire roi. La raison en est que, la plupart du temps, les hommes veulent pour maître quelqu’un qui soit capable de leur assurer les biens temporels. C’est pourquoi, le Christ les ayant nourris, ils voulaient le faire roi — Tu as un manteau : sois notre roi Ainsi s’éclaire ce que dit Chrysostome : "Vois la force de la gourmandise. Il n’est plus pour eux aucun souci de la transgression du sabbat, ils ne font plus preuve de zèle pour Dieu, mais toutes ces choses se sont évanouies, parce qu’ils se sont rempli le ventre. Mais aussi, le Prophète était enfin parmi eux et ils voulaient le faire roi"
871. L’Évangéliste en vient à la fuite du Christ. En disant DE NOUVEAU, il laisse entendre que le Seigneur, voyant les foules, était descendu de la montagne et qu’il les avait nourries en un lieu moins élevé : sien effet il n’était pas descendu de la montagne, on ne dirait pas qu’il y fuit de nouveau
Mais puisqu’il est vraiment roi, pourquoi fuit-il? Il y a à cela trois raisons. L’une parce qu’il aurait dérogé à son rang s’il avait reçu sa royauté de l’homme, lui qui était roi de telle sorte que tous les rois le sont par participation à sa royauté — par moi règnent les rois La seconde raison est qu’il aurait porté préjudice à son enseignement s’il avait reçu gloire et soutien des hommes. Par ses actes et son enseignement, il était tout relatif à la puissance divine et non à la faveur humaine — Je ne reçois pas de gloire venant des hommes Il y a une troisième raison, et puisse-t-elle nous apprendre à mépriser l’estime du monde — Car je vous ai donné l’exemple, afin que, comme je vous ai fait, vous fassiez aussi vous-mêmes — Ne recherche pas le pouvoir auprès des hommes Ainsi donc, il a rejeté la gloire du monde pour se soumettre de lui-même au châtiment, d’après ce passage de l’épître aux Hébreux : Au lieu de la joie qui lui était proposée, il endura la croix, ayant méprisé son infamie
872. Nous voyons cependant en Matthieu un récit con traire : Il monta sur la montagne prier seul Mais d’après Augustin les deux passages ne sont pas contraires, parce que s’il y a cause de fuite, alors il y a nécessairement motif de prière. Le Seigneur nous enseigne ainsi que l’imminence de ce qui cause la fuite est un puissant appel à prier.
Au sens mystique, il gravit la montagne lorsque les foules, restaurées, eurent été préparées à s’attacher à lui, parce qu’il monta au ciel une fois que les peuples eurent été pré parés à se soumettre à la vérité de la foi : L'assemblée des peuples t’environnera; au-dessus d’elle, regagne la hauteur , c’est-à-dire lorsqu’elle t’environnera, regagne la hauteur.
Mais l’Evangéliste a dit S’ENFUIT, autrement dit, s’échappa, pour souligner que son élévation ne nous est pas compréhensible : en effet, ce que nous ne comprenons pas, nous disons que cela nous échappe.
873. Il s’agit ici du troisième effet du signe : la recherche empressée du Seigneur, de la part des disciples, mais aussi des foules .
Au sujet des disciples, l’Évangéliste souligne avec quelle insistance ils cherchent le Christ ; ensuite il y revient plus longuement , après avoir seulement mentionné la descente des disciples vers la mer et la traversée .
874. A propos de la recherche des disciples, il faut savoir que le Christ gravit la montagne à l’insu de ses disciples. Ils attendirent pour cette raison jusqu’au soir, pensant qu’il allait les rejoindre. Le soir tombé, ils n’y tiennent plus et se mettent à sa recherche, tant l’amour les possédait. Et c’est pourquoi l’Evangéliste dit : DES QUE LE SOIR FUT VENU, SES DISCIPLES DESCENDIRENT A LA MER en le cherchant.
Au sens mystique, le SOIR désigne la Passion du Seigneur ou son Ascension : aussi longtemps que Jésus fut pré sent à ses disciples avec son corps, aucun trouble ne les arrêtait, aucune amertume ne les tourmentait : Les fils de l’époux peuvent-ils s’attrister tant que l’époux est avec eux? Mais le Christ s’étant séparé d’eux, ils descendent vers la mer, c’est-à-dire vers les troubles du siècles : Voici la grande mer...
875. Mais, à cause de l’amour dont ils étaient enflammés, ils ne pouvaient supporter plus longtemps que man que la présence du Seigneur; c’est pourquoi ils en viennent à traverser la mer : ET QUAND ILS FURENT MONTES DANS LA BARQUE, ILS VINRENT DE L’AUTRE COTE DE LA MER . OR LES TÉNÈBRES S’ÉTAIENT DÉJÀ FAITES ET JÉSUS N’ÉTAIT PAS VENU À EUX. CEPENDANT, AU SOUFFLE D’UN GRAND VENT, LA MER S’ENFLAIT.
876. L’Évangéliste explicite ici ce qu’il avait sommairement noté : le trajet jusqu’à lamer, puis la traversée .
877. Ce n’est pas sans raison que les ténèbres sont mentionnées, mais pour manifester par là la ferveur de leur amour. En effet, ni le soir ni la nuit n’ont arrêté les disciples .
Au sens mystique, les ténèbres désignent le manque de charité. La charité est en effet la lumière, d’après ce passage : Celui qui aime son frère demeure dans la lumière Les ténèbres sont donc en nous tant que Jésus, la lumière véritable, n’est pas parvenu jusqu’à nous, comme il est dit plus haut lui dont la présence chasse toutes les ténèbres .
Si le Christ s’est soustrait aussi longtemps à ses Apôtres, c’est d’abord pour qu’ils éprouvent ce qu’était son absence, ce dont ils ont fait l’expérience en mer, lors de la tempête — Pour en avoir fait l’expérience, vois combien il est mauvais et amer d’abandonner le Seigneur —, mais aussi pour qu’ils le recherchent avec encore plus de diligence — Où est parti ton bien-aimé, ô la plus belle des femmes, (...) et nous le chercherons avec toi
878. De la traversée, l’Évangéliste dit : CEPENDANT, AU SOUFFLE D'UN GRAND VENT, LA MER S'ENFLAIT. Il note d’abord la tempête de mer , puis l’apparition du Christ et le moment de son apparition , et enfin l’effet de l’apparition .
879. Sur la mer, la tempête était provoquée par le souffle du vent qui s’était levé, et c’est pourquoi il dit :
CEPENDANT, AU SOUFFLE D'UN GRAND VENT, LA MER S'ENFLAIT, au large. Parce vent on désigne la tentation et la persécution par lesquelles passera l’Eglise à cause du man que de charité. En effet, comme le dit Augustin, là où la charité se refroidit, les vagues grandissent et la barque est secouée. Et cependant, ni ces vents, ni la tempête, ni les vagues, ni les ténèbres, ne réussissent à l’empêcher d’avancer ni à la disloquer et finalement à la submerger : Celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé. — Les vents ont soufflé et se sont déchaînés contre cette maison et elle n’a pas été renversée
880. L’apparition du Christ n’eut pas lieu dès le début de la tempête, mais après un certain temps; c’est pour cela que l'Evangéliste dit : APRES DONC QU’ILS EURENT RAME VINGT-CINQ OU TRENTE STADES, ILS VOIENT JESUS. Et cela pour nous faire comprendre que le Seigneur permet que nous soyons tourmentés pour un temps afin d’éprouver notre force. Au terme cependant, lorsque l’épreuve est sur le point de nous écraser, il ne nous abandonne pas, il se fait proche de nous : Dieu est fidèle, qui ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces, mais qui ménagera, avec la tentation, la voie par laquelle vous pourrez la supporter .
D’après Augustin, les vingt-cinq stades qu’ils franchissent en ramant sont les cinq livres de Moïse. En effet, un tel nombre est un carré, obtenu par la multiplication du nombre cinq par lui-même : cinq fois cinq en effet font vingt-cinq. Or le nombre multiplié conserve la signification de sa racine : pour cette raison, de même que l’on désigne par cinq l’ancienne Loi, de même aussi par vingt-cinq. Par trente, on désigne la perfection du Nouveau Testament qui manquait à la Loi. En effet, si ces mêmes cinq sont multipliés par six, qui est un nombre parfait, apparaît le nombre trente
A ceux qui parcourent en ramant les vingt-cinq ou trente stades, c’est-à-dire qui accomplissent la Loi ou la perfection évangélique, à ceux-là Jésus vient, foulant aux pieds toutes les agitations du monde et toutes les prétentions du siècle — C’est toi qui domines la puissance de la mer, et le mouvement de ses flots, c’est toi qui l’apaises Ils voient alors le Christ approcher de la barque, c’est-à-dire qu’ils voient approcher le secours divin — Le Seigneur est proche de tous ceux qui l’invoquent
Il apparaît donc que, à ceux qui le recherchent avec droiture, le Christ accorde sa présence. Or les Apôtres le désiraient avec une extrême ferveur; ce que prouvent l’obscurité du moment, la tempête de la mer et l’éloignement du port, obstacles malgré lesquels ils s’efforçaient de le rejoindre. Et c’est pourquoi le Christ se rendit présent à eux.
881. L’Évangéliste expose ici l’effet de l’apparition; d’abord l’effet intérieur , puis l’effet extérieur.
882. L’effet intérieur fut la crainte. Et c’est pourquoi on rapporte en premier lieu la crainte des disciples conçue à l’apparition soudaine du Christ : ET ILS CRAIGNIRENT, d’une crainte bonne qui est causée par l’humilité — Ne conçois pas d’orgueilleux desseins, mais crains ou d’une crainte mauvaise parce que, selon le récit de Matthieu, les disciples, le voyant marcher sur la mer, furent troublés et se disaient : "c’est un fantôme" et sous l’effet de la crainte, ils poussaient des cris — Ils ont tremblé de crainte là où il n'y avait pas à craindre Cette crainte se rencontre principalement chez les gens soumis à la chair, parce qu’ils redoutent les réalités spirituelles.
En second lieu, l’Evangéliste nous dit l’aide apportée par le Christ face à un double péril : le péril de la foi dans l’intelligence, et quant à cela il dit : C'EST MOI, comme chassant toute incertitude — Voyez mes mains et mes pieds, c’est bien moi" et le péril de la crainte dans la volonté; quant à celui-ci, il dit : NE CRAIGNEZ PAS — A la face des peuples, sois sans crainte — Le Seigneur est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je crainte?
En troisième lieu est rapportée l’arrivée des disciples à hauteur du Christ : ILS VOULURENT LE PRENDRE DANS LA BARQUE, ce qui signifie que lorsque la crainte servile est chassée de nos cœurs, alors nous recevons le Christ en l’aimant et en le contemplant : Voici que je me tiens à la porte et je frappe; si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui
883. L’effet extérieur concerna la barque qui, une fois la tempête apaisée, toucha aussitôt terre, alors que, d’après la distance parcourue, elle en était encore très éloignée. Le Christ ne leur a pas assuré une navigation fictive, mais tranquille. Et voulant accomplir un plus grand miracle, il ne monta pas dans la barque.
Ainsi donc, trois miracles se rejoignent ici : la marche sur la mer, l’arrêt soudain de la tempête, l’acheminement de la barque au port encore éloigné. Pour que nous apprenions que les croyants en qui le Christ demeure répriment l’agitation du monde, foulent aux pieds le flot des tribulations et accomplissent rapidement leur traversée vers la terre des vivants d’après le psaume : Ton esprit de bonté me conduira dans une terre sans embûches
884. Mais ici, trois questions se posent. L’une concerne la lettre, à propos de laquelle jean affirme manifestement le contraire de Matthieu : en effet, Matthieu dit que les disciples gagnèrent la mer sur l’ordre du Seigneur or ici, ils y descendent en le cherchant. Une autre question se pose : Matthieu dit au même endroit que c’est en passant par la mer que les disciples parviennent en terre de Génésareth . Or ici, il est dit qu’ils arrivèrent à Capharnaüm. Troisième question : Matthieu dit que le Christ monta dans la barque, et jean qu’il n’y monta pas.
Chrysostome affirme, se débarrassant du même coup des trois questions, que ce miracle ne fut pas le même que celui rapporté par Matthieu. En effet, comme il le dit lui-même, le Christ accomplit fréquemment des miracles tels que marcher sur les eaux, non pas devant les foules, mais devant ses seuls disciples pour éviter que les foules croient qu’il n’avait pas un vrai corps.
Mais d’après Augustin il est dit, et c’est plus juste, que ce fut le même miracle, rapporté ici par Jean, là par Matthieu. Et c’est pourquoi, répondant à la première question, il dit qu’il importe peu que Matthieu dise que ceux-ci étaient descendus à la mer sur l’ordre du Christ. Il a pu se faire en effet que le Seigneur le leur ait ordonné et qu’eux soient descendus, croyant que le Christ allait naviguer avec eux. Voilà pourquoi ils l’attendirent jusqu’à la nuit; et parce que le Christ ne venait pas, alors ils franchirent la mer.
A la seconde question, il y a deux réponses. La première tient au fait que Capharnaüm et Génésareth sont sur la même rive et voisines. Et les disciples, peut-être, parvinrent par la mer aux confins des deux; C’est pour cela que Matthieu nomme l’une, Jean l’autre. On peut aussi dire que Matthieu ne précise pas qu’ils vinrent tout de suite à Génésareth; c’est pourquoi, peut-être, ils vinrent d’abord à Capharnaüm, puis de là à Génésareth .
LA RECHERCHE DES FOULES
885. Après avoir rapporté la manière dont les disciples cherchèrent le Christ, l’Evangéliste considère maintenant les foules qui le cherchaient.
Il expose d’abord ce qui les a poussées à le chercher et l’occasion qu’elles ont saisie pour mettre ce dessein à exécution . Vient enfin le récit de la recherche elle-même .
886. Ce qui a poussé les foules à chercher le Christ, c’est le miracle qu’il vient d’accomplir : franchir la mer sans embarcation. Le miracle leur apparaît du fait que depuis le crépuscule il n’était pas sur le rivage, proche du lieu où il avait accompli le miracle des pains; la seule barque qui avait été sur ce rivage était passée avec les disciples sur l’autre bord, sans le Christ. C’est pourquoi, lorsqu’au matin ils ne trouvèrent pas le Christ sur le bord où ils étaient la veille, mais constatèrent qu’il était déjà de l’autre côté sans avoir eu aucune embarcation pour traverser, ils se doutèrent qu’il avait accompli la traversée en marchant sur la mer. C’est ce qu’exprime l’Evangéliste en disant : LE JOUR SUIVANT celui du miracle des pains, LA FOULE QUI SE TENAIT DE L’AUTRE CÔTE DE LA MER où il avait accompli le miracle OBSERVA QU’IL N’Y AVAIT EU LA QU’UNE SEULE BARQUE, parce que la veille il n’y en avait pas eu d’autres que celle-là, et vit QUE JESUS N’ETAIT PAS MONTE AVEC SES DISCIPLES DANS CETTE BARQUE .
Cette unique barque signifie l’Eglise qui est une par l’unité de la foi et des sacrements : Une seule foi, un seul baptême Quant au fait que Jésus n’est pas avec ses disciples, il signifie la séparation physique que l’Ascension réalise entre le Christ et ses disciples : Le Seigneur, après leur avoir parlé, fut emporté au ciel .
887. L’occasion de la recherche est donnée par l’arrivée d’autres barques, d’un autre endroit de la mer, avec lesquelles ils pouvaient la traverser pour chercher le Christ; et c’est pourquoi l’Evangéliste dit : D’AUTRES BARQUES SURVINRENT, d’un autre endroit, c’est-à-dire DE TIBERIADE, PRES DU LIEU OÙ ILS AVAIENT MANGÉ LE PAIN.
Ces autres barques qui surviennent signifient les groupes d’hérétiques et ceux qui cherchent leurs intérêts et non pas ceux du Christ : Vous me cherchez (...) parce que vous avez mangé des pains S’il y a d’autres barques, c’est qu’elles sont séparées de l’Eglise, du point de vue soit de la foi pour les hérétiques, soit de la charité pour les hommes charnels; de l’extérieur cependant, ils semblent en être proches dans la mesure où ils font état d’une foi simulée et ont une apparence de sainteté : Ceux qui ont l’apparence de la piété, mais qui en rejettent la source... — Il n'est pas étonnant que les serviteurs de Satan prennent l’apparence de serviteurs de justice
888. La recherche fut empressée. L’Évangéliste rap porte d’abord comment la foule se met à la recherche du Christ , puis comment, l’ayant trouvé, elle l’interroge .
889. Il dit donc d’abord que QUAND LA FOULE EUT VU QUE JESUS N’ETAIT PAS LA, NI SES DISCIPLES NON PLUS, ILS MONTERENT DANS LES BARQUES qui étaient arrivées de Tibériade, le CHERCHANT, ce qui est louable : Cherchez le Seigneur tant qu’il se laisse trouver Cherchez le Seigneur et votre âme vivra .
890. Mais l’ayant trouvé, ils l’interrogent : les Juifs, AYANT TROUVE le Christ DE L’AUTRE COTE DE LA MER, LUI DIRENT : "RABBI, QUAND ES-TU VENU ICI?"
On peut comprendre cette question de deux manières : ou bien ils cherchent seulement à savoir quand il est arrivé, et alors, selon Chrysostome il faut blâmer les rustres qui, après un si grand miracle, ne cherchent pas à savoir comment s’est accomplie la traversée — c’est-à-dire de quelle manière il l’a accomplie sans embarcation —, mais seulement à quel moment elle s’est accomplie.
Ou bien on peut dire que leur interrogation ne porte pas seulement sur le temps, mais aussi sur les autres circonstances de la traversée miraculeuse.
891. Mais remarquons que, plus haut, après qu’il eut refait leurs forces, ils voulaient le faire roi, alors que maintenant qu’il est présent et qu’ils le tiennent, ils ne veulent plus le faire roi. En voici la raison : ils voulaient le faire roi sous l’effet de la joie causée par le repas. Or les passions de cette sorte sont fugitives, et c’est pour cela que tout ce qui est fondé sur elles est passager; ce qui, au contraire, est fondé sur l’intelligence, est plus stable : L'homme de Dieu, semblable au soleil, demeure dans sa sagesse, mais l’insensé est changeant comme la lune — L’impie fait une œuvre instable .
LA REVELATION DE LA NOURRITURE SPIRITUELLE
892. Après cela, on voit le Seigneur traiter de la nourriture spirituelle, dont il met la vérité en lumière, pour écarter ensuite les opinions qui viennent la contredire.
Première partie de l’entretien, versets 25-34. C’est une conversation rapide et animée,
qui se compose de plusieurs questions de l’auditoire et de plusieurs réponses de Jésus. Nous avons dans les
versets 25-27 le premier de ces petits dialogues. - Et l’ayant trouvé. D’après le verset 60, ils le rejoignirent
dans la synagogue de Capharnaüm. - De l’autre côté de la mer doit encore être interprété au point de vue de
la multitude (comparez la note du verset 22). - Maître, lui demandent-ils respectueusement et familièrement
tout ensemble, quand êtes-vous venu ici ? Ils ignoraient la marche miraculeuse de Jésus sur les eaux, et ils ne
pouvaient comprendre, eux qui avaient constaté l’absence de bateau et surveillé toute la nuit la rive
septentrionale du lac, à quel moment et de quelle manière Notre-Seigneur s’était transporté à Capharnaüm.
Leur « quand » implique évidemment un « comment » tacite.