Luc 16, 25

– Mon enfant, répondit Abraham, rappelle-toi : tu as reçu le bonheur pendant ta vie, et Lazare, le malheur pendant la sienne. Maintenant, lui, il trouve ici la consolation, et toi, la souffrance.

– Mon enfant, répondit Abraham, rappelle-toi : tu as reçu le bonheur pendant ta vie, et Lazare, le malheur pendant la sienne. Maintenant, lui, il trouve ici la consolation, et toi, la souffrance.
Louis-Claude Fillion
Il y a dans la réponse d'Abraham une dignité, une délicatesse qu'on a souvent admirées. Les paroles de Jésus sont par ailleurs toutes marquées au coin de la perfection, comme l'écrivait Brouwer, De Parabolis J. C. specimen, Lugd. Bat. 1825 : « De tous les sermons du maître suprême, se dégage une passion pour le beau et l’honnête qui fait en sorte qu’on ne peut jamais les lire et les relire sans éprouver le plus grand contentement. ». - Mon Fils. Le père des croyants ne refuse pas au mauvais riche ce nom de tendresse. Toutefois, il est remarquable aussi que tout sentiment de compassion est exclu de sa réponse ; en effet, selon la profonde réflexion de S. Grégoire le Grand, Hom. 40 in Evang., « Les âmes des saints, toutes miséricordieuses qu’elles soient, dès lors qu’elles sont unies à la justice divine, sont contraintes par la rectitude de la sentence à ne ressentir aucune compassion pour les réprouvés. Leur jugement concorde avec celui du Juge en qui elles demeurent. Et elles ne se penchent pas miséricordieusement vers ceux qu’elles ne peuvent pas arracher à l’enfer, car elles verront d’autant plus qu’ils leur sont étrangers qu’elles les verront rejetés par leur auteur qu’elles aiment ». - Souviens-toi. Abraham fait d'abord appel aux souvenirs du suppliant, pour l'amener à conclure par lui-même qu'il serait injuste d'exaucer sa prière. - Tu as reçu (dans le grec, tu as pleinement reçu). Il est au nombre de ceux dont il a été dit : « Ils ont reçu leur récompense », 6, 24. Il a joui sur la terre comme il le souhaitait ; cela doit lui suffire. - Lazare a reçu de même les maux. C'est le contraste développé dans les vv. 19-21. - Or maintenant (les meilleurs manuscrits ajoutent : ici). Actuellement tout le contraire a lieu. Abraham se borne à mentionner les faits : son interlocuteur en pouvait aisément apprécier la justesse. - De quel droit les rationalistes prétendent-ils encore à propos de ce passage (Baur, Ueber die kanon. Evangel. p. 44 ; Hilgenfeld, die Evangelien, p. 202, etc.) que l'évangéliste S. Luc attaque et condamne les riches en tant que riches ? Non : des deux hommes jugés dans cette parabole, le premier « n'est pas torturé pour avoir été riche, mais pour n'avoir pas été miséricordieux » (S. Jean Chrysost.), le second avait d'autres lettres de créance auprès de Dieu que sa pauvreté ; cela ressort fort bien du contexte, qui a tacitement décrit la patience de Lazare et la dureté du mauvais riche. « Toute pauvreté n’est pas sainte ; toute richesse n’est pas criminelle ». Mais, « comme la luxure rend coupable la richesse, la sainteté rend honorable la pauvreté » (S. Ambroise). L'Évangile n'a pas d'autre doctrine.