Luc 12, 50
Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli !
Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli !
Mais, avant que les flammes de la persécution viennent créer dans le monde un immense
incendie, Jésus devait subir le premier, et plus que tous les siens, les plus violentes épreuves. C'est pour cela
qu'il s'écrie, prononçant une autre parole sublime : J’ai à être baptisé d’un baptême… Nous avons la
métaphore de l'eau après celle du feu ; mais ici le sens ne saurait être douteux, cette même locution désignant d'une manière très claire dans le second Évangile (10, 38 et 39 ; voyez le commentaire) les eaux amères de la
Passion, qui étaient sur le point de passer sur Notre-Seigneur comme une inondation terrible. De nouveau le
divin Maître nous fait connaître les sentiments de son cœur en face de cette sombre prévision : comme je me
sens pressé… ! Il n'y a qu'un instant il éprouvait de vifs désirs (v. 49) ; les commentateurs hésitent pour
déterminer son impression actuelle, le verbe dans le texte grec pouvant désigner, d'après son usage biblique
et profane, les angoisses de la crainte ou les élans les plus ardents de la volonté. Divers modernes adoptent le
premier sens et voient, dans cette exclamation de Jésus, « un prélude de Gethsémani » (Gess), « la première
trace du conflit qui se livrait dans l'âme du Christ à l'approche de sa mort » (Neander), « un cri indéniable de
lamentation arraché à la faiblesse humaine du Dieu-homme » (Stier). Nous préférons, à la suite de S.
Ambroise, de Théophylacte et de la plupart des auteurs catholiques, nous arrêter à la seconde acception,
d'après laquelle Jésus manifesterait au contraire, par suite de son amour pour nous, un ardent désir de
consommer au plus tôt sa Passion, afin de nous racheter au plus tôt. Voyez H. Stephanus, Thesaurus graecae
linguae, s. v.
Je dois être baptisé d’un baptême ; c’est-à-dire : je dois être infailliblement baptisé ; je ne peux manquer d’être baptisé.
Le Baptême de Jésus, c’est, de sa part, l’acceptation et l’inauguration de sa mission de Serviteur souffrant. Il se laisse compter parmi les pécheurs (cf. Is 53, 12) ; il est déjà " l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde " (Jn 1, 29) ; déjà, il anticipe le " baptême " de sa mort sanglante (cf. Mc 10, 38 ; Lc 12, 50). Il vient déjà " accomplir toute justice " (Mt 3, 15), c’est-à-dire qu’il se soumet tout entier à la volonté de son Père : il accepte par amour le baptême de mort pour la rémission de nos péchés (cf. Mt 26, 39). A cette acceptation répond la voix du Père qui met toute sa complaisance en son Fils (cf. Lc 3, 22 ; Is 42, 1). L’Esprit que Jésus possède en plénitude dès sa conception, vient " reposer " sur lui (Jn 1, 32-33 ; cf. Is 11, 2). Il en sera la source pour toute l’humanité. A son Baptême, " les cieux s’ouvrirent " (Mt 3, 16) que le péché d’Adam avait fermés ; et les eaux sont sanctifiées par la descente de Jésus et de l’Esprit, prélude de la création nouvelle.
Ce désir d’épouser le dessein d’amour rédempteur de son Père anime toute la vie de Jésus (cf. Lc 12, 50 ; 22, 15 ; Mt 16, 21-23) car sa passion rédemptrice est la raison d’être de son Incarnation : " Père, sauve-moi de cette heure ! Mais c’est pour cela que je suis venu à cette heure " (Jn 12, 27). " La coupe que m’a donnée le Père ne la boirai-je pas ? " (Jn 18, 11). Et encore sur la croix avant que " tout soit accompli " (Jn 19, 30), il dit : " J’ai soif " (Jn 19, 28).
C’est dans sa Pâque que le Christ a ouvert à tous les hommes les sources du Baptême. En effet, il avait déjà parlé de sa passion qu’il allait souffrir à Jérusalem comme d’un " Baptême " dont il devait être baptisé (Mc 10, 38 ; cf. Lc 12, 50). Le Sang et eau qui ont coulé du côté transpercé de Jésus crucifié (Jn 19, 34) sont des types du Baptême et de l’Eucharistie, sacrements de la vie nouvelle (cf. 1 Jn 5, 6-8) : dès lors, il est possible " de naître de l’eau et de l’Esprit " pour entrer dans le Royaume de Dieu (Jn 3, 5).