Luc 16, 24

Alors il cria : “Père Abraham, prends pitié de moi et envoie Lazare tremper le bout de son doigt dans l’eau pour me rafraîchir la langue, car je souffre terriblement dans cette fournaise.

Alors il cria : “Père Abraham, prends pitié de moi et envoie Lazare tremper le bout de son doigt dans l’eau pour me rafraîchir la langue, car je souffre terriblement dans cette fournaise.
Louis-Claude Fillion
S'écriant. Il crie, dit S. Jean Chrysost., parce « sa grande souffrance lui conférait une voix puissante », ou, plus naturellement, pour se faire mieux entendre d'Abraham qu'il apercevait au loin, v. 23. Un dialogue du plus vif intérêt s'engage entre le réprouvé et le Père des croyants (vv. 24-31). Celui-ci refuse coup sur coup, non sans alléguer de puissants motifs, deux suppliques du mauvais riche. - Père Abraham. A trois reprise (cfr. vv. 27 et 30) le suppliant aura soin de rappeler à Abraham les liens étroits de consanguinité qui les unissent. Il espérait sans doute, par ce titre d'affection et de respect, le rendre plus exorable à sa prière. Mais en vain, comme le disait autrefois S. Jean-Baptiste aux Pharisiens, 3, 8. Après un ayez pitié de moi emphatique, qui inspirait à S. Augustin un rapprochement frappant (« superbe dans ce monde, mendiant en enfer »), nous entendons la première requête : Envoyez Lazare… Pourquoi désire-t-il que la faveur si humblement implorée lui soit accordée par l'entremise du pauvre Lazare ? Divers auteurs (Bengel, J. P. Lange, etc.) ont vu dans ce trait, mais bien à tort, un reste de mépris pour le mendiant auprès duquel le mauvais riche passait si fièrement autrefois : il le regarderait encore comme son serviteur ! La vraie raison est pourtant manifeste. L'ordre des choses appelait cette circonstance. Le riche ne pouvait raisonnablement conjurer Abraham de lui rendre en personne le service demandé ; mais, ayant reconnu parmi les bienheureux le pauvre qu'il avait vu si souvent étendu à sa porte, il le désigne de la façon la plus naturelle comme un intermédiaire entre Abraham et lui. De plus, et d'une manière plus profonde, d'après Maldonat, « Voilà ce que voulait faire comprendre la parabole. Le Christ voulait en effet enseigner que les sorts du riche et de Lazare étaient changés. Pour enseigner cela, il lui a fallu dire que le riche, dans l’autre vie, avait besoin de l’aide de Lazare, comme pendant la vie terrestre Lazare avait eu besoin du riche, et avait souvent demandé son aide. Ni l’un ni l’autre n’ont obtenu ce qu’ils demandaient : Lazare, à cause de la cruauté du riche, le riche parce qu’il avait demandé trop tard », S. Greg. Hom. 40 in Evang. - Qu'il trempe l'extrémité de son doigt dans l'eau. Quelle modeste requête ! Une légère mitigation de ses tourments, le bout d'un doigt trempé dans l'eau et appliqué sur sa langue brûlante pour la rafraîchir un peu ! Mais la voix de sa conscience l'empêche de demander davantage : il sent qu'il ne pourrait obtenir une délivrance complète. Les procédés de la justice rétributive du Seigneur sont admirables et terribles : « Il demande maintenant une goutte, celui qui refusait une miette » (S. Césaire, Hom. de Lazaro). « Il avait péché surtout par la langue » (Bengel). - Je suis tourmenté dans cette flamme. Le feu de l'enfer ne saurait être plus clairement désigné.