Jean 6, 44
Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire, et moi, je le ressusciterai au dernier jour.
Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire, et moi, je le ressusciterai au dernier jour.
Personne ne peut… Voici, dans ce verset et les deux suivants, le
vrai motif de l’incrédulité des Juifs : ils ne veulent pas se laisser conduire au Fils par le Père. « Personne »
correspond à « tout » du verset 37. L’impossibilité signalée est de même nature que celle dont il est question
aux passages 3, 3, 5 ; 5, 44 ; 8, 43 ; 12, 39 ; 14, 17 ; 15, 4 et 5 : c’est une impossibilité morale. - Si le Père,
qui m’a envoyé... L’allusion à la mission du Verbe incarné est tout à fait opportune en ce passage : le Père
envoyait précisément son Fils pour qu’il cherchât ces malheureux égarés. - Ne l’attire. Il y a une belle et
délicate expression dans le texte grec. Le verbe diffère d’un synonyme qui implique toujours l’idée de
coaction, de violence, qu’il s’agisse de choses ou de personnes (Cf. 21, 11 ; Act. 8, 3 ; 14, 19 ; 17, 6), tandis
que le nôtre ne la suppose pas d’ordinaire ; elle peut y être , mais pas nécessairement (Cf. Act. 16, 19 ; 21,
30 ; Jac. 2, 6). Or, l’attraction mentionnée par Jésus consiste dans les douces sollicitations de la grâce, de
laquelle la théologie enseigne : « La grâce de Dieu n’oblige pas » (comparez le mot de S. Bernard :
« Personne n’est sauvé malgré lui », De la grâce et du libre arbitre, 11) ; de laquelle Dieu lui-même a dit dans
Jérémie, 31, 3 : « Je t’ai aimé d’un amour perpétuel, c’est pourquoi je t’ai attiré dans ma miséricorde ».
Citons quelques lignes choisies parmi les plus charmantes du commentaire de S. Augustin sur ce passage :
« Ne t’imagine pas que tu sois attiré malgré toi ; car l’amour entraîne les âmes. Nous n’avons nullement à
craindre que l'on nous dise : Si je suis entraîné, comment pourrai-je avoir une foi parfaitement libre ? Car je
le dis : ce n’est pas assez d’être entraînés volontairement, nous le sommes encore avec plaisir. Qu’est-ce, en
effet, qu’être entraîné avec plaisir ? « Mets tes délices dans le Seigneur, et il remplira tous les désirs de ton
cœur ». Le cœur qui éprouve la douceur du pain céleste, ressent un véritable plaisir... Tu montres à une brebis
une branche de feuillage, et tu l’attires ; offre des noix aux regards d’un enfant, et tu l’attireras : et il est attiré
à l’endroit où il court, par l’affection, sans dommage pour son corps, sous l’empire des sentiments de son
cœur. S’il est vrai qu’un homme se laisse entraîner vers un objet dont les attraits et les délices sollicitent son
affection, suivant cet incontestable adage : « Chacun est conduit par l’attrait de ses propres penchants » ; le
Père, en faisant connaître le Christ, n’aurait aucun empire sur les cœurs ? Mais rien n’a plus de force que la
vérité pour exciter dans une âme d’ardents désirs », Traité 26 sur S. Jean, 4. Et c’est de la même sorte que le
Christ dira plus tard qu’à son tour il attirera tout à lui (12, 32). Notons encore que les mots ne l’attire sont
l’équivalent de ce que le Père me donne au verset 37 ; avec cette différence, que là c’est le résultat final qui
était marqué, au lieu que nous avons ici l’indication du moyen. - Et moi je le ressusciterai… Jésus répète sa
solennelle et consolante promesse (verset 39) ; mais avec une légère modification dans l’arrangement de la
phrase, de manière à fortifier la pensée. Le Père commence donc l’œuvre du salut en conduisant les hommes
à son Fils, celui-ci l’achèvera. Aller au Christ est une œuvre surnaturelle et au-dessus des forces humaines,
qui demande par conséquent un secours spécial d’en haut ; une glorieuse et éternelle récompense est
néanmoins réservée à ceux qui se laissent attirer.
Œuvre à la fois commune et personnelle, toute l’économie divine fait connaître et la propriété des personnes divines et leur unique nature. Aussi, toute la vie chrétienne est communion avec chacune des personnes divines, sans aucunement les séparer. Celui qui rend gloire au Père le fait par le Fils dans l’Esprit Saint ; celui qui suit le Christ, le fait parce que le Père l’attire (cf. Jn 6, 44) et que l’Esprit le meut (cf. Rm 8, 14).
Or, l’appel du Christ à la conversion continue à retentir dans la vie des chrétiens. Cette seconde conversion est une tâche ininterrompue pour toute l’Église qui " enferme des pécheurs dans son propre sein " et qui " est donc à la fois sainte et appelée à se purifier, et qui poursuit constamment son effort de pénitence et de renouvellement " (LG 8). Cet effort de conversion n’est pas seulement une œuvre humaine. Elle est le mouvement du " cœur contrit " (Ps 51, 19) attiré et mû par la grâce (cf. Jn 6, 44 ; 12, 32) à répondre à l’amour miséricordieux de Dieu qui nous a aimés le premier (cf. 1 Jn 4, 10).
Jésus lui-même prend l'initiative et invite à le suivre. L'appel est adressé avant tout à ceux auxquels il confie une mission particulière, à commencer par les Douze ; mais il apparaît aussi clairement qu'être disciple du Christ est la condition de tout croyant (cf. Ac 6, 1). De ce fait, suivre le Christ est le fondement essentiel et original de la morale chrétienne : comme le peuple d'Israël suivait Dieu qui le conduisait dans le désert vers la Terre promise (cf. Ex 13, 21), de même le disciple doit suivre Jésus vers lequel le Père lui-même l'attire (cf. Jn 6, 44).
L'annonce de la Parole de Dieu est ordonnée à laconversion chrétienne, c'est-à-dire à l'adhésion pleine et sincère au Christ et à son Evangile par la foi. La conversion est un don de Dieu, une action de la Trinité: c'est l'Esprit qui ouvre les portes des cœurs afin que les hommes puissent croire au Seigneur et « le confesser » (1 Co 12, 3). De celui qui s'approche de lui par la foi, Jésus dit: «Nul ne peut venir à moi, si le Père qui m'a envoyé ne l'attire» (Jn 6, 44).