Luc 13, 32

Il leur répliqua : « Allez dire à ce renard : voici que j’expulse les démons et je fais des guérisons aujourd’hui et demain, et, le troisième jour, j’arrive au terme.

Il leur répliqua : « Allez dire à ce renard : voici que j’expulse les démons et je fais des guérisons aujourd’hui et demain, et, le troisième jour, j’arrive au terme.
Louis-Claude Fillion
Les commentateurs admirent à l'envi la dignité, le calme, la sainte hardiesse, le sens profond de la réponse de Jésus. Elle est présentée à dessein sous une forme un peu obscure et énigmatique. Mais, si Hérode et ses ambassadeurs éprouvèrent quelque embarras pour la comprendre, nous pouvons aujourd'hui la saisir sans beaucoup de peine. - Allez. Vous me dites de m'en aller ; moi, je vous donne le même conseil. - Dites à ce renard. Jésus est loin de tenir ici le langage d'un courtisan. Mais que cette épithète peu flatteuse accolée par lui au nom d'Hérode était bien méritée ! Il n'est pas un peuple pour qui le renard n'ait été un emblème de ruse, de dissimulation, de méchanceté. « Comme de deux façons se commet une injustice, par la fraude ou des injures, la fraude étant apparentée au renard et l’injure au lion, l’une et l’autre sont étrangères à l’homme, mais la fraude est la plus odieuse », Cic. De offic. 1, 13. Elien, Histor. 4, 39, place les renards au sommet de la malignité et de la ruse. « Les Égyptiens furent d’une finesse rusée, c’est pourquoi on les compare aux renards », Talmud, Schamoth R. 22. Voyez d'autres exemples dans Bochart, Hierozoïcon, t. 1, p. 889, Wetstein et Schoettgen, Horae in h. l. Or, l'histoire présente rarement des natures aussi intrigantes, aussi dissimulées, aussi fourbes que celle d'Hérode Antipas : sa vie, telle que nous la lisons dans les écrits de Josèphe, est un tissu de ruses malsaines. Et voici que Jésus le prenait en flagrant délit sous ce rapport ! - Voici que je chasse les démons, et que j'opère des guérisons. Par ces quelques mots, Notre-Seigneur désigne son ministère dans ce qu'il avait de plus saillant, l'expulsion des démons et les guérisons miraculeuses. Il passait en faisant le bien, en accomplissant des œuvres de charité, et voilà que ses ennemis le redoutaient comme un homme dangereux, et cherchaient à se débarrasser de lui par des menaces ! Mais ces menaces n'étaient pas capables de l'impressionner. Quelle noble fermeté dans ces deux verbes employés au temps présent (je chasse, j'opère), qui dénotent une résolution inébranlable d'agir quand même, jusqu'à l'heure marquée par la divine Providence. Les expressions aujourd'hui, demain et le troisième jour ne doivent pas se prendre à la lettre, comme si c'étaient des dates strictement chronologiques. La parole de Jésus perdrait ainsi de sa grandeur. A la suite des anciens, qui les avaient très bien comprises, nous les entendrons d'une manière large. « Par aujourd’hui, demain, et le troisième jour, est désignée la totalité du temps requis pour son œuvre », Cajetan, h. l. De même au v. 33. - Tout sera consommé pour moi…. Il n'est pas difficile d'indiquer ce que représente cette consommation dont Jésus parle avec tant de solennité. « C'est sa mort qu'il appelle consommation », Noël Alexandre. Cfr. Joan. 19, 28 ; Hebr. 2, 10 ; 5 , 9. Voir aussi les Lexiques de Schleusner et de Bretschneider. Notre-Seigneur voulait dire par ce langage figuré : Ma mort ne tardera pas beaucoup, mais mon ministère n'est pas encore arrivé à son terme. Je reste donc ; je n'ai pas à modifier les plans divins pour un Hérode. Autant cette parole est belle, autant serait mesquine, M. Reuss (Hist. Évang. p. 482) a raison de l'affirmer, l'interprétation suivante de plusieurs auteurs contemporains : J'ai encore pour deux jours de guérisons et d'expulsions à opérer dans ce pays ; d'ici à trois jours j'aurai fini et je partirai ! - Notons en passant que si S. Luc ne mentionne qu'un tout petit nombre de miracles durant cette période de la vie publique de Notre-Seigneur (quatre seulement du ch. 10 au ch. 17), le présent verset prouve que ce silence n'indique pas une cessation des prodiges. Jésus continuait donc d'opérer des merveilles ; mais les écrivains sacrés ne pouvaient les signaler toutes.
Fulcran Vigouroux
« Renard : cette hardiesse de langage à l’égard des rois et des grands était familière aux prophètes hébreux. » (CRAMPON, 1885)