Marc 3, 30
Jésus parla ainsi parce qu’ils avaient dit : « Il est possédé par un esprit impur. »
Jésus parla ainsi parce qu’ils avaient dit : « Il est possédé par un esprit impur. »
Le Seigneur, relevant ce blasphème des scribes, leur montre l'impossibilité du fait qu'ils avancent et confirme sa démonstration par un exemple: «Et les ayant assemblés, il leur disait en parabole: Comment Satan peut-il chasser Satan ?» C'est-à-dire: Un royaume divisé contre lui-même par une guerre intestine sera nécessairement entraîné à sa ruine; c'est ce qui arrive aussi bien dans une famille que dans une cité. Si donc le royaume de Satan est divisé contre lui-même, de sorte que Satan chasse Satan du milieu des hommes, la ruine du royaume des démons est imminente. Or, le règne des démons consiste à tenir les hommes asservis à leur tyrannie. Si donc ils sont chassés loin des hommes, dès lors leur empire est détruit; mais, s'ils conservent encore leur pouvoir sur les hommes, il est évident que le royaume de ce malin esprit est encore debout, et qu'il n'est point divisé contre lui-même.
Jésus-Christ déclare que le blasphème contre sa personne trouvera son pardon, parce qu'il avait paru sur la terre comme un homme méprisé et de basse extraction; mais l'outrage contre Dieu n'a point de pardon à espérer. Or, le blasphème contre le Saint-Esprit s'adresse directement à Dieu même. Car le règne de Dieu est l'oeuvre de l'Esprit saint, et c'est pour cela que Jésus-Christ déclare que le blasphème contre le Saint-Esprit ne sera jamais pardonné. Au lieu de ces paroles: «Mais il sera coupable d'un crime éternel», un autre Évangéliste ( Mt 12) dit: «Il ne sera remis ni en ce monde ni en l'autre». Il faut entendre par là le jugement prescrit par la loi juive, et le jugement futur. La loi juive, en l'Ilot, condamnait à mort celui qui blasphémait contre Dieu ( Lv 24, 15), et aux yeux de la loi nouvelle il est également sans excuse. Or, quiconque reçoit le baptême est par là même placé en dehors du siècle présent, et cette vertu du baptême qui remet les péchés était i gnorée des Juifs. Celui donc qui attribue au démon les miracles et l'expulsion des démons qui sont l'oeuvre propre de l'Esprit saint tout soûl, celui-là ne peut excuser son blasphème, et un blasphème aussi énorme ne peut être remis, parce qu'il est contre le Saint-Esprit. Or voici en quoi consistait ce blasphème: «Et ils disaient: Il est possédé de l'esprit immonde».
Ces paroles prouvent évidemment que sa mère et ses frères n'étaient pas toujours avec lui. Mais comme ils l'aimaient tendrement, ils viennent le trouver, conduits par le respect et l'affection, et ils l'attendent au dehors, «car toute la foule était assise autour de lui».
Un autre Évangéliste dit ( Jn 7) que ses frères ne croyaient pas encore en lui, ce qui se rapporte parfaitement à ce qui est dit ici, qu'ils le cherchaient et l'attendaient au dehors. Aussi, se conformant à leurs dispositions, il semble ne pas se souvenir qu'ils sont ses parents, et il répond: «Quelle est ma mère et qui sont mes frères ?» En parlant de la sorte, il ne renie ni sa mère, ni ses frères, mais il montre qu'il faut placer l'estime qu'on doit faire de son âme bien au-dessus de tous les liens du sang, et il donne cette leçon à ceux qui recherchaient la conversation de leurs proches, comme une chose plus utile que la doctrine du salut.
Notre-Seigneur nous apprend encore ici qu'il faut honorer plus que nos proches ceux qui nous sont unis par la foi. On devient la mère de Jésus par la prédication, car on lui donne une sorte de naissance en l'enfantant dans le coeur de ceux qu'on est chargé d'enseigner.
Ou bien ces paroles signifient que celui qui, reconnaissant Jésus pour le Christ, ose l'appeler le prince des démons, ne méritera point de faire pénitence, ni d'obtenir par là son pardon.
Or, sachons que nous sommes les frères et les soeurs de Jésus, à cette condition que nous accomplirons la volonté de son Père, afin d'être un jour ses cohéritiers, car Jésus discerne ses frères et ses soeurs d'après leurs actes et non d'après la différence des sexes. «Celui qui fait la volonté de mon Père est mon frère, etc».
Ou bien encore, cette impénitence elle-même est le blasphème contre le Saint-Esprit, blasphème qui sera irrémissible. Car celui dont le coeur impénitent s'amasse un trésor de colère ( Rm 2) se rend coupable de blasphème contra le Saint-Esprit, soit par ses pensées, soit par ses discours. L'Évangéliste ajoute: «Parce qu'ils disaient: Il est possédé d'un esprit immonde». Il veut montrer par là que Jésus-Christ prononce cet anathème contre les Juifs, parce qu'ils l'accusaient de chasser les démons au nom de Béelzébub. Ce n'est pas que ce fût là un blasphème absolument irrémissible, puisqu'on peut en obtenir le pardon par un repentir sincère; mais le Seigneur proféra cette terrible sentence, parce qu'ils l'accusaient de recourir à l'intervention de l'esprit immonde, et il leur démontre qu'il serait ainsi, divisé contre lui-même, tandis que le Sa int-Esprit unit par un lien indivisible ceux qu'il rassemble en pardonnant les péchés, qui de leur nature sont des principes de division intestine. Or il n'y a, pour rejeter ce don de la miséricorde divine, que celui dont le coeur est endurci par l'impénitence. En effet, dans un autre endroit, les Juifs accusèrent Jésus d'être possédé du démon ( Jn 8), et cependant il ne les accuse point de blasphème contre le Saint-Esprit. C'est qu'alors ils ne mirent point en avant l'esprit immonde, et ne fournirent pas au Sauveur l'occasion de leur démontrer, par leur propre témoignage, qu'il serait divisé contre lui-même, comme le serait Béelzébub par la puissance duquel ils prétendaient que les démons pouvaient être chassés.
Le Seigneur a aussi enchaîné le fort, c'est-à-dire le démon, en paralysant les moyens de séduction qu'il emploie contre les élus. Et étant entré dans la maison, c'est-à-dire dans le monde, il a pillé sa maison et ravi ses meubles, c'est-à-dire les hommes qu'il soustrait aux pièges de Satan et incorpore à son Eglise. Ou bien encore, il a pillé sa maison parce que les diverses parties du monde où dominait cet antique ennemi du genre humain ont été données en partage à ses Apôtres et à leurs successeurs, pour ramener tous ces peuples dans la voie de la vie. Le Seigneur leur montre l'énormité du crime qu'ils commettaient en osant attribuer au démon ce qu'ils savaient très-bien être l'oeuvre de Dieu. Il ajoute donc: «Je vous le dis en vérité, tous les péchés seront remis», etc. Et en effet, tous les péchés, les blasphèmes ne sont pas indifféremment remis à tous les hommes; mais seulement à ceux qui font ici-bas une digne pénitence de leurs égarements. Ainsi il ne faut admettre ni l'erreur de Novatien, qui refusait le pardon aux martyrs qui étaient tombés, malgré leur repentir; ni l'erreur d'Origène, qui prétend qu'après le jugement universel, après les innombrables évolutions des siècles, les pécheurs obtiendront le pardon de leurs péchés. Notre-Seigneur combat cette erreur dans les paroles suivantes: «Celui qui aura blasphémé contre le Saint-Esprit ne recevra jamais son pardon».
Toutefois, ceux qui ne croient pas à la divinité du Saint-Esprit ne sont pas coupables de ce blasphème irrémissible, parce que cette erreur est l'effet non point d'une malice diabolique, mais bien plutôt de l'ignorance humaine.
Les frères du Seigneur, dont il est ici question, lie sont pas, comme le prétend Helvidius, les fils de Marie, qui est restée toujours vierge, ni les fils de Joseph, qu'il aurait eus d'une autre épouse, selon l'opinion de quelques autres, mais simplement ses parents.
Malgré leurs instances, il n'en continue pas moins la prédication de la divine parole, non qu'il oubliât les devoirs de la piété filiale, mais afin de montrer qu'il se devait bien plus aux mystères de son Père qu'aux devoirs de la tendresse filiale envers sa mère. Il ne témoigne aucun mépris pour ses frères, mais il préfère les oeuvres spirituelles aux liens de la parenté, et il nous enseigne que le lien qui unit les coeurs est plus sacré que celui qui ne fait qu'unir les corps. «Et regardant ceux qui étaient assis autour de lui: Voici, dit-il, ma mère et mes frères».
Dans le sens mystique, la mère et le frère de Jésus sont la synagogue et le peuple juif, qui lui aussi est sorti de la synagogue. Ils ne peuvent entrer dans l'intérieur de la maison pendant que Jésus y enseigne, parce qu'ils ne s'appliquent point à entendre, dans le sens spirituel, ses divins oracles. Mais la foule prévient les Juifs et parvient jusqu'à Jésus, c'est-à-dire que, tandis que la nation juive ne s'empresse nullement de venir à Jésus, les Gentils affluent vers lui de toutes parts. Les parents de Jésus, qui se tiennent dehors, et qui veulent le voir, ce sont les Juifs, qui, se tenant dehors, se constituent gardiens de la lettre, et qui aiment mieux presser Jésus de sortir, pour leur donner un enseignement tout charnel, plutôt que d'entrer, pour recueillir sa doctrine toute spirituelle. Si donc, par cela seul qu'ils se tiennent dehors, Jésus ne voulut point reconnaître ses parents, comment nous reconnaîtra-t-il si nous restons dehors, car c'est au dedans qu'est le Verbe, c'est au dedans qu'est la lumière.
La Glose
Après avoir démontré par cet exemple que le démon ne peut chasser le démon, Jésus enseigne la manière de le chasser: «Personne, dit-il, ne peut enlever les armes du fort armé, à moins qu'il ne l'ait enchaîné auparavant», etc.
Voici le sens de cette comparaison: le fort, c'est le démon; ces armes, ce sont les hommes où il fait sa demeure. À moins donc qu'on n'ait auparavant vaincu et enchaîné Satan, comment lui ravir ses armes, c'est-à-dire les infortunés qu'il possède? C'est ainsi que moi, qui lui ravis ses armes, c'est-à-dire qui délivre les hommes de la possession du démon, je commence par enchaîner et vaincre ces esprits de ténèbres et je me constitue leur ennemi. Comment donc pouvez-vous dire que je suis possédé par Béelzébub et que je suis l'ami des démons, moi qui les chasse et les mets en fuite?
Il faut entendre qu'ils n'obtiendront pas leur pardon à moins qu'ils ne se repentent et ne fassent pénitence. Lorsqu'ils se scan dalisaient des humiliations qui étaient la conséquence de l'incarnation du Christ, même sans repentir, ils étaient tant soit peu excusables et obtenaient quelque chose du pardon de leur crime.
Comme les parents du Sauveur, qui le croyaient atteints de folie, étaient venus pour s'emparer de sa personne, sa mère, conduite par son amour, vint le trouver. «Et sa mère et ses frères, dit l'Évangile, vinrent à lui».
Il ne refuse pas à sa mère ce titre glorieux, mais il montre qu'elle est digne de le porter, non-seulement parce qu'elle a enfanté le Christ, mais encore parce qu'elle est un modèle accompli de toutes les vertus.
S. Marc fait ici une
réflexion qui lui est propre, et il la fait en termes elliptiques. Il faudrait, pour que la pensée fût complète : « Il
parlait ainsi parce qu’ils disaient… » L’Évangéliste se propose donc d’indiquer brièvement le motif qui
inspirait à Jésus un langage si sévère. — Il est possédé d’un esprit impur. En proférant ces affreuses paroles,
les Pharisiens commettaient précisément, ou du moins ils couraient le risque de commettre le péché
irrémissible : c’est pourquoi le Sauveur, toujours charitable, les avertissait du grand danger dans lequel ils
étaient tombés au point de vue de leur salut.
Parce qu’ils disaient ; c’est-à-dire Jésus tint ce discours parce qu’ils disaient. Ce genre d’ellipse est commun dans le style de l’Ecriture.