Luc 1, 45

Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »

Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »
Guerric d'Igny
Voici le Roi qui vient, accourons au-devant de notre Sauveur (texte liturgique). Salomon a fort bien dit: Le messager d'une bonne nouvelle venant d'un pays lointain, c'est de l'eau fraîche pour l'âme assoiffée (Pr 25,25). Oui, c'est un bon messager celui qui annonce l'avènement du Sauveur, la réconciliation du monde, les biens du siècle à venir. Qu'ils sont beaux, les pas de ceux qui annoncent la paix, qui annoncent la bonne nouvelle (Is 52,7).

De tels messagers sont une eau rafraîchissante et une boisson de sagesse salutaire pour l'âme assoiffée de Dieu. En vérité, celui qui lui annonce l'arrivée du Seigneur ou ses autres mystères lui donne à boire les eaux puisées dans la joie aux sources du Sauveur (Is 12,3). Aussi, à celui qui lui porte cette annonce, que ce soit Isaïe ou n'importe quel prophète, cette âme répond, semble-t-il, avec les paroles d'Elisabeth, parce qu'elle était abreuvée au même Esprit: Et comment m'est-il donné que mon Seigneur vienne à moi? Car lorsque la voix de ton annonciation est venue à mes oreilles, mon esprit a bondi de joie (cf. Lc 1,43-44) en moi-même, dans l'enthousiasme d'aller à la rencontre de Dieu son Sauveur.

Que notre esprit exulte donc d'une vive allégresse, qu'il accoure au-devant de son Sauveur, qu'il adore et salue celui qui vient de si loin, en l'acclamant par ces paroles: "Viens donc Seigneur," sauve-moi et je serai sauvé (Jr 17,14). Car c'est toi que nous avons attendu. Sois notre salut au temps de la calamité (Is 33,2). C'est ainsi que les prophètes et les justes allaient, avec tant de désir et d'amour, à la rencontre du Christ qui devait venir, en désirant, si c'était possible, voir de leurs yeux ce que, par avance, ils voyaient en esprit.

Nous attendons le jour anniversaire de la Nativité du Christ, dont on nous annonce que nous le verrons bientôt. Et l'Écriture semble exiger de nous une joie telle que l'esprit, s'élevant au-dessus de lui-même, s'empresse d'accourir au-devant du Christ qui vient; il se porte en avant par le désir, il s'efforce, sans tolérer aucun retard, de voir déjà ce qui est encore à venir.

Personnellement, je pense en effet que ce n'est pas seulement à propos du second avènement, mais déjà à propos du premier que tant de textes de l'Écriture nous pressent d'accourir à sa rencontre. Comment cela? demandez-vous. Voici: de même que nous accourrons au-devant du second avènement par un élan et une exultation de notre corps, de même devrons-nous accourir à la rencontre du premier par l'amour et l'exultation de notre coeur.

Or, selon le mérite et le zèle de chacun, cet avènement du Seigneur est plus ou moins fréquent pendant le temps qui s'écoule entre le premier avènement et le dernier; il nous rend conformes au premier et nous prépare au dernier. Certes, il vient en nous maintenant pour que le premier ne l'ait pas fait venir en vain, et que lors du dernier avènement il ne vienne pas en étant irrité contre nous.

En cet avènement-ci, il s'efforce de réformer notre esprit plein d'orgueil en le rendant conforme à cet esprit d'humilité qu'il a montré dans sa première venue, afin de pouvoir transformer pareillement nos pauvres corps à l'image de son corps glorieux (Ph 3,21), celui qu'il nous montrera quand il reviendra une seconde fois.

Donc puisque le premier avènement est celui de la grâce, le dernier, celui de la gloire, l'avènement présent est à la fois celui de la grâce et de la gloire; c'est-à-dire qu'il nous permet, par les consolations de la grâce, de goûter déjà d'une certaine façon la gloire future. Qu'ils sont heureux ceux dont l'ardente charité a déjà mérité de recevoir ce privilège!

Pour nous, mes frères, qui n'avons pas encore la consolation d'une expérience aussi élevée, pour que nous demeurions patients jusqu'à l'avènement du Seigneur, ayons, en attendant, la consolation d'une foi solide et d'une conscience pure qui nous permettra de dire, avec autant de félicité que de fidélité, comme saint Paul: Je sais en qui j'ai mis ma foi, et je suis sûr qu'il est assez puissant pour garder mon dépôt jusqu'à ce jour-là, c'est-à-dire jusqu'à l'avènement de gloire de Jésus Christ, notre grand Dieu et Sauveur (2Tm 1,12 Tt 2,13), à qui appartient la gloire pour les siècles des siècles. Amen.
Louis-Claude Fillion
Elisabeth termine son allocution par un bel éloge de la foi si parfaite de Marie : Bienheureuse celle qui a cru. On voit encore par ce détail que la révélation faite à sainte Elisabeth n'avait pas moins été circonstanciée que rapide ; elle avait déroulé sous les yeux de la mère de S. Jean, comme un admirable panorama, tout ce qui s'était passé entre l'ange et Marie. D'après le texte grec, Elisabeth n'adresse pas directement à sa cousine les paroles de ce verset, mais elle parle à la troisième personne. Elle proclame par manière d'aphorisme une vérité générale (comp. Ps. 73, 13 ; 145, 7 ; Prov. 16, 20) qu'elle applique néanmoins à Marie. Comme on l'a dit, sa pensée semble se perdre dans une sorte de contemplation, et sa parole, cessant d'être une apostrophe à sa cousine, devient un hymne à la foi. Autre particularité du texte grec : le second hémistiche peut recevoir deux traductions différentes. La Vulgate a choisi le sens : Bienheureuse celle qui a cru, CAR les paroles de Dieu s'accompliront. D'assez nombreux commentateurs adoptent le second : Bienheureuse celle qui a cru QUE les promesses divines s'accompliraient. Ce n'est là qu'une nuance sans gravité.
Concile œcuménique
Cette union de la Mère avec son Fils dans l’œuvre du salut est manifeste dès l’heure de la conception virginale du Christ jusqu’à sa mort ; et d’abord quand Marie, partant en hâte pour visiter Élisabeth, est saluée par elle du nom de bienheureuse pour avoir cru au salut promis, tandis que le Précurseur tressaillait au sein de sa mère (cf. Lc 1, 41-45) ; lors de la Nativité ensuite, quand la Mère de Dieu présenta dans la joie aux pasteurs et aux mages son Fils premier-né, dont la naissance était non la perte mais la consécration de son intégrité virginale. Puis lorsque, dans le Temple, après avoir fait l’offrande des pauvres, elle présenta son Fils au Seigneur, elle entendit Siméon prophétiser en même temps que le Fils serait un signe de contradiction, et que l’âme de la mère serait transpercée d’un glaive : ainsi se révéleraient les pensées intimes d’un grand nombre (cf. Lc 2, 34-35). Ayant perdu l’Enfant Jésus et l’ayant cherché avec angoisse, ses parents le trouvèrent au Temple occupé dans la maison de son Père, et la parole du Fils ne fut pas comprise par eux. Sa mère cependant gardait tout cela dans son cœur et le méditait (cf. Lc 2, 41-51).
Pape Saint Jean-Paul II
« Heureuse celle qui a cru » (Lc 1, 45): dans le mystère de l'Incarnation, Marie a aussi anticipé la foi eucharistique de l'Église. Lorsque, au moment de la Visitation, elle porte en son sein le Verbe fait chair, elle devient, en quelque sorte, un « tabernacle » – le premier « tabernacle » de l'histoire – dans lequel le Fils de Dieu, encore invisible aux yeux des hommes, se présente à l'adoration d'Élisabeth, « irradiant » quasi sa lumière à travers les yeux et la voix de Marie. Et le regard extasié de Marie, contemplant le visage du Christ qui vient de naître et le serrant dans ses bras, n'est-il pas le modèle d'amour inégalable qui doit inspirer chacune de nos communions eucharistiques?

Dans la salutation d'Elisabeth, tous les mots sont lourds de sens; cependant ce qu'elle dit à la fin semble d'une importance primordiale «Bienheureuse celle qui a cru en l'accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur!» (Lc 1, 45). On peut rapprocher ces mots du titre «pleine de grâce» dans la salutation de l'ange. Dans l'un et l'autre de ces textes se révèle un contenu mariologique essentiel c'est-à-dire la vérité sur Marie dont la présence dans le mystère du Christ est devenue effective parce qu'elle «a cru». La plénitude de grâce, annoncée par l'ange, signifie le don de Dieu lui-même; la foi de Marie, proclamée par Elisabeth lors de la Visitation, montre comment la Vierge de Nazareth a répondu à ce don.

Après la mort d'Hérode, quand la sainte Famille retourne à Nazareth, commence la longue période de la vie cachée. «Celle qui a cru en l'accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur» (Lc 1, 45) vit chaque jour le sens de ces paroles. Le Fils qu'elle a appelé du nom de Jésus est quotidiennement auprès d'elle; donc, à son contact, elle utilise certainement ce nom qui, d'ailleurs, ne pouvait provoquer aucune surprise car il était en usage en Israël depuis longtemps. Toutefois, Marie sait que celui qui porte le nom de Jésus a été appelé par l'ange «Fils du Très-Haut» (cf. Lc 1, 32). Marie sait qu'elle l'a conçu et enfanté «sans connaître d'homme», par l'Esprit Saint, avec la puissance du Très-Haut qui l'a prise sous son ombre (cf. Lc 1, 35), de même qu'au temps de Moïse et des Pères la nuée voilait la présence de Dieu (cf. Ex 24, 16; 40, 34-35; 1 R 8, 10-12). Marie sait donc que le Fils qu'elle a enfanté dans sa virginité est précisément ce «Saint», «le Fils de Dieu» dont l'ange lui a parlé.

A l'aube de l'Eglise, au commencement du long cheminement dans la foi qui s'ouvrait par la Pentecôte à Jérusalem, Marie était avec tous ceux qui constituaient le germe du «nouvel Israël». Elle était présente au milieu d'eux comme un témoin exceptionnel du mystère du Christ. Et l'Eglise était assidue dans la prière avec elle et, en même temps, «la contemplait dans la lumière du Verbe fait homme». Et il en serait toujours ainsi. En effet, quand l'Eglise «pénètre plus avant dans le mystère suprême de l'Incarnation», elle pense à la Mère du Christ avec une vénération et une piété profondes 63. Marie appartient au mystère du Christ inséparablement, et elle appartient aussi au mystère de l'Eglise dès le commencement, dès le jour de sa naissance. A la base de ce que l'Eglise est depuis le commencement, de ce qu'elle doit constamment devenir de génération en génération au milieu de toutes les nations de la terre, se trouve celle «qui a cru en l'accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur» (Lc 1, 45). Précisément cette foi de Marie, qui marque le commencement de l'Alliance nouvelle et éternelle de Dieu avec l'humanité en Jésus Christ, cette foi héroïque «précède» le témoignage apostolique de l'Eglise et demeure au cœur de l'Eglise, cachée comme un héritage spécial de la révélation de Dieu. Tous ceux qui participent à cet héritage mystérieux de génération en génération, acceptant le témoignage apostolique de l'Eglise, participent, en un sens, à la foi de Marie.

Quand Elisabeth salua sa jeune parente qui arrivait de Nazareth, Marie lui répondit par le Magnificat. En saluant Marie, Elisabeth avait commencé par l'appeler «bénie», à cause du «fruit de son sein», puis «bienheureuse» en raison de sa foi (cf. Lc 1, 42. 45). Ces deux bénédictions se référaient directement au moment de l'Annonciation. Or, à la Visitation, lorsque la salutation d'Elisabeth rend témoignage à ce moment primordial, la foi de Marie devient encore plus consciente et trouve une nouvelle expression. Ce qui, lors de l'Annonciation, restait caché dans les profondeurs de l'«obéissance de la foi», se libère maintenant, dirait-on, comme une flamme claire, vivifiante, de l'esprit. Les expressions utilisées par Marie au seuil de la maison d'Elisabeth constituent une profession de foi inspirée, dans laquelle la réponse à la parole de la Révélation s'exprime par l'élévation spirituelle et poétique de tout son être vers Dieu. Dans ces expressions sublimes, qui sont à la fois très simples et pleinement inspirées par les textes sacrés du peuple d'Israël 89, transparaît l'expérience personnelle de Marie, l'extase de son cœur. En elles resplendit un rayon du mystère de Dieu, la gloire de sa sainteté ineffable, l'éternel amour qui, comme un don irrévocable, entre dans l' histoire de l'homme.
Pape Francois
Dans la parabole du semeur, saint Luc rapporte ces paroles par lesquelles Jésus explique la signification de « la bonne terre » : « Ce sont ceux qui, ayant entendu la parole avec un cœur noble et généreux, la retiennent et portent du fruit par leur constance » (Lc 8, 15). Dans le contexte de l’évangile de Luc, la mention du cœur noble et généreux, en référence à la Parole écoutée et gardée, constitue un portrait implicite de la foi de la Vierge Marie. Le même évangéliste nous parle de la mémoire de Marie, de la manière dont elle conservait dans son cœur tout ce qu’elle écoutait et voyait, de façon à ce que la Parole portât du fruit dans sa vie. La Mère du Seigneur est l’icône parfaite de la foi, comme dira sainte Élisabeth : « Bienheureuse celle qui a cru » (Lc 1, 45).

En Marie, Fille de Sion, s’accomplit la longue histoire de foi de l’Ancien Testament, avec le récit de la vie de beaucoup de femmes fidèles, à commencer par Sara, femmes qui, à côté des Patriarches, étaient le lieu où la promesse de Dieu s’accomplissait, et la vie nouvelle s’épanouissait. À la plénitude des temps, la Parole de Dieu s’est adressée à Marie, et elle l’a accueillie avec tout son être, dans son cœur, pour qu’elle prenne chair en elle et naisse comme lumière pour les hommes. Saint Justin martyr, dans son Dialogue avec Tryphon, a une belle expression par laquelle il dit que Marie, en acceptant le message de l’Ange, a conçu « foi et joie ». En la mère de Jésus, en effet, la foi a porté tout son fruit, et quand notre vie spirituelle donne du fruit, nous sommes remplis de joie, ce qui est le signe le plus clair de la grandeur de la foi. Dans sa vie, Marie a accompli le pèlerinage de la foi en suivant son Fils. Ainsi, en Marie, le chemin de foi de l’Ancien Testament est assumé dans le fait de suivre Jésus, et il se laisse transformer par Lui, en entrant dans le regard-même du Fils de Dieu incarné.