Marc 6, 52
car ils n’avaient rien compris au sujet des pains : leur cœur était endurci.
car ils n’avaient rien compris au sujet des pains : leur cœur était endurci.
Il faut entendre ces paroles de Jésus-Christ en tant qu'il est homme, et il agit de la sorte pour nous enseigner l'assiduité dans la prière.
Notre-Seigneur renvoie le peuple après l'avoir comblé de bénédictions et guéri ses malades; mais il est obligé de forcer ses disciples, selon l'expression de l'Évangéliste, de traverser la mer, parce qu'ils ne se séparaient que difficilement de sa personne, tant à cause du vif attachement qu'ils avaient pour lui que parce qu'ils étaient en peine comment ils pourraient le rejoindre.
L'Ecriture, suivant l'usage des anciens, divise la nuit en quatre veilles, et chaque veille en trois heures; ainsi, la quatrième veille est celle qui commence après la neuvième heure, c'est-à-dire à la dixième ou à la dernière.
Et en effet, ils le reconnurent aussitôt à sa voix, et ils cessèrent de craindre.
Ou bien la première veille est le temps qui s'est écoulé jusqu'au déluge; la seconde s'étend jusqu'à Moïse; la troisième, jusqu'à l'avènement du Sauveur; c'est dans la quatrième veille que le Seigneur arrive et adresse la parole à ses disciples.
Jésus dit à ses disciples: «Ayez confiance, c'est moi, ne craignez point», parce qu'un jour nous le verrons tel qu'il est. Le vent tombe et la tempête s'apaise aussitôt que Jésus s'est assis; c'est-à-dire aussitôt qu'il exerce l'autorité de roi dans la barque qui est la figure de l'Eglise universelle.
Les paroles suivantes: «Et tous ceux qui le touchaient étaient sauvés», s'accompliront quand il n'y aura plus ni gémissements ni douleur ( Is 35,10 ).
Les Apôtres ne purent comprendre que Jésus voulait les devancer que parce qu'il se dirigeait en sens contraire. Il voulait les dépasser comme des hommes qui lui étaient étrangers, et qui le reconnaissaient si peu qu'ils le prenaient pour un fantôme: «Mais eu x le voyant marcher sur la mer, crurent que c'était un fantôme», etc.
On ne peut expliquer que Notre-Seigneur voulut dépasser ses disciples dont il dissipe si pleinement l'épouvante, qu'en admettant que son intention n'avait d'autre but en les dépassant que de leur faire pousser ce cri qu'il attendait pour venir à leur secours.
On se demande avec raison comment après le miracle de la multiplication des pains, saint Marc a pu dire que les disciples traversèrent la mer pour se rendre à Bethsaïde, tandis que selon saint Luc, c'est à Bethsaïde même qu'aurait eu lieu ce miracle. Cette apparente contradiction disparaît en admettant que saint Luc, par ces paroles: «Il se retira dans un lieu désert, qui est Bethsaïde», a voulu désigner, non l'intérieur de la ville qui porte ce nom, mais un lieu désert situé près de cette ville, tandis que saint Marc, en disant: «Pour le précéder à Bethsaïde», a voulu parler de la ville elle-même de Bethsaïde.
Tous ceux qui prient ne montent pas sur la montagne; il n'y a que ceux qui prient convenablement, et qui cherchent Dieu dans la prière. Mais celui qui ose demander à Dieu les richesses de la terre, les honneurs du siècle ou la mort de son ennemi reste plongé dans les choses basses et n'offre à Dieu que de viles et misérables prières. Saint Jean nous fait connaître le motif pour lequel Notre-Seigneur se retira sur une montagne pour prier, après avoir congédié le peuple: «Jésus, ayant connu qu'ils devaient venir pour l'enlever et le faire roi, il s'enfuit de nouveau sur la montagne tout seul».
Un certain Théodore, qui fut autrefois évêque de Pharan, soutint que Notre-Seigneur avait eu un corps sans pesanteur, ce qui explique comment il avait pu marcher sur la mer: mais la foi catholique enseigne que la chair du Sauveur était soumise aux lois de la pesanteur, car, dit saint Denis ( Des noms div., 2), nous ne savons comment le Sauveur, avec des pieds qui avaient leur pesanteur naturelle et qui soutenaient tout le poids du corps, a pu marcher sans enfoncer sur la mer, élément liquide et sans consistance.
La grandeur de ces miracles étonnait les disciples qui étaient encore charnels; mais ils ne pouvaient encore reconnaître dans le Sauveur la vérité de la majesté divine: «Parce que leur coeur était aveuglé».
Dans le sens allégorique, le travail des disciples qui se fatiguent à ramer et le vent qui est contraire, sont une figure des travaux de la sainte Eglise, qui malgré les flots soulevés du monde et les tempêtes déchaînées par les esprits impurs, s'efforce de parvenir au repos de la patrie céleste. Ce n'est point sans raison que cette barque nous est représentée au milieu de la mer, tandis que Jésus est seul sur le rivage, parce que l'Eglise, quelquefois, est tellement accablée par les persécutions des infidèles, que le divin Rédempteur paraît l'avoir complètement abandonnée. Mais le Seigneur ne perd pas de vue ses serviteurs qui luttent contre les flots soulevés; il les fortifie d'un regard de sa miséricorde pour qu'ils ne succombent pas sous le poids de leurs tribulations, et quelquefois même il les délivre d'une manière éclatante. Il vient à leur secours à la quatrième veille, et lorsque le jour approche, parce qu'en effet, lorsque l'homme ouvre les yeux de son âme à la lumière du secours qui vient d'en haut, le Seigneur vient lui-même eu personne, et tous les dangers des tentations sont assoupis.
Souvent la bonté divine paraît avoir abandonné les fidèles au milieu des tribulations, et il semble encore que Jésus veuille passer outre sans jeter un regard sur ses disciples qui luttent contre la fureur de la nier. Il est encore aussi des hérétiques qui pensent que le Sauveur eut un corps sans réalité, et qu'il n'a point pris une chair véritable dans le sein de la Vierge Marie.
De même encore, aussitôt qu'il entre dans un coeur par la grâce du divin amour il apaise et fait cesser aussitôt toutes les guerres soulevées par les passions, par le monde et les esprits mauvais.
Ils le connurent, non de visage, mais de réputation, peut-être aussi plusieurs d'entre eux le connaissaient de vue à cause de l'éclat de ses miracles. Voyez quelle est la foi de ces habitants de Génésareth: il ne leur suffit pas que Jésus guérisse les malades qui sont au milieu d'eux; ils faut parcourir toutes les villes des environs pour les inviter à venir trouver le médecin: «Et parcourant toute la contrée, ils lui apportèrent les malades dans des lits».
Dans le sens allégorique, la frange du vêtement du Sauveur représente le moindre de ses commandements; quiconque le transgressera sera le moindre dans le royaume des cieux. Ou bien encore, elle peut représenter la chair qu'a prise le Fils de Dieu, qui nous conduit jusqu'au Verbe de Dieu et nous fait ensui te entrer en jouissance de sa majesté.
La Glose
Dans le miracle de la multiplication des pains, Notre-Seigneur avait montré qu'il était le créateur de toutes choses; en marchant sur la mer, il fait voir que s on corps est affranchi du poids accablant de nos péchés, et, en apaisant les vents et en calmant la fureur des flots soulevés, il prouve qu'il est le souverain Maître des éléments: «Et aussitôt, il fît monter ses disciples», etc.
L'Évangéliste, après avoir raconté le danger qu'avaient couru les disciples au milieu de la mer et le miracle qui les en avait délivré, nous fait connaître le lieu où ils vinrent aborder: «Après avoir traversé le lac, ils vinrent au territoire de Génésareth».
Après avoir renvoyé la foule, il monte sur une montagne pour y prier, car la prière réclame le silence et le repos.
Notre-Seigneur permit que ses disciples fussent exposés au danger pour leur donner lieu de pratiquer la patience. Aussi ne vient-il pas immédiatement à leur secours, mais il permet que le danger dure toute la nuit, pour leur apprendre à attendre avec patience et à ne pas compter que le secours leur viendrait aussitôt au milieu de leurs tribulations: «Et voyant ses disciples qui se fatiguaient à ramer», etc.
Remarquez que c'est au moment même où le Sauveur devait calmer leur effroi, qu'il leur inspire une crainte plus vive; mais il les rassure aussitôt en lui adressant la parole: «Aussitôt il leur parla, et leur dit: Rassurez-vous, c'est moi, ne craignez pas».
Mais à peine est-il entré dans la barque qu'il apaise la tempête: «Et il monta avec eux dans la barque, et le vent cessa». C'était déjà un grand miracle que de marcher sur la mer, mais la tempête et le vent contraire rendent encore ce miracle plus éclatant. Aussi les Apôtres, que le miracle de la multiplication des pains n'avait pas suffisamment convaincus de la puissance de Jésus-Christ, la comprennent mieux en voyant la tempête miraculeusement apaisée: «Et leur étonnement en devint plus grand, car ils n'avaient pas compris le miracle des pains».
Ce fut après un assez long espace de temps que le Seigneur aborda dans ce lieu, ce qui explique ces paroles de l'Évangéliste: «Et dès qu'ils furent sortis de la barque, les habitants de ce pays le reconnurent».
Ils ne le priaient point d'entrer dans les maisons pour guérir les malades; ils préféraient les apporter devant lui. «Et partout où il entrait, dans les bourgs, dans les villages ou dans les villes, ils mettaient les malades sur les places publiques», etc. Le miracle que le Sauveur avait opéré en faveur de l'hémorrhoïsse était parvenu à la connaissance d'un grand nombre, et leur inspirait cette loi qui était la cause de leur guérison: «Et tous ceux qui le touchaient étaient guéris».
Car… Parce que… Les deux conjonctions que nous rencontrons coup sur coup dans ce verset,
montrent que l’Évangéliste se propose d’expliquer pourquoi les disciples, habitués cependant à tant de
miracles, avaient été si frappés de ceux qu’ils avaient vus en dernier lieu. C’est là une note spéciale à S.
Marc : elle nous ouvre un horizon des plus instructif non toutefois des plus consolants, sur l’état moral du
collège apostolique à cette époque de la vie de Jésus. — Ils n’avaient pas compris. Ils n’avaient donc pas
compris le premier des trois prodiges récemment opérés par leur Maître. L’Évangéliste semble vouloir
insinuer que leur peu d’intelligence sur ce point provenait du défaut de réflexion. S’ils eussent réfléchi, il
leur eût été aisé de comprendre que rien n’était impossible à Notre-Seigneur, et aucun miracle ne les aurait
étonnés de sa part. — Leur cœur était aveuglé… Stupéfaits parce qu’ils n’ont pas compris, ils n’ont pas
compris parce qu’ils ont un cœur lent à percevoir, « endurci ». Tel est en effet le sens du participe traduit ici
par aveuglé. Ce sont d’ailleurs deux images également exactes. Saint Paul ne parle-t-il pas, Ep 1, 18, des
« yeux illuminés du cœur » ?