Jean 6, 63
C’est l’esprit qui fait vivre, la chair n’est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie.
C’est l’esprit qui fait vivre, la chair n’est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie.
Verset plus difficile encore, dont on a pu dire : « De combien d’interprétations
ce texte n’a-t-il pas donné lieu, il est difficile de l’imaginer » (Théod. de Bèze). Les protestants en ont en
effet mille fois abusé, pour ramener la promesse de l’Eucharistie à une simple métaphore. Il se compose de
deux parties : une locution proverbiale, l’application de ce proverbe au discours de Jésus. Déjà (verset 63)
Notre-Seigneur a notablement amoindri, en faisant appel à un glorieux événement de la vie future, la
difficulté qui menaçait d’ébranler la foi des disciples ; il va la diminuer de plus en plus par une explication
empruntée au domaine du présent. - L’esprit, la chair sont ici les mots importants, qu’il faut tout d’abord
définir. Il a toujours existé à leur sujet, parmi les commentateurs catholiques, une double interprétation. 1°
D’après S. Cyrille et d’autres à sa suite, l’esprit c’est l’âme de Jésus unie à la divinité ; la chair « ne sert de
rien, mais dans le sens que les Juifs y attachaient; car, dans leur idée, il s’agissait, non d’une chair animée,
vivante, mais d’une chair morte, comme celle d’un cadavre, que l’on partage par morceaux, ou que l’on vend
sur le marché », S. Augustin, Traité 27 sur S. Jean, 5. Le Sauveur aurait affirmé, d’après cela, que sa chair
seule, sans l’union hypostatique, est incapable de donner la vie ; tandis que son esprit, uni à la divinité et
communiqué aux fidèles par l’intermédiaire de son corps et de son sang, vivifie merveilleusement (tournure
énergique en grec). 2° Jésus s’exprimant en termes généraux et ne disant pas « mon esprit, ma chair », S.
Jean Chrysostome, S. Thomas, Jansénius, Calmet, etc., ont pensé qu’il valait mieux écarter complètement de
ce verset l’idée de manducation, d’après l’analogie du passage célèbre : « la lettre tue, mais l’Esprit donne la
vie », 2 Cor. 3, 6. L’esprit représenterait donc l’explication spirituelle (non pas figurée toutefois ) des
promesses du Sauveur, la chair leur signification charnelle et matérielle. Or ceux-là donnaient un sens
charnel aux paroles de Notre-Seigneur, qui les entendaient de la façon grossière indiquée plus haut, et qui
partaient de là pour se scandaliser ; au contraire, par l’interprétation spirituelle, on prenait ces mêmes paroles
dans le sens relevé que Jésus lui-même avait en vue, tout en laissant à ce bon Maître le soin de le fixer plus
nettement un jour par les faits. « Ce que le Christ leur reproche donc, ce n’est pas qu’ils appréhendaient la
manducation réelle de sa chair, mais c’est qu’ils concevaient sa manducation future d’une façon charnelle,
comme les autres viandes, chacune selon son espèce. Il leur reproche donc de la manger sans l’esprit, ou sans
la vie. Car la façon de manger la chair du Christ (toute réelle qu’elle soit) sera spirituelle et cachée, c’est-à-
dire, sous l’espèce du sacrement, lequel, il faudra le croire, contient réellement le corps du Christ »,
Salmantic. De Euchar. Disput. 1, cap. 1, §1, n° 2. - Les paroles que je vous ai dites. Allusion nouvelle à la
seconde partie du discours, versets 48 et ss. Jésus, comme tant d’autres fois dans le cours même de
l’entretien, insiste sur sa divine autorité. Moi, par opposition aux docteurs terrestres. Voyez les versets 35, 40,
41, 44, 48, 51, 54. Les meilleurs et les plus nombreux manuscrits grecs (N, B, C, D, L, T, U, II, etc.) ont dites
au parfait, comme la Vulgate, contre la leçon peu accréditée de la Recepta (E, F, Γ, Δ, Λ) ou le verbe est au
présent. Le discours était achevé complet ; l’emploi du temps présent serait donc moins justifiable. - Jésus
applique à ses paroles le principe qu’il vient de citer : sont esprit et vie, peut-il dire à leur sujet en toute
vérité. « Esprit » dans le sens que nous avons adopté plus haut ; « vie » puisqu’elles produisent la vie en ceux qui les croient. Que les disciples vacillants cessent donc d’être choqués, scandalisés, comme si on prétendait
les nourrir d’un corps humain coupé en morceaux sanglants. Le Christ leur donnera sa chair en aliment d’une
manière toute autre, quoique réelle. Quant à conclure de ce verset avec Calvin, que Notre-Seigneur lui-même
y proteste contre la doctrine catholique relative à l’Eucharistie, Bossuet dit fort bien qu’il ne voit point cela
dans « l’évangile » ; car Jésus « ne rabat rien du littéral, mais y ajoute le spirituel et le divin ».
Vous ne croyez pas maintenant que je puisse vous donner ma chair à manger, et mes paroles à cet égard vous scandalisent ; mais en serait-il de même, si vous me voyiez monter au ciel ? Ce miracle ne vous prouverait-il pas la vérité de ce que je vous assure ?
Mais Jésus ne nous laisse pas une formule à répéter machinalement (cf. Mt 6, 7 ; 1 R 18, 26-29). Comme pour toute prière vocale, c’est par la Parole de Dieu que l’Esprit Saint apprend aux enfants de Dieu à prier leur Père. Jésus nous donne non seulement les paroles de notre prière filiale, il nous donne en même temps l’Esprit par qui elles deviennent en nous " esprit et vie " (Jn 6, 63). Plus encore : la preuve et la possibilité de notre prière filiale c’est que le Père " a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie : ‘Abba, Père !’ " (Ga 4, 6). Puisque notre prière interprète nos désirs auprès de Dieu, c’est encore " Celui qui sonde les cœurs ", le Père, qui " sait le désir de l’Esprit et que son intercession pour les saints correspond aux vues de Dieu " (Rm 8, 27). La prière à Notre Père s’insère dans la mission mystérieuse du Fils et de l’Esprit.