Marc 5, 20

Alors l’homme s’en alla, il se mit à proclamer dans la région de la Décapole ce que Jésus avait fait pour lui, et tout le monde était dans l’admiration.

Alors l’homme s’en alla, il se mit à proclamer dans la région de la Décapole ce que Jésus avait fait pour lui, et tout le monde était dans l’admiration.
Saint Grégoire de Nysse
Cependant, la troupe des démons s'était préparée à résister à la puissance divine. Lorsqu'ils voient s'approcher celui dont le pouvoir s'étend sur tout ce qui existe, ils proclament hautement la grandeur de sa puissance: «Voyant de loin Jésus, il accourut et l'adora, et, jetant un grand cri, il dit: Qu'y a-t-il de commun entre vous et moi, Fils du Dieu très -haut ?»
Saint Jean Chrysostome
Le Sauveur qui défendait à tous ceux qu'il guérissait de publier leur guérison, commande avec raison à cet homme de raconter la sienne, parce que toute cette contrée en proie aux démons était privée, et de la connaissance et du culte du vrai Dieu.

Cependant, les exemplaires les plus authentiques ne portent ni Géraséniens, ni Gadaréniens, mais Gergéséniens. Gérasa est une ville de Judée, aux environs de laquelle il n'y a point de mer; Gadara est une ville d'Arabie, près de laquelle également on ne trouve ni lac ni mer. Ce qui justifie donc d'une erreur flagrante les Évangélistes qui connaissaient parfaitement la Judée, c'est que Gergésa, d'où vient le nom de Gergéséniens, est une ville très-ancienne, située non loin de celle qui est appelée aujourd'hui Tibériade, auprès de laquelle se trouve le plus grand lac de Judée.

Ou bien, peut-être saint Luc et saint Marc se sont-ils attachés à celui des deux qui était le plus malheureux, et dont ils dépeignent plus en détail le déplorable état. «Et personne ne pouvait le tenir lié, même avec des chaînes». Ces deux Évangélistes parlent donc d'un possédé, sans s'occuper du nombre. Peut-être ont-ils voulu par là faire ressortir davantage la puissance de celui qui devait le délivrer, car il est évident que celui qui pouvait guérir un tel possédé pouvait en guérir beaucoup d'autres. D'ailleurs, il n'y a ici aucune contradiction, puisque les deux Evangelistes ne disent pas que ce possédé était seul, ce qui les aurait mis en contradiction avec saint Matthieu. Or, ces démons habitaient dans les tombeaux, pour insinuer plus facilement aux hommes cette pernicieuse doctrine que les âmes des morts deviennent des démons.

Il a recours ensuite aux supplications: «Je vous adjure, au nom de Dieu, ne me tourmentez pas». Ou bien, il considérait comme un supplice d'être chassé du corps de ce possédé, un la présence de Jésus le tourmentait d'une manière invisible. Malgré toute leur perversité, les démons savent cependant qu'un supplice les attend un jour en punition de leurs péchés; mais ils savaient aussi, à n'en pouvoir douter, que le temps du dernier châtiment n'était pas encore venu, puisqu'il leur était permis encore de vivre au milieu des hommes. Mais, comme d'un autre côté Jésus-Christ les avait surpris se livrant à des actes d'une méchanceté inouïe, ils pouvaient penser que l'excès de leur malice hâterait le temps de leur supplice, et c'est pour cela qu'ils le conjurent de ne point les tourmenter.

S'il l'avait dit lui-même, on ont peut-être refusé de le croire, il veut donc, forcer les démons eux-mêmes de déclarer qu'ils sont en grand nombre: «Et il lui dit: Mon nom est légion, parce que nous sommes nombreux». Le démon ne précise pas le nombre, il se contente de dire qu'ils sont plusieurs; car la connaissance du nombre précis n'était pas nécessaire.

«Et ils le priaient instamment de ne pas les chasser hors de ce pays». Saint Luc dit: «Dans l'abîme»; car l'abîme est cette profondeur qui s'étend au delà de ce monde, et c'est dans ces ténèbres extérieures, préparées à Satan et à ses anges, que les démons ont mérité d'être précipités. Notre-Seigneur aurait pu leur infliger ce supplice, il leur permit cependant de rester sur la terre, pour donner aux hommes, par leurs tentations, une occasion de victoires et de triomphes.

Il voulait aussi donner à tous les hommes une preuve de la fureur des démons contre eux, et des excès de méchanceté auxquels ils se porteraient, s'ils n'en étaient empêchés par la puissance divine; et comme sa bonté ne pouvait souffrir que les hommes fussent les victimes de leur malice, il leur permet d'entrer dans des pourceaux, pour faire éclater en eux toute leur force et leur fureur.
Saint Jérôme
Cet homme, après sa guérison, évangélise dans la Décapole; et c'est ainsi que les Juifs, attachés à la lettre du Décalogue, sont aujourd'hui convertis par les prédicateurs qui partent de l'empire romain.

Ce possédé du démon représente l'état désespéré des Gentils qui n'étaient retenus ni par la loi naturelle, ni par la crainte de Dieu ou des hommes.

Ou bien ils sont étouffés dans les enfers par la violence d'une mort prématurée, sans qu'ils puissent avoir recours à la miséricorde, et ce châtiment inspire à un grand nombre un éloignement salutaire, parce que la vue des châtiments de l'insensé rende le sage plus prudent.
Tite de Bostra
Les gardiens des pourceaux s'enfuirent, pour éviter dépérir avec eux, et pour aller jeter l'alarme dans les cités voisines: «Ceux qui gardaient les troupeaux, s'enfuirent». Le dommage qu'ils venaient d'éprouver les amène au Sauveur, c'est ainsi que souvent Dieu répand ses bienfaits dans les âmes, alors qu'il les éprouve par la perte de leurs biens temporels: «Et ils vinrent trouver Jésus, et ils virent celui qui avait été tourmenté par le démon, assis», etc., c'est-à-dire qu'ils virent calme, tranquille, et vêtu aux pieds de son Sauveur celui que les chaînes ne pouvaient comprimer et qui ne pouvait souffrir aucun vêtement. «Et ils furent remplis de crainte». Ils apprennent toutes les circonstances de ce miracle, et par ce qu'ils voient, de leurs yeux, et par eu qu'ils entendent raconter: «Et ceux qui avaient été témoins du prodige, leur ayant rapporté, etc».
Saint Augustin
Saint Matthieu rapporte qu'ils étaient deux possédés; saint Marc et saint Luc ne parlent que d'un seul; il faut donc entendre que l'un d'eux était un homme plus considérable et plus connu, dont tout le pays plaignait le triste sort.

«Or, il y avait là un grand troupeau de pourceaux qui paissaient le long de la montagne». Saint Marc dit que ce troupeau paissait autour de la montagne; saint Luc, qu'il était sur la montagne; il n'y a en cela aucune contradiction, car ce troupeau pouvait être assez nombreux pour qu'une partie fut sur la montagne, et l'autre partie sur le penchant de la montagne.
Saint Cyrille d'Alexandrie
Voyez le démon, partagé entre deux sentiments: l'audace et la crainte. Il résiste et prie tout à la fois; il semble adresser au Sauveur une question, pour savoir ce qu'il y a de commun entre Jésus et lui, dont voici le sens: Pourquoi me chassez-vous du corps des hommes, puisqu'ils sont à moi?

Considérez l'invincible puissance de Jésus-Christ: il secoue et fait trembler Satan, et ses paroles sont pour lui comme le feu et la flamme, selon cette parole du Psalmiste: «Lés montagnes, c'est-à-dire les puissances orgueilleuses et superbes, se sont fondues comme de la cire devant la face du Seigneur» ( Ps 96).
Saint Rémi
Ce n'est pas d'eux-mêmes qu'ils entrent dans ces pourceaux, mais sur la permission que le Sauveur leur accorde à leur demande; il veut nous apprendre par là que les démons ne peuvent jamais nuire aux hommes sans une permission divine. Ils ne demandent point d'être envoyés dans des hommes, parce que celui dont la puissance les tourmentait, leur apparaissait revêtu d'une forme humaine. Ils ne demandent pas non plus d'être envoyés dans des troupeaux de boeufs ou de moutons, parce que c'étaient des animaux purs destinés à être offerts à Dieu dans son temple; mais ils demandent d'être envoyés dans des pourceaux, car il n'est point d'animal plus immonde que le pourceau, et les démons ne se plaisent eux-mêmes que dans ce qui est immonde.
Saint Grégoire le Grand
Lorsque nous avons reçu une faible partie seulement de la connaissance divine, nous éprouvons du dégoût pour revenir aux choses de ce monde, et nous cherchons le repos de la contemplation, mais l'ordre de Dieu est que nous ne parvenions aux douceurs de la contemplation que par les fatigues et les sueurs de l'action.
Saint Bède le Vénérable
Peut-être aussi la connaissance qu'ils ont de leur faiblesse fait qu'ils se jugent indignes de cette divine présence.

Dans le sens mystique, Géraza ou Gergeza, comme disent quelques-uns, signifie qui renvoie l'habitant ou l'étranger qui approche, parce qu'en effet le peuple des Gentils a chassé l'ennemi de son coeur, et que celui qui était éloigné s'est approché ( Ep 2, 13).

Notre-Seigneur leur accorde cette permission pour que la mort de ces pourceaux devînt une occasion de salut pour les hommes.

théoph. La question que s'étaient faite ceux qui étaient dans la barque: «Que pensez-vous que soit celui-ci ?» reçoit une éclatante réponse de la bouche même des ennemis du Sauveur. C'est un possédé du démon qui proclame qu'il est le Fils de Dieu, et l'Évangéliste commence en ces termes le récit de ce fait extraordinaire: «Et ils vinrent de l'autre côté de la mer dans le pays des Géraséniens».

Gérasa est une ville importante d'Arabie, située au delà du Jourdain, près de la montagne de Galaad, elle fut habitée par la tribu de Manassé, et n'est pas éloignée du lac de Tibériade dans lequel les pourceaux se précipitèrent.

Quelle n'est pas l'impiété des Juifs d'oser dire que c'est par le prince des démons que Jésus chasse les démons, alors que les démons confessent qu'il n'a rien de commun avec eux.

C'est en effet un grand tourment pour le démon de ne pouvoir plus continuer de faire du mal à l'homme, et il y renonce d'autant plus difficilement qu'il en est le maître depuis plus longtemps.

L'aveu public du mal affreux qui tourmentait ce possédé, rend plus précieuse et plus chère la puissance de celui qui devait le guérir. Aujourd'hui encore, les prêtres qui ont le pouvoir de chasser les démons par la grâce des exorcismes, avouent que les possédés ne peuvent être délivrés et guéris, qu'en confessant publiquement autant qu'ils peuvent le savoir, tout ce qu'ils ont à souffrir des esprits impurs par les divers sens de la vue, de l'ouïe, du goût, du toucher ou dans toute autre partie du corps.

Il habitait dans les tombeaux, c'est-à-dire qu'il se plaisait dans les oeuvres mortes qui sont les péchés. La nuit comme le jour, il était en fureur, figure du peuple des Gentils, qui dans la prospérité comme dans l'infortune, ne cessait d'être asservi sous le joug des esprits mauvais, habitait dans les tombeaux par la corruption de ses oeuvres, errait dans les montagnes par les excès de son orgueil, et se déchirait comme avec des pierres par les blasphèmes d'un coeur endurci par l'incrédulité. Le démon répond: «Légion est mon nom», parce que le peuple des Gentils était livré à diverses sortes d'idolâtrie. Ces esprits immondes, en sortant de cet homme, entrent dans les pourceaux et les précipitent dans la mer; c'est ainsi qu'après que le peuple des Gentils est délivré de la tyrannie des démons; ceux qui ont refusé de croire à Jésus-Christ sont condamnés à célébrer dans des retraites profondes leurs rites sacrilèges.

Le refus que fait Notre-Seigneur d'admettre à sa suite cet homme qui lui en faisait la demande, nous apprend qu'après avoir obtenu la rémission des péchés, chacun de nous doit entrer dans sa conscience purifiée par la grâce et se dévouer au service de l'Évangile pour le salut des autres, en attendant le repos éternel avec Jésus-Christ.
Saint Théophylacte d'Ohrid
Il exécute l'ordre du Seigneur, et tous ceux qui l'entendent, sont dans l'admiration: «Et cet homme s'en étant allé, commença à publier, dans la Décapole les grandes grâces que Jésus lui avait faites».

Il voulait aussi que nos fréquentes luttes avec eux, nous rendissent plus habiles dans l'exercice du combat.

Le récit de ce miracle, les remplit d'étonnement et de frayeur, et ils conjurent Jésus de s'éloigner de leurs frontières, dans la crainte d'avoir quelque dommage semblable à souffrir. Ainsi le regret que leur inspire la perte de ces pourceaux leur fait renoncer aux bienfaits de la présence du Sauveur.

«Et il lui demanda: Quel est ton nom ?» Si Notre-Seigneur fait cette question, ce n'est pas qu'il en eût besoin pour le connaître, mais pour apprendre à tous ceux qui étaient présents le grand nombre de démons qui étaient dans cet homme.

Il craignait que les démons, venant à le rencontrer, ne s'emparassent de lui de nouveau. - Mais le Seigneur le renvoie dans sa maison en lui faisant comprendre que bien qu'absent, il le défendrait par sa puissance; il veut aussi que sa guérison miraculeuse serve au salut des autres: «Jésus ne voulut pas y consentir, mais il lui dit: Allez dans votre maison auprès des vôtres, et annoncez-leur les grandes grâces que vous avez reçues du Seigneur, et comment il a eu pitié de vous». Voyez l'humilité du Sauveur; il ne dit pas: Racontez toutes les grâces que je vous ai faites, mais toutes les grâces que le Seigneur vous a faites; c'est ainsi qu'il vous apprend à ne point rapporter à vous-mêmes, mais à Dieu seul le bien que vous pouvez faire.

Ou bien c'est la figure des démons entrant dans les hommes dont la vie ressemble à celle des pourceaux, et qui se vautrent dans le bourbier de toutes les voluptés; les démons les précipitent dans l'océan de ce monde comme dans l'abîme de la perdition où ils sont étouffés et perdent la vie.
Louis-Claude Fillion
Et il s’en alla, et se mit à proclamer... Avec quel zèle ne dût-il pas s’acquitter de cette noble fonction ! Il parcourut tout le territoire de la Décapole, racontant les merveilles qui avaient été accomplies en lui. — Tout ce que Jésus avait fait pour lui. Au verset précédent, selon la juste remarque d’Euthymius, Jésus avait dit : « annonce-leur tout ce que le Seigneur a fait pour toi », rapportant ainsi par modestie toute la gloire du miracle à son Père ; mais, dans sa reconnaissance, l’ancien démoniaque mentionne l’auteur immédiat de sa guérison : il attribue directement le prodige à Jésus. — Tous étaient dans l’admiration. Tout porte à croire que l’Évangéliste ne veut pas seulement parler d’une admiration stérile : dans beaucoup de ces cœurs sans doute l’étonnement fit place à la foi et à de sincères conversions. — Voir d’anciennes et naïves représentations artistiques de ce miracle [273].
Fulcran Vigouroux
Les villes de la Décapole étaient une confédération de dix cités, ensuite leur nombre s’accrut. Elles étaient habitées par des païens et avaient peu d’Hébreux.