Luc 12, 34
Car là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur.
Car là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur.
En effet, tout homme devient naturellement l'esclave de ce qui fait l'objet de ses affections; il applique toute son âme aux choses dont il espère retirer de plus grands avantages. Si donc il met dans les biens de la vie présente toute son âme, et toutes ses intentions, il est tout entier plongé dans les choses de la terre. Si, au contraire, il dirige toutes les facultés de son âme vers les choses du ciel, il y aura aussi son coeur, il paraîtra vivre avec les hommes par le corps seul, tandis que par son âme, il sera déjà en possession des demeures célestes.
Je crains que vous ne regardiez la pratique de la miséricorde non comme obligatoire, mais comme facultative; c'était d'abord aussi mon avis, mais je suis épouvanté par la vue des boucs placés à la gauche du Sauveur, non pour avoir ravi le bien d'autrui, mais pour avoir négligé d'assister Jésus-Christ dans la personne des pauvres.
Il leur recommande de placer leurs biens et leurs richesses terrestres dans le ciel où la corruption ne pourra les atteindre: «Faites-vous un trésor qui subsiste dans les cieux».
On me demandera peut-être pour quel motif il faut vendre ce que l'on possède? Est-ce parce que les biens de la terre sont naturellement mauvais, ou à cause des tentations dont ils peuvent-être la source? Je réponds premièrement, que si une seule des choses qui existent dans le monde, était essentiellement mauvaise, elle cesserait par là même d'être créature de Dieu, car toute chose créée de Dieu est bonne ( 2Tm 4 ); secondement que le sauveur en nous disant: «Faites l'aumône»,ne nous commande pas de nous dépouiller de nos richesses comme si elles étaient mauvaises, mais de les distribuer aux pauvres.
Il n'est point de péché que l'aumône ne puisse effacer, c'est un remède efficace pour toutes les blessures. Or, on ne fait pas seulement l'aumône en donnant de l'argent, mais en faisant des oeuvres de charité, en défendant le faible, en guérissant les malades, en donnant un sage conseil.
Sans l'aumône en effet, il est impossible de posséder le royaume; une source qui retient ses eaux, se corrompt, il en est de même de ceux qui conservent leurs richesses pour eux-mêmes.
Il leur donne ensuite la raison qui doit bannir de leur coeur toute crainte: «Parce qu'il a plu à votre Père de vous donner son royaume». Comme s'il leur disait: Comment celui qui vous destine un si précieux héritage pourrait-il refuser de vous traiter avec bonté? Car bien que ce troupeau soit petit (par la nature, le nombre, et l'éclat), cependant c'est à ce pe tit troupeau que la bonté du Père a donné l'héritage des esprits célestes, c'est-à-dire, le royaume des cieux. Si vous voulez donc posséder le royaume des cieux, méprisez les richesses de la terre: «Vendez ce que vous avez», etc.
Peut-être ce commandement paraîtra-t-il dur aux riches; cependant quels avantages il offre à des esprits raisonnables, puisqu'ils peuvent ainsi gagner le royaume des cieux: «Faites-vous des bourses que le temps n'use point ?» etc.
Notre-Seigneur appelle encore petit le troupeau des élus, soit par comparaison avec le grand nombre des réprouvés, soit plutôt à cause de l'amour des élus pour l'humilité.
Notre-Seigneur veut leur dire: Ne craignez pas qu'en combattant pour le royaume de Dieu, vous manquiez jamais du nécessaire; loin de là, vendez même ce que vous avez, conseil qui est noblement pratiqué par celui qui, non content d'avoir fait pour Dieu le sacrifice de tous ses biens, travaille ensuite de ses mains pour suffire à ses besoins et pouvoir encore donner l'aumône.
En faisant des aumônes dont la récompense durera éternellement, il ne faut pas croire cependant qu'il soit défendu ici aux chrétiens de rien avoir en réserve, soit pour leur usage, soit pour celui des pauvres, puisque le Seigneur lui-même, qui était servi par les anges ( Mt 4), avait cependant une bourse ( Jn 12), pour conserver les offrandes des âmes fidèles. Notre-Seigneur veut simplement dire qu'on ne doit ni servir Dieu en vue de ces biens, ni abandonner la pratique de la justice dans la crainte de les perdre.
Il faut donc entendre simplement ce passage, dans ce sens que l'argent mis en réserve se perd, tandis que s'il est donné au prochain, il produit des fruits éternels pour le ciel; ou encore, que le trésor des bonnes oeuvres, s'il est amassé en vue d'un avantage terrestre, se corrompt facilement et se perd, tandis que s'il est acquis en vue du ciel, il ne peut être atteint ni extérieurement par la vaine estime des hommes (semblable au voleur qui ravit au dehors), ni intérieurement par la vaine gloire (qui, comme le ver, ronge et déchire au dedans).
Cette vérité ne s'applique pas seulement aux richesses, mais à toutes les passions; les festins sont les trésors de l'homme sensuel; les vains amusements, les trésors de l'homme dissolu; la volupté, le trésor de l'impudique.
La Glose
Après avoir banni du coeur de ses disciples la sollicitude des choses de la terre, Notre-Seigneur en exclut la crainte, qui est le principe des vaines inquiétudes: «Ne craignez point, petit troupeau»,etc.
Ou bien les voleurs sont les hérétiques et les démons, qui ne cherchent qu'à nous dépouiller des biens spirituels: le ver qui ronge secrètement les vêtements, c'est l'envie qui ronge et déchire le zèle où le fruit des bonnes oeuvres et réduit le lien de l'unité ( Ep 4, 46).
Notre-Seigneur appelle petit troupeau ceux qui veulent devenir ses disciples, ou bien à cause de la pauvreté volontaire qu'ils ont embrassée, ou parce qu'ils sont au-dessous de la multitude des anges, dont la nature est incomparablement supérieure à la nôtre.
C'est-à-dire: Ici bas les vers peuvent ronger ces biens, mais ils ne les rongent pas dans le ciel, et comme il y a des biens qui sont à l'épreuve des vers, il ajoute: «Et où les voleurs n'ont point d'accès»,car l'or ne peut-être rongé par les voleurs, mais il peut être enlevé par les voleurs.
Mais comme il est des biens qui ne peuvent être enlevés par les voleurs, Notre-Seigneur donne une raison plus décisive et qui ne souffre aucune réplique: «Là où est votre trésor, là est votre coeur»; comme s'il leur disait: Soit, que vos biens ne soient ni rongés par les vers, ni enlevés par les voleurs, mais quel supplice ne mérite pas celui qui attache son coeur à un trésor qu'il a enfoui, et qui ensevelit ainsi dans la terre son âme, oeuvre de Dieu par excellence?
Profonde vérité
psychologique, par laquelle le divin instructeur termine ses avertissements relatifs aux biens de ce monde.
Notre cœur suit notre trésor, c'est un fait d'expérience journalière ; si donc ce trésor est au ciel, notre cœur
sera toujours tourné en haut, et tel était précisément le résultat que Jésus se proposait d'atteindre en parlant à
ses disciples.