Luc 1, 5

Il y avait, au temps d’Hérode le Grand, roi de Judée, un prêtre du groupe d’Abia, nommé Zacharie. Sa femme aussi était descendante d’Aaron ; elle s’appelait Élisabeth.

Il y avait, au temps d’Hérode le Grand, roi de Judée, un prêtre du groupe d’Abia, nommé Zacharie. Sa femme aussi était descendante d’Aaron ; elle s’appelait Élisabeth.
Louis-Claude Fillion
Le style de S. Luc, si classique dans les vv. 1-4, se transforme tout à coup au début du cinquième. Au lieu de belles périodes admirablement cadencées, nous ne trouvons plus, pendant quelque temps, que les phrases courtes et simples de la prose hébraïque, rattachées sans art les unes aux autres par des conjonctions, et chargées d'aramaïsmes. Ce contraste provient sans nul doute des documents hébreux dont S. Luc se servit pour cette partie de sa narration, et qu'il y inséra même dans une large mesure, se contentant de les traduire et de les abréger. - Il y avait, aux jours… Voilà déjà de l'hébreu très pur. Les récits orientaux commencement ordinairement par c'était au temps de, nous en avons plusieurs exemples dans la Bible. Comp. Ruth, 1, 1 ; Esth. 1, 1, etc. Quant au mot jours, il indique la date de l'incident que l'évangéliste se propose d'exposer tout d'abord. Sur cette date assez vague (714-750 de Rome fondée) et sur Hérode-le-Grand, voyez l'Évangile selon S. Matth., p. 49. - Roi de Judée. Il s'agit ici de la Judée dans le sens large, c'est-à-dire de la Palestine entière, puisque tel était le territoire gouverné par Hérode. Plus loin, 3, 1, il ne sera question que d'une Judée notablement restreinte. - Un prêtre nommé Zacharie. L'Évangile, le livre le plus universel, le plus catholique qui ait jamais existé, débute par un épisode dont une simple famille juive est le théâtre ! Voici d'abord, dans les vv. 5-7, quelques détails intéressants sur les deux héros de l'épisode, Zacharie et Elisabeth. Le premier, dont le nom signifie « Jéhovah se souvient », n'était pas le grand-prêtre d'alors, comme on l'a souvent redit à la suite de S. Augustin, mais un simple prêtre, ainsi qu'il ressort de plusieurs circonstances du récit. L'expression « un prêtre » ne saurait désigner qu'un prêtre ordinaire. De plus, le souverain Pontife du judaïsme n'appartenait à aucune classe spéciale, tandis que Zacharie, nous allons le voir, faisait partie de celle d'Abia. Enfin le grand-prêtre n'était jamais « de semaine », et n'avait pas besoin de tirer au sort pour savoir quelles seraient ses fonctions. Tout au plus pourrait-on dire avec Wouters, Dilucid. Select. S. Scripturae, 1792, t. 2, p. 151, que Zacharie était grand-prêtre par alternance, et encore n'est-ce là qu'une simple hypothèse qui présente peu de garanties. - De la classe d'Abia. D'après le grec, de l'éphémérie d'Abia, c'est-à-dire l'une des familles sacerdotales telles qu'elles se trouvaient organisées soit à l'époque de David, soit après le retour de la captivité Babylonienne. Voyez Bretschneider, Lexic. Man. 2è éd. t. 1, p. 441. S. Luc lui donne ici la même signification. Sous David, les descendants d'Aaron formaient vingt-quatre familles, qui portaient le nom de leurs chefs respectifs ; celle d'Abia était la huitième, 1 Par. 24, 10. Le saint roi décida qu'elles serviraient dans le temple à tour de rôle pendant une semaine, du samedi au samedi : ce qui faisait deux semaines seulement chaque année (indépendamment des grandes solennités, pour lesquelles les besoins du culte exigeaient le concours de la plupart des prêtres). Après l'exil, il ne revint en Palestine que quatre familles sacerdotales (comp. Esdr. 2, 37-39) ; mais on les partagea en vingt-quatre classes, auxquelles on donna les anciens noms pour garder le souvenir du passé. Voyez Josèphe, Antiq. 7, 15, 7 ; Lightfoot, Hor. hebr. in Evang. Lucae, h. l. ; T. Robinson, the Evangelists and the Mishna, Londr. 1859, p. 190 et suiv. C'est donc à la huitième de ces classes qu'appartenait Zacharie. - Et sa femme était d'entre les filles d'Aaron. Les prêtres avaient le droit de se marier dans n'importe quelle tribu d'Israël (comp. Lev. 21, 7 ; Ezech. 44, 22) ; mais la femme que Zacharie s'était choisie faisait partie comme lui de la race sacerdotale. L'évangéliste n'a pas relevé ce détail sans une intention particulière : il voulait évidemment mettre en relief la noble origine de Jean-Baptiste, en montrant qu'il se rattachait et par son père et par sa mère à l'illustre famille d'Aaron, la plus glorieuse qui existât alors après celle de David, dont devait naître le Messie. Voyez dans Josèphe, Vita, 1, combien l'origine sacerdotale passait alors pour glorieuse. - Elisabeth : en hébreu, « le serment de Dieu », nom qui n'est pas moins significatif que celui de Zacharie. La femme d'Aaron l'avait déjà porté, Ex. 6, 23, et l'on conçoit qu'il ait été souvent donné aux filles des prêtres en l'honneur et en souvenir de leur aïeule.
Fulcran Vigouroux
Zacharie, de la classe d’Abia. David avait partagé les prêtres en vingt-quatre classes ou familles qui remplissaient les fonctions sacrées à tour de rôle dans le temple une semaine chacune, d’un sabbat à un autre sabbat, voir 1 Paralipomènes, 24, 4 ; 2 Paralipomènes, 8, 14 (?) ; 2 Esdras, 12 (?), 40. Entre les membres de la famille, les divers offices à remplir étaient tirés au sort. Zacharie appartenait à la huitième classe qui était celle d’Abia. Lui échut la charge d’entrer dans le Saint, pour offrir l’encens, matin et soir, sur l’autel d’or, devant le Saint des Saints pendant que le peuple se tenait dans les cours et sous les portiques. Nous ne savons du reste sur lui que ce que nous apprend l’Evangile. ― Elisabeth. Nous ne connaissons non plus d’elle que ce que nous raconte saint Luc.