Jean 6, 27

Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau. »

Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau. »
Saint Hilaire de Poitiers
Les sceaux ont cette propriété de reproduire parfaitement la figure dont ils portent l'empreinte, et de la conserver néanmoins tout entière. Ils reçoivent cette empreinte gravée à leur surface, et la reproduisent dans toute son intégrité. Cette comparaison ne peut donc être appliquée à la génération divine, car dans les sceaux il y a la matière, la différence entre l'original et l'empreinte et l'impression qui reproduit sur une matière plus molle l'empreinte gravée sur un métal plus dur. Mais lorsque le Fils de Dieu qui est devenu le Fils de l'homme pour opérer le mystère de notre salut, dit qu'il a été marqué du sceau de Dieu, il veut nous faire comprendre qu'il reproduit en lui la nature du Père, et qu'il a le pouvoir de donner la nourriture qui renferme le germe de la vie éternelle, parce qu'il contient la plénitude de la nature divine du Père qui l'a marqué de son sceau.
Saint Jean Chrysostome
Nôtre-Seigneur n'a pas fait connaître clairement au peuple comment il avait marché sur la mer, mais il le lui a laissé soupçonner à en juger par ces paroles de l'Evangéliste : « Le lendemain, le peuple qui était demeuré de l'autre côté de la mer, vit que Jésus n'était point entré dans la seule barque qui était près du rivage, » etc. Cette manière de parler indique que le peuple pouvait présumer que le Sauveur avait traversé la mer à pied. Et on ne peut dire ici qu'il était monté dans une autre barque puisqu'il n'y en avait qu'une seule dans laquelle ses disciples étaient montés, sans que Jésus fût monté avec eux.

Et cependant après un si grand miracle, ils ne lui demandent pas comment il a traversé la mer, ni la manière dont s'est opéré ce prodige extraordinaire : « Et l'ayant trouvé au-delà de la mer, ils lui dirent : Maître, quand êtes-vous venu ici ? » A moins qu'on ne prenne ici le mot quand dans le sens de comment. Ils font ici preuve d'une habileté remarquable ; ils proclamaient précédemment que c'était un prophète, ils s'étaient concertés pour le faire roi, ils le trouvent aujourd'hui et ne lui découvrent rien de ce dessein.

La mansuétude et la douceur ne sont pas toujours utiles, lorsque vous avez affaire à un disciple d'un esprit lent et peu ouvert encore, il faut le presser avec l'aiguillon ; c'est ce que fait ici le Fils de Dieu. La multitude accourt à lui et cherche à le flatter en lui disant : « Maître, quand donc êtes-vous venu ici ? » et il ne répond à cette question que par un reproche pour montrer qu'il ne désire nullement l'honneur qui vient des hommes, mais qu'il ne cherche que leur salut, aussi il ne se contente pas de blâmer leur conduite, il dévoile les pensées les plus secrètes de leur cœur : « Jésus leur répondit : En vérité, en vérité, je vous le dis, vous me cherchez non parce que vous avez vu des miracles, » etc.

Aux reproches Nôtre-Seigneur ajoute l'enseignement de la doctrine : « Travaillez pour avoir, non la nourriture qui périt, mais celle qui demeure pour la vie éternelle. » C'est-à-dire : Vous cherchez la vie matérielle et périssable, mais mon intention en nourrissant vos corps a été de vous inspirer le désir de cette nourriture qui donne non point la vie du temps, mais la vie éternelle.

Mais comme il en est qui voudraient s'autoriser de ces paroles pour mener une vie toute de paresse et d'oisiveté, il est nécessaire de leur rappeler ce que dit saint Paul : « Que celui qui dérobait ne dérobe plus, mais qu'il s'occupe en travaillant des mains à quelque ouvrage bon et utile, pour avoir de quoi donner à ceux qui sont dans l'indigence. » (Ep 4, 28.) Et lui-même lorsqu'il vint à Corinthe, demeurait chez Aquila et Priscille et travaillait de ses mains. (Ac 18) Ces paroles : « Ne travaillez pas pour avoir la nourriture qui périt, » n'autorisent en aucune façon la paresse et l'oisiveté, mais nous font un devoir de travailler et de distribuer le fruit de notre travail. C'est là en effet la nourriture qui ne périt pas, tandis que travailler pour la nourriture qui périt, c'est être dominé par l'amour des choses de la terre. Jésus leur tient ce langage parce qu'ils n'avaient aucun souci de la foi, et qu'ils ne songeaient qu'à se rassasier sans travailler, c'est ce qu'il appelle la nourriture qui périt.

Ou bien encore il l'a marqué de son sceau, c'est-à-dire il l'a comme désigné pour nous apporter cette nourriture ; ou enfin il l'a marqué de son sceau, c'est-à-dire il nous l'a fait connaître par son témoignage
Saint Augustin
Il fait pressentir qu'il est lui-même cette nourriture comme il le déclarera plus ouvertement dans la suite de son discours, et il semble leur dire : Vous me cherchez pour toute autre chose que moi, cherchez-moi donc pour moi-même.

Nôtre-Seigneur leur suggère donc l'idée de ce grand miracle. D'autres barques arrivèrent près du lieu où ils avaient mangé le pain que le Sauveur leur avait donné, et le peuple monta dans ces barques pour aller à la recherche de Jésus : « D'autres barques suivirent, etc., et ils se dirigèrent vers Capharnaüm pour chercher Jésus. »

C'est-à-dire : En me cherchant, vous obéissez aux instincts de la chair, et non aux désirs de l'esprit.

Voici celui qui s'était enfui sur la montagne, dans la crainte que le peuple ne le fît roi, qui s'entretient maintenant avec le peuple, ils peuvent se saisir de sa personne et le proclamer roi. Mais Jésus, après le miracle plein de mystère qu'il a opéré, leur adresse ses enseignements, afin de nourrir de sa doctrine divine l'âme de ceux dont il a nourri miraculeusement le corps.

De même qu'il avait dit précédemment à la Samaritaine : « Si vous saviez quel est celui qui vous demande à boire, vous lui en auriez demandé vous-même et il vous eût donné une eau vive. » Il ajoute ici : « Cette nourriture que le Fils de l'homme donnera. »

Combien en est-il encore qui ne cherchent Jésus que pour en obtenir des faveurs temporelles ? L'un a une affaire, il vient réclamer l'appui du clergé, un autre est opprimé par un homme puissant, il s'empresse de venir réclamer le secours de l'Eglise ; à peine s'en trouvent-ils qui cherchent Jésus pour lui seul.
Saint Grégoire le Grand
Cette multitude représente encore ceux qui, au sein même de la sainte Eglise, s'attirent la haine de Dieu en recevant les ordres sacrés qui les rapprochent de Dieu, sans s'occuper des vertus qu'exigent les saints ordres, et en n'y cherchant qu'un moyen de subvenir aux besoins de la vie présente. On suit le Seigneur pour le pain dont on a été rassasié, lorsqu'on ne demande à la sainte Eglise que les biens et les aliments temporels ; on le cherche à cause des pains, et non pour ses miracles, lorsqu'on aspire au ministère sacré, non pour y pratiquer la vertu dans un degré plus excellent, mais pour un intérêt tout matériel.
Saint Bède le Vénérable
Ceux encore qui demandent dans leurs prières les biens temporels plutôt que les biens de l'éternité, cherchent Jésus, non pour Jésus, mais pour toute autre chose. Nous voyons ici, en figure, que les conciliabules des hérétiques ne peuvent avoir pour hôtes ni Jésus-Christ, ni ses disciples ; ces autres barques qui surviennent, ce sont les hérésies que l'on voit surgir tout d'un coup. Cette foule qui reconnaît que ni Jésus ni ses disciples n'étaient là, représente ceux qui, reconnaissant les erreurs des hérétiques, les abandonnent pour venir embrasser la vraie foi.
Alcuin d'York
La nourriture matérielle n'alimente et n'entretient que le corps, et encore n'atteint-elle ce but qu'à la condition d'être renouvelée tous les jours, mais la nourriture spirituelle demeure éternellement et nous donne une satiété perpétuelle et une vie qui n'a d'autre terme que l'éternité.

Celui qui nous a enseigné par son exemple à fuir la louange et les honneurs de la terre, apprend également aux docteurs comment ils doivent remplir le ministère de la prédication.

Lorsque vous recevez le corps de Jésus-Christ des mains du prêtre, faites attention non au prêtre que vous voyez, mais à celui que vous ne voyez pas. Le prêtre n'est que le dispensateur de cette nourriture, il n'en est pas l'auteur. Or le Fils de l'homme se donne à nous, afin qu'il demeure en nous, et que nous demeurions en lui. Ne considérez pas ce Fils de l'homme comme un des enfants ordinaires des hommes, il en a été séparé par une grâce toute particulière qui l'a placé en dehors de tous les autres ; ce Fils de l'homme est tout ensemble le Fils de Dieu, comme il le déclare dans ce qui suit : « Car c'est lui que le Père a marqué de son sceau. » Marquer d'un sceau, c'est appliquer un signe, et Nôtre-Seigneur semble dire : Gardez-vous de me mépriser, parce que je suis le Fils de l'homme, car je suis le Fils de l'homme marqué du sceau de Dieu le Père, c'est-à-dire qu'il a imprimé sur moi un signe qui me distingue de tout le reste du genre humain, et qui me constitue son libérateur.

Dans le sens mystique, c'est le lendemain, c'est-à-dire après l'ascension de Jésus-Christ, que la multitude, qui s'applique à la pratique des bonnes œuvres, et qui cesse d'être esclave des plaisirs des sens, attend l'arrivée de Jésus. Cette seule barque qui est sur le rivage, c'est l'Eglise qui est une ; les autres barques qui surviennent sont les conventicules des hérétiques, qui recherchent leurs propres intérêts, et non ceux de Jésus-Christ (Ph 2) ; et c'est avec raison qu'il leur dit : « Vous me cherchez, parce que vous avez mangé des pains. »
Louis-Claude Fillion
Après le reproche, une exhortation pressante. Du pain matériel, Jésus passe tout à coup à l’aliment spirituel de l’âme, et il invite ses auditeurs à se le procurer. - Travaillez est le mot dominant de tout ce passage (versets 27-30) ; il est très classique et très expressif. Sa signification exacte est « acquérir une chose par le travail » ; il désigne donc la mise en œuvre des énergies de notre nature, en vue d’un certain but à réaliser. Jésus l’oppose à vous me cherchez du verset précédent, qui supposait un moindre développement de forces. - Non la nourriture périssable Il nomme ainsi la nourriture matérielle, dont l’usage et les effets sont si transitoires. Promptement détruite par le phénomène de la manducation et de la digestion, elle a besoin d’être renouvelée sans cesse. Cf. Matth. 15, 17 ; 1 Cor. 6, 13. non qu’il ne faille s’en inquiéter ; une telle apathie serait contraire aux lois providentielles (Cf. Act. 18, 3 ; Eph. 4, 28 ; 1 Thess. 4, 10-12) : l’antithèse qui suit montre que Dieu condamne simplement des préoccupations exclusives, exagérées, qui nuiraient à l’entretien beaucoup plus important de l’âme. - Mais celle qui demeure… Cet autre aliment diffère essentiellement du premier : il est incorruptible et contient en soi un principe de vie éternelle. A plus forte raison faut-il se donner de la peine pour l'acquérir, car : Il ne donnera pas de mets éternels sans peine, celui qui commande de manger son pain quotidien dans la sueur. J. Owen, 165 Voyez des pensées analogues, Matth. 6, 25, et dans l’entretien avec la Samaritaine, 4, 13-14. - Et que le fils de l’homme vous donnera. Jésus dira bientôt, et de deux manières, quelle sera la nature de ce pain précieux. Il se contente pour le moment d’en indiquer l’origine céleste : c’est le Fils de l’homme, le Messie (Cf. 5, 27), qui le procurera à tous ceux qui s’en rendront dignes par un travail personnel d’appropriation. - Vous donnera. Des manuscrits ont le présent mais le futur est beaucoup mieux garanti. - Car c’est lui que Dieu le Père a marqué de son sceau. Ce verbe fait image et exprime très fortement la pensée. Dieu le Père a marqué le Messie de son sceau, l’accréditant ainsi auprès des hommes, se faisant garant de sa mission. Cf. 3, 33. L’idée est toute orientale : c’est de leur cachet, non d’une signature, que les Orientaux ont presque toujours muni les documents de quelque importance. Voyez 3 Reg. XXI, 8 ; Esth. 3, 12 ; 8, 8, 10 ; Jer. 32, 10, etc. Les Rabbins disent que le sceau de Dieu est le mot hébreu אמת , qui signifie vérité : ici, le sceau dont il avait marqué son Fils consiste dans les miracles antérieurs de Jésus. - Dieu le Père. Dieu est une apposition à Père : le Père l’a marqué de son cachet, lui qui est Dieu. Ce mot ajouté à la fin de la phrase acquiert une plus grande force : Dieu, qui est la suprême garantie et la plus haute autorité.
Catéchisme de l'Église catholique
Le sceau est un symbole proche de celui de l’Onction. C’est en effet le Christ que " Dieu a marqué de son sceau " (Jn 6, 27) et c’est en lui que le Père nous marque aussi de son sceau (2 Co 1, 22 ; Ep 1, 13 ; 4, 30). Parce qu’elle indique l’effet indélébile de l’Onction de l’Esprit Saint dans les sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l’Ordre, l’image du sceau (sphragis) a été utilisée dans certaines traditions théologiques pour exprimer le " caractère " ineffaçable imprimé par ces trois sacrements qui ne peuvent être réitérés.

Jésus ne révèle pas pleinement l’Esprit Saint tant que lui-même n’a pas été glorifié par sa Mort et sa Résurrection. Pourtant, Il le suggère peu à peu, même dans son enseignement aux foules, lorsqu’Il révèle que sa Chair sera nourriture pour la vie du monde (cf. Jn 6, 27. 51. 62-63). Il le suggère aussi à Nicodème (cf. Jn 3, 5-8), à la Samaritaine (cf. Jn 4, 10. 14. 23-24) et à ceux qui participent à la fête des Tabernacles (cf. Jn 7, 37-39). A ses disciples, Il en parle ouvertement à propos de la prière (cf. Lc 11, 13) et du témoignage qu’ils auront à rendre (cf. Mt 10, 19-20).

Le Christ lui-même se déclare marqué du sceau de son Père (cf. Jn 6, 27). Le chrétien, lui aussi, est marqué d’un sceau : " Celui qui nous affermit avec vous dans le Christ et qui nous a donné l’onction, c’est Dieu, Lui qui nous a marqués de son sceau et a mis dans nos cœurs les arrhes de l’Esprit " (2 Co 1, 22 ; cf. Ep 1, 13 ; 4,30). Ce sceau de l’Esprit Saint, marque l’appartenance totale au Christ, la mise à son service pour toujours, mais aussi la promesse de la protection divine dans la grande épreuve eschatologique (cf. Ap 7, 2-3 ; 9, 4 ; Ez 9, 4-6).