Marc 4, 38

Lui dormait sur le coussin à l’arrière. Les disciples le réveillent et lui disent : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? »

Lui dormait sur le coussin à l’arrière. Les disciples le réveillent et lui disent : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? »
Louis-Claude Fillion
Et lui, il dormait à la poupe… Comme S. Marc à bien noté toutes les circonstances ! S. Matthieu et S. Luc se contentent de mentionner le sommeil de Jésus ; mais, à ce fait principal, notre évangéliste a ajouté deux traits particuliers qui font revivre pour nous la scène entière. Il signale d’abord la partie de la barque où se trouvait Jésus : c’était la poupe qui est habituellement réservée aux passagers dans les bateaux de petite dimension, parce que le tangage s’y fait moins sentir. Il décrit ensuite l’attitude du divin Maître : il dormait à la poupe, sur un coussin, en grec avec l’article : le coussin qui se trouvait dans la barque. Jésus, fatigué par ses travaux de la journée, a appuyé sa tête sur un coussin, et il s’est bientôt endormi. Quel doux tableau ! Michælis l’a dépoétisé en supposant sans la moindre raison que le Sauveur s’était chargé du gouvernail, mais que le sommeil l’avait tout à coup gagné parmi ses fonctions de pilote. Jésus dormait pendant l’orage, Jonas aussi ; de là le rapprochement suivant établi par S. Jérôme, Comm, in Matth. 8, 34 : « Nous lisons le type de ce signe dans Jonas, quand il était en sécurité lorsque les autres périssaient ; quand il dormit et se releva. Et quand par le pouvoir et le mystère de sa passion, il libéra ceux qui se levaient. » [259]. Autre réflexion intéressante : « Ceci est le seul passage évangélique dans lequel nous voyons Jésus en train de dormir. Il est important de noter les circonstances dans lesquelles on le trouve faisant ou subissant quelque chose d’humain » [260]. Nous aimons à nous rappeler encore l’interprétation mystique de quelques Pères, d’après laquelle le coussin de Jésus n’est autre que le bois sacré de la croix, sur lequel il s’endormit pendant sa Passion. Satan profita de ce sommeil pour susciter une tempête terrible contre l’Église naissante ; mais Jésus s’éveilla par la Résurrection, et fit immédiatement cesser l’orage. — Ils le réveillent. Les disciples, se croyant perdus, ont recours à Celui dont ils connaissent déjà la toute-puissance. — Maître, cela ne vous préoccupe pas… Ce cri indique de la part de ceux qui le poussaient un mouvement d’impatience causé par l’imminence du péril : S. Marc seul nous l’a conservé sous cette forme caractéristique. D’après S. Matthieu, les Apôtres auraient dit : « Seigneur, sauvez-nous, nous périssons » ; d’après S. Luc, plus simplement encore : « Maître, nous périssons. ». On le voit, ce ne sont pas uniquement des variantes dans les paroles, mais de vraies divergences dans le ton, dans les sentiments. Il est probable que les trois phrases furent prononcées en même temps, chaque disciple parlant alors d’après le sentiment qui dominait en lui.