Luc 1, 3
C’est pourquoi j’ai décidé, moi aussi, après avoir recueilli avec précision des informations concernant tout ce qui s’est passé depuis le début, d’écrire pour toi, excellent Théophile, un exposé suivi,
C’est pourquoi j’ai décidé, moi aussi, après avoir recueilli avec précision des informations concernant tout ce qui s’est passé depuis le début, d’écrire pour toi, excellent Théophile, un exposé suivi,
L'évangéliste fait
part maintenant au lecteur de sa méthode, des principes directeurs qu'il suivra en tant qu'historien de Jésus. -
Il m'a paru bon. Les mots « et au saint Esprit », insérés après « m'a » par la version gothique et plusieurs
manuscrits latins, sont apocryphes, bien qu'ils expriment une idée juste. - A moi aussi. S. Luc s'autorise en
quelque sorte de l'exemple des écrivains qui l'ont précédé. Ce qu'ils ont fait, il est pareillement en droit de
l'entreprendre. Mais il insinue ensuite délicatement en quoi il essaiera de les surpasser. Quatre expressions
choisies indiquent les qualités qu'il s'efforcera de donner à sa narration. 1°. Il sera aussi complet que possible,
après m'être assuré de tout. Dans la version grecque, le verbe signifie littéralement « suivre pas à pas » ; les
meilleurs auteurs grecs l'appliquent comme S. Luc aux investigations intellectuelles. Comp. Polyh. 1, 12 ;
Démosth. Pro corona, c. 53, etc. 2°. S. Luc remontera jusqu'à l'origine la plus reculée de l'histoire du
Sauveur, car « il se propose d'introduire dans son tableau même l'aurore du jour » qui en forme le fond
(Bisping). Les vv. 5 et ss. Nous montreront ce que S. Luc a entendu par le « commencement de toutes les
choses. ». 3° Il racontera avec toute l'exactitude dont il sera capable ; la méthode suivie par lui dans son récit
comme dans ses recherches sera « critique », selon l'expression qui est à la mode aujourd'hui. 4° Il organisera
les événements d'après un ordre régulier, qui sera généralement celui de la chronologie, dans l'ordre. Nous
avons vu en divers endroits de la Préface, §§ 5 et 8, que S. Luc a été fidèle à toutes ses promesses. Il est plus
complet qu'aucun autre évangéliste (comp. S. Ambr. Exp. in Luc. 1, 11) ; il remonte non-seulement jusqu'à
l'Incarnation du Verbe, mais jusqu'à la conception du Précurseur ; il est un narrateur très exact ; enfin un
ordre lumineux règne à peu près partout dans ses pages. - De te les exposer … excellent Théophile. Ces mots renferment la dédicace de l'ouvrage. Voyez la Préface, § 4. Mais qu'était ce « très excellent Théophile »
auquel S. Luc adressait ainsi premièrement et directement son Évangile ? Les avis ont été de tout temps très
partagés sur ce point. De la signification mystique de son nom (ami de Dieu), on a parfois conclu
(Hammond, Leclerc, E. Renan, etc.), à la suite d'Origène, Hom. 1 in Luc., de S. Épiphane, Haer. l. 51, et de
Salvianus, epist. 9 ad Salonium, que c'était un personnage purement idéal et supposé, destiné à représenter
tout lecteur chrétien, de la façon de la Philothée de S. François de Sales. Mais c'est à bon droit que les
exégètes rejettent pour la plupart ce sentiment : car, d'un côté, il est contraire à l'ensemble de la tradition,
laquelle a vu très généralement dans Théophile un personnage historique et réel, vivant en même temps que
S . Luc ; d'un autre côté, il est suffisamment réfuté par l'épithète excellent associé au nom de Théophile. En
effet, on ne donne pas de titres honorifiques à un être imaginaire ; or cet adjectif, équivalent au
« splendidus » des Latins, apparaît soit dans les écrits du Nouveau Testament (comp. Act. 23, 26 ; 24, 3 ; 26,
25), soit sur les monuments antiques devant le nom de personnages officiels et distingués. On a inféré de là,
sans doute avec raison, que le Théophile auquel est dédié le troisième Évangile était selon toute apparence un
homme d'un rang assez élevé, par exemple un magistrat supérieur. Tout prouve aussi qu'il était chrétien, et
d'origine païenne. Toutefois on n'a pas voulu se borner à ces idées générales : il n'est même sorte d'hypothèse
que les exégètes n'aient faite pour déterminer au juste sa personne et sa patrie. C'est ainsi qu'on l'a identifié
tantôt avec le grand-prêtre juif du même nom, fils d'Anne, ant. 18, 5, 3 ; 19, 6, 2), tantôt avec un autre
Théophile, habitant d'Athènes, mentionné par Tacite, annal. 2, 55, 2, tantôt avec le célèbre Philon
d’Alexandrie (car on est allé jusque là!), tantôt avec deux autres homonymes dont l'un, d'après les Recognit.
Clementinae, l. 10, c. 7, aurait été l'un des premiers citoyens de la ville d’Antioche, dont l'autre, d'après les
Constit. Apostol. 7, 46, serait devenu le troisième évêque de Césarée de Palestine. Tout cela est bien hasardé.
On a pourtant conjecturé d'une manière assez ingénieuse que Théophile habitait probablement l'Italie quand
S. Luc lui dédia son Évangile ou du moins le livre des Actes. Tandis que partout ailleurs les éclaircissements
géographiques abondent, ils cessent tout à coup dans le dernier chapitre des Actes ; dès qu'il est question de
l'Italie, l'écrivain sacré se borne à mentionner les localités, supposant que son illustre ami est suffisamment
renseigné sur leur compte. Et cependant plusieurs de ces localités sont sans importance, comme « Forum
Appii, Tres Tabernae » : c'est donc que Théophile les connaissait, et il ne pouvait guère les connaître qu'à la
condition d'être domicilié dans le pays. On trouvera les développements de cette thèse dans Hug, Einleitung,
t. 2. Pour de plus amples détails sur Théophile, nous renvoyons à Winer, Realwoerterbuch, et à Smith,
Dictionary of the Bible, s.v.
Théophile, chrétien de distinction, d’ailleurs inconnu (peut-être d’Antioche), probablement d’origine païenne, à qui saint Luc a aussi dédié les Actes des Apôtres.