Luc 1, 53
Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides.
Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides.
Nous pouvons entendre ces paroles mêmes des choses sensibles, et y apprendre l'incertitude des choses de ce monde. Elles sont bien fragiles, en effet, comme ces flots que l'impétuosité des vents brise et disperse de tous côtés. Entendues dans le sens spirituel, ces paroles signifient que le genre humain tout entier était comme affamé, à l'excepti on des Juifs, que la promulgation de la loi et les enseignements des saints prophètes avaient enrichis. Mais ils ont refusé de s'attacher humblement au Verbe incarné, et ils ont été renvoyés vides de tous biens et dans le plus entier dénuement, privés de la foi, de la science, de l'espérance des biens, exclus tout ensemble de la Jérusalem terrestre et de la vie future. Ceux au contraire, parmi les gentils, que la faim et la soif avaient complètement épuisés, se sont attachés au Seigneur et ont été remplis de tous les biens spirituels.
La Glose
Comme la prospérité humaine consiste surtout dans les honneurs des puissants de ce monde et dans l'abondance des richesses, après avoir parlé de l'humiliation des grands et de l'élévation des humbles, elle prédit que les riches seront réduits au plus entier dénuement, et les pauvres remplis de toutes sortes de biens: «Il a rempli de biens ceux qui étaient affamés», etc.
Ceux aussi qui ont faim des biens éternels, qui les désirent ardemment, seront rassasiés, lorsque Jésus-Christ apparaîtra dans sa gloire, mais pour ceux qui placent leur joie dans les choses de la terre, ils seront à la fin des siècles renvoyés vides de tous biens et de toute félicité.
Deux antithèses frappantes, qui
confirment l'exemple précédent. Les superbes, ennemis de Dieu, sont d'ordinaire les favoris de la fortune, les
puissants et les riches de ce monde. Leurs souvenir amène naturellement celui des petits et des pauvres, chez
lesquels on trouve plus souvent la crainte du Seigneur et l'accomplissement de ses préceptes. Marie
caractérise en termes pittoresques la conduite de Dieu à l'égard des uns et des autres. Les puissants, « les
dynastes », comme le dit le texte grec, il les renverse de leurs trônes ; les riches, il les renvoie privés de tout.
Au contraire, il exalte les humbles, il comble de biens les pauvres qui mouraient de faim. Les livres de
l'Ancien Testament sont remplis de sentences analogues. Comp. Eccli. 10, 14 ; Ps. 17, 28 ; 34, 11, etc.
Notons encore, avant de quitter cette strophe, le beau croisement des membres dans les antithèses qu'elle
contient. « Dans le premier contraste (v. 51), les justes occupent la première place, les orgueilleux la
seconde ; dans le second au contraire (v. 52), les puissants occupent la première, de manière à se rattacher
immédiatement aux orgueilleux du v. 51, et les petits la seconde. Dans la troisième enfin (v. 53), les affamés
viennent en premier lieu, se liant aux petits du v. 52, et les riches forment le second membre. L'esprit passe
ainsi, comme par une sorte d'ondulation, du semblable au semblable, et le sentiment n'est pas heurté, comme
il l'eût été par une symétrie qui eût présenté à chaque fois les membres homogènes du contraste dans le
même ordre ». Godet.
La Très Sainte Vierge Marie, notre Mère et notre Reine, est celle qui, se tournant vers son Fils, dit: «Ils n'ont pas de vin» (Jn 2, 3), celle aussi qui loue Dieu le Père parce qu'«il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides» (Lc 1, 52-53). Dans sa sollicitude maternelle, elle se penche sur les aspects personnels et sociaux de la vie des hommes sur la terre