Luc 9, 28

Environ huit jours après avoir prononcé ces paroles, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier.

Environ huit jours après avoir prononcé ces paroles, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier.
Origène
On se renonce encore soi-même quand on change les habitudes vicieuses d'une vie mauvaise par la réforme entière de ses moeurs, et par une conversion sincère et véritable; par exemple, celui qui a longtemps vécu dans les plaisirs, se renonce soi-même, quand il devient chaste, et ainsi toutes les fois qu'on s'abstient d'un vice quelconque, on se renonce soi-même.

Il donne la raison de ce commandement, en ajoutant: «Car celui qui voudra sauver son âme, la perdra», c'est-à-dire celui qui veut jouir de la vie présente et de toutes les satisfactions qu'offrent à son âme les choses sensibles, perdra son âme qu'il néglige de conduire au terme de la béatitude véritable. Il ajoute, au contraire: «Et celui qui perdra son âme à cause de moi, la sauvera», c'est-à-dire, celui qui méprise les biens sensibles, et ne craint point par amour pour la vérité de s'exposer à la mort, sauvera bien plutôt son âme et sa vie, dont il semble faire le sacrifice à Jésus-Christ. Si donc c'est un véritable bonheur de procurer à son âme le salut qui vient de Dieu, on peut dire que c'est une perte heureuse, que de perdre son âme pour l'amour de Jésus-Christ. On peut encore dire, par analogie avec ce renoncement tel que nous venons de l'expliquer, que chacun doit perdre son âme livrée au péché, pour prendre celle qui doit son salut à la pratique de la vertu.
Saint Basile le Grand
En disant: «Si quelqu'un veut venir après moi (cf. Jn 12,21 ) », il se propose lui-même comme modèle de la vie parfaite à ceux qui veulent suivre ses divins enseignements, et il les invite, non pas à le suivre corporellement (ce qui serait impossible, puisque Notre-Seigneur est maintenant dans les cieux), mais à suivre fidèlement les exemples de sa vie, selon la mesure de leurs forces.

L'abnégation de soi-même, c'est l'oubli de toutes les choses de notre vie passée, et l'abandon de nos propres volontés.

Or, désirer mourir pour Jésus-Christ, mortifier les membres de l'homme terrestre ( Col 3), être disposé à supporter courageusement toutes les épreuves pour Jésus-Christ, n'avoir aucune affection pour la vie présente, c'est véritablement porter sa croix: «Et qu'il porte sa croix tous les jours de sa vie».

La perfe ction consiste donc à tenir son âme dans une complète indifférence pour la vie présente et à être toujours prêt à mourir, en évitant toutefois la confiance en soi-même. Or, cette perfection doit commencer par le renoncement aux choses extérieures, par exemple, aux richesses, à la vaine gloire, et par le détachement intérieur de toutes les choses inutiles.
Saint Ambroise
Toutes les fois que Notre-Seigneur excite ses disciples, à la pratique de la vertu par la perspective des récompenses éternelles, et qu'il leur enseigne combien il est utile de mépriser les choses de la terre, il soutient en même temps la faiblesse de l'esprit humain par l'attrait d'une récompense présente. Il est dur et pénible, en effet, de porter sa croix, d'exposer son âme aux dangers, et son corps à la mort, de renoncer à ce que vous êtes, lorsque vous voulez être ce que vous n'êtes pas; et il est rare que la vertu la plus éminente consente à sacrifier les choses présentes à l'espérance des biens futurs. Aussi, notre bon Maître, pour prévenir toute tentation de découragement ou de désespoir, promet qu'il se révélera immédiatement à ses fidèles serviteurs: «Je vous le dis, en vérité, quelques-uns, de ceux qui sont ici présents, ne goûteront point la mort, qu'ils n'aient vu le royaume de Dieu».
Saint Jean Chrysostome
Notre-Seigneur, plein de douceur et de bonté, ne veut point qu'on le serve forcément et à regret, mais volontairement, et en lui rendant grâces d'être à son service; aussi il ne force, il ne violente personne, mais c'est par la persuasion et par les bienfaits, qu'il attire à lui tous ceux qui désirent le suivre: «Si quelqu'un veut».
Saint Cyrille d'Alexandrie
Les valeureux capitaines, qui veulent inspirer plus de courage et de hardiesse à ceux qui parcourent avec eux la carrière des armes, ne se contentent pas de leur promettre les honneurs de la victoire, mais cherchent à leur persuader qu'il y a de la gloire même à supporter les souffrances. Notre-Seigneur Jésus-Christ agit de même à l'égard de ses Apôtres. Il leur avait prédit qu'il aurait à souffrir les accusations calomnieuses des Juifs, qu'il serait mis à mort, et qu'il ressusciterait le troisième jour. Mais ils pouvaient croire que ces souffrances devaient être le partage exclusif de Jésus-Christ, sauveur du monde, tandis qu'il leur serait permis de mener une vie molle et sensuelle; il leur apprend donc qu'ils ont à livrer les mêmes combats, s'ils désirent partager sa gloire: «Il disait donc à tout le monde».

Le Sauveur veut faire comprendre combien cette participation aux souffrances du Christ surpasse de beaucoup les jouissances que donnent les plaisirs et les biens de ce monde, et il ajoute: «Que sert à l'homme de gagner le monde entier, s'il vient à se perdre lui-même à son détriment ?» comme s'il disait: Qu'un homme, par attachement aux douceurs et aux avantages de la vie présente, refuse de souffrir, et aime mieux vivre, s'il est riche, au milieu du luxe et de l'opulence, que lui en reviendra-t-il, lorsqu'il aura perdu son âme? En effet, «la figure du monde passe ( 1Co 7 ); les plaisirs disparaissent comme l'ombre ( Sg 5); les trésors de l'iniquité ne serviront de rien, mais la justice délivrera de la mort». ( Pv 10).

Il pénètre ses disciples d'une crainte salutaire en leur annonçant qu'il descendra des cieux, non plus dans son premier état d'humiliation, et sous une forme semblable à la nôtre, mais dans la gloire du Père et au milieu des anges: «Lorsqu'il viendra dans sa majesté et dans celle du Père; et des saints-anges»;. Ce sera donc un malheur affreux de paraître avec le signe de l'inimitié, et les mains vides de bonnes oeuvres, lorsque ce grand juge descendra au milieu des célestes cohortes des anges. Apprenez encore de là que pour avoir pris une chair semblable à la nôtre, le Fils n'en est pas moins Dieu, puisqu'il annonce qu'il viendra dans la majesté de Dieu son Père, environné des anges qui exécuteront les ordres qu'il leur donnera comme juge de tous les hommes, lui qui s'est fait homme-semblable à nous.
Saint Grégoire le Grand
On peut encore porter sa croix de deux manières, ou lorsqu'on mortifie son corps par la pénitence, ou lorsque l'âme s'attriste et s'afflige en compatissant aux souffrances des autres.

Notre-Seigneur réunit à dessein ces deux choses: «Qu'il se renonce lui-même, et qu'il porte sa croix»; car de même que celui qui est prêt à monter sur la croix, est tout disposé intérieurement à souffrir ce genre de mort, et n'a plus que de l'indifférence pour la vie présente; ainsi celui qui veut suivre le Seigneur, doit d'abord se renoncer lui-même, et ensuite porter sa croix, de sorte que dans son âme, il soit prêt à supporter toute espèce de souffrance.

La sainte Église traverse deux sortes de temps dans la vie présente, les temps de persécution et les temps de paix, et Notre-Seigneur donne ici des préceptes pour ces deux circonstances si différentes. Dans les temps de persécution, il faut être prêt à sacrifier son âme, c'est-à-dire sa vie, selon ces paroles: «Celui qui perdra sa vie»; dans les temps de paix, au contraire, il faut s'appliquer à réprimer les désirs terrestres, qui exercent sur nous une influence tyrannique, et c'est à quoi Notre-Seigneur nous engage par ces paroles: «Que sert à l'homme de gagner tout l'univers, s'il vient à perdre son âme ?» Souvent nous méprisons les choses fragiles et passagères, mais nous sommes encore retenus par l'habitude du respect humain, qui nous empêche de professer publiquement les sentiments de droiture et de justice, que nous conservons au dedans de nous-mêmes. Notre-Seigneur nous donne un remède convenable pour cette blessure: «Car si quelqu'un rougit de moi et de mes paroles, le Fils de l'homme rougira de lui».

Ou bien, ce royaume de Dieu; c'est l'Église actuelle, et quelques-uns des disciples devaient vivre assez longtemps sur la terre pour voir l'Église de Dieu établie, et dominant la gloire du monde. - S.Ambr. Si donc nous voulons n'avoir pas à craindre la mort, tenons-nous toujours auprès de Jésus-Christ; car ceux-là seuls ne goûteront point la mort, qui peuvent se tenir étroitement unis à Jésus-Christ. Or, on peut conclure du sens propre de ces paroles, que ceux qui ont mérité d'être admis dans la société de Jésus-Christ, ne ressentiront pas les atteintes mêmes les plus légères de la mort. Sans doute, ils goûteront, comme en passant, la mort du corps, mais ils posséderont pour toujours la vie de l'âme; car ce n'est point au corps, mais à l'âme, qu'est accordé le privilège de l'immortalité.
Saint Bède le Vénérable
Remarquez ces paroles: «Il disait à tous», parce qu'en effet c'était avec les disciples seuls qu'il avait traité de tout ce qui concernait la foi à sa naissance ou à sa passion.

Il faut nécessairement se détacher de soi-même, si l'on veut s'approcher de celui qui est au-dessus de nous, suivant ces paroles du Sauveur: «Qu'il se renonce lui-même».

C'est donc pour nous une obligation de porter chaque jour cette croix, et de marcher à la suite du Seigneur, qui a voulu porter lui-même sa croix: «Et qu'il me suive».
Saint Théophylacte d'Ohrid
La croix, dans la pensée du Sauveur, c'est une mort ignominieuse, et il nous fait entendre ici que celui qui veut suivre le Christ, ne doit point reculer devant la perspective d'une mort semblable.

On rougit de Jésus-Christ, quand on dit: Est-ce que je croirai à un crucifié? On rougit de ses discours, en méprisant la simplicité de l'Évangile. Or, le Seigneur rougira de celui qui rougit de lui, comme un père de famille rougirait de nommer un de ses mauvais serviteurs.

C'est-à-dire la gloire dont jouissaient les justes; le Sauveur veut parler de la transfiguration qui était le symbole de la gloire future, comme s'il disait: Quelques-uns de ceux qui sont ici (c'est-à-dire Pierre, Jacques et Jean) ne mourront point avant d'avoir vu dans ma transfiguration la gloire réservée à ceux qui auront confessé mon nom.
Louis-Claude Fillion
Sur cette manière spéciale de compter les jours qui séparèrent la confession de S. Pierre de la Transfiguration, voyez l'Évangile selon S. Matthieu, p. 334. - Il monta sur une montagne. Cette montagne était le Thabor suivant les uns, l'Hermon suivant les autres. « Il est tout à fait vraisemblable, à moins que quelqu’un n’ait de meilleures raisons pour penser autrement, que ce qui est raconté aux versets 18 et suivants ait eu lieu quelque part dans la Césarée de Philippe », Luc de Bruges. Par conséquent sur l'Hermon ou l'un de ses contreforts. Voyez Schanz, Commentar über das Evang. des heil. Matth., 1879, pp. 385 et s. - Pour prier : tel fut le but direct que Jésus se proposait en gravissant la montagne avec ses disciples privilégiés.