Marc 14, 52
Mais lui, lâchant le drap, s’enfuit tout nu.
Mais lui, lâchant le drap, s’enfuit tout nu.
Celui qui désespère du secours de Dieu, cherche à s'appuyer sur la puissance du monde.
Judas donne pour signal un baiser empoisonné par la perfidie, à l'exemple de Gain qui offrit à Dieu un sacrifice hypocrite et réprouvé de Dieu.
Joseph est vendu par ses frères, et le fer a transpercé son âme».
A l'exemple de Joseph qui s'échappa des mains d'une femme impudique ( Gn 39), en lui abandonnant son manteau, celui qui veut se dérober aux mains des méchants, doit renoncer intérieurement à toutes les choses du mondé, et fuir à la suite de Jésus.
Ou bien ce jeune homme était saint Jean, qui revint en effet au pied de la croix pour y entendre les paroles du Sauveur, mais qui s'était d'abord enfui dans un premier mouvement de crainte.
Cependant Judas conserve encore quelque respect du disciple pour son Maître, il ne le livre pas ouvertement, il donne un baiser pour signe à ses ennemis. «Or, le traître leur avait donné ce signal et leur avait dit: Celui que je baiserai», etc.
Après avoir prié une troisième fois, afin d'obtenir pour ses Apôtres, avec la grâce du repentir d'être délivrés de la crainte qui les dominait, Notre-Seigneur, calme et tranquille sur les souffrances qui l'attendent, marche au-devant de ses persécuteurs, dont l'Évangéliste décrit l'arrivée en ces termes: «Il parlait encore, que Judas Iscariote, l'un des douze», etc.
C'est avec une âme pleine d'envie et la hardiesse d'un scélérat qu'il appelle Jésus son Maître, et donne un baiser à celui qu'il trahit. Notre-Seigneur reçut cependant ce baiser du traître, non pour nous enseigner la dissimulation, mais pour ne point paraître fuir devant la trahison, et accomplir en même temps ces paroles du Psalmiste: «J'étais pacifique avec ceux qui baissaient la paix» ( Ps 119, 6).
Nous voyons ici s'accomplir la prédiction de Notre-Seigneur, que tous ses disciples seraient scandalisés à son sujet pendant cette nuit. «Or, il y avait un jeune homme qui le suivait, revêtu seulement d'un linceul, et qui n'avait d'autre vêtement que ce linceul. Ils se saisirent de lui; mais lui, laissant aller son linceul, s'enfuit tout nu de leurs mains». Il s'enfuit loin de ceux dont il abhorre la présence et les oeuvres, mais non loin du Seigneur, dont tout absent qu'il était, il conserva l'amour profondément gravé dans son âme.
En effet, il était jeune alors, comme le prouve la longue vie qu'il vécut sur la terre, après la mort de Jésus. On peut donc très-bien supposer qu'il s'échappa pour un moment des mains de ceux qui le tenaient, et qu'il revint ensuite après avoir repris son vêtement, et qu'à la lumière douteuse de la nuit, il se mêla à la troupe de ceux qui emmenaient Notre-Seigneur, comme s'il en eût fait partie lui-même jusqu'à ce qu'on fût arrivé dans la cour du grand-prêtre, comme il le raconte lui-même dans son Évangile. Pierre, qui lave dans les larmes de la pénitence la faute de son renoncement, enseigne à ceux qui ont faibli dans l'épreuve du martyre, comment ils doivent se relever; ainsi les autres disciples qui s'enfuirent au moment de l'arrestation de leur divin Maître, apprennent à ceux qui ne se sentent pas assez forts pour affronter les supplices, à chercher prudemment leur salut dans la fuite.
C'est Pierre, comme le rapporte saint Jean; il se laisse entraîner ici à son ardeur habituelle; il savait comment Phinées, pour avoir châtié des sacrilèges, avait reçu, comme récompense de cette juste vengeance, la dignité du sacerdoce qui devait se perpétuer dans sa famille.
Paroles qui reviennent à ceci: C'est une folie de venir attaquer avec des épées et des bâtons celui qui se livre volontairement entre vos mains, et sous la conduite d'un traître, de poursuivre dans la nuit, comme s'il se dérobait à vos reche rches, celui qui enseignait tous les jours dans le temple.
Il est vraisemblable que ce jeune homme faisait partie de la maison où ils avaient mangé la pâque. Quelques-uns prétendent que c'était Jacques, frère du Seigneur, surnommé le juste, et qui, après l'ascension de Jésus-Christ, fut établi par les Apôtres évêque de Jérusalem.
Voyez jusqu'où va sa folie; il croit pouvoir tromper Jésus par ce baiser et se faire passer pour son ami. Mais si vous êtes son ami, Judas, pourquoi vous joindre à ses ennemis? Disons-le, tout coeur livré au mal est sans prévoyance.
L'Évangéliste relève à dessein cette circonstance pour faire ressortir l'énormité du crime de ce traître qui, faisant partie du premier collège des disciples, s'emporta contre son divin Maître à cet excès de fureur. «Et avec lui une grande troupe de gens armés d'épées et de bâtons, qui avaient été envoyés par les princes des prêtres, par les scribes et les anciens».
Marc tait le nom de Pierre, pour ne point paraître louer son maître d'avoir déployé cette ardeur pour Jésus-Christ. Par cette action, Pierre condamne indirectement la désobéissance et l'incrédulité des Juifs, et leur mépris pour les Écritures; car s'ils avaient eu les oreilles ouvertes et dociles aux enseignements de l'Ecriture, ils n'auraient point crucifié le Seigneur de la gloire. Pierre coupe l'oreille du serviteur du grand-prêtre, car les princes des prêtres étaient les premiers à transgresser les Écritures, comme s'ils ne les avaient jamais entendues.
Jésus leur donne ici une preuve de sa divinité; lorsqu'il enseignait dans le temple, ils n'ont pu s'emparer de lui, bien qu'il fût entre leurs mains, parce que le temps de sa passion n'était pas encore arrivé. Mais lorsque telle fut sa volonté, il se livra lui-même pour accomplir cette prédiction de l'Ecriture: «Il a été conduit comme un agneau à la boucherie» ( Is 53), sans pousser aucun cri, aucune plainte, comme un homme qui souffre par son propre choix.
Voici un petit épisode des plus
intéressants et propre au second Évangile. Indépendamment de l’intérêt que S. Marc porte d’une manière
générale à tout ce qui est pittoresque, dramatique, il est aisé de découvrir, d’après le contexte, le motif spécial
qui lui a fait insérer ce curieux détail dans sa narration. Luc de Bruges, et nos autres exégètes catholiques à
sa suite, l’ont fort bien indiqué : « Marc raconte cette histoire d’un adolescent, pour nous montrer quelle était
la rage des ennemis du Christ, avec quelle licence et barbarie ils se comportaient, avec quelle violence
inhumaine, quelle férocité et quelle absence de pudeur, eux qui ont arrêté, sans le connaître, un adolescent
accouru sur les lieux, misérable et en robe de nuit, du seul fait qu’il semblait sympathique au Christ, et qui ne
put échapper de leurs mains et s’enfuir qu’en restant tout nu » [533]. — Un jeune homme. Quel était ce jeune
homme ? se demandent tout d’abord les exégètes. Et, n’ayant là-dessus aucune donnée certaine, ils donnent
un libre cours à leur imagination. D’après Ewald, ce mystérieux jeune homme ne serait autre que Saul, le
futur saint Paul. Plusieurs auteurs anglais contemporains, en particulier M. Plumptre, veulent que ce soit
Lazare, l’ami de Jésus et le ressuscité de Béthanie. D’autres commentateurs opinent en faveur de quelque
esclave attaché à la garde et à la culture du domaine de Gethsémani. Tel est le sentiment de M. Schegg et du
P. Patrizi. « Cette chose défend de douter que cet adolescent n’ait été le seul à échapper à la surveillance des
gardiens de la maison. Il a été tiré de son sommeil par le vacarme, s’est levé de son lit, et, recouvert d’un seul
drap, il est accouru rapidement sur les lieux » [534].Théophylacte croit que c’était le fils du propriétaire du
cénacle : mais il lui fait faire un bien long chemin et en un costume étrange ! Quelques Pères ont nommé
divers Apôtres, par exemple, S. Jean [535], ou saint Jacques-le-Mineur [536]. Mais, dit justement le
P. Patrizi, l. c., « Ceux qui pensent que cet adolescent a été un quelconque des douze disciples, ne se rendent
pas suffisamment compte qu’ils ont tous, cette nuit-là, mangé avec le Christ ; qu’ils sont tous allés dans le
jardin avec lui, à l’exception de Judas, lequel était déjà rendu là où il voulait aller. Aucun des douze n’a donc
pu être recouvert d’un seul drap, pour couvrir sa nudité ». D’après une opinion qui réunit aujourd’hui un
assez grand nombre d’adhérents, notre jeune homme serait S. Marc en personne. En effet, nous dit-on, 1° il
est seul à raconter ce trait ; 2° il résidait à Jérusalem (voyez la Préface, § I, 1) ; 3° les détails qu’il fournit
sont tellement circonstanciés qu’ils ne peuvent guère venir que d’un témoin oculaire ; 4° l’Évangéliste S.
Jean se met plusieurs fois indirectement en scène, d’une manière tout-à-fait analogue à celle-ci. Nous
trouvons ces raisons plus spécieuses que convaincantes. Tout ce qu’on peut affirmer de certain, c’est que cet
« adolescent » demeurait dans le voisinage de Gethsémani. Peut-être était-il disciple de Jésus dans le sens
large de cette expression : de là son intérêt pour le divin prisonnier. Mais peut-être aussi était-ce simplement
la curiosité qui servit de mobile à une démarche d’où faillirent découler pour lui des conséquences si
fâcheuses. — Couvert seulement d’un drap. Le mot « sindon », σινδών, désignait chez les anciens une grande pièce d’étoffe de lin ou de coton, qui servait tantôt de vêtement de dessous, tantôt de vêtement de
dessus [537]. Ici, il représente évidemment, d’après le v. 52, une sorte de couverture de nuit dans laquelle le
jeune homme s’était enveloppé avant de sortir pour reconnaître la cause du bruit qui l’avait réveillé. Il
n’avait pas d’autre vêtement. — Lui, rejetant le drap, s’enfuit nu… Se dégageant lestement, le héros de cette
aventure lâcha son « sindon », qu’il laissa entre les mains des sbires ; puis il s’enfuit, la pudeur le cédant à
l’effroi.