Marc 4, 20

Et il y a ceux qui ont reçu la semence dans la bonne terre : ceux-là entendent la Parole, ils l’accueillent, et ils portent du fruit : trente, soixante, cent, pour un. »

Et il y a ceux qui ont reçu la semence dans la bonne terre : ceux-là entendent la Parole, ils l’accueillent, et ils portent du fruit : trente, soixante, cent, pour un. »
Saint Jean Chrysostome
Un prophète avait comparé l'enseignement donné au peuple à une vigne plantée dans un champ; Jésus-Christ le compare à une graine semée dans la terre, comme pour nous faire entendre qu'aujourd'hui la pratique de la loi est devenue plus simple et plus facile, et que les fruits ne se feront pas longtemps attendre.

Le choix qu'il fait de cet emplacement n'est pas sans raison: le Sauveur voulait ne laisser personne derrière lui, il tenait à avoir tous ses auditeurs devant les yeux.

Notre-Seigneur, par la parabole, éveille l'esprit des auditeurs et les prépare à l'intelligence d'un enseignement plus clair, en plaçant, pour ainsi-dire, les objets sous leurs yeux.

Il n'est point sorti en changeant de lieu, puisqu'il est présent dans tous les lieux et les remplit de son immensité. Cette expression signifie simplement l'économie divine, d'après laquelle, dans son Incarnation, le fils de Dieu s'est comme rapproché de nous, en se revêtant de notre chair. Nous ne pouvions aller à lui, retenus que nous étions par les liens de nos péchés; il est venu lui-même à nous; il est venu jeter la semence de son amour, qu'il a répandue avec profusion. «Celui qui sème sortit pour semer». Ne voyons pas, dans cette répétition, une redondance inutile, car le semeur sort, tantôt pour semer, tantôt pour préparer la terre à de nouvelles semail les, ou bien pour arracher les mauvaises herbes, ou enfin pour quelqu'autre travail de ce genre; mais Jésus-Christ est sorti pour semer.

Comme celui qui sème ne fait pas de distinction entre les différentes parties du champ qu'il ensemence, mais jette parto ut et indistinctement le grain qu'il sème, de même Dieu fait entendre sa parole à tous sans distinction, et c'est ce que signifient ces paroles: «Et, pendant qu'il semait, une partie de la semence tomba sur la route».

En dernier lieu vient la bonne terre. «Une autre partie de la semence tomba dans la bonne terre». La récolte varie suivant la qualité de la terre. Celui qui sème atteste sa bienveillance pour les hommes: il fait l'éloge des premiers, ne repousse pas les seconds et réserve une place plus avantageuse aux troisièmes. - théoph. Que les méchants sont nombreux, et, au contraire, qu'il en est peu qui se sauvent ! le quart seulement de la semence a produit des fruits.

Ce n'est pas au mineur qu'il faut attribuer la perte de la plus grande partie de sa semence, mais à la terre qui l'a reçue, c'est-à-dire à l'âme qui écoute la parole de Dieu. Le laboureur qui sèmerait de cette façon ne pourrait justifier sa conduite: il sait parfaitement qu'un chemin battu, un terrain pierreux, ou couvert de ronces et d'épines, ne peut devenir fertile. Il n'en est pas ainsi de la culture spirituelle: la pierre même peut y devenir fertile; le chemin peut cesser d'être foulé aux pieds des passants, et on peut en arracher les épines. S'il n'en était pas ainsi, le divin semeur n'aurait pas répandu sa semence sur ces terrains. En le faisant, il nous a donc laissé l'espérance du pardon.

C'est-à-dire, vous qui êtes dignes d'apprendre tout ce qui doit faire la matière de la prédication, vous allez connaître le sens caché de cette parabole. Pour les autres, au contraire, je me suis servi du langage parabolique, parce que leur mauvaise volonté les rend indignes de tout autre mode d'enseignement. Rebelles à la loi qui leur a été donnée, ils ne méritent pas de comprendre l'enseignement de la loi nouvelle; ils restent étrangers à l'un et à l'autre. Il oppose l'obéissance des disciples au crime de ces hommes, qui les a rendus indignes de recevoir la céleste doctrine. Il achève enfin de confondre leur malice par le témoignage du prophète, qui les a condamnés si longtemps à l'avance. «De sorte que voyant, ils voient et ne voient point, et qu'en entendant, ils ne comprennent point», paroles qui reviennent à celles-ci: «Voici l'accomplissement de cette prophétie».

Ils voient donc, et ne voient point; ils entendent et ne comprennent point. C'est à la grâce de Dieu qu'ils doivent de voir et d'entendre; mais ce qu'ils voient ils ne le comprennent point, parce qu'ils repoussent cette grâce, ils ferment leurs yeux, ils feignent de ne point voir, ils résistent à la parole sainte; ainsi, bien loin que le spectacle qu'ils ont sous les yeux et la prédication qu'ils entendent leur obtienne le changement de leur vie coupable, ils n'en deviennent au contraire que plus mauvais.

Il ne leur parlait, il est vrai, qu'en paraboles, mais il ne cessait de leur faire entendre sa parole, pour nous montrer qu'il ne refuse pas d'exposer les secrets de sa doctrine à ceux qui font quelques pas vers le bien, quand même ils ne seraient pas encore établis dans le bien. Quiconque apportera à l'étude de sa doctrine un grand respect et un coeur droit, obtiendra d'en pénétrer toute la profondeur. Mais celui qui nourrit des dispositions contraires, ne méritera ni de comprendre, ni même d'entendre les vérités accessibles au plus grand nombre.
Saint Jérôme
Les paroles et les actions du Sauveur, tout est parabole pour ceux qui sont en dehors de lui; ils ne reconnaissent sa divinité, ni dans les prodiges qu'il opère, ni dans les mystères qu'il enseigne; aussi ils ne méritent point d'obtenir la rémission de leurs péchés.

C'était un devoir pour ceux à qui il parlait en paraboles, de demander l'explication de ce qu'ils ne comprenaient point; et c'était de la bouche des Apôtres qu'ils méprisaient, qu'ils devaient apprendre les mystères du royaume de Dieu, qui leur étaient inconnus.

Il commence à enseigner sur le bord de la mer, comme pour indiquer, par la nature du lieu qu'il choisit, l'amertume et l'inconstance de ses auditeurs.

Une parabole est le rapprochement, au moyen d'une similitude, de choses distinctes par leur nature. En effet, le mot grec parabole signifie comparaison ; nous nous servons de paraboles lorsque nous exprimons, par des comparaisons, ce que nous voulons faire comprendre; c'est ainsi que nous disons d'un homme qu'il est de fer, quand nous voulons exprimer sa force ou sa résistance; nous le comparons aux oiseaux, au vent, si nous voulons faire ressortir son agilité. Le Sauveur, selon la conduite ordinaire de sa sagesse, se se rt de paraboles pour instruire le peuple, afin que ceux qui ne pourraient atteindre les choses célestes dans leur nature pussent les comprendre à l'aide d'une comparaison empruntée aux choses de la terre.

Ou bien les fruits de la terre sont représentés par ces divers nombres, trente, soixante, cent, c'est-à-dire par les époques de la loi, des prophètes et de l'Évangile.
Saint Augustin
Ou bien ce sont leurs péchés qui les ont privés du don de l'intelligence; et cependant dans un dessein de miséricorde, Dieu leur avait donné la grâce de les connaître, et d'en obtenir le pardon par une conversion sincère.
Saint Bède le Vénérable
Le récit de saint Matthieu prouve que ce discours que Jésus va prononcer sur le bord de la mer a eu lieu le même jour que celui qui précède, car cet Évangéliste, après avoir rapporté le premier discours, ajoute immédiatement: «Ce même jour, Jésus sortit de la maison et vint s'asseoir sur le bord de la mer».

Il sort de la maison, et continue ses enseignements sur le bord de la mer, pour figurer qu'il devait laisser la synagogue pour réunir la multitude des nations par le ministère de ses Apôtres: «Et une foule nombreuse se réunit autour de lui», etc.

Cette barque, dans laquelle il monte, était la figure de l'Eglise, qu'il devait bâtir au milieu des nations, et dans laquelle il devait se consacrer une demeure qui lui serait chère.

Ou bien il sortit pour semer, c'est-à-dire qu'après avoir appelé à la foi la partie de là synagogue qu'il avait prédestinée, il alla répandre les dons de sa grâce sur les Gentils, qu'il avait également appelés à croire en lui.

Ou bien, la route, c'est l'âme continuellement battue sous les pas des mauvaises pensées, qui empêchent la semence de la parole de germer en elle; aussi, tout ce qui tombe de bonne semence le long de ce chemin ne tarde pas à périr et à être enlevé par les démons. «Et les oiseaux du ciel survinrent et mangèrent la semence». Les démons sont figurés par ces oiseaux du ciel, soit à cause de leur nature spirituelle et céleste, soit parce qu'ils habitent les airs. Ou bien encore, ceux qui sont le long de la voie sont les négligents et les paresseux. «Une autre partie de la semence tomba sur un endroit pierreux». La pierre, c'est la dureté d'une âme entièrement pervertie; la terre, la douceur d'une âme obéissante; enfin, le soleil représente l'ardeur de la persécution. La profondeur de la terre qui doit recevoir ta semence divine, c'est la bonté d'une âme façonnée à l'exercice des vertus chrétiennes, et formée, par une sage règle, à obéir aux enseignements divins; les endroits pierreux, qui n'ont pas la force de fixer la racine, ce sont les âmes que le charme de la parole sainte et la suavité des espérances célestes enflamment subitement, mais qui, à l'heure de la tentation, ne savent pas résister; le désir du salut est trop faible chez elles pour faire germer la parole de vie.

Toutes les fois que nous rencontrons cet avertissement dans l'Évangile ou dans l'Apocalypse de saint Jean ( Mt 11, 5; 12, 9. 43; Mc , 7, 16; Lc 8, 8; 14, 35; Ap 2, 7. 11. 17. 19; 3, 6. 13. 22; 13, 9), nous devons comprendre qu'il y a quelque chose de mystérieux, et l'Esprit saint veut nous donner une instruction salutaire. Les oreilles pour entendre sont les oreilles intérieures de notre coeur, qui nous portent à obéir fidèlement à ce qui nous est ordonné.

Dans l'explication que le Sauveur donne lui-même de cette parabole, se trouvent comprises les diverses classes de personnes qui entendent la parole sainte, et qui cependa nt ne peuvent parvenir au salut. Il en est qui l'entendent sans foi, sans intelligence, sans même faire un effort pour en tirer quelque profit. C'est d'eux qu'il est dit: «Ceux qui se trouvent le long du chemin». A peine la parole sainte a-t-elle été déposée dans leur coeur, qu'elle en est enlevée par les esprits impurs, semblables aux oiseaux qui enlèvent la semence qui est tombée sur un chemin battu. D'autres reconnaissent l'utilité et ressentent le désir de pratiquer la parole qu'ils viennent d'entendre, leurs efforts n'aboutissent à rien, mais ils cèdent les uns à la crainte des tribulations, les autres, à l'attrait des plaisirs que promet la prospérité. Les premiers sont figurés par «ce grain qui tombe dans une terre pierreuse», et les seconds, «par la partie qui tombe au milieu des épines». Les richesses sont assimilées aux épines, parce qu'elles percent l'âme de la pointe de leurs préoccupations, et que souvent, en l'entraînant au péché, elles lui font une sanglante blessure. «Les épines, dit le Sauveur, ce sont les sollicitudes du siècle et les illusions des richesses». En effet, dès lors que l'homme s'est laissé séduire par le désir immodéré des richesses, il ne peut échapper aux soucis incessants qui le déchirent. Il ajoute: «Les autres objets de la convoitise». Car celui qui met de côté la loi du Seigneur, et laisse ses désirs s'égarer sur les objets sensibles, se ferme à lui-même le chemin de la joie et du bonheur. Ces passions étouffent la parole sainte en étant au bon désir la force de parvenir jusqu'au coeur; elles tuent l'âme en la privant du souffle destiné à entretenir la vie intérieure. Dans ces diverses classes ne sont point compris les infidèles qui ne méritent même point d'entendre la parole de Dieu.

Ou bien la terre produit trente, lorsque le prédicateur imprime dans le coeur des élus la croyance au mystère de la sainte Trinité; elle en produit soixante, lorsqu'il enseigne les principes de la vie parfaite; elle en produit cent, lorsqu'il fait le tableau des récompenses du royaume céleste; car le nombre cent est signifié par le passage de la gauche à la droite; l'enseignement qui fructifie au centuple, est donc l'image exacte de la félicité éternelle. Enfin la bonne terre, c'est la conscience des élus, dans laquelle s'accomplit le contraire de ce qui se passe dans les trois terrains précédents; elle reçoit avec joie la semence de la parole divine, et quels que soient les événements heureux ou malheureux qui l'attendent, elle conserve avec fidélité la divine semence jusqu'au temps où elle produit ses fruits.
La Glose
En leur tenant ce langage, le Sauveur déclare à ses Apôtres que c'est une obligation pour eux de comprendre et cette parabole, et toutes les paraboles suivantes. Aussi leur en donne-t-il à l'instant l'explication: «Le semeur, c'est celui qui sème la parole de Dieu».
Saint Théophylacte d'Ohrid
Les dernières paroles du Sauveur sembleraient indiquer une certaine indifférence pour sa mère; cependant, il a pour elle les plus grands égards, car c'est à sa considération qu'il se dirige sur les bords de la mer. «Et il se mit de nouveau à enseigner».

Afin de rendre ses auditeurs plus attentifs, il choisit, pour sujet de sa première parabole le semence, qui n'est autre que la parole de Dieu. Il leur disait dans sa manière d'instruire (car il n'emprunte pas la manière d'enseigner de Moïse ou des prophètes, l'enseignement qu'il donne lui est propre, c'est son Évangile): Ecoutez: «Celui qui sème sortit», etc. Et c'est Jésus Christ lui-même qui est cette semence.

Remarquez qu'il ne dit pas que celui qui sème a jeté lui-même sa semence sur la voie, mais qu'elle y est tombée, car celui qui sème la parole sainte la répand, autant qu'il dépend de lui, dans la bonne terre; mais si cette terre est mauvaise, c'est elle-même qui altère la parole qu'elle a reçue. La voie, c'est Jésus-Christ; le long de cette voie, sont les infidèles qui sont hors de Jésus-Christ.

Ou bien, les endroits pierreux figurent ces âmes trop légèrement attachées à la pierre,, c'est-à-dire à Jésus-Christ, qui ont à peine accueilli les célestes enseignements qu'elles les repoussent et se retirent. «Et une autre partie de la semence tomba au milieu des épines». Ces épines, ce sont les âmes qui se laissent habituellement préoccuper de mille soucis, dont les épines sont la figure.

Dieu les a créés avec la faculté de voir, c'est-à-dire de comprendre ce qui est bien; et cependant ils ne voient point, ils font tous leurs efforts pour persuader aux autres et se persuader à eux-mêmes qu'ils ne voient point, de peur d'être contraints de se convertir, et de travailler à se corriger, comme s'ils étaient jaloux de leur propre salut. «De peur que se convertissant, ils n'obtiennent le pardon de leurs péchés».

Ou bi en ces paroles signifient que pour les autres, le Sauveur les enseignait au moyen de paraboles, afin que voyant ils ne vissent point, et qu'entendant ils ne comprissent point. Car Dieu accorde la lumière et l'intelligence à ceux qui les demandent, mais il laisse les autres dans leur aveuglement, pour ne pas avoir à châtier plus rigoureusement des hommes qui, comprenant leurs devoirs, ont refusé de les accomplir: «De peur qu'ils ne se convertissent, et que je leur pardonne leurs péchés».

Ceux qui reçoivent la semence de la parole divine, se partagent aussi en trois classes: «Voici ceux qui sont représentés par la bonne terre». Quelques-uns rapportent cent pour un, ce sont ceux qui ont embrassé la vie de la perfection et de l'obéissance, comme les vierges et les solitaires. D'autres rapportent seulement soixante pour un, ce sont ceux qui mènent une vie ordinaire, comme ceux qui pratiquent la continence et qui vivent en communauté; enfin il en est qui ne rapportent que trente, ce sont ceux qui n'ont qu'une vertu imparfaite, et qui ne produisent de fruit que dans une mesure ordinaire, ce sont les laïques et ceux qui vivent dans l'état du mariage.
Louis-Claude Fillion
4° Enfin. La semence céleste, si malheureuse jusque-là, trouve pourtant des cœurs bien disposés, dans lesquels elle produit des fruits plus ou moins abondants, selon que le sol spirituel a été plus ou moins parfaitement préparé. Ce bon résultat fait oublier au prédicateur de l’Évangile tous ses insuccès antérieurs. « Que ni la peur des épines, ni une voie rocailleuse ou raboteuse ne nous terrifie donc pas, nous. Nous parviendrons un jour à ne semer la parole de Dieu que dans la bonne terre. Homme, reçois la parole de Dieu, que tu sois stérile ou fécond. Je répandrai moi, la semence, toi pense à la façon dont tu l’accepteras. » [249]. — Les Rabbins, comme Jésus, divisaient en quatre catégories les auditeurs de la parole céleste. Leur classification est d’une curieuse originalité : « Parmi ceux qui écoutent les sages, il en est de quatre espèces, l’éponge, l’entonnoir, le filtre et le crible. L’éponge s’empare de tout ; l’entonnoir laisse échapper par un bout ce qu’il reçoit de l’autre ; le filtre abandonne la liqueur et ne garde que la lie ; le crible rejette la paille pour ne garder que le froment ».