Marc 3, 21

Les gens de chez lui, l’apprenant, vinrent pour se saisir de lui, car ils affirmaient : « Il a perdu la tête. »

Les gens de chez lui, l’apprenant, vinrent pour se saisir de lui, car ils affirmaient : « Il a perdu la tête. »
Louis-Claude Fillion
Ici encore, nous avons une note propre à S. Marc, note bien étrange, assez obscure, et différemment interprétée par les commentateurs. — Ses proches, ayant appris cela. Qu’est-ce à dire, les siens ? Le texte grec est assez ambigu et pourrait, au besoin, désigner les disciples, comme le veulent divers exégètes. Néanmoins, la plupart des versions anciennes et des critiques supposent à bon droit qu’il s’agit des parents du Sauveur. La Vulgate a donc bien traduit [236]. Le contexte, vv. 34 et ss., confirme cette interprétation. — Vinrent. D’où viennent-ils ? Selon les uns, de Capharnaüm, où ils se seraient fixés en même temps que Jésus ; plus probablement, selon les autres, de Nazareth, où nous retrouverons bientôt les « frères » de Notre-Seigneur. Marc 6, 3. Cf. Marc 1, 9. — Pour se saisir de lui. Cette expression ne peut avoir qu’un sens : se saisir de lui bon gré mal gré, le contraindre de les accompagner, et l’empêcher de se montrer en public. — Car ils disaient… C’est ici surtout qu’existent les divergences signalées plus haut. — Indiquons-en d’abord la cause principale, en empruntant des paroles très sensées de Maldonat : « Ce passage pose quelque difficulté à la piété, car chaque personne a en horreur non seulement de croire et de penser que les parents du Christ aient dit ou aient pensé qu’il était fou. Un zèle pieux a fait rejeter à certains le sens propre de ces mots ; d’autres cherchèrent des interprétations qui semblaient moins rebutantes à la piété. Je ne serais pas surpris qu’en en cherchant de pieuses, ils en aient trouvé de fausses ». Ce « je ne serais pas surpris... » est un pur euphémisme. Les fausses hypothèses, qui se sont multipliées depuis le temps de Maldonat, portent déjà sur le sujet de « disaient ». Malgré la grammaire et la logique, on l’a tour à tour appliqué aux hommes en général (Rosenmüller), à quelques Juifs envieux (Euthymius), aux disciples de Jésus (Schœtten, Wolf), aux messagers qui seraient allés avertir les parents du Sauveur (Bengel), etc. — Toutefois, on a erré davantage encore sur le sens du mot grec ἐξέστη, que notre Vulgate a traduit par il a perdu l’esprit. D’anciens auteurs, mentionnés par Euthymius, lui donnaient la signification de « il s’en est allé ». Selon Kuinœl, il équivaut à « il est extrêmement las » ; d’après Grotius, il représente un évanouissement momentané ; d’après Griesbach et Valer, il désigne une apparence d’insanité, produite par un excès de fatigue. Schœttgen et Wolf lui conservent bien sa vraie signification de « il a perdu l’esprit » ; mais ce seraient, suivant eux, les disciples qui auraient appliqué ce jugement au peuple ! etc. etc. Nous sommes heureux de voir que ces interprétations erronées sont pour la plupart le fait d’auteurs protestants, tandis que nos exégètes catholiques, anciens et modernes, ont presque toujours bien traduit et bien commenté le verbe [237]. - Cf. Ac 26, 24 ; 2Co 5, 13. Les proches du Sauveur affirmaient donc hautement qu’il avait perdu l’esprit, qu’il était devenu insensé par suite de son enthousiasme religieux. Quelque surprenante que paraisse d’abord leur conduite, elle devient plus explicable si l’on se rappelle une grave déclaration de l’évangéliste S. Jean. « Car ses frères non plus ne croyaient pas en lui », écrit-il du Sauveur, en parlant d’une époque un peu plus tardive, Jean 7, 5. En ce moment, leur incrédulité commence. Ils ne se rendent pas compte de la nature et du rôle de Jésus : l’agitation qui se fait autour de son nom les inquiète ; à plus forte raison se troublent-ils en pensant aux nombreux ennemis qu’il s’est suscités, et dont la haine pourra retomber sur toute sa famille. C’est alors qu’ils formulent le jugement odieux qui nous a été conservé par S. Marc. Rien n’empêche du reste d’admettre, à la suite de quelques exégètes, qu’ils avaient au fond de bonnes intentions, et, qu’en se montrant au dehors si sévères pour leur parent, ils se proposaient de l’arracher par-là même plus commodément aux dangers dont ils le savaient entouré. Hâtons-nous d’ajouter que tous les proches de Notre-Seigneur Jésus-Christ ne participèrent point à cette appréciation, et qu’on ne saurait, sans blasphème, ranger sa très sainte Mère parmi ceux qui avaient de lui une telle opinion.
Fulcran Vigouroux
C’étaient ceux de ses parents dont saint Jean dit qu’ils ne croyaient pas en lui.