Marc 14, 25
Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, dans le royaume de Dieu. »
Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, dans le royaume de Dieu. »
Jésus-Christ offrait sonsang à celui-là même qui allait le vendre, afin qu'il pût y puiser la rémission de ses péchés, s'il avait voulu renoncer à son impiété.
Et maintenant encore, Jésus-Christ est encore là, c'est lui-même qui a orné cette table, c'est lui encore qui la consacre. Ce n'est point l'homme qui change les dons offerts au corps et au sang de Jésus-Christ, c'est Jésus-Christ lui-même qui a été crucifié pour nous. Les paroles sortent de la bouche du prêtre, mais elles reçoivent leur consécration de la puissance et de la grâce de Dieu. C'est par cette parole: «Ceci est mon corps», que les dons offerts sont consacrés, et de même que ces paroles: «Croissez et multipliez-vous, et remplissez la terre», n'ont été dites qu'une fois ( Gn 9, 1), et produisent cependant leurs effets dans tous les temps pour la génération des êtres par l'intermédiaire de la nature; ainsi cette parole du Sauveur n'a été dite qu'une fois, et cependant jusqu'à ce jour, et jusqu'à l'avènement du Sauveur, elle donne au sacrifice toute sa force sur tous les autels de l'Eglise catholique.
Qu'il n'y ait donc aucun Judas à la table du Seigneur; ce sacrifice est une nourriture spirituelle. Or, de même que la nourriture corporelle, lorsqu'elle trouve l'estomac chargé d'humeurs contraires, ne fait que le rendre plus malade; ainsi cette nourriture spirituelle, lorsqu'elle entre dans une âme souillée par le péché, rend sa perte plus certaine, non par l'effet de sa nature, mais par la mauvaise disposition de celui qui la reçoit. Que l'âme soit donc pure de toute souillure, que cette pureté s'étendent jusqu'aux pensées, parce que c'est ici le sacrifice de toute pureté.
Heureuse ivresse, satiété salutaire, qui daigne communiquer à l'âme une sobriété d'autant plus grande qu'elle est plus abondante.
Judas but donc à ce calice du salut, mais il ne fut point rassasié et n'éteignit point la soif que produit le feu éternel, parce qu'il reçut indignement les mystères de Jésus-Christ; car son sacrifice ne peut purifier ceux qui se sont traînés dans le bourbier infect de la cruauté, et que des pensées dépourvues de raison précipitent dans le crime.
Car il ne purifie pas tous les hommes de leurs péchés.
Au sens mystique, le Seigneur donne à son corps qui est l'Eglise actuelle, la forme de pain. On s'unit à ce corps par la foi, il est béni par la multiplication de ses membres, il est rompu par les souffrances, il est donné dans les exemples de vertu, reçu par l'enseignement, il se change dans le calice au sang de Jésus-Christ mêlé d'eau et de vin, pour nous purifier de nos fautes, et tout à la fois pour nous racheter des supplices que nous avons mérités. C'est par le sang de l'agneau que les maisons des Hébreux sont préservées de l'ange exterminateur, et leurs ennemis sont ensevelis dans les eaux de la mer; c'étaient des symboles figuratifs de l'Eglise de Jésus-Christ, «Et prenant le calice, il rendit grâces et le leur donna». C'est par la grâce, en effet, et non point par nos mérites que nous avons été sauvés.
Remarquons que Notre-Seigneur change la nature du sacrifice, mais sans changer le temps où il était offert. Il nous apprend ainsi a ne jamais célébrer la cène au seigneur, avant le quatorzième jour de la lune. Celui qui célébrerait la résurrection le quatorzième jour serait obligé de célébrer la cène au onzième, ce qui ne s'est jamais fait ni sous la loi ancienne, ni sous la loi nouvelle.
Nous le voyons à l'approche de sa passion, prendre du pain et rendre grâces. Celui qui a pris sur lui la peine due aux châtiments des autres, rend grâces à Dieu; celui dont la vie n'offre pas l'ombre d'une faute, bénit humblement dans sa passion. En supportant avec tant de patience les châtiments dus aux forfaits des autres, il veut nous enseigner comment nous devons supporter les châtiments que méritent nos propres iniquités, et ce que doit faire le serviteur que Dieu châtie, alors que lui, l'égal de son Père, lui rend grâces des souffrances qu'il endure.
Notre-Seigneur établit ici le caractère qui distingué la nouvelle alliance de l'ancienne, qui fut consacrée par le sang des boucs et des taureaux, que Moïse répandait sur le peuple en disant: «Voici le sang de l'alliance que le Seigneur a faite avec vous» ( Ex 24, 8). «Qui sera répandu pour plusieurs».
Toutes les cérémonies de l'ancienne pâque étant terminées, Jésus en vient à la nouvelle; et à la chair et au sang de l'agneau, il substitue le sacrement de son corps et de son sang: «Et tandis qu'ils mangeaient, Jésus prit du pain, pour prouver qu'il était celui à qui le Seigneur a dit avec serment ( He 5-7): Vous êtes prêtre pour l'éternité, selon l'ordre de Melchisédech» ( Ps 109)
Il rompt lui-même le pain qu'il présente à ses disciples, pour montrer que la fraction de son corps était la suite d'un plan qu'il avait tracé lui-même. Il bénit le pain, parce qu'en effet, il a, conjointement avec le Père et le Saint-Esprit, rempli d'une vertu divine la nature qu'il a prise pour souffrir. Il bénit le pain et le rompt, et montre ainsi qu'il a daigné soustraire à la mort l'humanité dont il s'est revêtu, faire éclater la puissance d'immortalité qui est en elle, et nous enseigner qu'il la ressusciterait promptement dans sa personne.
Le vin du calice du Seigneur est mêlé d'eau et figure ainsi que nous devons demeurer en Jésus-Christ, et Jésus-Christ en nous, car au témoignage de saint Jean, les eaux représentent les peuples. Il n'est permis à personne d'offrir ou du vin seul, ou de l'e au seule, une telle offrande semblerait vouloir séparer la tête des membres, et signifier ou que Jésus-Christ a pu souffrir sans l'amour de notre rédemption, ou que nous pouvons être sauvés, et mériter d'être offerts à Dieu sans nous unir à sa passion.
Ou bien dans un autre sens, cette vigne du Seigneur c'est la synagogue au témoignage d'Isaïe: «La vigne du Seigneur des armées, nous dit-il, c'est la maison d'Israël». ( Is 5) C'est donc au moment où le Sauveur marche de lui-même au devant de sa passion, qu'il dit à ses disciples: «Je ne boirai plus de ce fruit de la vigne», c'est-à-dire en d'autres termes: Je ne me complairai plus dans les cérémonies charnelles de la synagogue, parmi lesquelles l'immolation de l'agneau pascal tena it le premier rang; car voici venir le temps de ma résurrection, voici venir ce jour où en possession du royaume de Dieu, élevé sur les hauteurs d'une gloire immortelle, je serai avec vous comblé de joie à la vue du salut de ce peuple régénéré aux sources de la grâce spirituelle.
C'est-à-dire qu'il rendit grâces avant de le rompre, c'est ce que nous faisons nous-mêmes, en y ajoutant d'autres prières.
Quelques auteurs prétendent que Judas n'a point participé aux divins mystères, mais qu'il sortit avant que le Seigneur les eût distribués à ses disciples. D'autres, au contraire, soutiennent qu'il reçut le corps sacré du Sauveur.
C'est-à-dire ce que je vous donne maintenant, ce que vous recevez de mes mains. Le pain n'est pas seulement la figure du corps de Jésus-Christ, mais il est changé au corps de Jésus-Christ lui-même; car Notre-Seigneur a dit: «Le pain que je donnerai est ma chair». Cependant nous ne voyons point la chair de Jésus-Christ à cause de notre faiblesse; le pain et le vin sont des aliments accommodés à notre usage; si la chair et le sang nous étaient présentés dans leur état naturel, nous n'aurions pu nous résoudre à les prendre. Aussi Notre-Seigneur, pour condescendre à notre faiblesse, conserve les apparences du pain et du vin, mais change le pain et le vin en sa chair et en son sang.
C'est-à-dire, je ne boirai plus de ce vin jusqu'à la résurrection, il appelle sa résurrection son royaume, parce que c'est alors qu'il a régné en vainqueur sur la mort. Après sa résurrection, il but et mangea avec ses disciples, leur prouvant ainsi qu'il était bien le même qui avait souffert. Le vin qu'il boit alors est nouveau, c'est-à-dire qu'il le boit d'une manière différente et toute nouvelle; car il n'a plus un corps passible qui ait besoin de nourriture, son corps est à la fois immortel et incorruptible; voici donc l'explication de ces paroles: la vigne, c'est le Seigneur lui-même; le fruit de la vigne, ce sont les mystères, et l'intelligence secrète qu'en donne celui qui enseigne la science à l'homme ( Ps 92) Or, dans le royaume de Dieu, c'est-à-dire dans le siècle futur, il boira avec ses disciples les mystères et la sagesse, en nous enseignant, en nous révélant alors des vérités nouvelles dont il nous dérobe ici-bas la connaissance.
Je ne boirai plus… Parole
solennelle, qui ouvre un double horizon, le premier très rapproché, le second très lointain. Jésus ne boira plus
de vin sur la terre ; c’est dire qu’il va bientôt mourir. Il en boira plus tard dans le ciel avec ses Apôtres, d’une
manière mystique : c’est annoncer son triomphe et la consommation de son royaume dans les splendeurs de
l’éternité. On le voit, le verbe boirai est pris successivement en deux acceptions distinctes : la première fois
au propre, la seconde fois au figuré, pour désigner les délices du ciel. — Des mots je ne boirai plus, faut-il
conclure que Jésus, avant de faire passer à ses disciples la coupe qui contenait le vin transsubstantié, y avait
le premier trempé ses lèvres, et, par analogie, qu’il avait de même communié sous les espèces du pain ? De
très graves auteurs l’ont pensé, en particulier S. Jean Chrysostome [522], saint Augustin [523], saint Jérôme [524], saint Thomas d’Aquin [525]. « Il est le convive et le festin, celui qui mange et qui est mangé ».
Malgré le profond respect que nous avons pour ces grands savants et ces grands saints, nous nous permettons
avec plusieurs exégètes et théologiens des divers temps, d’adopter l’opinion contraire. Il nous semble en effet
que l’acte ainsi attribué au Sauveur répugne à l’idée de la communion, qui suppose l’union de deux êtres au
moins. En outre, la phrase « Je ne goûterai plus du fruit de la vigne », non seulement ne suppose pas d’une
manière nécessaire que Jésus ait bu à la coupe qu’il faisait circuler pour la dernière fois, mais elle devient au
contraire plus claire, plus rigoureusement exacte, s’il s’abstint d’y toucher. Comme le père de famille, dont
Notre-Seigneur jouait alors le rôle, buvait toujours le premier quelques gouttes des différentes coupes
pascales, par ces paroles, le Sauveur s’excusait en quelque sorte de ne pas prendre sa part de ce calice. Buvez
tous ; pour moi je ne boirai plus de vin ici-bas : cependant je partagerai avec vous la coupe délicieuse du
paradis.
Les miracles de la multiplication des pains, lorsque le Seigneur dit la bénédiction, rompit et distribua les pains par ses disciples pour nourrir la multitude, préfigurent la surabondance de cet unique pain de son Eucharistie (cf. Mt 14, 13-21 ; 15, 32-39). Le signe de l’eau changé en vin à Cana (cf. Jn 2, 11) annonce déjà l’Heure de la glorification de Jésus. Il manifeste l’accomplissement du repas des noces dans le Royaume du Père, où les fidèles boiront le vin nouveau (cf. Mc 14, 25) devenu le Sang du Christ.
Lors de la dernière cène, le Seigneur a lui-même tourné le regard de ses disciples vers l’accomplissement de la Pâque dans le royaume de Dieu : " Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce produit de la vigne jusqu’au jour où je boirai avec vous le vin nouveau dans le Royaume de mon Père " (Mt 26, 29 ; cf. Lc 22, 18 ; Mc 14, 25). Chaque fois que l’Église célèbre l’Eucharistie, elle se souvient de cette promesse et son regard se tourne vers " Celui qui vient " (Ap 1, 4). Dans sa prière, elle appelle sa venue : " Marana tha " (1 Co 16, 22), " Viens, Seigneur Jésus " (Ap 22, 20), " Que ta grâce vienne et que ce monde passe ! " (Didaché 10, 6).