Jean 6, 62
Et quand vous verrez le Fils de l’homme monter là où il était auparavant !...
Et quand vous verrez le Fils de l’homme monter là où il était auparavant !...
Et
si vous voyez. Remarquons que ce verbe ne désigne pas nécessairement une vision extérieure et matérielle,
mais qu’on l’emploie aussi dans le sens de « savoir », pour marquer une perception interne. Hebr. 4, 19 ; Cf.
7, 4, etc. - Monter, d’après l’interprétation commune et la seule naturelle, ne peut s’appliquer qu’au mystère
de l’Ascension du Christ. Quelques exégètes, il est vrai, ont essayé de démontrer que le mot grec
représenterait ici d’une manière figurée la passion de Jésus, laquelle, disent-ils, devait plus que l’Eucharistie
scandaliser les disciples ; mais leur opinion est complètement en désaccord avec l’usage biblique de cette expression (Cf. 20, 17), et réfutée dans notre verset même par les mots qui suivent : où il était auparavant.
Ces mots, en effet, sont évidemment synonymes de « ciel », quoique de façon à exprimer en même temps la
préexistence de Jésus (Cf. 1, 52), et à prouver la divinité de celui qui daigne, dans une aussi glorieuse
prophétie, s’appeler humblement le Fils de l’homme. La phrase n’est pas achevée et le langage est elliptique,
tel que le produit l’émotion. De là une grande divergence de vues parmi les commentateurs. Les uns
suppléent à la fin du verset (S. Cyrille, Nonnus, Euthymius, Tolet, Jansénius, Godet, etc) : Que ne direz-vous
pas alors ? Les autres (S. Augustin, Rupert de Deutz, etc. ) : Alors vous comprendrez, vous cesserez d’être
scandalisés. Dans la premier cas, Jésus grandirait encore la difficulté, et rendrait la mystère plus obscur ; car
comment communier à sa chair et à son sang après qu’il sera remonté au ciel ? Dans le second cas, il la
diminuerait au contraire, en manifestant d’avance sa puissance divine et en précisant le mode de la présence
réelle et de la sainte communion ; comme s’il disait : Quand vous aurez été témoins de mon ascension, vous
verrez que rien ne dépasse mes pouvoirs, et, d’un autre côté, que mon corps ne sera plus soumis aux lois
ordinaires de la nature ; vos préjugés disparaîtront alors. « Ils s’étaient imaginés qu’il leur distribuerait son
corps, et il disait, lui, qu’il monterait au ciel dans tout son entier : « Lorsque vous verrez le Fils de l’homme
monter où il était d’abord ». Oui, vous verrez, même alors, qu’il ne distribue point son corps de la manière
que vous vous imaginez : oui, vous comprendrez, même alors, que l’on ne broie pas sa grâce sous les
dents », S. Augustin, Traité 27 sur S. Jean, 3. Cette seconde interprétation nous paraît de beaucoup
préférable. La seule objection sérieuse qu’on puisse lui opposer est tirée de « si vous voyez », car les apôtres
seuls paraissent avoir été témoins oculaires de l’Ascension (Cf. Marc. 16, 19 ; Luc. 24, 51 ; Act. 1, 9) ; mais
déjà nous l’avons prévenue. On peut ajouter que l’idée principale ne porte pas sur ce verbe, mais sur
« monter », et que Jésus fait une simple hypothèse : S’il vous était donné de voir… ? D’ailleurs les apôtres
faisaient alors partie de l’auditoire qui entendait la parole du Maître ( versets 68 et ss.), et eux, du moins, ils
contemplèrent son triomphe, ce qui suffit pour la réalisation de la parole « Et si vous voyez ».
Jésus a accueilli la profession de foi de Pierre qui le reconnaissait comme le Messie en annonçant la passion prochaine du Fils de l’Homme (cf. Mt 16, 16-23). Il a dévoilé le contenu authentique de sa royauté messianique à la fois dans l’identité transcendante du Fils de l’Homme " qui est descendu du ciel " (Jn 3, 13 ; cf. Jn 6, 62 ; Dn 7, 13) et dans sa mission rédemptrice comme Serviteur souffrant : " Le Fils de l’Homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude " (Mt 20, 28 ; cf. Is 53, 10-12). C’est pourquoi le vrai sens de sa royauté n’est manifesté que du haut de la Croix (cf. Jn 19, 19-22 ; Lc 23, 39-43). C’est seulement après sa Résurrection que sa royauté messianique pourra être proclamée par Pierre devant le Peuple de Dieu : " Que toute la maison d’Israël le sache avec certitude : Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous, vous avez crucifié " (Ac 2, 36).