Luc 13, 5
Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. »
Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. »
Dans le sens figuré, ceux dont Pilate mêla le sang avec leurs sacrifices, représentent ceux qui sous l'impulsion du démon offrent des sacrifices impurs, et dont la prière devient un nouveau péché, (comme il est écrit de Juda), qui au milieu même du sacrifice eucharistique songeait à vendre le sang du Seigneur.
Dieu punit certains pécheurs, en mettant un terme à leur iniquité, en leur infligeant des peines légères, en les séparant complètement des autres, et en instruisant par l'exemple de leur châtiment ceux qui vivent dans le péché. Il ne punit pas tous les pécheurs ici-bas, il veut ainsi leur donner le moyen d'éviter par la pénitence les peines de cette vie, et les supplices de l'éternité; mais s'ils persévèrent dans le mal, ils doivent s'attendre à un châtiment plus sévère.
Il leur montre aussi par ces paroles que s'il a permis ce châtiment pour quelques-uns, c'est afin que la frayeur salutaire qu'il inspirerait à ceux qui survivraient, les rendît héritiers du royaume. Quoi donc, me direz-vous, Dieu en punit un autre pour me rendre meilleur? Non pas précisément, il est puni pour ses propres crimes, mais son châtiment devient une occasion de salut pour ceux qui en sont témoins.
Dix-huit autres encore avaient été écrasés par la chute d'une tour, Notre-Seigneur en parle en ces termes: «De même ces dix-huit sur qui tomba la tour de Siloé, et qu'elle tua, pensez-vous qu'ils fussent plus redevables que tous les autres habitants de Jérusalem? Non, je vous le dis». En effet, Dieu ne punit pas ici-bas tous les pécheurs pour leur laisser le temps de se repentir, mais il ne l es réserve pas non plus tous aux châtiments de l'autre vie, pour ne pas donner lieu de nier sa providence.
Il oppose cette tour à toute la ville, afin que le malheureux sort de quelques-uns épouvante tous les autres, et c'est pour cela qu'il ajoute: «Si vous ne faites pénitence, vous périrez tous de la même manière», c'est-à-dire, toute la ville sera bientôt envahie, si ses habitants persévèrent dans l'infidélité.
Le Sauveur nous apprend encore ici que toutes les sentences qui condamnent les coupables aux dernier supplice, ne sont pas seulement édictées par l'autorité des juges mais par la volonté de Dieu. Que le juge condamne suivant les règles de l'équité, ou pour tout autre motif, il faut voir dans le jugement qu'il prononce une permission de la divine justice.
Notre-Seigneur veut donc détourner le peuple de toutes ces séditions intestines dont la religion était le prétexte, et il ajoute: «Si vous ne faites pénitence, (et si vous ne cessez de conspirer contre vos princes, ce qui est contraire à la volonté divine), vous périrez tous de la même manière, et votre sang sera mêlé au sang de vos victimes».
C'étaient les sectateurs de Judas le Galiléen dont saint Luc fait mention dans les Actes des Apôtres ( Ac 5), qui prétendaient qu'on ne devait donner à personne le nom de maître. Aussi plusieurs d'entre eux qui ne voulaient pas reconnaître l'autorité de César, furent punis par Pilate. Ils enseignaient encore qu'on ne devait offrir à Dieu d'autres victimes que celles qui avaient été prescrites par Moïse; ils défendaient donc d'offrir les victimes présentées par le peuple pour le salut de l'empereur, et du peuple romain. Pilate indigné contre les Galiléens, ordonna de les mettre à mort au milieu même des sacrifices qu'ils offraient suivant les prescriptions de la loi, et mêla ainsi le sang des sacrificateurs au sang des victimes qu'ils immolaient. Or, comme la foule pensait qu'ils n'avaient souffert que ce qu'ils méritaient, parce qu'ils semaient la division dans le peuple, et indisposaient les princes contre leurs sujets, quelques-uns vinrent raconter ces faits au Sauveur pour savoir ce qu'il en pensait. Notre-Seigneur déclare que c'étaient des rebelles et des pécheurs, mais sans affirmer qu'ils étaient plus coupables que ceux qui avaient échappé à ce châtiment: «Il leur répondit: Pensez-vous que les Galiléens fussent plus pécheurs que tous les autres Galiléens, pour avoir été traités ainsi ?» etc.
Mais comme les Juifs n'ont pas voulu faire pénitence, quarante ans après la passion du Sauveur, les Romains (figurés ici par Pilate qui était de leur nation), envahirent la Judée, et, commençant par la Galilée (où le Sauveur avait commencé le cours de ses divines prédications), ils détruisirent entièrement cette nation impie, et souillèrent de sang humain, non seulement les parvis du temple où on offrait les sacrifices, mais l'intérieur même des maisons.
Pilate (qui signifie la bouche du forgeron )est la figure du démon, toujours prêt à frapper et à répandre le sang; le sang figure le péché, et les sacrifices représentent les bonnes oeuvres. Pilate mêle donc le sang des Galiléens avec leurs sacrifices, quand le démon cherche à souiller et à corrompre les aumônes et les autres bonnes oeuvres des fidèles, par les plaisirs sensuels, par le désir des louanges, ou par tout autre vice. Ces habitants de Jérusalem qui furent écrasés par la chute de cette tour, représentent les Juifs qui, pour n'avoir pas voulu faire pénitence, furent écrasés sous les ruines de leurs murailles. Et le nombre de dix-huit a ici une signification particulière, (ce nombre s'écrit en grec par les deux lettres I, et H, qui sont les premières du nom de Jésus. Ce nombre signifie donc que la cause première de la ruine des Juifs, c'est qu'ils n'ont pas voulu recevoir le nom de Jésus. Cette tour est la figure de celui qui est la tour de la force; elle est située à Siloé qui veut dire envoyé, parce qu'elle représente celui qui a été envoyé par son père, qui est venu dans le monde, et qui écrasera tous ceux sur lesquels il tombera.
La Glose
Notre-Seigneur venait de parler du supplice qui est réservé aux pécheurs, lorsqu'on vient lui annoncer le châtiment infligé à des rebelles, exemple dont il se sert pour menacer les pécheurs d'une peine semblable: «En ce même temps, quelques-uns vinrent raconter à Jésus ce qui était arrivé aux Galiléens, dont Pilate avait mêlé le sang avec celui de leurs sacrifices».
Pour fortifier sa conclusion, Jésus rappelle à l'auditoire un autre événement douloureux, dont Jérusalem avait
également été le théâtre, et que nous ne connaissons de même que par S. Luc. Une tour, probablement une
tour des remparts, située non loin de la piscine de Siloé, s'était effondrée subitement, et, dans sa chute, avait
écrasé dix-huit personnes. Devait-on supposer que les victimes de cette catastrophe étaient les habitants les
plus impies, les plus immoraux de la capitale juive ? Assurément non, répond encore Jésus. Puis il répète,
comme un refrain terrible, ses paroles du v. 3. Ici encore nous avons une prédiction qui se réalisa d'une
manière littérale aux derniers jours de l'État théocratique, quand des Juifs nombreux furent broyés à
Jérusalem sous les décombres des maisons et des édifices. Mais nous pouvons, nous devons même, nous
élever plus haut encore. L'avis du Sauveur ne concernait pas seulement les habitants de la Palestine, et n'avait
pas une valeur transitoire. Pris dans son acception complète, il a une portée universelle pour l'espace comme
pour la durée, et s'adresse aux hommes de tous les temps et de tous les pays. Nous aussi, nous périrons, et à
tout jamais, si nous ne faisons une sincère pénitence.
Pour les chrétiens, comme pour tous ceux qui reconnaissent le sens théologique précis du mot «péché», le changement de conduite, de mentalité ou de manière d'être s'appelle «conversion», selon le langage biblique (cf. Mc 1, 15; Lc 13, 3.5; Is 30, 15). Cette conversion désigne précisément une relation à Dieu, à la faute commise, à ses conséquences et donc au prochain, individu ou communauté. Dieu, qui «tient dans ses mains le cœur des puissants» et le cœur de tous les hommes, peut, suivant sa propre promesse, transformer par son Esprit les «cœurs de pierre» en «cœurs de chair» (cf. Ez 36, 26).