Marc 4, 40

Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? »

Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? »
Saint Jean Chrysostome
Le Seigneur prend avec lui ses disciples, pour les rendre témoins du miracle qu'il allait opérer; mais il ne reçoit aucune autre personne avec eux, pour ne pas exposer au grand jour la faiblesse de leur foi. C'est pour nous apprendre que les autres personnes étaient montées dans d'autres barques que le texte sacré ajoute: «D'autres barques accompagnaient la sienne». Pour garantir ses disciples de l'orgueil que pouvait leur inspirer le choix spécial dont ils étaient l'objet, il permet qu'ils soient exposés à un extrême danger; il veut en même temps leur apprendre à supporter courageusement les épreuves: «Et il s'éleva un vent impétueux». Afin que le miracle dont ils vont être témoins laisse dans leur âme une plus vive impression, il se livre au sommeil, pour laisser à la crainte l'occasion de s'emparer d'eux: «Et Jésus était à la poupe dormant sur un oreiller». S'il avait veillé, ou les disciples n'auraient eu aucune frayeur et n'auraient pas eu recours à lui au fort de la tempête, ou bien ils n'auraient pas cru qu'il pût faire un si grand miracle. - théoph. Il les laissa donc tomber dans cette frayeur en face du danger, pour leur faire éprouver personnellement les effets de sa puissance, eux qui l'avaient vu s'exercer en faveur des autres. Or, il dormait sur l'oreiller du navire, c'est-à-dire la tête appuyée sur une planche.

Le Sauveur nous donne ainsi une leçon d'humilité et aussi de grande sagesse. Or, ses disciples, qui l'entouraient, ne connaissaient pas encore l'étendue de sa puissance: ils croyaient sans doute qu'il pouvait, étant éveillé, commander aux vents et à la mer; mais ils étaient loin de lui supposer ce pouvoir pendant son repos et son sommeil. «Ils l'éveillent donc et lui disent: Maître, ne vous mettez-vous point en peine que nous périssions ?»
Saint Jérôme
Après ces enseignements, ils s'embarquent sur la mer, où les flots se soulèvent et les agitent. «O même jour, dit l'Évangéliste, le soir étant venu, Jésus leur dit: Passons de l'autre côté».

Dans le sens mystique, la poupe du navire, c'est le commencement de l'Eglise; le Seigneur y dort, mais seulement de corps, car «celui qui garde Israël ne dort jamais» ( Ps 120) La poupe, sous les peaux de bêtes mortes, contient des hommes vivants; elle éloigne le flots et sa force est dans le bois; c'est l'Eglise, qui est sauvée par la croix et la mort du Sauveur. L'oreiller, c'est le corps du Seigneur, sur lequel la divinité, figurée par la tête, a bien voulu se reposer. Les vents déchaînés, la mer furieuse, ce sont les démons et les persécuteurs; le Sauveur leur impose silence, lorsqu'il lui plaît de frapper d'impuissance les décrets injustes des rois de la terre. Enfin le calme profond qui succède à la tempête, c'est la paix rendue à l'Eglise après la persécution, ou bien, c'est le repos de la vie contemplative, qui succède au mouvement de la vie active.
Saint Rémi
Nous voyons dans lus saints Évangiles que Jésus avait trois lieux de refuge; la barque, la montagne et le désert. Toutes les fois qu'il était pressé par la foule, il se réfugiait dans l'une de ces retraites. Ici, le Seigneur se voyant entouré d'une grande multitude de peuple, et voulant (comme homme) se dérober à leur importunité, il ordonna à ses disciples de passer à l'autre bord.
Saint Bède le Vénérable
Ou bien, la barque dans laquelle monte le Sauveur, c'est l'arbre de la croix, qui est la voie par laquelle les fidèles abordent à la demeure de la patrie céleste, comme dans un port assuré et inaccessible à la tempête. Les barques qui accompagnent celle du Sauveur sont la figure des âmes qui, comme imprégnées de la foi dans la croix de Jésus-Christ, sont à l'abri des tempêtes des tribulations, ou bien abordent enfin au séjour de la paix, après avoir subi la tourmente des épreuves. C'est pendant que les disciples naviguent sur la mer que le Sauveur se livre au sommeil; ainsi verront-ils un jour arriver la passion de leur divin Maître, au moment même où ils méditeront sur le repos de son royaume futur. C'est le soir que ce fait eu lieu, parce que le coucher du véritable soleil devait être figuré, non-seulement par le sommeil du Seigneur, mais encore par l'heure même où l'astre du jour se dérobe à nos regards. Lorsque le Sauveur monte sur la poupe de la croix, il voit se soulever autour de lui les flots des blasphèmes de ses persécuteurs, excités par une tempête qui vient de l'enfer, tempête qui ne peut troubler sa patience, mais qui ébranle la faiblesse de ses disciples. Leur empressement à éveiller leur Maître figure le désir ardent qu'ils ont eu de le voir ressusciter, après l'avoir vu mourir. Jésus s'éveillant, commande en maître aux vents irrités, et il ordonne à la mer de faire silence; ainsi, par la gloire de sa résurrection, il écrase l'orgueil du démon, et anéantit la race des Juifs. Il adresse des reproches à ses disciples, comme, après sa résurrection, il leur reproche leur incrédulité. Nous aussi, lorsque, marqués du signe de la croix, nous nous préparons à quitter cette terre, nous entrons dans la barque avec Jésus, nous nous efforçons du traverser la mer. Mais, dans le cours de la traversée, il s'endort au milieu des frémissements de l'abîme; c'est la flamme de l'amour, qui, malgré nos efforts pour pratiquer la vertu, s'affaiblit et devient languissante, au milieu de la lutte contre les esprits impurs, ou contre les hommes méchants, ou contre le tourbillon de nos propres pensées. Cependant, au milieu de ces bouleversements intérieurs, ayons soin d'éveiller notre Sauveur, et, à l'instant, sa voix calmera la tempête, rendra à notre ame sa tranquillité, et nous ouvrira le port bienheureux du salut.
La Glose
L'agitation des flots produit un bruit qui est comme la voix de la mer annonçant un danger. C'est donc avec raison que le Sauveur, dans un langage métaphorique, pour ramener le calme, ordonne à la mer de se taire; de même, pour réprimer la violence des vents qui bouleversent la mer, il leur fait comme des menaces, suivant l'expression de l'Évangéliste. C'est ainsi que les dépositaires de l'autorité, par la menace des châtiments, imposent un frein aux perturbateurs de la tranquillité publique. Le Sauveur agit donc ici comme un so uverain qui fait usage de menaces contre des sujets turbulents, et qui, par de sages édits, met un terme aux murmures des rebelles. Roi de toutes les créatures, il enchaîne, par sa parole menaçante la violence des vents, et contraint la mer de rentrer dans le silence. Ses paroles sont aussitôt suivies de leur effet: «Et le veut cessa (sur la menace qui lui était faite), et il se fit un grand calme».
Saint Théophylacte d'Ohrid
Et le Sauveur s'éveillant, parla en maître, d'abord au vent qui soulevait cette tempête et agitait les flots: «Et, se levant, il parla au vent avec menaces»; puis à la mer: «Et il dit à la mer: Tais-toi et calme ta fureur».

Il réprimande ensuite ses disciples sur leur peu de foi: «Pourquoi êtes-vous effrayés, leur dit-il, vous n'avez donc pas encore la foi ?» Et, en effet, s'ils avaient eu vraiment la foi, ils auraient été persuadés qu'il pouvait les sauver, même pendant son sommeil. Ils furent donc saisis d'une grande crainte, et ils se dirent l'un à l'antre: «Qui est donc ?» etc. Ces paroles indiquent le doute où ils étaient à son sujet. Ce n'est point à l'aide d'une verge mystérieuse qu'il avait apaisé la mer, comme avait fait Moïse ( Ex 14); ce n'est point par la prière, comme Elisée se frayant un chemin à travers le Jourdain (); ce n'est point au moyen de l'Arche, comme Josué ( Jos 3), c'est par une seule parole. Aussi, à ce signe, les disciples reconnaissent en lui une puissance divine, mais le sommeil auquel il s'abandonne ne leur fait voir en lui qu'un homme.
Louis-Claude Fillion
Les disciples méritaient aussi des reproches : Jésus les leur adresse pour leur instruction — N’avez-vous pas encore la foi ? La Recepta porte : Comment n’avez-vous pas la foi ? Mais les manuscrits B, D, L, Sinait., ont la variante « pas encore », que les versions copte et italique ont lue de même que la Vulgate. « Si les disciples avaient eu la foi, ils auraient été persuadés que Jésus pouvait les protéger, quoique endormi ». Théophylacte. — Et ils furent saisis d’une grande crainte… Dans le texte grec, ces mots commencent un nouveau verset, qui est le 41e du chapitre 4. — La crainte envahit une seconde fois l’âme des Apôtres, mais c’est une crainte d’un autre genre : précédemment, v. 38, ils avaient eu peur de l’orage qui menaçait de les engloutir ; maintenant, le miracle si éclatant de Jésus les remplit d’un effroi surnaturel et, se faisant part de leurs impressions, ils se demandent les uns aux autres : Quel est donc celui-ci… Précédemment, Marc 1, 27, après la guérison d’un démoniaque, les assistants s’étaient écriés : « Qu’est-ce que ceci ? ». Aujourd’hui, l’attention est plutôt dirigée sur la personne même de Jésus : Que doit être celui qui opère de tels prodiges ? — Tertullien, adv. Marc 4, 20, rapproche ce miracle de plusieurs passages prophétiques : « Quand Jésus traverse, le psaume trouve son accomplissement : Le Seigneur, dit-il, est sur les grandes eaux. Quand il calme les eaux de la mer, se réalise ce qu’avait dit Habacuc : dispersant les eaux sur son chemin (Hab 3, 15). Quand la mer en vient aux menaces, c’est Nahum qui se voit approuvé : menaçant la mer, dit-il, et l’asséchant Nah 1, 4). Et aussi quand il était incommodé par les vents » [261].