Luc 1, 28

L’ange entra chez elle et dit : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. »

L’ange entra chez elle et dit : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. »
Louis-Claude Fillion
L'ange « entra » : preuve qu'au moment où elle reçut la visite du célèbre paranymphe, Marie était dans l'intérieur de sa chambre, comme plusieurs Pères l'ont affirmé. Gabriel salue celle qui sera dans quelques instants sa Reine et la reine de tout l'univers. De même que les rois de la terre envoient solennellement leurs plus fidèles ministres proposer à quelque glorieuse princesse une union vivement désirée, de même Dieu l'a choisi pour porter à Marie des propositions toutes célestes, et pour contracter avec elle, au nom du ciel, un engagement incomparable : « Gabriel a été envoyé pour fiancer la créature au Créateur », S. Grég. le Thaumaturge . Dans les premières paroles de l'ange (v. 38), complétées par l'Église de manière à devenir l' »Ave Maria » cher à tous les cœurs catholiques, et commentées souvent d'une manière exquise par des compositeurs célèbres (Cherubini, Vittoria, Mozart, Mendelsohn, Niedermayer, Guilmant, Saint-Saëns, etc.), plusieurs commentateurs distinguent à bon droit quatre parties : la salutation et les trois grâces de la Très Sainte Vierge. - 1. La salutation : Chez les anciens peuples, les formules de salutation étaient plus caractéristiques qu'aujourd'hui. Chaque nation employait un mot distinct, parfaitement approprié à ses mœurs et à sa vie. Le Romain belliqueux souhaitait la force et la santé ; le Grec ami du plaisir disait, le sourire sur les lèvres : sois heureux ! Chez les vieilles tribus de l'Orient qui, dans le principe, menaient une vie nomade exposée à mille dangers imprévus, à mille rencontres fâcheuses, on se saluait par ces mots : « La paix soit avec vous ! ». Et, tel était au temps de Notre-Seigneur Jésus-Christ, tel est encore actuellement le mode de salutation usité dans toute la Palestine. C'est donc de la formule Schalôm lâk que l'ange dût se servir pour saluer la Vierge Marie. Serarius blesse grièvement la vérité étymologique lorsqu'il fait dériver le mot latin « Ave » de l'hébreu Havvah, « vive ! », et que, partant de là, il met dans la pensée de l'ange une allusion au nom de la première femme et le raisonnement que voici : « Ève ne fut pas Mère de la vie, mais de la mort. Toi en vérité, o Marie, tu es vraiment l'Ève, Mère de la vie, de la gloire et de la grâce ». Toutefois, l'idée qui accompagne l'erreur de Serarius est assurément pleine d'à propos. On la retrouve souvent chez les Pères d'occident, auxquels elle a inspiré d'ingénieuses comparaisons entre Ève et Marie. Dès les premiers siècles, on avait découvert qu'en lisant au rebours les lettres du mot « Ave », on obtient « Eva », le nom de la première femme. Or, Jésus étant le second Adam, on fut amené à appeler Marie une seconde Ève, tout aussi différente de son type que Jésus le sera lui-même du premier homme. C'est pour cela que l'Église chante dans l' « Ave Maris stella » la strophe suivante : Recevant cette salutation de la bouche de l’ange, établis-nous dans la paix en changeant le nom d’Ève -2. La triple grâce de la Très Sainte Vierge. -a. Pleine de grâce : c'est de la grâce considérée par rapport à Marie elle-même. Le texte grec signifie proprement « qui a reçu la grâce, ornée de la grâce ». La traduction latine n'est donc pas d'une littéralité parfaite ; néanmoins elle rend fort bien la signification du texte primitif. En effet, depuis longtemps déjà Dieu s'était complu à enrichir des grâces les plus singulières celle qu'il destinait à être la Mère de son Fils, et, entre les mains de la Vierge fidèle, ces trésors s'étaient multipliés chaque jour. Marie était donc véritablement pleine de grâces au moment de la visite de l'Archange, comme le font remarquer à l'envi les saints Pères (voyez leurs paroles dans Luc de Bruges, Cornelius a Lap., etc., et les théologiens. Aussi la bulle « Ineffabilis » a-t-elle tiré du mot grâce un argument en faveur de l'Immaculée conception de Marie. - b. La grâce de la Sainte Vierge par rapport à Dieu. Parfois, les anciens Juifs employaient cette même formule pour se saluer. Cfr. Ruth, 2, 4, etc. Mais alors elle avait seulement la valeur d'un souhait, d'une prière. Prononcée par l'ange Gabriel, elle exprima quelque chose de plus qu'un désir (Que le Seigneur soit avec vous!) ou qu'une promesse (le Seigneur sera avec vous) ; elle affirme un fait qui existait déjà depuis longtemps : Le Seigneur EST avec vous. - c. La grâce de Marie par rapport au genre humain : Tu es bénie entre les femmes. Ces mots, qui manquent dans plusieurs manuscrits importants (B, L, divers minuscules) et dans quelques versions anciennes (l'arménienne, la copte, la syrienne, etc.), sont rejetés par beaucoup de critiques, comme un emprunt fait au v. 42. Mais rien n'empêche qu'un tel éloge n'ait été adressé deux fois à Marie. Il place à bon droit la Sainte Vierge au-dessus de toutes les femmes sans exception, puisqu'elle les dépasse toutes par sa sainteté incomparable et par ses glorieux privilèges. Elle est la femme idéale, de même que son divin fils est l'homme idéal.
Concile œcuménique
Mais il plut au Père des miséricordes que l’Incarnation fût précédée par une acceptation de la part de cette Mère prédestinée, en sorte que, une femme ayant contribué à l’œuvre de mort, de même une femme contribuât aussi à la vie. Ce qui est vrai à un titre exceptionnel de la Mère de Jésus qui donna au monde la vie destinée à tout renouveler, et fut pourvue par Dieu de dons à la mesure d’une si grande tâche. Rien d’étonnant, par conséquent, à ce que l’usage se soit établi chez les saints Pères, d’appeler la Mère de Dieu la Toute Sainte, indemne de toute tache de péché, ayant été comme pétrie par l’Esprit Saint, et formée comme une nouvelle créature. Enrichie dès le premier instant de sa conception d’une sainteté éclatante absolument unique, la Vierge de Nazareth est saluée par l’ange de l’Annonciation, qui parle au nom de Dieu, comme « pleine de grâce» (cf. Lc 1, 28). Messager céleste auquel elle fait cette réponse : « Voici la servante du Seigneur, qu’il en soit de moi selon ta parole » (Lc 1, 38). Ainsi Marie, fille d’Adam, donnant à la Parole de Dieu son consentement, devint Mère de Jésus et, épousant à plein cœur, sans que nul péché ne la retienne, la volonté divine de salut, se livra elle-même intégralement, comme la servante du Seigneur, à la personne et à l’œuvre de son Fils, pour servir, dans sa dépendance et avec lui, par la grâce du Dieu tout-puissant, au mystère de la Rédemption. C’est donc à juste titre que les saints Pères considèrent Marie non pas simplement comme un instrument passif aux mains de Dieu, mais comme apportant au salut des hommes la coopération de sa libre foi et de son obéissance. En effet, comme dit saint Irénée, « par son obéissance elle est devenue, pour elle-même et pour tout le genre humain, cause du salut ». Aussi avec lui, un bon nombre d’anciens Pères disent volontiers dans leurs prédications : « Le nœud dû à la désobéissance d’Ève s’est dénoué par l’obéissance de Marie ; ce qu’Ève la vierge avait noué par son incrédulité, la Vierge Marie l’a dénoué par sa foi » ; comparant Marie avec Ève, ils appellent Marie « la Mère des vivants » et déclarent souvent : « Par Ève la mort, par Marie la vie.»
Catéchisme de l'Église catholique
Pour être la Mère du Sauveur, Marie " fut pourvue par Dieu de dons à la mesure d’une si grande tâche " (LG 56). L’ange Gabriel, au moment de l’Annonciation la salue comme " pleine de grâce " (Lc 1, 28). En effet, pour pouvoir donner l’assentiment libre de sa foi à l’annonce de sa vocation, il fallait qu’elle soit toute portée par la grâce de Dieu.

Au long des siècles l’Église a pris conscience que Marie, " comblée de grâce " par Dieu (Lc 1, 28), avait été rachetée dès sa conception. C’est ce que confesse le dogme de l’Immaculée Conception, proclamé en 1854 par le pape Pie IX :

A l’annonce qu’elle enfantera " le Fils du Très Haut " sans connaître d’homme, par la vertu de l’Esprit Saint (cf. Lc 1, 28-37), Marie a répondu par " l’obéissance de la foi " (Rm 1, 5), certaine que " rien n’est impossible à Dieu " : " Je suis la servante du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole " (Lc 1, 37-38). Ainsi, donnant à la parole de Dieu son consentement, Marie devint Mère de Jésus et, épousant à plein cœur, sans que nul péché la retienne, la volonté divine de salut, se livra elle-même intégralement à la personne et à l’œuvre de son Fils, pour servir, dans sa dépendance et avec lui, par la grâce de Dieu, au mystère de la Rédemption (cf. LG 56) :
Pape Saint Jean-Paul II
Marie est définitivement introduite dans le mystère du Christ par cet événement: l'Annonciation de l'ange. Elle a lieu à Nazareth, dans des circonstances précises de l'histoire d'Israël, le premier peuple auquel furent adressées les promesses de Dieu. Le messager divin dit à la Vierge: «Réjouis-toi, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi» (Lc 1, 28). Marie «fut toute troublée, et elle se demandait ce que signifiait cette salutation» (Lc 1, 29), ce que pouvaient signifier ces paroles extraordinaires et, en particulier, l'expression «pleine de grâce» (kécharitôménê) 21.