Luc 13, 31

À ce moment-là, quelques pharisiens s’approchèrent de Jésus pour lui dire : « Pars, va t’en d’ici : Hérode veut te tuer. »

À ce moment-là, quelques pharisiens s’approchèrent de Jésus pour lui dire : « Pars, va t’en d’ici : Hérode veut te tuer. »
Louis-Claude Fillion
Quelques-uns des pharisiens s’approchèrent… Démarche étrange assurément. Toutefois, il faut avoir bien mal compris l'ensemble de la narration évangélique dans ce qu'elle rapporte des relations antérieures des Pharisiens avec Jésus, ou il faut vouloir excuser à tout prix la secte, pour dire avec M. Cohen, les Pharisiens, 1877, t. 2, p. 51 : « Hérode… avait incarcéré Jean-Baptiste… Il voulut de même faire saisir Jésus. Or, ce furent les Pharisiens qui vinrent avertir ce dernier des mauvais desseins du tétrarque et lui fournirent les moyens de se sauver à temps (!). Une telle démarche prouve que ce parti était loin d'être malveillant à l'égard de Jésus ». Comme si les Pharisiens ne nous étaient pas au contraire apparus constamment comme les ennemis acharnés du Sauveur ! Comme si Jésus lui-même ne montrait pas, dans sa réponse empreinte de sévérité, qu'il comprenait fort bien les intentions de ces ennemis hypocrites, et qu'il ne se laissait pas tromper par eux, même quand ils affectaient d'être inquiets pour sa vie ! « Ils faisaient semblant de l'estimer », disait déjà S. Cyrille (in Cat.) en toute justesse. - Partez d'ici. Notre-Seigneur était alors, croyons-nous, en Pérée, province qui appartenait comme la Galilée au territoire d'Hérode Antipas. - Car Hérode veut vous tuer. Ces prétendus amis allèguent, pour exciter Jésus à fuir au plus vite, ce motif, qui pouvait paraître de prime abord d'autant plus vraisemblable, que le tétrarque avait quelque temps auparavant fait mourir Jean-Baptiste. Énonçaient-ils un fait réel ? Hérode nourrissait-il vraiment des projets sanguinaires à l'égard de Jésus ? Ou bien était-ce une ruse dont se servaient les Pharisiens pour effrayer leur adversaire, l'éloigner d'une contrée paisible où il ne courait aucun danger, le pousser dans la direction de la Judée et de Jérusalem, le déconsidérer en le montrant comme un homme timide et lâche ? Beaucoup d'interprètes (entre autres Théophylacte, Euthymius, Maldonat, Corneille de Lapierre, Fr. Luc, Calmet, Olshausen, Ebrard, Stier) ont admis cette dernière hypothèse, parce qu'elle est en conformité parfaite avec le caractère fourbe, rusé, des Pharisiens, et aussi parce que la première semble difficilement conciliable avec les sentiments habituels d'Antipas pour Jésus. Comparez 9, 9, et 23, 8, où nous voyons le tétrarque manifester un vif désir de voir Notre-Seigneur. Toutefois, la manière dont le divin Maître répond aux Pharisiens (« allez et dites à ce renard ») indique plutôt qu'Hérode jouait un rôle personnel dans cet épisode. Nous savons par sa conduite à l'égard du Précurseur qu'il avait une âme extrêmement mobile, ce qui produisait en lui de perpétuelles contradictions. Jaloux de son pouvoir, il avait redouté Jean-Baptiste : n'était-il pas naturel qu'il craignît de même le Prophète, le Thaumaturge, qui exerçait sur la foule une si grande influence ? Il est donc assez probable qu'il s'était entendu avec les Pharisiens pour l'intimider, sans songer peut-être à exécuter la menace qu'il lui faisait porter. Voyez dans Amos, 7, 10-17, une intrigue du même genre, destinée à mettre fin aux prophéties que lançait contre le royaume d'Israël le pasteur de Thécué.
Fulcran Vigouroux
Hérode Antipas, tétrarque de Galilée et de la Pérée.