Marc 14, 3

Jésus se trouvait à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux. Pendant qu’il était à table, une femme entra, avec un flacon d’albâtre contenant un parfum très pur et de grande valeur. Brisant le flacon, elle lui versa le parfum sur la tête.

Jésus se trouvait à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux. Pendant qu’il était à table, une femme entra, avec un flacon d’albâtre contenant un parfum très pur et de grande valeur. Brisant le flacon, elle lui versa le parfum sur la tête.
Louis-Claude Fillion
Comme Jésus était à Béthanie. « Ce souper que Jésus prit à Béthanie chez Simon le Lépreux se fit six jours avant la Pâque… S. Jean l’a rapporté en son lieu, Jean 12, 1 ; mais les autres évangélistes l’ont mis ici par récapitulation, pour faire connaître la cause de la trahison de Judas » [504]. — Simon le lépreux. Personnage inconnu, qui était évidemment un disciple de Notre-Seigneur. — Une femme entra. C’était celle qui avait eu le bonheur de s’entendre dire par Jésus quelque temps auparavant : « Marie a choisi la meilleure part, qui ne lui sera pas ôtée ». Luc 10, 42. — Un vase d’albâtre plein d’un parfum précieux. S. Marc, de même que S. Jean, a nettement indiqué la nature du parfum répandu par Marie sur la tête du Sauveur. Le nard, mentionné à deux reprises dans le Cantique des Cantiques, Ct 1, 12 ; 4, 13, 14, était une huile aromatique, fabriquée avec les racines, les feuilles ou l’épi de la plante du même nom [505], qui croît, ou plutôt que l’on cultive en grand dans les Indes. Dioscorides [506] en fait ressortir la grande valeur. Ce parfum était si estimé des anciens, qu’Horace, on le sait, allait jusqu’à promettre à Virgile un tonneau entier de bon vin pour une petite fiole de nard [507]. De là l’épithète de précieux, qui sera d’ailleurs justifiée plus tard par une réflexion des disciples, v. 5. L’autre épithète, authentique, en latin « spicati », semblerait désigner un nard extrait de l’épi du Nardostachys ; mais tel n’est certainement pas le sens du mot grec correspondant, que la Vulgate traduit par « pur » dans le passage parallèle du quatrième Évangile. On explique ce mot de trois manières, selon les racines diverses qu’on lui attribue. 1° Les uns le font venir de Pista, ville de Perse : serait donc du nard de Pista. 2° Selon d’autres, l’adjectif dériverait du verbe « boire » : il s’agirait alors de nard potable, par conséquent liquide. De fait, nous savons par les anciens auteurs qu’on mélangeait parfois le nard aux liqueurs en guise d’épices. 3° Suivant l’opinion qui a toujours été le plus communément suivie, la vraie racine signifierait « fidèle », et l’adjectif ainsi formé signifierait fidèle, authentique, par opposition à frelaté. Ce sentiment, qu’adoptait Théophylacte, nous semble le meilleur des trois, d’autant mieux que la fraude allait grand train sur cette matière précieuse, comme nous le raconte Pline l’Ancien [508], en parlant du « Pseudonard ». — Ayant rompu le vase. Détail pittoresque, propre à S. Marc. Le goulot étroit du vase n’aurait point permis au parfum de s’échapper assez vite : Marie le brise sans hésiter, sacrifiant tout ensemble le contenant et le contenu dans sa sainte prodigalité.
Fulcran Vigouroux
Le nard a plusieurs épis qui servent à composer un parfum beaucoup plus estimé que celui qui se tire des feuilles de cette plante. ― Béthanie. Voir Matthieu, 21, 17. ― Simon le lépreux. Voir Matthieu, note 26.6. ― Un vase d’albâtre. Voir Matthieu, 26, 7. ― « Ptolémée dit que le nard est une plante odoriférante qui croît principalement à Rangamati, sur les frontières du pays qu’on nomme maintenant le Bootan. Pline en reconnaît douze espèces. Il met en première ligne celui des Indes, puis le syriaque, le gaulois, celui de Crète, etc. Il décrit ainsi le nard indien : « C’est un arbuste à racine épaisse et lourde, mais courte, noire et cassante, quoique onctueuse en même temps. L’odeur ressemble beaucoup à celle du cyperus ; le goût est acre, les feuilles sont petites et viennent en touffes. Les sommités du nard se développent en épis barbus. De là vient que le nard est si fameux pour sa double production, l’épi barbu et la feuille. » Le prix de ce nard était alors de cent deniers la livre (environ 85 francs en 1900). Les autres sortes, qui n’étaient que des herbes, coûtaient beaucoup moins cher et pouvaient s’obtenir pour quelques deniers. Galien et Dioscoride parlent du nard (en grec nardostachys, nard à épis) à peu près dans les mêmes termes. Ce dernier auteur prétend toutefois que le nard connu sous le nom de syrien venait en réalité des Indes et était apporté en Syrie, d’où on l’expédiait sur divers points… Sir William Jones, orientaliste distingué, fit une étude spéciale de cette question ardue, et finit par découvrir que le nard était une espèce de valériane appelée par les Arabes sumbul, ce qui signifie épi barbu, et par les Indous jatamansi ou mèche de cheveux, noms dus tous deux à la forme de la tige qui ressemble à la queue d’une hermine ou d’une belette. Il lui donna donc la dénomination de Valeriana jatamansi, qui été acceptée par tous les botanistes modernes. Le mot nard paraît être dérivé du mot tamoul nar qui désigne une foule de substances odorantes… Le nard des anciens était probablement un nom générique sous lequel ils désignaient les parfums les plus exquis. » (E. RIMMEL.)