Luc 9, 22
et déclara : « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, le troisième jour, il ressuscite. »
et déclara : « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, le troisième jour, il ressuscite. »
Dans ce seul nom, en effet, se trouvent exprimées la divinité du Sauveur, son humanité et la foi en sa passion. Pierre a donc tout embrassé dans cette seule expression, la nature aussi bien que le nom qui est comme l'abrégé de ses perfections.
Peut-être aussi, Notre-Seigneur, qui savait toute la peine que ses disciples auraient à croire le mystère de sa passion et sa résurrection, voulut en être le premier prédicateur.
L'opinion de la foule que les disciples rapportent n'est pas indifférente: «Ils lui répondirent: Les uns disent Jean-Baptiste (qu'ils savaient avoir été décapité), les autres Élie (qu'ils croyaient devoir venir), d'autres, un des anciens prophètes qui serait ressuscité». Mais je laisse à de plus habiles d'approfondir ces paroles, car si l'apôtre saint Paul se glorifiait de ne savoir que Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié ( 1Co 2,2 ), que puis-je moi-même désirer que cette divine science de Jésus?
Cependant Notre-Seigneur ne veut pas encore que sa divinité soit proclamée parmi le peuple, pour éviter toute agitation: «Mais leur parlant avec empire, il leur enjoignit de ne le dire à personne». Il commande le silence à ses disciples pour plusieurs raisons, pour tromper le prince du monde, pour fuir toute vanité, pour nous enseigner l'humilité. Jésus-Christ n'a donc point voulu de la gloire humaine, et vous qui êtes né dans l'obscurité, vous la recherchez avec empressement? Il voulait aussi que ses disciples, encore grossiers et imparfaits, ne fussent point opprimés sous le poids d'une prédication trop relevée. Il leur défend donc d'annoncer qu'il est le Fils de Dieu, afin que plus tard ils puissent prêcher publiquement ses souffrances.
Le Sauveur a défendu à ses disciples de dire à personne qu'il était le Christ, pour une autre raison non moins pleine de sagesse. Il voulait qu'après avoir fait disparaître tout sujet de scandale et consommé le supplice de la croix, tous ceux qui entendraient la prédication évangélique, eussent de lui une idée juste, car les préjugés qu'on déracine et qu'on arrache tout d'abord, peuvent difficilement rentrer et obtenir créance dans le même esprit; mais ceux qu'on laisse se développer en toute liberté sans les arracher, croissent et s'enracinent avec une merveilleuse facilité; car si une simple allusion aux souffrances de Jésus-Christ suffit pour scandaliser Pierre, que serait-il arrivé au plus grand nombre, lorsque ayant appris qu'il était le Fils de Dieu, il l'aurait vu crucifié et couvert d'opprobres?
On peut se demander comment saint Luc a pu dire que le Seigneur interrogea ses disciples sur ce que les hommes pensaient de lui, lorsqu'il était seul à prier, et qu'ils le suivaient, tandis que, d'après saint Marc, il les interrogea en chemin; mais cela ne peut faire difficulté que pour celui qui pense que le Sauveur n'a jamais prié chemin faisant.
Le Seigneur se sépare de la foule, et cherche la solitude pour se livrer à la prière: «Un jour qu'il priait seul dans un lieu solitaire», etc. Il se donnait ainsi comme exemple à ses disciples, et leur apprenait à se rendre facile la pratique de sa doctrine. C'est ainsi que les pasteurs des peuples doivent leur être supérieurs par l'éminence de leurs vertus, et leur donner l'exemple d'une application constante aux devoirs de leur ministère et aux oeuvres qui sont agréables à Dieu.
Cependant cette application à la prière pouvait étonner les disciples, qui voyaient prier, comme un faible mortel, celui qu'ils avaient vu faire des miracles avec une autorité toute divine. C'est donc pour dissiper leurs incertitudes qu'il les interroge, il n'ignorait pas sans doute les témoignages éclatants que le peuple lui rendait, mais il voulait dégager ses disciples des fausses idées qu'un grand nombre s'était faites à son sujet, et leur inspirer les sentiments d'une foi éclairée et véritable: «Il les interrogea, disant: Qui dit-on que je suis ?» etc.
Mais voyez quelle sagesse dans cette question; le Sauveur reporta d'abord leurs pensées sur les témoignages extérieurs que le peuple lui rendait, pour en détruire l'impression dans leur esprit, et leur donner une juste idée de sa personne divine. Voilà pourquoi il demande à ses disciples qui lui rapportent l'opinion du peuple, quel est leur propre sentiment: «Et vous, leur demanda-t-il, que dites-vous que je suis ?» Quelle glorieuse distinction dans ce mot: «Et vous !» Il les sépare de la foule pour leur en faire éviter les préjugés, comme s'il leur disait: Vous, que j'ai appelés à l'apostolat par un choix tout particulier, vous, les témoins de mes miracles, que dites-vous que je suis? Pierre prévient tous les autres, il devient l'organe de tout le collège apostolique, il révèle les sentiments d'amour dont son coeur déborde, et proclame sa confession de foi: «Simon Pierre répondit: Le Christ de Dieu». Il ne dit pas simplement: «Christ de Dieu», mais avec l'article, «le Christ de Dieu», par excellence, c'est pourquoi nous lisons dans le grec, ôïí Xñéóôïí; il en est un grand nombre, en effet, qui, ayant reçu l'onction de Dieu, ont été appelés Christs sous divers rapports, les uns ayant reçu l'onction royale, les autres l'onction prophétique (cf. 2M 1,10 1Ch 16,2 , etc) .. Nous-mêmes, en vertu de l'onction du Saint-Esprit qui nous a été donnée par Jésus-Christ, nous avons reçu le nom de Christs, mais il n'y en a vraiment qu'un seul qui soit le Christ de Dieu et du Père, parce qu'il est le seul qui, dans un sens véritable ait pour Père celui qui est dans les cieux. Ainsi expliquées, les paroles que saint Luc met dans la bouche du prince des Apôtres, s'accordent avec celles que lui prête saint Matthieu: «Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant». Saint Luc n'a fait qu'abréger ces paroles, en lui faisant dire: «Le Christ de Dieu».
Remarquez l'extrême prudence de Pierre, qui confesse un seul Christ, condamnant ainsi ceux qui ont la témérité de diviser l'Emmanuel en deux Christs différents; car il ne leur demande pas: Qu'est le Verbe divin au jugement des hommes, mais: «Qui dit-on qui est le Fils de l'homme ?» Et c'est lui que Pierre confesse être le Fils de Dieu. C'est en cela qu'il est vraiment admirable, et qu'il a été jugé digne des plus grands honneurs, que d'avoir cru et proclamé le Christ du Père, celui qu'il contemplait dans une forme humaine, c'est-à-dire que le Verbe, engendré de la substance du Père, avait daigné se faire homme.
Il fallait donc que les disciples portassent son nom jusqu'aux extrémités de la terre, et cette oeuvre était réservée à ceux qu'il avait appelés à l'apostolat; mais, comme l'atteste l'Esprit saint, «il y a temps pour toute chose» ( Qo 3,1 ), et il fallait que la passion et la résurrection fussent accomplies, avant que les Apôtres prêchassent l'Évangile: «Il faut, disait-il, que le Fils de l'homme souffre beaucoup», etc.
Les disciples se trouvaient avec le Sauveur, mais nous le voyons seul prier son Père, parce que les saints peuvent bien être unis au Seigneur par les liens de la foi et de la charité, mais le Fils seul peut pénétrer les incompréhensibles secrets des conseils de Dieu. Il prie donc seul en toutes circonstances, parce que les prières de l'homme ne peuvent comprendre les desseins de Dieu, et que nul ne peut entrer en participation des sentiments les plus intimes de Jésus-Christ.
C'est dans un dessein plein de sagesse que le Sauveur avant d'éprouver la foi de ses disciples, leur demande ce que la foule pense de lui, car il veut que leur profession de foi ait pour fondement, non l'opinion de la multitude, mais la connaissance de la vérité, et qu'ils croient après avoir examiné, au lieu d'être comme Hérode, dans l'incertitude sur ce qu'ils auraient entendu dire.
Il règne, touchant cette douloureuse prophétie de Jésus, une coïncidence frappante dans les
trois récits. On conçoit que des paroles aussi inattendues se soient gravées en traits ineffaçables dans le cœur
des Douze et, par suite, dans la catéchèse chrétienne. La description est tellement précise, qu'on la croirait
composée après coup par un historien. Voyez l'explication des passages parallèles de S. Matthieu et de S.
Marc. Le verbe grec correspondant à rejeté a une grande énergie (cfr. Bretschneider, Lex. Man. s. v. ) : sa
traduction littérale serait « rejeté comme faux et nuisible ».