Luc 12, 49

Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé !

Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé !
Louis-Claude Fillion
« Quel lien ces mots ont-ils avec ce qui précède, écrit Maldonat sur ce passage, je n’estime pas devoir le chercher. Car ils ont été dits par d’autres personnes, et peut-être en d’autre temps et en d’autres lieux, par le Christ. ». Beaucoup d'exégètes se rangent à ce sentiment ; mais il en est d'autres aussi, et nous sommes de ce nombre, qui ne le partagent pas. Nous avons plus d'une fois indiqué nos raisons dans le cours de ce chapitre. Quoiqu'il ne faille pas chercher toujours dans les discours de Notre-Seigneur une suite de pensées qui s'enchaînent rigoureusement, nous ne croyons pas qu'on soit en droit de reprocher aux vv. 49-53 un manque absolu de liaison avec les parties antérieures de l'instruction. Jésus vient d'exhorter assez longuement les siens à la vigilance, à la fidélité. Il achève maintenant la double série de ses avis par une idée analogue à celle que nous avons lue dès le début, vv. 4-9 ; c'est-à-dire que, rappelant aux disciples présents et à venir la lutte inévitable qu'ils devaient soutenir contre le monde, il les presse, et tout d'abord par son propre exemple, d'opposer un cœur courageux aux persécutions qui les attendent. - Je suis venu jeter le feu sur la terre. Tite de Bosra (Cat. S. Thomae) trouve à bon droit dans cette parole une allusion à l'origine divine du Sauveur : « Il faut rattacher cela à sa venue du ciel. Car s’il était venu de la terre sur la terre, il n’aurait pas dit : je suis venu envoyer le feu sur la terre ». Mais le sens exact du texte considéré dans son ensemble n'est pas aussi clair que cette légitime déduction. La difficulté principale porte sur le mot feu, au sujet duquel les interprètes sont loin de s'accorder. La plupart des Pères (voyez les citations dans Maldonat) l'entendent de l'Esprit Saint. Nous dirons néanmoins, d'accord cette fois avec l'illustre Jésuite : « Si nous regardons ce qui précède et ce qui suit, nous ne voyons pas clairement le lien qui les rattache l’un à l’autre ». Théophylacte et Euthymius pensent que Jésus a voulu parler du feu du zèle ou de la charité ; mais nous rejetterons encore cette opinion pour le même motif. N'est-il pas à la fois plus simple et plus littéral, comme s'exprime D. Calmet (Cfr. Luc de Bruges), de croire qu'il s'agit du feu de la persécution, du brandon de la discorde religieuse que Notre-Seigneur Jésus-Christ, quoique prince de la paix, devait nécessairement lancer au milieu de la société qu'il venait régénérer ? Les vv. 51-53 le prouvent, ainsi que l'observait déjà très judicieusement Tertullien, Adv. Marc. 4, et ce sentiment est confirmé par plusieurs passages de la Bible où les mots feu, flamme, désignent le malheur, la souffrance. - Et quel est mon désir, sinon qu'il s'allume ? Jésus ne pouvait pas désirer en elles-mêmes les persécutions dirigées contre son Église naissante, les effervescences si terribles des guerres de religion : Mais il les désirait en pensant aux conséquences heureuses qu'elles devaient produire. Puisque la lutte du mal contre le bien était nécessaire, puisqu'elle devait contribuer à répandre partout et à affermir son royaume, il ne pouvait s'empêcher de souhaiter qu'elle embrasât au plus tôt le monde entier. « Comme un conquérant qui brûle d'ardeur de voir commencer une bataille dont le gain lui est assuré, et qui doit le remettre en possession de ses États injustement usurpés », D. Calmet.
Fulcran Vigouroux
Un feu sur la terre. Le feu signifie métaphoriquement dans l’Ecriture l’amour et la tribulation. Il a ici le double sens d’après les Pères. Notre-Seigneur apporte l’amour divin (saint Ambroise, saint Jérôme, saint Augustin, etc.), mais ses disciples auront aussi à passer par le feu de la persécution. (Tertullien, Maldonat.)