Luc 9, 62
Jésus lui répondit : « Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n’est pas fait pour le royaume de Dieu. »
Jésus lui répondit : « Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n’est pas fait pour le royaume de Dieu. »
Il ose encore s'égaler à la puissance incompréhensible du Sauveur en lui disant: «Je vous suivrai, partout où vous irez». Car si la nature humaine, dans la condition que Dieu lui a faite, peut suivre le Sauveur pour entendre sa doctrine, il lui est impossible de le suivre partout où il est; car il est incompréhensible, et n'est circonscrit par aucun lieu.
Ou bien encore, le Seigneur veut montrer ici la grandeur de sa nature, comme s'il disait: Toutes les créatures peuvent être circonscrites par un espace, mais la puissance du Verbe de Dieu ne peut être ni comprise ni limitée par un lieu quelconque. Ne dites donc point: «Je vous suivrai partout où vous irez». Si cependant vous désirez devenir son disciple, renoncez à tout ce qui est contraire à la raison; car il est impossible que celui qui se plaît au milieu des choses déraisonnables, devienne le disciple du Verbe.
Sûr d'être protégé au jour du combat, le Christ fait aussi cette prière: Seigneur, n'accorde rien au pécheur à l'encontre de mon désir (cf. Ps 139,9). Lui qui a dit: Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé (Jn 6,38), est également pressé de réaliser la tâche entreprise par obéissance, non sans toutefois nous rappeler qu'il peut exercer librement sa volonté.
Il veut, en vérité, ce qu'a voulu le Père. Par ces paroles: Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé, Jésus montre, en effet, qui est celui qui l'a envoyé et à qui il obéit, sans pourtant supprimer son vouloir propre. Il aspire donc à accomplir toutes les volontés de son Père. Il s'empresse aussi de réaliser tout ce que lui-même désire voir accompli dans sa passion, de peur qu'un pécheur ne prenne les devants pour le déjouer.
Il a ardemment désiré (Lc 22,15) manger la Pâque avec ses disciples. Il a célébré à la hâte le repas de la Pâque. Désirant boire le calice de sa passion, il a dit: Est-ce que je vais refuser la coupe que mon Père m'a donné à boire (Jn 10,11)? Quand les hommes qui le cherchaient se présentèrent pour se saisir de lui et demandèrent qui était Jésus, il s'avança de lui-même. Sachant qu'il devait boire la coupe de vinaigre, il demanda à la boire et, aussitôt après y avoir bu et après avoir ainsi mené à bonne fin son grand dessein, il dit: Tout est accompli (Jn 19,30), mettant dans ces mots toute sa joie de voir réalisé ce qu'il désirait tellement.
Dans les psaumes, le Christ avait souvent prié pour que sa vie soit préservée du glaive. Il avait annoncé qu'aucun de ses os ne serait brisé. Il avait prédit que sa tunique serait tirée au sort (Ps 21).
Il prie pour que tout cela se réalise selon son désir, afin que l'on croie en l'accomplissement des prophéties. Il ne veut pas que les pécheurs aient la possibilité d'agir sur un de ces événements, ni d'empêcher la célébration de la Pâque si ardemment désirée, ou qu'ils n'osent pas lui présenter la coupe de sa passion. Car la première réponse que le Sauveur avait adressée aux pécheurs venus l'arrêter, les avait tous terrassés.
Il ne faut pas que manque le vinaigre qui doit lui être offert, que le soldat lui perce le côté avant qu'il ne rende l'esprit, ni qu'il trouve dans la lenteur de sa mort un motif pour lui briser les os.
Il veut qu'aucune prophétie ne soit retranchée, et que rien de ce qu'il attend ne soit laissé au bon plaisir du pécheur. Il veut que s'accomplissent en lui tous les événements annoncés dans les prophéties et que lui-même désire. Et il prie pour leur réalisation, non qu'ils puissent ne pas s'accomplir, mais afin que les hommes comprennent que ces prophéties le concernaient.
Il veut, en vérité, ce qu'a voulu le Père. Par ces paroles: Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé, Jésus montre, en effet, qui est celui qui l'a envoyé et à qui il obéit, sans pourtant supprimer son vouloir propre. Il aspire donc à accomplir toutes les volontés de son Père. Il s'empresse aussi de réaliser tout ce que lui-même désire voir accompli dans sa passion, de peur qu'un pécheur ne prenne les devants pour le déjouer.
Il a ardemment désiré (Lc 22,15) manger la Pâque avec ses disciples. Il a célébré à la hâte le repas de la Pâque. Désirant boire le calice de sa passion, il a dit: Est-ce que je vais refuser la coupe que mon Père m'a donné à boire (Jn 10,11)? Quand les hommes qui le cherchaient se présentèrent pour se saisir de lui et demandèrent qui était Jésus, il s'avança de lui-même. Sachant qu'il devait boire la coupe de vinaigre, il demanda à la boire et, aussitôt après y avoir bu et après avoir ainsi mené à bonne fin son grand dessein, il dit: Tout est accompli (Jn 19,30), mettant dans ces mots toute sa joie de voir réalisé ce qu'il désirait tellement.
Dans les psaumes, le Christ avait souvent prié pour que sa vie soit préservée du glaive. Il avait annoncé qu'aucun de ses os ne serait brisé. Il avait prédit que sa tunique serait tirée au sort (Ps 21).
Il prie pour que tout cela se réalise selon son désir, afin que l'on croie en l'accomplissement des prophéties. Il ne veut pas que les pécheurs aient la possibilité d'agir sur un de ces événements, ni d'empêcher la célébration de la Pâque si ardemment désirée, ou qu'ils n'osent pas lui présenter la coupe de sa passion. Car la première réponse que le Sauveur avait adressée aux pécheurs venus l'arrêter, les avait tous terrassés.
Il ne faut pas que manque le vinaigre qui doit lui être offert, que le soldat lui perce le côté avant qu'il ne rende l'esprit, ni qu'il trouve dans la lenteur de sa mort un motif pour lui briser les os.
Il veut qu'aucune prophétie ne soit retranchée, et que rien de ce qu'il attend ne soit laissé au bon plaisir du pécheur. Il veut que s'accomplissent en lui tous les événements annoncés dans les prophéties et que lui-même désire. Et il prie pour leur réalisation, non qu'ils puissent ne pas s'accomplir, mais afin que les hommes comprennent que ces prophéties le concernaient.
Ou bien encore, dans la pensée du Sauveur, les renards sont la figure des hérétiques; le renard, en effet, est un animal trompeur, toujours occupé à tendre des piéges, et qui ne vit que de fraudes et de rapines, il ne laisse rien en repos, rien en paix, rien en sûreté, et cherche sa proie jusque dans la demeure des hommes. De plus, le renard, animal astucieux, se creuse une tanière, et aime à s'y tenir caché; tels sont aussi les hérétiques qui ne savent se construire une demeure, mais qui s'efforcent d'enlacer et de resserrer les âmes dans leurs sophismes trompeurs. Enfin, cet animal ni ne s'apprivoise, ni ne peut servir aux usages domestiques. Aussi l'Apôtre fait-il cette recommandation: «Fuyez celui qui est hérétique, après le premier ou le second avertissements» ( Tt 3). Les oiseaux du ciel, qui sont souvent dans les Écritures la figure de la malice spirituelle, construisent leurs nids dans le coeur des méchants; et tant que la malice et la perfidie dominent leurs affections, Dieu ne peut prendre possession de leur âme; mais dès qu'il rencontre une âme innocente, il abaisse sur elle, pour ainsi dire, la plénitude de sa majesté, car il entre dans le coeur des bons, en y versant sa grâce avec profusion. Nous ne pouvons donc raisonnablement regarder comme simple et fidèle cet homme que le Sauveur ne juge pas digne de marcher à sa suite, bien qu'il promît de le servir avec un dévouement que rien ne pourrait affaiblir. C'est que le Seigneur ne se contente pas de l'apparence du dévouement, il exige la pureté d'intention, et il ne peut agréer l'obéissance de celui dont il n'approuve point les services. Nous ne devons exercer qu'avec réserve et prudence les devoirs de l'hospitalité spirituelle; car en ouvrant sans précaution, aux infidèles, la demeure intérieure de notre âme, nous nous exposons à tomber dans leur infidélité par une confiance imprévoyante, Cependant, Dieu, après avoir éloigné cet hypocrite, admet à sa suite un homme sincère, pour nous apprendre qu'il ne rejette point la piété véritable, mais la fidélité mensongère. «Il dit à un autre: Suivez-moi». Il savait que cet homme, auquel il s'adressait, avait perdu son père: «Celui-ci lui répondit: Maître, permettez-moi d'aller auparavant ensevelir mon père».
Mais le Seigneur appelle sans délai ceux que sa miséricorde a choisis: «Et Jésus lui dit: Laissez les morts ensevelir leurs morts». Puisque la religion elle-même nous commande de rendre à nos semblables les devoirs de la sépulture, pourquoi le Sauveur défend-il à cet homme d'ensevelir son père, si ce n'est pour nous faire comprendre que ce devoir purement humain, doit le céder aux obligations qui ont Dieu pour objet? Le désir de cet homme était bon, mais les difficultés que l'accomplissement de ce désir lui créait, étaient plus à craindre; celui dont le zèle est partagé, partage aussi son amour, et en appliquant ses soins à deux objets différents, il retarde nécessairement les progrès de son âme. Il faut donc remplir d'abord les devoirs les plus importants, à l'exemple des Apôtres qui, pour n'être point absorbés par le soin des pauvres, établirent des ministres pour distribuer les aumônes.
Le Sauveur ne défend donc pas de rendre à un père les dernier s devoirs, mais il place les devoirs de religion au-dessus des devoirs de la piété filiale. Il veut qu'on laisse à ses parents l'accomplissement des uns, mais il fait à ses élus une obligation d'accomplir les autres. Or comment les morts peuvent-ils ensevelir les morts, à moins que vous ne compreniez qu'il y a deux morts différentes, la mort naturelle, et la mort du péché? Il y a encore une troisième mort, c'est celle qui nous fait mourir au péché, et vivre pour Dieu. ( Rm 9).
Ou bien encore, comme la bouche des impies est un sépulcre ouvert ( Ps 5), le Seigneur commande de détruire la mémoire de ceux dont tout le mérite meurt avec le corps; il ne détourne donc pas ce fils des devoirs que lui impose la piété filiale, mais il le sépare de tout commerce avec les infidèles. Ce n'est pas l'accomplissement d'un devoir qu'il interdit, c'est un acte de religion qu'il commande, c'est-à-dire qu'il ne faut avoir aucun rapport avec les nations qui sont dans la mort.
Voyez avec quelle sévérité le Sauveur pratique la pauvreté qu'il avait enseignée; il n'avait à lui ni table, ni chandelier, ni maison, ni aucune des choses nécessaires à la vie.
Quelle obligation plus pressante que de rendre à un père les derniers devoirs? Mais encore, quelle obligation plus facile, puisqu'il suffit de quelques instants pour l'accomplir. Le Sauveur veut donc nous apprendre ici à ne point employer inutilement la plus légère partie du temps, lors même que mille circonstances sembleraient nous forcer, et à toujours placer les intérêts spirituels au-dessus des choses les plus nécessaires; car le démon est sans cesse aux aguets, pour trouver quelque entrée dans notre âme, et s'il surprend la moindre négligence, il nous jette dans un relâchement extrême.
Cette expression du Sauveur: «Leurs morts», montrent que ce mort ne lui appartenait pas, sans doute parce qu'il était mort dans l'infidélité.
Telle est la réponse que Jésus fit à celui qu'il avait appelé lui-même à sa suite. Un autre disciple s'approcha encore de lui sans avoir été appelé, et lui dit: «Seigneur, je vous suivrai, mais permettez-moi de disposer auparavant de ce que j'ai dans ma maison».
Jésus semble lui dire: L'Orient vous appelle, et vous regardez au couchant.
Dans le sens figuré, les renards et les oiseaux du ciel sont le symbole des puissances malignes et astucieuses des démons, et Jésus semble dire à cet homme: Les renards et les oiseaux du ciel trouvent en vous leur demeure, comment le Christ pourrait-il s'y reposer? Qu'y a-t-il de commun entre la lumière et les ténèbres? ( 2Co 6,14 ).
Le Seigneur est plein de libéralité pour tous les hommes, cependant il ne donne point indistinctement, et au hasard, les choses célestes et divines; il les réserve pour ceux qui en sont dignes, c'est-à-dire pour ceux qui savent préserver leur âme des souillures du péché, c'est ce que nous enseigne la parole puissante du saint Évangile: «Pendant qu'ils étaient en chemin, un homme lui dit: Je vous suivrai partout où vous irez». - Remarquons d'abord que cet homme s'approche de Jésus avec beaucoup de tiédeur, et que, par conséquent, ses prétentions sont excessives; en effet, il ne demande pas à marcher simplement à la suite de Jésus-Christ, à l'exemple d'un grand nombre, mais il aspire ouvertement à la dignité d'apôtre, contrairement à cette parole de saint Paul: «Personne ne peut s'attribuer cet honneur, mais il faut y être appelé de Dieu». ( He 5).
Le Sauveur avait encore un autre motif légitime pour ne point accepter l'offre que lui faisait cet homme; il enseignait qu'il devait auparavant porter sa croix et renoncer aux affections de la vie présente; et son intention, en lui donnant cette leçon, n'était pas de lui faire un reproche, mais de lui inspirer des dispositions plus parfaites.
On peut encore dire que le père de ce jeune homme était accablé de vieillesse, et il croyait faire un acte louable en se proposant de pratiquer à son égard les devoirs de la piété filiale, comme Dieu lui-même le commande: «Honorez votre père et votre mère» ( Ex 20). Aussi Notre-Seigneur l'ayant appelé au ministère évangélique en lui disant: «Suivez-moi», il demandait un délai pour subvenir aux besoins de son vieux père: «Permettez-moi d'aller auparavant ensevelir mon père». Il ne demandait pas d'aller rendre à son père les devoirs de la sépulture, car Jésus-Christ ne l'en eût pas empêché, mais cette expression ensevelir signifiait qu'il désirait soutenir sa vieillesse jusqu'à sa mort. Mais le Seigneur lui répondit: «Laissez les morts ensevelir leurs morts»; car son père avait d'autres parents aussi proches qui pouvaient prendre soin de lui, mais qui étaient morts, en ce sens qu'ils n'avaient pas encore embrassé la foi. Apprenez de là que la piété, que nous devons à Dieu, doit l'emporter sur l'amour et le respect que nous devons à nos parents, parce qu'ils nous ont engendrés. En effet, le Dieu de toutes les créatures nous a donné l'être, lorsque nous étions dans le néant, tandis que nos parents n'ont été que les instruments dont il s'est servi pour notre entrée dans la vie.
La résolution de cet homme est admirable et digne d'éloges; mais en demandant à renoncer aux biens qu'il possède, pour s'affranchir des soins qu'ils réclament, il montre que son coeur est encore partagé, puisque sa résolution n'est pas encore parfaitement arrêtée. Car vouloir consulter des proches, qui ne consentiront point à ce dessein, c'est montrer une résolution tant soit peu chancelante. Aussi Notre-Seigneur n'approuve pas ce dessein; «Jésus lui répondit: Quiconque met la main à la charrue, et regarde en arrière, n'est pas propre au royaume de Dieu», etc. - Mettre la main à la charrue, c'est être disposé à suivre Jésus-Christ par amour; mais c'est regarder en arrière, que de demander un délai pour avoir occasion de revenir dans sa maison, et de s'entendre avec ses proches.
Aussi Jésus lui répond: «Pourquoi n'avez-vous d'autre motif, en désirant me suivre, que d'obtenir les richesses et les avantages de ce monde, lorsque je suis si pauvre, que je ne possède pas même la plus petite demeure, et que le toit qui m'abrite, ne m'appartient pas ?»
Il ne refuse point de devenir le disciple de Jésus-Christ, mais il veut remplir auparavant les devoirs de la piété filiale, pour le suivre ensuite plus librement.
Mettre la main à la charrue, c'est aussi briser la dureté de son coeur avec le bois et le fer de la passion du Seigneur, comme avec un instrument de pénitence, et ouvrir son âme pour lui faire produire les fruits des bonnes oeuvres. Celui qui se livre à cette culture, et qui, semblable à la femme de Loth ( Gn 19, 20), jette un regard de regret et d'affection sur les choses qu'il a laissées, demeure privé de la récompense du royaume éternel. - Chaîne des Pèr. gr. En jetant de fréquents regards sur les choses auxquelles nous avons renoncé, nous sommes entraînés par la force de l'habitude vers les actes de notre vie ancienne. L'usage, en effet, a une force véritable pour nous enchaîner. Est-ce que l'habitude ne naît pas de l'usage? est-ce que l'habitude, à son tour, ne devient pas une seconde nature? Or, il est bien difficile de vaincre ou de changer la nature, et si elle cède tant soit peu quand elle y est forcée, elle reprend bien vite son premier empire. Si Notre-Seigneur blâme sévèrement ce disciple qui désirait le suivre, parce qu'il voulait d'abord disposer de ce qu'il avait dans sa maison; que dira-t-il à ceux qui, sans aucun motif d'utilité, visitent fréquemment les maisons de ceux qu'ils ont laissés dans le monde ?
Cet homme avait vu le Sauveur entraîner une grande multitude à sa suite; il s'imagina qu'elle lui payait un tribut, et qu'en s'attachant lui-même au Seigneur, il trouverait le moyen de s'enrichir.
Troisième cas, propre à S. Luc. Cet autre disciple se
présente spontanément au Sauveur, comme le premier ; mais, comme le second, il demande un peu de répit
avant de s'attacher à sa vocation d'une manière définitive. Il voudrait, dit-il, disposer de ce qui est dans sa
maison. Le grec peut se traduire aussi bien par le masculin que par le neutre, c'est-à-dire qu'il peut
s'appliquer aux personnes ou aux choses. S. Augustin adopte le premier sens : « Permets que je l’annonce
aux miens, pour que, comme cela arrive souvent, ils ne me cherchent pas », Sermo 7 de Verbis Domini. De
même S. Irénée (« aux gens de ma maison »), et Tertullien (adv. Marc. 1. 4. : « Et ce troisième est prêt à
dire d’abord adieu aux siens. »). D'ailleurs, plusieurs anciens manuscrits latins (a, b, c) ont « qui » au lieu de
« que », et, de fait, cette interprétation nous paraît plus appropriée à la circonstance. Néanmoins, de
nombreux commentateurs adoptent celle de notre Vulgate actuelle, supposant que le disciple en question
voulait tout d'abord aller mettre ordre à ses affaires. - A lui aussi Jésus apprend qu'il n'y a pas de délai
possible quand il s'agit d'une vocation céleste, et il le lui dit au moyen d'une image très expressive. « Mettre
la main à la charrue » était une locution métaphorique en usage chez les Grecs pour signifier « entreprendre
un travail ». Mais, quand un homme sérieux commence une entreprise, il doit la poursuivre avec vigueur, s'y
adonner tout entier, sans se laisser distraire par aucun objet étranger, ainsi que l'indique la suite des paroles
de Jésus. - Regarder en arrière. Un bon laboureur se courbe sur sa charrue nous dit Pline, et regarde à ses
pieds ou devant lui, mais pas en arrière ; autrement, il tracera des sillons tortueux (« le laboureur, s'il n'est pas
courbé, s'éloignera de la ligne droite », Hist. Nat. 18, 29). Le disciple qui s'adressait en ce moment au
Sauveur était donc dans la fausse situation d'un homme qui met la main à la charrue et qui jette derrière lui
des regards distraits. Aussi Jésus lui dit-il qu'il ne pouvait compter sur le succès, spécialement dans le
royaume de Dieu, car un cœur partagé nuit plus encore à l'ouvrier évangélique qu'à celui qui laboure un
champ matériel. Qu'il mette donc fin à son irrésolution ! Qu'il ne regarde pas du côté de l'occident quand
c'est l'orient qui l'appelle (S. Aug., l. c.) ! Il y a là un précepte d'une profonde et perpétuelle vérité. Il est
devenu proverbial à tout jamais. - Quel grand maître que Jésus pour la direction des âmes ! Voilà trois
hommes qui se présentent à lui dans des conditions extérieures à peu près identiques ; mais il emploie envers chacun d'eux des méthodes bien diverses, suivant leurs différentes dispositions. Il écarte le premier, qui est
présomptueux ; il aiguillonne l'irrésolution de l'autre ; quant au troisième, qui semble avoir tenu le milieu
entre les deux premiers, il ne le décourage pas, mais il ne le pousse pas non plus en avant : il se borne à lui
faire entendre une grave réflexion, lui abandonnant le soin de prendre un parti. Dans ces trois disciples, les
Gnostiques, au rapport de S. Irénée, 1, 8, 3, voyaient des personnes-types ; quelques auteurs modernes les
regardent comme les types des tempéraments sanguins, mélancoliques et flegmatiques : le tempérament
bilieux ou colérique aurait fait, d'après eux, son apparition un peu plus haut, v. 54, dans la personne des fils
de Zébédée !